dimanche 29 septembre 2019

Au commencement de l’année (Ez 40,1)

בְּרֹאשׁ הַשָּׁנָה
bərōʾš haššānāh

Chers amis,
Dans mon dernier billet, j’ai oublié de parler de la messe et du repas mardi soir à l’Ecce Homo. Les deux séminaristes étaient aussi là, c’était l’occasion pour eux de faire connaissance avec les membres du Ch’Neuf qui tiennent la maison. La messe a été dite (très !) partiellement en hébreu : introduction, kyriale, Notre Père et bénédiction. Puis nous avons fait le tour des terrasses de la maison avec leur vue à couper le souffle sur la Vieille Ville. J’aime beaucoup cette vue, presque plus que celle du Collège. Le repas a été pris dans la salle à manger Béthanie qui est celle du Chemin Neuf. Le repas a été très drôle et délicieux. Le cuisinier de l’Ecce Homo est un neveu du Frère Daoud, dont ils sont très contents : qualité, efficacité, ardeur au travail… Nous avons fait connaissance les uns avec les autres, partagé sur le judaïsme, l’Islam, les pèlerinages…
Passage latéral de la porte de Damas
à l'époque romaine
Après le repas, nous avons exploré le sous-sol, le fameux Lithostrotos et la citerne du Strouthion, plus quelques endroits non ouverts au public. Cela nous a permis de détecter une fuite d’eau !
Vendredi, j’y suis retourné pour la messe matinale.
Samedi matin, bibliothèque. J’ai terminé la partie sur B4 (il faudra certainement y revenir…) L’après-midi, avec Baptiste, nous sommes allés visiter l’esplanade romaine, un lieu que je ne connaissais pas puisqu’il était fermé au public depuis des années et il a dû rouvrir en août ! Il s’agit en fait de fouilles réalisées sous la porte de Damas, visant à retrouver les vestiges qui se trouvent dessous. Les vestiges actuels sont d’époque romaine mais on a des traces d’une porte d’époque hérodienne. Cela conforte les thèses du fr. Dominique Marie sur l’urbanisme de la ville à l’époque du Christ. En voulant payer, ce n’était pas possible : le type n’avait pas de quoi nous rendre la monnaie ! On est donc ressorti puis on a traversé la ville et Baptiste a acheté une kippa à un marchand de la rue David. Je regardais l’étal du marchand en tendant l’oreille à la négociation serrée, en arabe, qu’il a menée avec le marchand. Il s’est bien débrouillé.
Retour à la porte de Damas. Nous pouvons payer… Il faut un peu se baisser pour visiter tout cela puisque cela se trouve sous la rue actuelle. C’est aussi assez exigu mais on voit très bien les dalles antiques, et sur l’une d’entre elle une sorte de plateau de jeu (style morpion) comme ceux qui ont fait la renommée de l’Ecce Homo.
Puis sur le côté, il y a la salle des gardes de l’époque romaine : douze mètres sous voûte ! De belles pierres parfaitement taillées. C’est impressionnant.
En sortant nous admirons l’encadrement de la porte : c’est en fait, le passage latéral de la porte antique qui est sous la porte actuelle. Le reste de la maçonnerie a servi de soubassement à la porte de Damas actuelle, construite au xvie s. par Soliman le Magnifique.
