mardi 31 décembre 2019

En ces jours qui sont les derniers (He 1,2)

ἐπ᾽ ἐσχάτου τῶν ἡμερῶν τούτων
ep’ eschatou tôn hèmerôn toutôn

Chers amis,
L’autre vendredi, je suis allé déjeuner à l’École biblique. Ils n’avaient pas pu m’inviter le jour de la Saint-Étienne car ils avaient déjà beaucoup d’invités. J’ai déjeuné avec le directeur et les trois jeunes cyclistes qui avaient participé à ma messe de la nuit de Noël au Champ des Bergers. En discutant avec l’un d’entre eux, j’ai réalisé que je l’ai connu tout petit à la paroisse de Saint-Didier lorsque j’y allais le dimanche comme séminariste en 2001-2002… Son grand frère Augustin servait la messe. Voilà qui nous rajeunit !
Après le repas j’ai retrouvé Rémi à la gare routière de l’École biblique. La veille au soir sur un coup de tête, nous avions décidé d’aller – un vieux projet exhumé – voir Sébaste. Nous avons pris le bus vers Ramallah puis un taxi vers Sébaste (on peut y aller pour moins cher avec un bus jusqu’à Naplouse puis un taxi mais il faut la patience…)
À Sébaste, nous rencontrons Abu Yasser qui tient (manage) la guest house Al Kayed. Comme nous sommes français, il nous demande si nous connaissons Jean-Claude. Jean-Claude ? Oui, il vient ici souvent comme volontaire. Vu le prénom, il y a peu de chances qu’il soit de nos générations à Rémi et moi. Puis il nous parle un moment des Neturei Karta, un groupe juif ultra-orthodoxe anti-sioniste et pro-palestinien (il leur arrive de brûler le drapeau israélien et de porter en écharpe un drapeau palestinien) et aussi de Gideon Levy, journaliste israélien du quotidien de gauche Haaretz. Enfin, il a consenti à nous donner notre chambre (cela faisait un bon moment que j’avais une envie d’aller m’isoler…)
Avant la tombée du jour, nous sommes allés faire un tour sur le vieux forum romain de Sébaste. Tout était plus ou moins fermé et nous n’avons pas dû voir une seule femme ou fille pendant notre passage dans le village : sans doute, sont-elles en sucre et craignent-elles la pluie ? Puis passage à la cathédrale de Sébaste construite par les Croisés en l’honneur du martyre de saint Jean-Baptiste qu’une antique tradition chrétienne situait à cet endroit. En fait, c’est peu vraisemblable puisque Flavius Josèphe situe cet événement à Machéronte et que Sébaste n’était pas dans le territoire d’Hérode Antipas. On suppose que la tradition du martyre sébastéen du Baptiste repose sur une mauvaise compréhension de l’histoire d’Hérode qui fit exécuter deux de ses fils dans cette ville qu’il avait refondée quelques années plus tôt en l’honneur de l’empereur Auguste (Augustus = Σεβαστός en grec = Sébastos). La cathédrale croisée fut ensuite transformée en mosquée censée conserver le crâne de saint Jean-Baptiste (tout comme la Mosquée des Omeyyades de Damas, la cathédrale d’Amiens ou San Silvestro in Capite à Rome…) Dans la cour intérieure de la mosquée (correspondant à la nef et aux bas-côtés de la basilique), il y a un panneau sur l’histoire de Sébaste qui réussit l’exploit de ne pas mentionner une seule fois le mot Israël ou juif : le palais royal de l’âge du Fer est de style phénicien (1Rois 16,24 l’attribue à Omri, roi du royaume d’Israël au début du IXe s. av. J.-C.) et Hérode est un “roman leader”, chef romain. Là aussi, la politique influe sur ce que l’on dit de l’histoire.
Les Vêpres furent célébrées dans la chambre avant d’aller chercher pitance. Le resto Holy Land Sun était fermé et nous avons dû nous rabattre sur le restaurant Cananites sur la grand place du village. Nous avons donc dîné d’un sandwich falafel (une pita, trois falafels – boulettes de purée de pois-chiche et fève frites – et crudités diverses) et ce fut tout. Au moins nous n’avons pas grevé notre budget avec ce repas : 6 les deux falafels soit un peu plus d’1,50 €, tellement peu vraisemblable que nous avons en fait payé chacun 6  !
Puis soirée au chaud dans la chambre : discussion, échange, dégustation d’une bouteille de bière de l’abbaye de Maredsous que mon frère m’avait apportée lors de son passage et pour laquelle je n’avais pas trouvé d’occasion de l’ouvrir. Cela a composé un étrange dessert ! Mais il était illusoire de chercher la moindre goutte d’alcool dans le village de Sébaste où seule une famille chrétienne habite.
Le matin, réveil avec le muezzin… Douche froide (l’électricité avait sauté dans la nuit et le chauffe-eau n’avait donc pu accomplir sa mission). Prière dans la salle commune, laudes et petit-déjeuner : hummus, falafel, œuf dur, pain pita…
La rue à colonnes de Sébaste, surnommée "rue des amoureux"
Puis grand tour du site archéologique. Je l’avais visité il y a quatre ans. On nous avait dit qu’Israël risquait d’y aménager un parc national (imaginez que la République italienne installait sans rien demander à la France un parc national et un musée aux Arènes de Nîmes, d’Arles, au Théâtre antique d’Orange, aux Antiques de Glanum, au Pont du Gard sous prétexte que ce sont des monuments romains… Le parc national existe sur le papier et sur Internet mais n’est pas aménagé) Ce n’est pas encore le cas, ce qui nous laisse toute liberté pour voir les vestiges. La plupart sont d’époque romaine et plus particulièrement de l’époque de Septime-Sévère (environ 200 ap. J.-C.) qui a restauré la ville dont l’éclat avait pâli depuis la refondation hérodienne : basilique, cirque, théâtre, temple d’Auguste. Sous le temple d’Auguste, les vestiges de l’âge du fer, c’est-à-dire de l’époque des rois d’Israël : Omri, Achab… Passage à l’église Saint-Jean-Baptiste d’époques byzantine et croisée. Elle est à l’extérieur du village et à côté quelques tombes chrétiennes.
Il est temps de redescendre à la guest house pour prendre un café et notre taxi vient nous chercher. Pour le retour nous avons demandé un petit détour par Naplouse et l’église du Puits de Jacob, où la tradition situe la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Là j’ai la surprise de voir le frère Alejandro, un Mexicain de l’université de Bethléem. Puis le chauffeur nous dépose à Qalandia le fameux check-point de Ramallah si bien visuellement décrit par Guy Delisle dans ses Chroniques de Jérusalem.
Retour à Jérusalem par le bus qui nous dépose devant l’ÉBAF. Nous trouvons la maison vide car les Frères sont allés à Bethléem et Hébron avec Marta.
Marta est une jeune femme espagnole dont la grand-mère est cousine un peu éloignée du Frère Rafael. Sur le chemin de Saint-Jacques, elle a trouvé un contact pour être volontaire dans un kibboutz. Elle se trouve donc pour trois mois dans un kibboutz loin de tout, avec la frontière libanaise de l’autre côté de la colline, et finalement assez isolée. Ce qu’elle nous a raconté de la vie dans les kibboutz m’a un peu glacé. C’est un système collectiviste où tout le monde est égal mais comme toujours, certains sont plus égaux que d’autres : en gros, il y a les membres du kibboutz, les volontaires et les Philippins. Et en gros, les Philippins ont peut s’essuyer les pieds dessus. Marta me disait que ce n’était pas un kibboutz mais un goulag et que certainement la réincarnation de Staline y vivait ! Marta a donc pris quelques jours pour rendre visite à Frère Rafael et faire ses dévotions chrétiennes (le kibboutz est absolument laïc et toute célébration religieuse y est parfaitement inenvisageable).
En début d’après-midi, sont passés quelques amis de l’Ecce Homo. Lysanne (québécoise), Madara (lettone), P. Norbert et Clarisse (de Carpentras). Ils sont venus admirer la vue depuis la terrasse des Frères. Au début je pensais que la météo ne permettrait pas d’y voir grand-chose et en fait, le soleil et les nuages étaient de la partie pour nous offrir un beau spectacle. La Jordanie était bien visible. Puis nous avons pris le café dans le salon. Finalement, ils sont restés près de deux heures !
En redescendant, nous parlions encore dans la cour et je vois un inconnu franchir le portail, s’avancer dans la cour, nous contourner et s’engager dans l’escalier qui monte à l’entrée du Collège. Je lui dis : « Are you looking for something ? » (Vous cherchez quelque chose ?) « No, I’m just a curious person » (Non, c’est seulement de la curiosité !). Il a fait demi-tour et il est parti. (!מה חצפה ). La ḥuçpah en hébreu, c’est l’audace, le culot, l’impertinence, le sans-gêne, l’insolence, le toupet, l’impolitesse, la grossièreté, la désinvolture, l’impudence, l’effronterie.
Le soir, coucher tôt.
Sortie de messe au Champ des Bergers
Dimanche, je me suis levé tôt et je suis allé à Bethléem par le bus de Beth Jala. J’ai traversé à toute blinde la Vieille Ville de Bethléem pour rejoindre l’hôtel Holy Family où logeait un groupe emmené par le P. Yannig, qui m’a beaucoup rendu service en paroisse lors de mes séjours à Jérusalem. Nous avons célébré la messe au Champ des Bergers, dans la même grotte que quelques jours plus tôt. Puis nous sommes passés chez Abu Aita, dans un magasin de souvenirs puis devant le mur de séparation. Le bus m’a ensuite laissé à Giv’at haMivtar où j’ai pris le tram pour rentrer au Collège. Le soir je suis retourné à Bethléem pour dîner chez Denis et Dorothée avec les volontaires. Ce fut très sympa. J’ai une vie sociale assez intense en ce moment où je dis adieu à beaucoup de gens.
Lundi, matinée calme. L’après-midi, j’ai accueilli Guillaume et Claire-Marie qui sont volontaires à Bethléem, là aussi petit tour sur la terrasse, puis j’ai tenté d’aller au Cénacle pour rencontrer Fr. Wander mais ce fut compliqué car la police bloquait dans un sens et dans l’autre, nous étions comme dans une nasse. Finalement, il a fallu que je retourne au Collège, que je sorte de la Vieille Ville par la porte Neuve et suive les remparts. On a discuté une bonne heure puis je suis rentré au Collège, ai prié et célébré la messe puis suis allé à Arnona, un quartier au sud de Jérusalem chez Laurent et Patricia. Laurent est responsable de la sécurité du Consulat de France, Patricia est une énergique ardéchoise et leurs deux enfants sont étudiants à Montpellier. Ils avaient aussi invité le P. François de Sales, de la communauté des Béatitudes d’Emmaüs-Nicopolis. Il entretient une certaine ressemblance physique avec son saint patron…
Et surtout, nous avons partagé une excellente raclette avec du vrai fromage à raclette et du reblochon ! Et de la vraie cochonnaille de là-bas ! Bref, une réacclimatation en douceur !
À bientôt,
Étienne+