Retour à la maison, au frais. À la messe, Rémi avait amené Waldemar, séminariste de Paris, qui fait une année de service dans une maison pour personnes handicapées, chez les Filles de la Charité à Ein Karem. Il est resté pour le repas et ensuite, nous sommes allés prendre une crêpe rue de Jaffa. Sur la place, il y avait la “fille au violon” et plein de monde qui baguenaudait. On a bien rigolé. Puis nous avons laissé Waldemar à son tram pour rentrer à Ein Karem.
Mur ottoman en haut,
romain en bas.
Dimanche, matinée calme, avec la messe à la paroisse. J’ai fait la connaissance du nouveau curé, le père Amjad (?) – ça devrait dire “glorieux”. Il est très sympa, il ne crie pas dans le micro et, fait exceptionnel dans le pays, il laisse du temps au silence ! On a eu deux minutes entre l’homélie et le Credo ! Le précédent n’était pas encore revenu à sa place qu’il était déjà “Dieu né de Dieu”.
Déjeuner simple avec les frères (Fr. Rafael avait sorti quelques bouteilles de bière de Taybeh). Rémi et Baptiste étaient partis à Emmaüs-Qubeibeh pour la fête liturgique de saint Cléophas.
En fin d’après-midi, avec les deux séminaristes, nous sommes partis dans le quartier juif pour les fêtes de Rosh haShana. C’est le nouvel an juif. On entre dans l’année 5780, depuis la création du monde selon le comput des rabbins. Pour nous, Nouvel an signifie souvent fête, réveillon, feux d’artifice… Chez les juifs, rien de tout ça… Rosh haShana est une fête austère (un jour redoutable, dit-on parfois) puisque c’est ce jour-là que Dieu juge les actes accomplis pendant l’année qui s’est écoulée et fixe ceux qui le seront dans l’année qui s’ouvre (cf. Dt 11,12). En même temps, Dieu est miséricordieux et on se drape de blanc. Eh oui, au nouvel an on prend des bonnes résolutions mais chez les Juifs, ce n’est pas « j’arrête de fumer, je commence un régime », on fait techouva, c’est-à-dire littéralement, un “retour”, en langage catho, on dira une conversion. Rosh haShana dure deux jours, le 1er et 2 Tishri. Au début, comme on observait la lune pour commencer le mois, on n’était jamais trop sûr, donc on faisait deux jours de célébration de peur de rater le bon jour. Tant mieux pour eux, cela fait deux jours de congé !
Finalement, Baptiste (avec la kippa acheté la veille) est rentré comme ça dans la synagogue de la Hourva (le grand dôme blanc). Évidemment, c’était la porte la plus proche du bèma (podium) au moment du prêche du rabbin ! Il est resté un petit moment, mais, habillé comme il était, il pouvait faire illusion.
Ensuite, on est allé au Mur occidental, il y avait pas mal de monde. Quand on est arrivé, les hommes poussaient tous une grande clameur, sur la même note, tenue sans faiblir. C’était très impressionnant. Nous nous sommes glissés sous l’arche de Wilson, et on a prié silencieusement au milieu de tous.
Retour à la maison et au dodo !
À bientôt,
Étienne+