vendredi 27 décembre 2019

Reçois mon esprit (Ac 7,59)

δέξαι τὸ πνεῦμά μου
dexai to pneuma mou

Chers amis,
Le 24 au soir, je suis allé en fin d’après-midi chez Laurence et Laurent-Pierre. Cela m’a permis de faire connaissance avec la sœur de Laurence, son mari Olivier et leurs quatre enfants. C’était un peu le coup de feu à la maison puisque se préparait l’apéritif du lendemain à Abu Gosh : feuilletés, pizzas… Puis nous embarquons vers Bethléem, ou plus exactement Beth Sahour. Nous sommes allés manger au restaurent la Tente qui jouxte le Champ des Bergers. Cela permettait à la maîtresse de maison d’aborder sereinement la soirée ; le repas n’était certes pas celui traditionnel de Noël par chez nous mais bon… Au Champ des Bergers, j’ai repéré la chapelle où je devais célébrer. Finalement, le responsable m’a changé de lieu et nous a mis dans la grande grotte. Tant mieux, car finalement beaucoup de “passagers clandestins” se sont joints à nous (et tant mieux).
Prière universelle
Ce fut une belle messe familiale, priante et joyeuse. Dans l’homélie, j’ai insisté sur le fait qu’à Noël, Dieu se rend accessible, tellement qu’il a même besoin qu’on le prenne avec nous. Et qu’à travers cela il nous ouvre la plénitude de sa vie.
Après la messe, vin et chocolat chauds partagés pour se souhaiter un joyeux Noël, quelques chocolats belges que Roch m’avait apportés en novembre.
Après cela, tout le monde est rentré chez soi, plein de joie. Champagne chez Laurence et Laurent-Pierre, brioche et chocolat. Mais je suis rentré pas trop tard.
Le lendemain, jour de Noël, j’ai concélébré la messe à Abu Gosh. La messe était belle même si l’on sentait une petite fatigue dans la communauté qui avait vécu la messe de minuit au monastère puis était allé célébrer les Laudes à la Nativité…
Après la messe, apéro et repas dans le réfectoire des moines mais au lieu de la douzaine que nous pouvons être quand j’y déjeune, nous étions au moins quarante ! Un peu serrés mais ce fut chaleureux. Bel échange avec deux volontaires de l’hôpital Saint-Louis. M. le consul général a partagé le repas puis, nous avons chanté quelques chants de Noël dont un “pas casher” puisqu’on y évoquait saint Joseph cuisinant des lardons !
Retour à Jérusalem. Et sieste magistrale…
Crypte orthodoxe du martyre de saint Étienne
Jeudi, belle journée bien pluvieuse pour célébrer saint Étienne. À 10 h 30, j’ai concélébré la messe à l’École biblique. La basilique du couvent est dédiée à saint Étienne puisqu’elle est construite sur les vestiges de la basilique de l’impératrice Eudoxie. En 460, cette pieuse femme a édifié, sur le lieu traditionnel du martyre du diacre, une basilique où elle a installé ses reliques (qui ont été ensuite transférées à Saint-Laurent-hors-les-Murs à Rome). La liturgie fut belle. Après la messe, un petit verre de l’amitié.
Retour au Collège pour le déjeuner. En milieu d’après-midi, avec Rémi, nous sommes descendus dans la vallée du Cédron vers l’église Saint-Étienne des orthodoxes (bâtie sur le lieu que les orthodoxes considèrent comme celui du martyre d’Étienne). Traditionnellement, les franciscains y prient les Vêpres en ce jour. La crypte s’est vite remplie et nous avons bien chanté. Ensuite, les franciscains de Gethsémani, qui est tout à côté, nous ont invité à prendre un chocolat chaud. Comme il pleuvait des trombes, tout le monde s’est réparti dans les couloirs, le diwan, les salons et même la sacristie du couvent. Bien sympathique. Ce jeudi, il a plu 55 mm, soit 10% de ce qu’il tombe en moyenne en une année (537 mm).
Ce matin, messe à l'Ecce Homo à 7 h. Nous avons déménagé dans la petite chapelle du premier étage, heureusement chauffée...
À bientôt,
Étienne+

mardi 24 décembre 2019

Middîn et Sokoka (Jos 15,61)