jeudi 26 septembre 2019

Le président sera vêtu de deuil (Ez 7,27)

וְנָשִׂיא יִלְבַּשׁ שְׁמָמָה
wənāśîʾ yilbaš šəmāmāh

Chers amis,
Eh oui, le titre de ce billet veut évoquer la mort du Président Chirac. Pour le titre, je suis allé farfouiller chez Ézéchiel et j’ai utilisé la traduction moderne du mot נָשִׂיא (nāśîʾ) qui ordinairement signifie “prince” mais désigne aujourd’hui le président d’un État. Je n’ai pas grand-chose à dire parce qu’en fait, en 1995, je n’ai pas voté pour lui : j’avais 17 ans et 360 jours… et en 2002, je n’ai pas pu faire de procuration pour le second tour, à cause d’une gendarmette à la carrure de sumo qui a jugé que les raisons de mon absence ne justifiaient pas que je puisse établir une procuration...
Mais c’est étrange parce que je pensais justement à lui ces jours-ci (c’est toujours dangereux quand je pense à quelqu’un ; il meurt souvent pas longtemps après). Je lis un livre déniché dans une bibliothèque de rue, le mois dernier : Caméra subjective d’Anne Sinclair. C’est une sorte de journal qui va du 21 juin 2001 au 21 juin 2002 et qui raconte l’année de la campagne présidentielle de 2002. Ce qui est amusant, c'est de lire le livre, publié en septembre 2002, dix-sept ans plus tard, quand certains hommes politiques ont complètement quitté les écrans-radar, alors que d'autres ont eu un destin présidentiel...
En tout cas, ici, à Jérusalem, Chirac a laissé un sacré souvenir dans la Vieille Ville qui lui a assuré une popularité exceptionnelle dans les pays arabes, un peu moins chez les Israéliens. J’aime bien cette scène parce qu’elle montre comment Chirac, à défaut d’avoir été franchement gaulliste, eut en quelques occasions une posture gaullienne (il était de toute façon déjà très gaulois !).
Je vous laisse la vidéo des infos de France 2 de l’époque. Bruno Masure, ça nous rajeunit pas. En revanche, Bibi est toujours là, inoxydable !

D’ailleurs, à propos de Bibi, bien que son parti ait obtenu seulement 32 sièges à la Knesset, le président Rivlin, après une dizaine de jours de consultations, négociations, discussions, transactions, lui a confié la charge de former un gouvernement. Il doit donc se rallier au moins 29 députés (pour former une majorité fragile de 61 députés sur 120). Le président Rivlin a sollicité Netanyahou parce que ses chances sont un peu supérieures de pouvoir faire des alliances. Le désir du président était que Benny Gantz (Bleu-et-Blanc, 33 sièges) soit associé à la formation du gouvernement mais il refuse de s’allier avec Netanyahou, à cause des casseroles judiciaires qu’il traîne (soupçons de corruption, fraude, abus de confiance, tentatives de collusion avec la presse). Netanyahou dispose de 28 jours (+ 14 autres si vraiment c’est nécessaire) pour former un gouvernement. Il n’est pas sorti de l’auberge : le Likoud est traditionnellement allié au parti Shas (juif ultra-orthodoxe, séfarade, 9 sièges) mais Avigdor Liberman, chef du parti Israel Beteinu (droite nationale laïc, 8 sièges), refuse absolument d’être dans une coalition avec eux, mais il refuse aussi d’être dans une coalition avec la liste unie arabe (13 sièges).
Et pour compliquer le tout, on arrive dans la période des fêtes de début d’année : lundi, c’est ʾš haššānāh (רֹאשׁ הַשָּׁנָה, la “tête de l’année”, c’est-à-dire le jour de l’an dans le calendrier hébraïque). Cela va donc faire un gros pont : vendredi, les administrations sont fermées ; samedi, c’est shabbat ; dimanche, on jeûne ; lundi, c’est le jour de l’an et mardi le deuxième jour de la fête… Du coup, ça fait une petite semaine de congé comme ça l’air de rien.
Ensuite, le 9 octobre, c’est Yom Kippour (le Grand Pardon) et du 13 au 20 octobre, Soukkot, période de vacances scolaires.
Au milieu de tout ça, Bibi doit faire son gouvernement… S’il n’y arrive pas, soit on dissoud à nouveau la Knesset, soit on demande à Benny Gantz de faire un gouvernement (avec pas beaucoup plus de chance d’y arriver lui aussi). La vie politique ! L’article du site Terresainte.net est pas mal fait et explique bien les choses.
Côté people, on a vu déambuler le roi Albert et la reine Paola, la semaine dernière dans la Vieille Ville, mais j’étais dans mon trou à bosser, pas de place pour les mondanités...
D’ailleurs, côté Patmos, ça bosse.
L’autre jour, à la bibliothèque, comme j’avais remarqué que ma voisine espagnole avait rassemblé plusieurs livres sur l’Apocalypse (commentaires, monographies…). Et je lui ai donc demandé : « Vous étudiez l’Apocalypse ?
– Et quel thème en particulier ?
– L’Arbre de vie, en lien avec le récit de la Genèse.
– Très bien. Et pour quelle université ?
– San Damaso à Madrid.
– Ah oui, je connais. Un prêtre de ma communauté a fait sa licence en théologie morale là-bas.
– Comment s’appelle-t-il ? »
Je lui donne son nom.
– Ah, bien sûr, je le connais bien. Il était vicaire à ma paroisse ! »
C’est là que j’ai pensé à quelque chose que m’avait dit une amie de Jérusalem il y a trois ans lorsque nous nous étions découverts des connaissances communes : « Cathosphère = microcosme »…
Bon, c’est pas tout mais il faut aller se coucher.
À bientôt,
Étienne+

dimanche 22 septembre 2019

Et je vous amasserai (Ez 22,21)