מִדִּין וּסְכָכָה
middîn ûsəḵāḵāh

Chers amis,
Samedi matin, ce fut la dernière matinée à la Bibliothèque. Elle est normalement fermée du 23 au 27 décembre, ce qui cette année correspond à toute la semaine sauf le samedi 28 au matin. La bibliothèque est aussi fermée du 31 décembre au 2 janvier. Donc cette année, elle ferme du 21 décembre après-midi au 3 janvier matin… Comme je rentre le 2 janvier, c’était ma dernière séance là-bas. J’ai même enlevé la carte de visite que j’avais scotchée sur l’étagère afin de “marquer mon territoire”.
Mais j’ai bien anticipé cela avec un programme de lecture pendant le temps qu’il me reste ici, au milieu des festivités calendales.
Je suis sorti un peu plus tôt pour être bien à l’heure à la messe de midi au Collège. La messe rassemblait les professeurs chrétiens du Collège pour fêter Noël avant que tout le monde ne se retrouve pour le déjeuner au Knights Palace, juste à côté. La messe s’est bien passée. Une petite difficulté cependant. La messe était bien évidemment célébrée en arabe et présidée par un jeune prêtre de l’exarchat syriaque catholique de Jérusalem. Mais le Père était assez peu familiarisé avec le rite latin et je ne pouvais pas lui être d’un grand secours pour me retrouver dans le missel en arabe… Mais on s’est bien débrouillés. Au repas, je me suis retrouvé à sa table et à côté de Michel, un arménien né à Jérusalem, ancien élève et professeur chez les Frères et qui depuis 15 ans travaille au Consulat général de France comme traducteur. Je le connaissais de réputation par mes connaissances du Consulat général, mais ce jour-là, j’ai pu juger sur pièce. Nous avons bien sympathisé. Le repas requérait une bonne pause postprandiale… Je suis tout de même allé faire quelques pas en ville, près des bibliothèques de rue.
Le soir, je suis allé me coucher tôt. J’avais prévu de profiter du beau temps pour aller faire une belle randonnée dans le désert de Judée. J’aurais voulu la faire deux semaines plus tôt, mais la pluie m’en avait dissuadé. Ce dimanche, rien de tel…
Je me suis levé tôt, j’ai pris le tramway jusqu’à Giv’at haTahmoshet puis un bus jusqu’à Ma’aleh Adûmîm, une colonie israélienne à l’est de Jérusalem de l’autre côté du mur de séparation. J’ai dû patienter un peu pour prendre le bus qui me menait alors jusqu’à la petite colonie de Qedar Darôm (Qedar Sud) à quelques kilomètres de là.
À 8 h 15, je suis parti.
Je connaissais déjà le sentier pour l’avoir suivi il y a quatre ans lors d’une sortie avec l’École biblique. Nous étions alors à la fin du mois de février, à un moment de l’année où il avait bien plu. Comme il n’y pas encore eu véritablement de pluie cette année, c’était bien sec. Je suis arrivé au sommet du Djebel Muntar à près de 500 mètres d’altitude. Là, il y avait un bédouin avec lequel j’ai discuté : son nom, ce que je fais… Puis j’ai continué vers Hyrcania, une forteresse hasmonéo-hérodienne. Entre Djebel Muntar et Hyrcania, ce sont des collines qui descendent, traversées de profondes vallées. Hyrcania est la dernière colline en bordure de la vallée de Buqei’a, qu’elle domine de 150 mètres. Au sommet, on discerne quelques pierres taillées, des morceaux de mosaïques, des tessons de poteries. Mais rien ne se laisse voir de la splendeur qu’Hérode avait dû accorder à son palais-forteresse. Sinon quelques motifs floraux en mosaïques.
Redescente vers la Buqei’a, malgré quelques difficultés finalement sans conséquences.

J’ai rejoint la route qui traverse la Buqei’a du nord au sud. De l’autre côté, j’ai cherché un peu au hasard le sentier balisé en noir. L’échelle des cartes (1/40 000) est assez inhabituelle pour le français que je suis, plus accoutumé au 25 000ème de l’IGN. À un moment, je me suis engagé dans un vallon qui serpentait en descendant et je me suis vite rendu compte que je faisais fausse route et, moins rassurant encore, que je sortais du secteur de ma carte… Mais à un moment ou à un autre, je devais croiser un sentier balisé en rouge qui me ramènerait dans la carte. Donc pas d’inquiétude particulière. Un peu plus loin, la vallée s’élargissait au confluent avec un wadi plus important. Avant même de le voir, je l’ai senti… et j’ai compris que j’étais dans le torrent du Cédron. Ce torrent qui passe le long du côté est de la Vieille Ville, sous l’esplanade du Temple continue son chemin à travers le désert de Judée, passe sous le monastère de Mar Saba et finit, après avoir traversé la Buqei’a par dévaler jusqu’à la mer Morte, comme le dit Ézéchiel au chapitre 47. En fait aujourd’hui, les égouts de Bethléem se déversent dans le Cédron, qui de toute façon est pratiquement toujours à sec et l’odeur nauséabonde ne m’a pas surpris. Le lit du torrent est jonché de déchets divers : bouteilles en plastiques, sac, débris…
Vue sur le nord-ouest de la mer Mort (Ein Feshḥa et Qumrân)
J’ai retrouvé la balise rouge qui m’a remis sur le bon chemin. Encore un peu de marche avant d’arriver à Rosh Tzuqim, un promontoire au-dessus de la mer Morte avec une vue splendide. Là, j’ai pris mon pique-nique. Puis je suis redescendu doucement par la descente vers Einot Tzuqim (appelé aussi Ein Feshḥa). Là, un arrêt de bus m’attendait pour que je puisse patienter avant le passage d’un bus me ramenant à Jérusalem. La structure de l’arrêt de bus m’a un peu interrogé : quand on est dessous, il n’y a pas d’ombre puisque les planchettes métalliques qui le composent sont inclinées et laisse passer la lumière du soleil quoi qu’il arrive… Le bus est passé vers 14 h 10, il m’a ramené à la gare centrale et je n’ai eu qu’à laisser descendre le tramway pour me ramener au Collège. À 15 h 30, j’étais à la maison. Finalement, j’ai parcouru 23 km pour 4 h 00 de marche. En fin d'après-midi, je suis allé à la messe à Notre-Dame, un LC américain présidait la messe. A la sortie, je tombe sur un couple que j'ai tout de suite identifié comme des français... Ils sont venus à pied à Jérusalem depuis Notre-Dame du Laus. En fait, sans se concerter, ils ont suivi le même itinéraire que Marie, la jeune femme, avec laquelle j'ai dîné le mercredi précédent chez Laurence et Laurent-Pierre ! Et il leur est même arrivé d'être hébergé chez la même personne ! Quelles coïncidences...
Le soir, je ne me suis pas attardé.
Lundi matin, petite grasse matinée. Le matin, j’ai installé mon ordinateur dans le petit salon. Il y fait une température bien douce et la vue est magnifique.
J’ai déjeuné seul puisque les Frères étaient à Beit Haninah pour le repas de Noël des professeurs. Dans l’après-midi, je suis passé à l’École pour rencontrer le P. Jean-Jacques. On a fait un bilan de cette année et des espérances pour la suite.
À 19 heures, j’ai retrouvé Baptiste et Guilhem à la sortie de la messe à Notre-Dame. On est allés manger dans mon restaurant de soupe favori. On a bien discuté. Puis j’ai filé pour aller à l’Ecce Homo, où le Chemin Neuf m’avait demandé de donner un coup de main pour une soirée de réconciliation. J’en ai profité.
Ce mardi matin, j’aurais bien voulu faire la grasse matinée mais je me suis retrouvé éveillé un peu tôt… Derniers préparatifs de la messe de Noël de ce soir au Champ des Bergers avec quelques familles d'amis et même des gens qui se sont raccrochés à nous au gré de diverses rencontres.
À bientôt,
Étienne+

samedi 21 décembre 2019

Comme une gazelle pourchassée (Is 13,14)

כִּצְבִי מֻדָּח
kiṣḇî muddāḥ

Chers amis,
Semaine presque ordinaire… Comme la bibliothèque ferme du 22 décembre au 2 janvier, je n’y aurai pas accès. Il a donc fallu anticiper cet état de fait et préparer du travail pour les jours avant mon départ. En même temps, avec Noël au milieu, le travail ne sera sans doute pas très productif.
Depuis samedi tout de même, ma chambre doit être la plus photographiée de Jérusalem. Quand je passe dans la rue pour aller à l’École ou en revenir, des gens se prennent en photo devant le sapin ; quand je passe la tête par la fenêtre, encore !
Mercredi, je n’avais pas de cours avec Anthony. Après la rentrée de janvier, il donnera quelques références sur la papyrologie, l’étude des textes que l’on a retrouvés inscrits du des papyrus : lettres, documents administratifs…
Mercredi soir, après la messe chez les Frères, je suis allé dîner avec Rémi chez Laurence et Laurent-Pierre. Ils recevaient Marie, la nièce d’une amie, arrivée la veille à Jérusalem après un périple à pied depuis Valence (Drôme) à travers le Diois, l’Italie, la Grèce, (un peu) la Turquie et Chypre. Soirée sympa et pleine de surprise. Ça donne des démangeaisons aux pieds.
Sur la terrasse du Collège de Jaffa
Jeudi matin, j’ai séché l’École… Les Frères m’avaient demandé de célébrer la messe de Noël pour les élèves du Collège des Frères de Jaffa. C’est un collège francophone homologué par l’AEFE. Bien que le recrutement soit assez international (plus de trente nationalités sont représentées parmi les élèves), tous les élèves parlent le français et reçoivent l’enseignement dans cette langue. La messe avait lieu dans l’église paroissiale Saint-Antoine (de Padoue) tenue par les Franciscains. Il y faisait un froid de brigand… Aussi suis-je resté avant la messe devant l’église en chasuble à profiter des rayons du soleil. La messe s’est bien passée malgré l’hétérogénéité du groupe : tous les chrétiens y participaient avec des catholiques (latins et orientaux), des orthodoxes et des protestants et même quelques “païens” qui suivent le cours de religion.
Après la messe, nous sommes retournés au Collège pour prendre le déjeuner. Avant, nous avons fait un petit tour sur la terrasse pour admirer le panorama. Le Collège est situé sur la butte ancienne de Jaffa et au nord, on voit la forêt de gratte-ciel de Tel Aviv, à l’est, les collines de Jérusalem au loin, au sud quelques immeubles de Bat Yam et à l’ouest, la mer (la nôtre !).
Le repas fut excellent. Mais nous ne nous sommes pas attardés après le café car le Frère Rafael voulait être aux obsèques d’un prêtre du Patriarcat latin à la co-cathédrale. Pendant le retour, j’ai écrasé…
Dans l’après-midi, j’ai un peu travaillé au Collège. En fin d’après-midi, je suis allé à l’ÉBAF pour assister à une conférence. Le titre était particulièrement peu attrayant : “Chasse de masse des gazelles au néolithique dans le désert du sud-est jordanien”… Quand j’ai vu ça, j’ai pensé aux chevaliers-paysans de l’an mil au lac de Paladru (qui ont véritablement existé !) D’autres ont évoqué la « chasse des Arkas en hiver dans le Wakhan Corridor National Park pour nourrir les populations de l’Hindu Kush ».
Bref, ça sentait le truc bien pointu et pas trop passionnant… Eh bien, c’était raté. C’était passionnant !
Un “desert kite” jordanien
Le conférencier est parti des “desert kites” une structure archéologique curieuse que l’on trouve dans cette partie du monde. Les premiers ont été repérés entre deux guerres grâce aux progrès de l’aviation. En effet, ces structures immenses sont presque indiscernables au sol mais visibles depuis les airs. Ce sont des alignements de pierres formant un muret d’une cinquantaine de centimètres de haut qui s’étend sur des kilomètres pour former une sorte d’entonnoir ; au débouché de l’entonnoir une sorte d’enclos plus ou moins circulaire avec des petites cellules (appelées “logettes”). Au sol, on a du mal à imaginer la taille de ces structures. Le plus impressionnant, c’est qu’elles sont très majoritairement ouvertes vers l’est et forment des chaînes qui peuvent avoir près de 100 km de long. Chaque logette est en fait une fosse de deux mètres de profondeur aux bordures bien chemisées : soit une excavation d’environ 40 m3 ; le volume total de pierre pour les murets d’un “kite” est évalué à 600 m3 en moyenne. Ce sont donc des structures monumentales. Le désert jordanien et syrien est la zone du monde la plus riche en “desert kites” (cerfs-volants du désert à cause de la forme de la structure) : on en compte plus de 3 700 (sur un total de 5 800 rencensés du Yémen au Kazakhastan, en passant par le Sinaï et l’Arménie.) Pour la datation, c’est plutôt le néolithique.
Voilà pour les généralités. J’ignorais tout des “desert kites” il y a 48 heures…
Notre conférencier a exploré un coin perdu du désert jordanien dans lequel, il a repéré en 2013 une série de 8 “desert kites” inconnus jusque là. Ceux-là ont la particularité d'avoir un coude à angle droit juste avant l'enclos terminal. Plus intéressant encore, il a découvert à proximité immédiate de chacun d’entre eux une installation qui a permis de démontrer qu’il s’agissait bien (c’était l’une des hypothèses proposées) de pièges destinés à la chasse. C’est la première fois que de telles installations sont trouvées et fouillées : vaisselle de pierre, pierres taillés, foyers… Et surtout des monceaux d’ossements animaux, dont 99 % proviennent de gazelles. L’ensemble a été daté de 7 000 ans av. J.-C. Spontanément, on est surpris de la petite taille des murets de l’entonnoir, une trentaine de centimètres seulement. Les gazelles peuvent les sauter aisément. Mais elles ont tendance à suivre les alignements de pierre dans leurs déplacements ; petit à petit, elles arrivaient dans l’enclos et en voulant en sortir si des hommes se faisaient voir, elles tombaient dans les logettes d’où elles ne pouvaient s’extraire.

La quantité d’animaux attrapés laisse aussi supposer que le climat était plus humide et la zone bien moins désertique qu’aujourd’hui. En fait, ces pièges révèlent une industrie de chasse qui laisse supposer une organisation sociale, et surtout des échanges commerciaux à longue distance impliquant des techniques de conservation de la viande (fumaison ?). Au néolithique, dans les régions alentours (le fameux croissant fertile), l’homme met au point les premières techniques d’agriculture et d’élevage, qui exigent la sédentarisation. Dans la steppe semi-désertique qui borde le croissant fertile, une société de chasseurs, plus nomades, s’organise et entretient des relations commerciales sur de longues distances… Bref, on a vu un cas bien concret d’archéologie moderne où l’on travaille sur des vestiges à peine visibles mais qui donnent des renseignements sur la société qui vivait dans cette région à l’époque.
Messe du 13/12 à l'Ecce Homo
Vendredi matin, messe matutinale à l’Ecce Homo, à la lueur des bougies. J’ai eu la bonne surprise de retrouver Clarisse, une jeune de Carpentras, qui à l’époque faisait partie de KT+ : elle passe une année de volontariat au service de la maison de l’Ecce Homo. Puis journée à la bibliothèque. Je rapatrie peu à peu mes affaires au Collège ; ce qui me permet d’éliminer aussi des papiers inutiles. Comme lecture en ce moment, je me délasse avec un livre sur les lettres aux sept Églises. Très intéressant et fructueux.
Ce soir avec Rémi nous avons regardé une émission de RMC découvertes sur « Jérusalem des Mystères » et « Mystères de Terre Sainte ». C’était amusant d’y voir le P. Dominique-Marie, un des archéologues de l’École biblique ou Michaël Langlois (J’ai réalisé qu’il tournait le documentaire pendant le passage de mon frère et de ma belle-sœur début novembre) ou encore quelques images dans le style docu-fiction tournée dans l’atrium de l’ÉBAF… Sinon, les commentaires en voix off étaient ineptes et la musique soûlante…
À bientôt,
Étienne+

dimanche 15 décembre 2019

À leur arrivée à Bethléem (Rt 1,19)