וְכִנַּסְתִּי אֶתְכֶם
wəḵinnastî ʿeṯḵem

Chers amis,
Jai mis ce titre, car en hébreu on distingue la racine כנס que lon trouve dans le mot כְּנֶסֶת, Knesset.
Je vous avais laissé l’autre jour avant le résultat des élections. Finalement, les deux gros partis ont perdu quelques sièges, ils sont toujours à moins de 1% de différence mais le rapport de force s’est inversé : le Likoud de Netanyahou est derrière le Bleu-et-Blanc de Benny Gantz. Donc en fait, ça ne change pas : comme a titré le quotidien palestinien de Jérusalem : « Netanyahou a perdu, Gantz n’a pas gagné et Liberman joue les faiseurs de roi ». Liberman est un ancien allié de Netanyahou, président du parti Israel Beteinu (Israël, notre maison), un parti nationaliste laïc, qui au début rassemblait les Juifs d’origine russe.
Donc depuis une semaine, ça chauffe dans les états-majors politiques et devant la résidence du Nasiʾ (נָשִׂיא le président, en hébreu, c’est le mot pour dire “prince”). On n’en sait toujours rien. J’ai trouvé sur Twitter ce court résumé d’un ancien correspondant du Monde à Jérusalem. Il constate le l’atomisation de la société israélienne… Le mot est faible.
Bon sinon, j’ai bien bossé en bibliothèque. Messe, vendredi matin à l’Ecce Homo… J’étais pas frais. La veille au soir, vers 22 h, j’entends un marteau-piqueur dans la rue… Finalement, un peu avant 23 h, ils ont arrêté. Je pensais que les ouvriers profitaient de la soirée pour ne pas travailler au milieu du trafic de la journée. Je m’endors donc normalement pour être réveillé un peu avant 2 h du matin par le même marteau-piqueur ! Une bonne heure de bruit et quand ils ont (enfin !) arrêté c’est un groupe qui s’est mis à refaire la danse de rabbi Jacob sur Kikkar Tsahal (en contrebas de la deuxième fenêtre de ma chambre !). Heureusement que je n’étais pas armé…
Samedi matin, je voulais envoyer quelque chose à mon directeur mais je n’y suis pas arrivé, j’ai donc continué au Collège l’après-midi et j’ai finalement envoyé un état des lieux de mon travail. La fin est encore à fignoler : j’y travaillerai pendant qu’il lira le début.
Samedi après-midi, je n’ai donc pas trop bougé…
Dimanche, j’ai emmené Baptiste à Abu Gosh pour la messe, Laurent-Pierre et Laurence nous ont accompagnés. Belle messe, repas avec les moines. J’ai retrouvé Denis qui travaille à Bethléem et il nous a ramenés ensuite.
Après le déjeuner avec les moines d'Abu Gosh, nous avons pris le café. Quelqu'un avait offert aux frères un gros carton de nougats de Montélimar... Ils n'étaient pas mauvais, simplement insipides. Honnêtement, les nougats Silvain n'ont pas trop de souci à se faire. 
Ce soir, soupe bio et crêpe avec Marie des Neiges qui a une grosse semaine avec son Comité scientifique du Musée…
Moi, grosse semaine qui s’ouvre avec le traitement de mes deux dernières béatitudes : Ap 19,9 et 20,6… Je réalise aussi que cela fait sept semaines que je suis revenu ici et que cela fait donc un tiers des cinq mois que je dois passer en Terre Sainte. Au boulot!
À bientôt,
Étienne+

mardi 17 septembre 2019

Choisissez pour vous parmi le peuple (Jos 4,2)