כְּבֹאָנָה בֵּית לֶחֶם
kəḇoʾānāh bêṯ leḥem

Chers amis,
Belle semaine… assez studieuse en bibliothèque… je ne sais pas trop quoi faire… entre la recherche entreprise, les corrections des chapitres que j’ai discutés avec Anthony et la préparation du retour… j’ai du mal à hiérarchiser les priorités.
Mercredi, on a eu le deuxième cours sur l’épigraphie. Nous avions à lire un article (en anglais, merci Seigneur !) et nous en avons discuté. Anthony m’a bluffé par son aisance à parler, discuter, interroger… et on sent aussi l’habitus pédagogique qu’il y a derrière pour nous donner les bons réflexes dans la recherche et la discussion. Un régal !
en fin de cours chacun devait présenter une inscription en lien avec sa recherche. J’avais déniché l’inscription dédicatoire de la porte Syrienne de Laodicée (une des sept églises de l’Apocalypse). J’avais d’abord cherché les bouquins où elle était présenté, soit sept ou huit publications entre 1853 et 1997, certaines ne regardaient que le grec, d’autres que la partie latine (sans rien mentionner du grec sur le même fragment). En plus, les textes proposés par les éditeurs étaient franchement différents et je ne comprenais pas comment ça se goupillait, avec le latin par-dessus le marché. Jusqu’au moment, en 1997, où un chercheur a trouvé deux fragments plus ou moins identiques ce qui a montré qu’il y avait en fait deux inscriptions presque semblables, la première à l’intérieur, la seconde à l’extérieur ; l’une surmontée d’une ligne en latin, l’autre sans. Enfin ! Vendredi très mauvaise nuit due à la tempête qui a soufflé. Ma fenêtre qui donne sur la rue prenait le vent en face, provoquant ainsi un bruit incessant. Le matin, lever tôt pour la messe Rorate a l’Ecce Homo, belle messe simple à la lueur des bougies, en anglais s’il vous plaît. Concélébrait avec moi Ignace, un prêtre espagnol… pardon catalan ! Qui étudie à l’université hébraïque toutes sortes de langues exotiques: copte, araméen, ougaritique, etc… mais il parle aussi anglais, français, italien et allemand (n’en jetez plus !)
Ce matin-là, j’ai discuté de mon chapitre 4 avec Anthony. Il m’encourage, ça fait plaisir.
Samedi matin, bibliothèque. L’après-midi, je suis passé au centre culturel français Chateaubriand, situé derrière l’École biblique. S’y tenait un marché de Noël. Il n’y avait pas grand-chose mais j’ai vu Patricia qui était au stand crêpes et vin chaud (auquel j’ai fait honneur, vous vous en doutez). La fille de Patricia est en première année de médecine à Montpellier. Elle devrait avoir un prof que je connais bien.
À 17 h 30, j’étais au Collège. Avec Rémi, on voulait assister à l’allumage du sapin de Noël depuis la terrasse mais c’était sans compter que les artificiers s’y tenaient pour lancer les fusées à l’heure H. Du coup, on s’est rabattu sur la rue, bondée d’un bout à l’autre. Le Frère Daoud nous a fait entrer dans le carré VIP, dans lequel étaient déjà l’évêque luthérien de Jérusalem, Sani Ibrahim Azar et son épouse. Peu après, précédés par les scouts palestiniens, sont arrivés le secrétaire du patriarche grec, Mgr Aristarchos, quelques prêtres orthodoxes, un melkite et un copte… Nous étions bien entourés, nous les pouilleux. Le seul inconvénient du carré VIP, c’est que les hauts-parleurs étaient orientés droit sur nous et l’habitude locale n’est pas de mettre le son tout doux… Et j’avais laissé mes boules Quiès en haut…
Finalement, le sapin a été allumé après un joyeux compte à rebours. Je vous laisse regarder le film…
Ma fenêtre est au dernier étage à droite ! Vous apprécierez la version locale de Vive le vent ! (on n'entend tous les standards/scies/rengaines de Noël dans la rue, Vive le vent, Les Anges dans nos campagnes, Douce Nuit... En VO, j'ai déjà du mal mais avec les fioritures orientales...)
Dimanche matin, après les laudes et le petit déjeuner, je suis allé à la messe à Notre-Dame, j’ai concélébré avec Cristobal, un légionnaire du Christ doctorant à l’École biblique. Après la messe, j’ai rejoint en bus le checkpoint 300 à Bethléem. Baptiste m’avait invité à passer la journée avec lui, il avait aussi fait signe à John Paul, un américain doctorant en histoire médiévale à l’Université Catholique d’Amérique, avec lequel il apprend le grec. Baptiste a préparé le déjeuner : des pâtes au curry et aux crevettes. Je vois qu’il fait attention à la qualité de ce qu’il prépare pour manger, c’est bon signe ! C’est d’autant plus difficile en Terre Sainte où nos habitudes culinaires sont parfois bouleversées par les traditions locales. Certains produits sont introuvables, d’autres très rares (et donc très chers). Je lui ai fait remarquer qu’à la paroisse de Saint-Didier, c’était souvent moi qui cuisinais mais là, c’est lui qui nous recevait.
Avant le déjeuner nous avons assisté à l’office du milieu du jour avec les moniales du monastère de l’Emmanuel, un monastère bénédictin de rite melkite.
Après le déjeuner, direction le centre Al-Rowwad, le centre culturel où Baptiste est volontaire pendant ces deux années. Le centre se trouve dans le camp de réfugiés d’Aida, près du checkpoint de Bethléem (j'y étais déjà allé en 2007). Fondé par le Dr Abdelfattah Abusrour en 1998, à partir d’un club de théâtre, le centre s’est développé autour des questions culturelles, artistiques et éducatives : danse, soutien scolaire, sport divers, bibliothèque, médiathèque, formation professionnelle. Les réalisations sont impressionnantes. Il s’agit véritablement de proposer une « belle résistance » : en restant non-violent d’être sans compromis sur la résistance à l’occupation israélienne. Les 6 000 habitants du camp sont des réfugiés, descendants des Palestiniens qui ont dû quitter leurs villages au moment de la première guerre israélo-arabe.
On a discuté une heure et demie. Le Dr Abdelfattah (docteur en biologie et ) nous a montré la photo de la visite du pape Benoît XVI au centre en 2009. Puis Baptiste m’a montré la menuiserie, la guest-house et la cuisine installées un peu plus bas. Retour au monastère où nous avons retrouvé Guilhem, un ancien séminariste du Puy-en-Velay qui vient passer quelques jours. Échange de nouvelles autour d’une “eau chaude” puis Vêpres avec les sœurs. J’ai pu constater que Baptiste s’est aisément glissé dans les subtilités byzantines (!) de la liturgie melkite. Il fait des métanies d’une grande souplesse gymnique et le signe de croix “inversé” n’a plus de secret pour lui !
Ensuite, retour à travers le checkpoint (j’avais pensé à prendre mon passeport cette fois-ci !), bus et retour au Collège.
A la télé, ce soir, les Frères regardaient les chaînes libanaises (vive le satellite!) où la situation politique est complètement bouleversée : images d'affrontements, lacrymogènes, coups de feu... Moi, je regarde un peu la situation bloquée en France mais les Frères sont plus branchés sur le Liban, où certains ont vécu et tenu des écoles.
À bientôt,
Étienne+

lundi 9 décembre 2019

Réjouis-toi, comblée de grâce (Lc 1,28)