קְחוּ לָכֶם מִן־הָעָם
û lāḵem min-hācām

Chers amis,
Rien de particulier ces derniers jours. À la bibliothèque, ça bosse ! Cet après-midi, je me suis rendu compte qu’en un peu plus de cinq semaines, j’ai rédigé près de 60 pages. Ça s’en vient ! J’espère que mon directeur n’y trouvera pas trop à jeter…
Jeudi mon amie Marie-Claire est rentrée en France et le surlendemain, c’est Marie des Neiges qui est arrivée pour quinze jours. Après trois années passées au service de la Custodie, deux comme volontaire et une comme salariée, elle a repris son travail en France dans le domaine de l’informatique mais continue à travailler à temps partiel pour les biens culturels de la Custodie, dans les questions de catalogage, de base de données... La semaine prochaine, le comité scientifique du Musée Terra Sancta se réunit avec quelques huiles venues de France, d’Autriche, d’Espagne et autres lieux pour concevoir le Musée que les Franciscains sont en train de mettre en place à Jérusalem. La première partie (archéologie et multimédia) est déjà partiellement en place au Couvent de la Flagellation. La partie archéologique est très bien faite (on n’est plus dans un vieux musée littéralement poussiéreux) avec une muséographie magnifique. La partie multimédia ne m’a pas vraiment convaincu… Mais bon, il paraît que c’est fait pour introduire au chemin de Croix.
La partie historique doit être installée dans le sous-sol du Couvent Saint-Sauveur (près de chez moi) et présentera l’histoire des Franciscains en Terre Sainte.
Du coup, nous avons passé l’après-midi de samedi à tchatcher chez Samara. Nous ne nous étions pas vu depuis plus d’un an (lors de mon passage à Paris pour le congrès de l’ACFEB). Depuis, pas mal d’eau a coulé sous le pont Mirabeau : reprise de la vie professionnelle “profane”, incendie de Notre-Dame auquel elle a assisté en direct, décès de son père…
Dimanche matin, j’ai célébré la messe au Collège pour les Frères. À l’occasion du passage du Frère visiteur, tous les Frères de la région se sont retrouvés à Jérusalem : Bethléem, Jaffa et Jérusalem. Nous avons ensuite mangé. Il y avait du jambon et du fromage espagnols…
J’ai passé l’après-midi au Couvent du Cénacle à tchatcher avec le Frère Wander, un franciscain brésilien, et Marie des Neiges. Wander avait préparé un gâteau au fromage et du café. Finalement, on est partis vers 19h00 bien tapées…
Lundi et mardi, je suis à “Patmos”. Lundi, vers 11 h, la secrétaire vient me trouver à la bibliothèque pour me demander mon passeport. L’intermédiaire qui fait les visas au ministère de l’Intérieur venait de l’appeler pour lui dire qu’il y allait l’après-midi même. Évidemment, je n’avais pas mon passeport : à Jérusalem, j’ai une photocopie de la page principale et du visa. Et on ne me l’a jamais demandé. J’ai donc dû retourner en vitesse au Collège pour aller chercher le sésame et l’apporter au bureau du bonhomme qui est juste de l’autre côté du boulevard de la porte Neuve… Malgré cela la matinée a été productive. Le visa est arrivé ce matin dans mon casier à l’EBAF. Pas pénible comme procédure.
Sinon, aujourd’hui, ce sont les élections législatives en Israël… En avril dernier, il y a eu des élections législatives. En Israël, le Parlement est monocaméral : une seule assemblée, la Knesset (en hébreu : כנסת, de la racine כנס, qui signifie “rassembler” ; en hébreu, בית כנסת, beth knesset, est aussi la manière d’appeler une synagogue, “maison de l’assemblée”). Il n’y a qu’un seul tour aux élections et on vote pour une liste. Le scrutin se rapproche un peu de nos élections européennes. Les listes ayant plus de 3,25% des bulletins exprimés se partagent au pro rata les 120 sièges de la Knesset. Le chef du parti majoritaire est chargé par le Président de l’État d’Israël de former un gouvernement. Comme il est rarissime qu’un parti ait obtenu plus de 60 siège, on doit constituer une coalition. C’est parfois l’alliance de la carpe et du lapin (la carpe est casher, c’est le plat typique du sabbat chez les ashkénazes ; en revanche, le lapin est un ruminant – selon la Tora ! – mais n’a pas le sabot fendu, donc il n’est pas casher). En plus, les petits partis qui permettent de faire une coalition sont des “faiseurs de roi” et peuvent donc se montrer gourmand en termes de postes ministériels : « J’ai obtenu 5 sièges à la Knesset mais comme je peux te permettre de constituer un gouvernement, je demande l’Intérieur, la Défense et les Affaires étrangères ; en contrepartie, je te laisse la Culture et les retraités ! »
En avril dernier, deux partis sont arrivés à égalité de sièges : le Likoud, parti de Netanyahou, classé à droite et Bleu-et-Blanc de Benny Gantz, classé au centre-droit : 35 sièges chacun avec un léger avantage de nombre de voix pour le Likoud (moins de 1 % de différence). Netanyahou étant plus en mesure de constituer un gouvernement, il en a été chargé. Il a tenté des coalitions avec les nombreux micro-partis encore plus à droite que lui. Mais au bout de 45 jours de tractations diverses, il n’est pas arrivé à rassembler 26 députés en plus pour avoir une majorité. La Knesset a été dissoute le 30 mai et de nouvelles élections convoquées pour ce 17 septembre.
Aujourd’hui, un grand nombre de bureaux et de services publics étaient fermés pour les élections (il est impensable de voter un jour de sabbat : on romprait le repos !). Et surprise pour nous Français, la campagne ne s’arrête pas la veille ou l’avant-veille du scrutin : les militants tractent même à l’entrée des bureaux de vote… On y va jusqu’au bout.
Ce soir, on n’a pas beaucoup avancé… 32 sièges pour le Likoud et Bleu-et-Blanc, ils doivent donc trouver 29 bonshommes pour compléter la coalition…
On n’est pas sortis de l’auberge…
À bientôt,
Étienne+