χαῖρε, κεχαριτωμένη
Chaire, kecharitômenè

Chers amis,
Juste un petit mot. Samedi après-midi, je n’ai pas vraiment bougé. J’ai fait une grosse sieste. Le soir, après la messe, je suis allé déjeuner chez Laurence et Laurent-Pierre, il y avait Antoine et Marie-Laure, de Tel Aviv, Dorothée de Bethléem, ainsi que Frère Raphaël (d’Abu Gosh, pas Frère Rafael du Collège) et Jérémie, un jeune qui a passé quelques semaines au monastère pour le système d’irrigation de leur jardin. En entrée, il avait un soufflé à la courge, puis une excellente daube. Nous avons fini par une salade de fruits (mangues et fraises) et un gâteau au citron. Si l’on considère en plus, la société rassemblée par nos hôtes, ce fut une très bonne soirée.
Dimanche, deuxième dimanche de l’Avent marqué par la figure de saint Jean Baptiste, les moines et les sœurs d’Abu Gosh ont l’habitude d’aller célébrer les Vêpres à Nebi Musa. J’y étais allé en 2015. Je me réjouissais à l’idée d’y aller ce dimanche et avais même prévu une grosse balade dans le désert du Judée pour rejoindre le caravansérail. Hélas ! c’était sans compter la pluie qui nous était annoncée. L’autre jour, je suppliais pour obtenir la pluie et ce dimanche nous avons été servis. Arrosés, inondés, trempés, mouillés, aspergés, imbibés, baignés, rincés, douchés, drachés, saucés, presque noyés… J’ai donc dû changer mes plans. Se promener dans le désert sous la pluie manque de charme, c’est même dangereux si l’on marche dans un wadi et mes chaussures assez vieilles dérapent facilement sur une surface humide, c’était le coup à se casser la patte… Cela m'a fait regretter ma balade à Ein Gedi le jour de la fête de l'Immaculée Conception de 2015.
J’ai donc été à la messe des Franciscains à Saint-Sauveur (j’ai séché la messe consulaire de Sainte-Anne mais après celle de l’Ecce Homo, il y a quinze jours et celle d’Abu Gosh dimanche dernier, finies les mondanités diplomatiques !). Et je suis allé visiter le Musée des Pays de la Bible. Je l’ai déjà visité mais c’était bien de le revoir. Ils annonçaient une exposition sur l’église du “glorieux martyr” découverte près de Beth Shemesh (à l’occasion de travaux pour agrandir la ville, quelle surprise !). Pour cela, j’ai été un peu déçu… C’était juste une petite salle avec quelques morceaux de marbres et du verre brisé… Tant pis ! Le reste était intéressant. Il y avait aussi la petite exposition controversée sur les juifs en Babylonie (la plupart du matériel exposé provient de fouilles vraisemblablement sauvages réalisés par des archéologues et/ou des pilleurs et sorties du pays sans autorisation). Mais c’est vraiment intéressant. L'exposition est intitulée By the Rivers of Babylon, référence même pas voilée à la chanson disco mais surtout au Ps 137 (136)...
Je suis rentré sous une pluie battante pour faire une grosse sieste (il est tombé plus de 30 mm d’eau ce jour-là). Dans l’après-midi, j’ai revu le Frère Rafael qui ne rentrait pas d’une semaine à Amman comme je le pensais mais de quelques jours à Cambridge… Il nous a raconté ses aventures et péripéties.
Le soir, après le dîner, je suis allé me coucher à 21 h… Et me suis réveillé à 7 h… Bien plus tard que d’habitude… Tant mieux.
Ce lundi, il a plu… Je suis resté au sec à la bibliothèque. Le soir, messe de l’Immaculée.
Depuis quinze jours, les décorations de Noël se répandent dans la ville (dans les lieux chrétiens bien évidemment…) Les Franciscains ont donné le top départ avec leur arbre de Noël, allumé alors même que les premières Vêpres du Christ Roi n’étaient pas encore achevées. La semaine suivante, c’était à Bethléem avec grand concours de peuple, musique, feu d’artifice… Tout le monde se congratulait en disant : « Merry Christmas » (ils ne savent pas dire Joyeux Noël ici : ميلاد مجيد milad majid, ça n’est pourtant pas difficile !). La conséquence pastorale est que l’Avent passe un peu à la trappe (surtout la semaine dernière avec tous ces saints exotiques qui font l’objet d’une mémoire obligatoire : sainte Barbe, le 4, saint Saba le 5 et saint Nicolas le 6. Si l’on ajoute les plus classiques François-Xavier le 3 et Ambroise le 7, il n’y a véritablement eu que le lundi pour avoir une liturgie d’Avent (et le report de l’Immaculée à ce lundi n’a rien arrangé !). Enfin, l’Avent va commencer… Il serait temps…
À bientôt,
Étienne+

samedi 7 décembre 2019

Or, ce tombeau était proche (Jn 19,42)

ἐγγὺς ἦν τὸ μνημεῖον
engus èn to mnèmeion

Chers amis,
Semaine calme…
Rassurez-vous, ma prière a été entendue. Lundi matin, quand je me suis réveillé, il avait plus (3 petits millimètres). La semaine a été assez ordinaire. Le Frère Rafael est parti lundi à Amman mais c’est alors le Frère Albert d’Amman qui est arrivé pour la semaine. Il vient faire les formalités de permis de séjour (il est né à Jérusalem, tout de même, et sa famille y est installée depuis les croisades…). Mais comme jeudi, il n’avait rien obtenu, il doit rester jusqu’après shabbat (en Israël, les administrations sont fermées le vendredi).
Mercredi matin, cours avec Anthony. C’était la première des deux séances dédiées à l’étude des inscriptions antiques. On appelle cette discipline l’épigraphie. Il a présenté les différentes publications qui permettent de prendre connaissance de ces textes. Il y a une liste longue comme le bras et quand on va les voir dans la bibliothèque, ce sont d’énormes grimoires anciens écrits au mieux en latin, sinon en allemand et qui recensent les inscriptions en fonction des lieux, des dates (quand il est possible de leur en attribuer une), des types… Bref, un fantasme de bibliothécaire ! Cela m’a donné l’occasion d’aller secouer la poussière des in-folios du secteur 100 de la bibliothèque (le secteur 100 rassemble les livres qui concernent l’Antiquité classique : latin et grec. On y trouve la collection Budé, les études historiques sur la Rome antique, la Grèce, et les textes anciens).
Anthony nous a demandé de chercher un exemple d’inscription utile à nos recherches respectives. J’en ai trouvé une intéressante qui éclaire quelques détails de l’Apocalypse. Elle m’a donné du fil à retordre parce qu’elle a été publiée à plusieurs reprises entre 1853 et 1997 et que les interprétations données par les auteurs sont différentes. En fait, deux fragments découverts dans les années 90 ont permis de comprendre qu’il y avait en fait deux inscriptions distinctes mais presque identiques, une sur chaque face d’une des portes de la ville de Laodicée, une des villes de l’Apocalypse.
Mercredi, c'était aussi la Sainte-Barbe, très vénérée dans la région. Suzanne avait donc préparé un burbara, le dessert propre à ce jour. C'est à base de grains de blés que l'on fait cuire dans de l'eau avec des épices (cannelle, anis...) et du sucre. On ajoute des fruits secs (amandes, noix, pignons) et des morceaux de fruits (pommes, abricots secs, grains de grenade). L'aspect n'est pas très appétissant mais c'est très bon. L'ingrédient principal rappelle un épisode de la vie de la sainte : fuyant la persécution, elle avait traversé un champ de blé laissant derrière elle une trace au milieu des épis. Ils ont repoussé tout de suite, cachant ainsi le chemin emprunté par la sainte. Vous comprenez aussi pourquoi en Provence on plante du blé (ou des lentilles) à la Sainte-Barbe.
En fait, cette semaine, Suzanne s'est lâché sur la nourriture : elle nous a fait jeudi une moussaka à tomber par terre.
Jeudi soir, je me suis couché tôt… En fait, le lendemain matin, j’avais réservé la messe à la Tombe du Christ. En horaire d’hiver, elles ont lieu de 5 heures à 7 heures du matin, par créneau de 30 minutes. Évidemment, j’avais écopé du créneau de 5 heures… Mais bon, je n’allais pas bouder mon plaisir. J’avais fait signe à quelques amis, dont ceux de l’Ecce Homo pour lesquels je célèbre la messe habituellement le vendredi matin.
Ce fut une belle messe émouvante. Quelques “passagers clandestins” s’étaient joints à nous, dont l’éternelle bonne sœur… Il y a toujours une bonne sœur dans la tombe quand on y célèbre la messe, ce n’est jamais la même mais on a l’impression que c’est une institution, peut-être fixée ainsi par le statu quo qui régit la vie à l’intérieur de la basilique de la Résurrection (et autres lieux), ou bien décidée motu proprio par les religieuses !
Journée studieuse à la bibliothèque. Le soir, Anthony avait rassemblé les doctorants de l’ÉBAF et m’avait demandé de présenter quelques aspects de mon travail. J’ai parlé une demi-heure puis il y a eu des questions.
Cela s’est bien passé et finalement, l’auditoire connaissant les mêmes affres que moi, a été je ne dirais pas indulgent mais bienveillant. Ce qui m’a intéressé, c’est que les uns et les autres ont réagi par rapport à leur propre recherche et que cela a institué un dialogue que j’espère fructueux.
Le soir, j’ai montré à Rémi un de mes films préférés, Que la lumière soit ! Un petit bijou de comédie où Dieu fait son cinéma. J’ai dû le voir vingt ou trente fois, je connais les répliques et la musique par cœur mais je pleure toujours à la fin…
Malgré le lever précoce de la veille, le coucher pas vraiment tôt du soir, je me suis réveillé à 4 heures ce samedi matin… Mystère du sommeil et du repos. Le matin, en bibliothèque, j’ai travailloté, surtout autour de l’Hymne à Déméter d’Homère qui est la plus ancienne béatitude connue dans la littérature grecque.
À bientôt,
Étienne+

dimanche 1 décembre 2019

Travaillant dans le calme (2Th 3,12)