jeudi 12 septembre 2019

Selon le rituel quotidien (1Ch 16,37)


לִדְבַר־יוֹם בְּיוֹמוֹ
liḏḇar-yôm bəyômô

Chers amis,
Je ne sais pas trop que vous raconter… Lundi, mardi, mercredi, jeudi bibliothèque…
Mardi soir, avant la messe, j’ai passé un moment avec Marie-Claire qui est rentrée en France ce jeudi après 10 jours de pélé avec sa tante.
Pour moi, le travail avance doucement. À mon arrivée, début août, j’ai fait un gros copier-coller de tout ce que j’ai déjà fait. À partir de là, j’ai fait une grosse relecture de tout pour voir si les choses s’enchaînent harmonieusement et logiquement… s’il ne manque pas de choses. Je soigne aussi les liaisons. Ne vous affolez pas, je ne suis pas au bout, mais j’éprouvais le besoin de voir où j’en suis. Souvent, ces derniers temps, quand les gens me posaient la question qu’on ne doit jamais poser à un thésard : « Où en es-tu ? », je répondais : « Au milieu du gué »… Je voudrais simplement savoir où je suis. Cela me permet de faire aussi un bilan intermédiaire et de voir sur quelles bases, je peux m’appuyer pour continuer ma traversée.
Bon, sinon, je peux en profiter pour pousser mon coup de gueule, que je médite depuis quatre ans, concernant les feux tricolores à Jérusalem… Quand on est piéton, c’est insupportable. Je pense qu’il y a des gens qui sont morts d’ennui en attendant que le petit bonhomme passe au vert…
La synchronisation des feux n’est pas faite en pensant aux piétons. Et habituellement, on traverse un gros boulevard en deux fois, d’abord les voies dans un sens, puis celle dans l’autre, avec une (longue !) halte sur le terre-plein central. Dans le cas d’un gros carrefour, il faut attendre quatre fois pour traverser… On peut mettre cinq minutes pour parcourir les 25 mètres en diagonale du carrefour… Le pire, c’est quand la première traversée est rouge et la seconde verte… Tu peux être sûr que lorsque la première traversée va passer au vert, la seconde va instantanément devenir rouge ! En fait, sur un boulevard avec terre-plein central, le feu n’est vert pour les piétons sur un côté que si c’est vert pour les voitures de l’autre côté. Et à un carrefour, les quatre voies sont vertes l’une après l’autre… De quoi, en effet, mourir d’ennui…
En changeant de trajet pour aller à l’école, j’ai économisé 5 minutes de marche ! Je n’ai pas à traverser le boulevard devant la porte Neuve puis au croisement avec la rue des Prophètes (où les choses sont encore compliquées par le passage du tramway !). Maintenant, je n’ai plus à traverser que deux petites rues. Mais parfois le rouge nous pousse à bout, on ne tient plus en place, on a envie d’y aller…
Vous vous dites peut-être « mais s’il n’y a personne, vas-y ! traverse ! ». Oui, mais…
En France, avez-vous déjà été verbalisé pour avoir traversé au rouge ? En Israël, ça arrive ! Donc on devient paranoïaque ! Et on devient très prudent. En 2007, une amie avait reçu un PV salé pour avoir traversé au rouge.
L’autre jour, en traversant au rouge (quelle imprudence), un type à vélo, m’a dit en anglais : « You shouldn’t do it, you’re a priest, you have to give the example ! » J’ai répondu : « Indeed, I’m a priest, but I’m also French and I can’t bear waiting ! » Là, il m’a répété la même chose en français.
Vive les petits villages français, sans voiture et sans feu rouge !
Sinon, lundi, le frère Fadi, visiteur (= provincial) des Frères du Proche-Orient est en visite pour une douzaine de jours. La communauté est donc nombreuse.
À bientôt,
Étienne+