μετὰ ἡσυχίας ἐργαζόμενοι
Meta èsuchias ergazomenoi

Chers amis,
Semaine à peu près normale…
Mercredi matin, j’ai eu cours avec Anthony. Nous avons discuté d’un article d’une revue biblique qui voulait dater l’évangile selon saint Marc avec des critères numismatiques. D’abord, nous avons évalué ses critères et ses positions puis nous avons critiqué sa méthode. C’était passionnant !
À midi, je retrouve le Fr. Rafael qui est resté un peu plus longtemps à Amman. Jeudi, j’ai rencontré Anthony, nous avons discuté du chapitre 3 et d’autres choses annexes. Nous avons aussi convenu d’une rencontre avec les autres doctorants, comme je suis un des plus avancés, je dois présenter un peu mon travail, ma méthode, etc.
Vendredi matin, messe à l’Ecce Homo puis journée en bibliothèque. J’ai du mal à avancer, il y a beaucoup de choses à organiser, à hiérarchiser… C’est très intéressant mais je peine. Je suis dans une phase de recherche où on découvre des tas de choses mais où toutes ne serviront pas nécessairement. On laboure, on arrose, on attend, on pense et parfois on récolte un petit épi…
Ce matin-là, il y avait une messe solennelle à Notre-Dame pour accueillir une relique de la crèche de Bethléem que le Pape vient d’offrir à la Basilique de la Nativité. Elle provient de la crèche qui est conservée, depuis le VIe siècle à Sainte-Marie-Majeure.
Le soir, Rémi et moi étions seuls au Collège : les Frères étaient au gala de levée de fonds de l’Université de Bethléem. Nous avons donc mangé un musakhan… roboratif. Après, nous avons regardé Astérix : Mission Cléopâtre. Je l’avais vu il y a longtemps et j’ai bien ri. Mais Rémi ne riait pas aux mêmes moments que moi… Par exemple, lorsque les héros approchent d’Alexandrie, ils voient de nuit la lumière du phare d’Alexandrie et Astérix continue : « fait naufragés les papillons de ma jeunesse ». J’ai éclaté de rire mais Rémi n’a pas saisi l’allusion. Claude François lui évoque quelque chose de très lointain et confus… Remarquez, il ne connaissait même pas la reprise par M.Pokora !
Samedi, bibliothèque. La relique a été transportée à Bethléem par convoi spécial qui passe par une route dite “du statu quo”. Elle n’est ouverte qu’en quelques occasions car ce sont les Franciscains qui ont contraint les Israéliens à l’ouvrir. Les Orthodoxes et les Arméniens étaient heureux de l’aubaine.
L’après-midi, l’arbre de Noël de Bethléem a été illuminé. Plusieurs milliers de personnes sur la place de la mangeoire. Très peu pour moi… Je suis allé me promener en ville : Musée d’Israël (j’ai acheté un livre sur la fameuse synagogue du Surinam, 10 ₪ c’était offert !), le boulevard Herzl, la vallée des gazelles, Parc Koret, vieille voie ferrée et retour.
Ce dimanche, messe à Abu Gosh. C’était leur messe consulaire annuelle. (Ne croyez pas que je fais la tournée des messes mondaines ! La semaine prochaine (8 décembre), ce sera la messe consulaire à Sainte-Anne mais j’ai d’autres projets).
Il n’y avait pas grand monde, ce qui a permis une messe simple et recueillie malgré la circonstance officielle. Les Frères avaient demandé au P. Luc, sj et conseiller aux affaires religieuses au Consulat de prêcher. C’était très bien (un poil trop long si on avait été en contexte paroissial) et différent de la prédication monastique. Après la messe, l’apéro n’était pas chez les Frères mais chez les Sœurs. Moins alcoolisé à ce que m’a dit un des Frères dans la sacristie. En fait, c’était pure médisance puisqu’il y avait du Martini, du whisky et de la liqueur de kumquat faite par la communauté.
Je ne suis pas resté déjeuner (seulement pour les gens bien !) mais j’ai finalement déjeuné dans un petit resto d’Abu Gosh avec Laurence et Laurent-Pierre. La compagnie était plaisante mais le repas moyen. Avant de rentrer à Jérusalem, nous avons fait un tour dans la pinède pour récupérer des pommes de pin pour la déco de Noël.
Fin d’après-midi calme, une petite course, un peu de sport, du repassage (samedi soir, lessive, dimanche repassage).
Ça y est, l’Avent a donc commencé. Je rentre dans un mois… Il faudrait qu’il pleuve un peu (pas une goutte de tout le mois de novembre…)
À bientôt,
Étienne+

mardi 26 novembre 2019

Ôte tes sandales de tes pieds (Ex 3,5)

שַׁל־נְעָלֶיךָ מֵעַל רַגְלֶיךָ
šal-nəʿāleyḵā mēʿal raḡleyḵā

Chers amis,
Je continue le récit de mon week-end.
Dimanche matin, une amie de la bibliothèque de l’ÉBAF avait organisé une visite des mosquées avec un groupe. Nous avions rendez-vous à la porte des Lions à 8 h 30. Je retrouve quelques têtes connues ; nous retrouvons le guide et nous franchissons la porte gardée par des soldats israéliens. Il a fallu négocier un peu puisque les infos transmises aux soldats ne correspondaient pas avec celles annoncées par Caroline à son intermédiaire. L’intérêt de la visite ne résidait pas dans le guide qui n’a pas grand-chose à dire. D’autant qu’il évoque abondamment la période de la construction des bâtiments, le récit de l’ascension de Mahomet qui est réputé s’être produit ici dans la tradition musulmane. Mais l’idée qu’un temple juif ait pu s’élever à cet endroit quelques siècles plus tôt lui semble au mieux incongrue, sinon blessante…
Quoiqu’il arrive, avec lui on a patte blanche pour entrer dans les mosquées qui sont habituellement fermées aux non-musulmans. Entrés à l’intérieur, c’est le ravissement pour les yeux. La visite est menée au pas de course… Je regarde avec un peu d’attention le rocher où selon les juifs Abraham a lié son fils Isaac, et où s’élevait le Temple de Jérusalem. On voit des traces d’intervention humaine dessus, comme si le rocher avait été taillé ici ou là. Puis nous passons dans la grotte dessous qui porte le nom de “puits des âmes” (les fans d’Indiana Jones apprécieront…)
On admire les mosaïques du tambour et des côtés.
Puis nous allons vers Al-Aqsa, l’autre mosquée. En entrant, quelqu’un du groupe a dit : « Quel calme ! Ça change du Saint-Sépulcre ! ».
Une fois la visite finie, je suis retourné au Collège, j’ai changé de sac et direction le Musée d’Israël qui correspondait à mon projet initial avant la proposition des Mosquées.
J’ai donc passé cinq bonnes heures dans le Musée. Je m’étais proposé de revoir les galeries archéologiques, avec les pièces importantes : le temple des stèles de Ḥaçor, le saint des saints d’Arad, la stèle de Dan, le sarcophage d’Hérode (ou supposé tel), le buste d’Hadrien, quelques monnaies importantes. Puis j’ai parcouru la galerie de la vie et des traditions juives où je voulais revoir les quatre synagogues du XVIIIe siècle qui ont été installées là : une synagogue de Vénétie, une bavaroise, une indienne et une du Surinam… Oui, il y a des synagogues en Inde et au Surinam. L’italienne ressemble beaucoup à celle du musée d’art juif italien que j’ai visité en août dernier avec Marie-Claire ; la bavaroise est en assez mauvais état : il n’y a que les murs et le plafond en bois peint avec des animaux un peu naïfs. L’indienne est jolie mais sans caractéristique marquante… La sud-américaine a une particularité : elle est toute blanche, et son sol est en sable… Le sable symboliserait la diaspora (la dispersion des juifs dans le monde) ou le séjour des juifs au désert ou encore le fait de devoir vivre en se cachant…
Robe de mariée du début du XXe s.
J’ai aussi regardé les vêtements des femmes qui sont splendides.
À la fin de la galerie, il y avait les beaux-arts et notamment les impressionnistes : Courbet, Pisarro, Degas, un Monet…
J’ai finalement trouvé le Rembrandt du Musée : « Saint Pierre en prison ». Au détour d’un couloir, je me suis retrouvé dans un salon XVIIIe offert par la baronne de Rothschild (je ne sais plus laquelle). Impression de faire un voyage dans le temps et l’espace. À l’étage en dessous, c’est une salle-à-manger anglaise : on pense alors que les filles Bennett sont sur le point de débouler pour le repas.
Puis, j’ai fait un tour à l’expo sur Peter Pan, un peu cultureuse à mon avis.
J’ai terminé par la maquette et le sanctuaire du Livre.
Quand je suis sorti vers 16 h 30, il faisait faim et j’ai avalé le petit pique-nique que j’avais préparé. Je suis rentré à la maison. Ce soir-là, je suis allé à la messe à la Qehilah, paroisse de langue hébraïque. J’ai mis l’étole blanche qu’on m’a donnée mais deux minutes avant la messe, le P. Beni, le vicaire a déboulé dans le couloir et a dit quelques mots en hébreu… Nous avons donc changé la couleur de l’étole… pour du violet.
En effet, à la Qehilah, ils ont un grand Avent qui commence avec la fête juive de Simḥat Tora qui clôt la fête de Soukkot. À Simḥat Tora, on achève le cycle annuel de lecture de la Tora. Le grand Avent de la Qehilah commence à ce moment-là avec un dimanche consacré à chaque prophète. Il y a une première lecture en plus avant notre première lecture commune. Le dimanche du Christ Roi est aussi le dimanche du roi David : la lecture supplémentaire était donc l’onction de David par le prophète Samuel (1S 16). Comme on est en Avent, pas de Gloria ! (Honnêtement, je pense que c’est idiot : le dimanche du Christ Roi n’est pas une fête mais une solennité, qui requiert le Gloria) Enfin, c’était tout de même la messe.
Ce soir-là, je ne me suis pas attardé pour aller dormir…
Lundi et mardi, bibliothèque. Lundi soir, frère Daoud est rentré du Conseil. Il allait bien.
À bientôt,
Étienne+

dimanche 24 novembre 2019

Gallion étant proconsul (Ac 18,12)

Γαλλίωνος δὲ ἀνθυπάτου ὄντος
Galliônos de anthupatou ovtos

Chers amis,
Semaine calme et week-end sur les chapeaux de roues !
Mardi, journée normale, je suis perdu entre les cités et leurs temples impériaux. J’ai concélébré la messe à l’École puisque les Frères allaient fête sainte Marie-AlphonsineGhattas, fondatrice des sœurs du rosaire. Mercredi matin, j’ai eu cours avec Anthony sur des questions de numismatique, la science des monnaies. On ne s’intéresse pas au cours actuel de ces monnaies mais au fait qu’elles fonctionnent comme des textes : quelqu’un les a produites pour que d’autres en fassent usage. Ces “textes” témoignent aussi d’un cadre culturel particulier et nous aident à comprendre le monde qui les a produits. J’ai par exemple lu un article dans lequel l’auteur s’interroge sur le sens du verset : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15,14) à la lumière d’inscriptions sur les monnaies qui disent que le roitelet qui les a frappées est philokaisar (ami de César) ou philorhomaios (ami des romains). Dans ces cas, le titre indique plutôt une soumission qu’une affectueuse amitié…
C’était intéressant et nous avons débordé le cadre prévu sans nous ennuyer.
Ce même jour, Frère Daoud et Frère Rafael sont partis quelques jours pour un conseil de district.
Vendredi messe à l’Ecce Homo, j’ai prolongé le petit-déjeuner pour pouvoir préparer les détails de la messe du lendemain. Du coup, je ne suis pas allé à la bibliothèque ce jour-là mais j’avais prévu de la lecture pour la journée. Les téléphones ont chauffé tout au long de la semaine pour trouver un diacre, un instrumentiste ou un thuriféraire. On y est arrivé !
Samedi matin, bibliothèque. Déjeuner calme, sieste, douche. La difficulté : comment se nipper pour une occasion consulaire alors qu’on n’a rien prévu en août au moment de quitter la France… Bon, on fait simple et classique.
J’arrive à l’Ecce Homo à 15 h. Le diacre et le thuriféraire arrivent ; on met en place les derniers détails. À 16 h, tout le monde est prêt et monsieur le Consul général arrive quelques instants après. Il est accueilli par Corinne qui est responsable de la Communauté du Chemin Neuf à Jérusalem et par Sister Bernadette, supérieure des sœurs de Notre-Dame de Sion (les deux communautés collaborent pour tenir et animer la maison). Monsieur le Consul général bénit la statue du Christ qui est dans le mini-cloître de la basilique. Et la messe commence…
Ce n’est après tout qu’une messe normale avec quelques particularités. En arrivant au pied des marches du chœur, le président salue d’un signe de tête le Consul général. Après la proclamation de l’évangile, le diacre porte l’évangéliaire au Consul qui le vénère. À l’offertoire, le président est encensé puis le diacre encense le Consul général. Et à la fin de la messe, on chante l’antienne Domine, salvam fac Rem publicam et exaudi nos in die in qua invocaverimus Te. (Seigneur, tiens sauve la République et exauce-nous au jour où nous t’invoquons). Ouf ! tout s’est bien passé !
Cela m’a rappelé les messes de la Sainte-Luce à Saint-Jean de Latran où les honneurs liturgiques sont rendus à l’ambassadeur de France près le Saint-Siège au cours d’une messe présidée par le cardinal-vicaire. Cela m’a aussi évité d’entarter le Consul général comme cela m’était arrivé à Rome.
En 2006, le cardinal Ricard avait pris possession de son titre cardinalice de Saint-Augustin (près de Saint-Louis des Français). À l’issue de la messe, une réception était organisée à laquelle le Séminaire français prenait part. Je me mets dans la queue pour garnir mon assiette au buffet. Devant moi une dame plus toute jeune, très chic. Encore devant un ecclésiastique vétilleux qui chipotait pour se servir : « Vais-je prendre le canapé de droite ou de gauche ? ». Derrière moi, un grand gaillard qui parlait en gesticulant à celui qui suivait. Le grand gaillard fait un geste ample qui me bouscule (mais il ne s’en est pas aperçu). Mon assiette valse, la part de quiche qui était dedans s’envole et je réussis à la retenir en la coinçant avec mon assiette contre le dos de la vieille dame chic. Elle se retourne, je rattrape la part de quiche et me confonds en excuses. Elle a les yeux bleus révolver. Un peu plus tard dans la soirée, on m’apprend qu’il s’agit de madame le Consul de France à Rome. Flûte ! Elle est splendide avec sa trace de quiche dans le dos...
La réception qui suit est très sympa. Je parle avec des gens qui sont là de passage et qui découvrent le pays ou ceux du Chemin neuf de Nazareth qui sont venus en force prendre part à la messe. Finalement, nous nous attardons. Le Consul a l’air détendu. Pour les photos, il faudra repasser. Le photographe du patriarcat devait être là mais personne ne l’a vu et le reste des gens était très recueilli ! [Addendum: finalement, une employée de l'Ecce Homo a pris quelques photos..., d'où l'illustration]
Je rentre à la maison avec le Frère Stéphane et le thuriféraire qui est volontaire à Mamilla. Frère Stéphane propose au thuriféraire de voir l’église Saint-Sauveur, je suis et finalement, nous voilà à aller farfouiller dans le chapier de Saint-Sauveur qui déborde de vieux ornements offerts par les cours européennes à la Custodie au cours de l’histoire. Louis XIII, Louis XV, la République de Venise, le duché de Milan, la cour d’Espagne, l’Autriche… Il y a même des pièces d'ornements liturgiques dont j'ignorais l'existence : chasuble pliée, stolon... Je vous mets une image d’un ornement en soie offert par la République de Gênes en 1686. Il faisait partie de l'expo à Versailles il y a quelques années. Ça en jette.
Je suis donc rentré juste pour le dîner avec Rémi. Je vous laisse là pour vous raconter mon dimanche un peu plus tard, je suis vanné.
À bientôt,
Étienne+