dimanche 8 septembre 2019

Comme un jardin tout irrigué (Is 58,11)

כְּגַן רָוֶה
ḡan rāweh

Chers amis,
Quelle belle journée que ce dimanche !
Vendredi, rien de particulier, une journée somme toute ordinaire. Sauf qu’à peine rentré en Terre Sainte, le Frère Rafael est reparti en Jordanie : il doit faire refaire son permis de conduire. En retournant à la bibliothèque, vers 14 h, j’ai enfin aperçu Anthony, mon directeur qui venait de rentrer. Samedi matin, j’ai travaillé et en sortant, j’ai vu le directeur de l’ÉBAF…
L’après-midi, avec Baptiste et Rémi, nous sommes allés aux Vêpres chez les Arméniens. Un archevêque présidait et les séminaristes chantaient. Ce que j’aime dans les chants arméniens, c’est que ça avance, ça n’a pas peur de donner de la voix, ça ne minaude pas… Finalement, les vêpres ont duré une petite heure et nous avons un peu marché vers Saint-Pierre en Gallicante, le Cénacle, la tombe de David et la Dormition.
Rien de spécial.
Ce dimanche, messe matinale à Saint-Sauveur puis j’ai rejoint des amis au monastère de l’Emmanuel. Baptiste y était aussi pour assister à la messe melkite. Après la messe, nous sommes partis pour une belle balade. Il y avait Loïc et Sophie, couple de volontaires connus à Abu Gosh, Guillaume, le frère de Sophie, Baptiste en moi. Nous avons laissé la voiture à al-Makhrour, près de la sortie du deuxième tunnel, près du check-point de Beth Jala (pour ceux qui connaissent). De là nous avons suivi un sentier qui descendait dans le fond du vallon et suivait ensuite le wadi Al-Makhrour (naḥal Helets en hébreu) au milieu des rochers, des oliviers. Quelle beauté ! Les pentes du vallon sont aménagées de murs en pierre sèche sur toute la hauteur. Cela évoque un peu nos collines provençales. À un moment, je vois quelque chose bouger sur notre gauche. J’ai d’abord pensé à une perdrix et en fait, il s’agissait d’un renard. Son pelage était gris et en cherchant sur Internet, je me demande s’il ne s’agit pas d’un renard de Blanford (Vulpes cana), appelé aussi renard afghan. Bon, en même temps, on estime la population mondiale de ce renard à un millier… Mais la photo correspond assez bien à ce que j’ai vu. Le pelage n’était pas roux.
Après une petite heure et demie de marche nous sommes arrivés à notre destination : Battir. C’est un village palestinien, situé sur la ligne verte de cessez-le-feu de 1949. Il est bâti en haut d’un petit cirque, irrigué de plusieurs sources. Des murs en pierre sèche très anciens ont permis de ménager des jardins potagers depuis 2 000 ans. Et l’eau ne manque pas ! Il n’a pas plus depuis quatre mois et demi et les petits canaux fonctionnaient, amenant l’eau dans les différentes parcelles. La végétation est luxuriante (les aubergines rendraient jaloux mon jardinier de père !). Avant d’entrer dans le village, nous sommes descendus tout en bas dans le fond. Le wadi Al-Makhrour se “jette” dans le naḥal Rephaʼim (wadi el-Werd en arabe). Dans cette vallée, serpente (littéralement !) la voie de chemin de fer construite en 1892 par les Ottomans entre Jaffa et Jérusalem. Elle est toujours en service.
Le village situé sur la ligne de cessez-le-feu a dû se battre pour ne pas voir ses cultures et son patrimoine ravagé par le mur de séparation et l’UNESCO l’a classé sur la liste du Patrimoine mondial. Et c’est vrai que c’est magnifique. Le village est peuplé de 4 000 habitants et a été pas mal construit mais on distingue quelques maisons anciennes (XVIIe-XIXe siècles).
À proximité, il y a le site de Khirbet el-Yahud, la ruine des Juifs, qui est en fait l’équivalent de Massada pour la deuxième révolte juive. La première révolte juive a eu lieu de 66 à 70 de notre ère et s’est terminé par la destruction du Temple de Jérusalem ; la révolte s’est prolongé par le siège de Massada, bien connu. En 132, une autre révolte a éclaté conduite par un certain Bar Kokhba (= fils de l’Étoile) et a été maté dans le sang par l’empereur Hadrien. Les derniers insurgés ont été réduits à néant à Battir… Entre 1967 et 1993, les Israéliens ont fouillé ce site et en ont déduit qu’il s’agissait bien du lieu du siège
Nous avons traversé les cultures en terrasse et nous sommes arrivés au bassin romain. Nous avons pique-niqué. Après notre déjeuner, nous sommes rentrés à pied par le même chemin. En quittant le village, nous avons vu quelques voitures sur lesquelles on avait dû s’acharner pour les réduire en morceaux… Ça n’a pas rassuré Loïc, notre chauffeur ! Mais je lui ai dit que j’avais laissé saint Joseph dans la voiture et il avait fait son travail de gardien.
Ensuite, Sophie, Loïc et Guillaume continuaient par la basilique de la Nativité. Ils nous ont laissé à Bab el-Sqaq et Baptiste et moi sommes rentrés à la maison. Il y a un arrêt de bus juste à côté du Collège, le long des remparts. Sieste, douche et je suis allé faire un tour tranquille rue de Jaffa. Je me suis “tanqué” sur le banc d’un parc pour prier.
Au dîner, le Frère Daoud m'a dit que la zone d'Al-Makhrour est une peu tendue en ce moment : des Israéliens se sont emparés d'un terrain dans le coin... Avec la délicatesse et la courtoisie habituelle.
Ce soir, je ne fais pas de vieux os.
À bientôt,
Étienne+

jeudi 5 septembre 2019

En marchant au son de la flûte (Is 30,29)


כַּהוֹלֵךְ בֶּחָלִיל
kahôlēk beḥālîl

Chers amis,
Dimanche, j’avais prévu une visite au Musée d’Israël avec des amis et le truc est tombé à l’eau la veille au soir… J’ai dû changer de projet. J’avais de toute façon la messe à 18 h 30 à la Qehilah (paroisse de langue hébraïque), et donc toute la journée libre.
J’ai donc fait une belle randonnée. Je suis parti à 9 h du matin. J’ai remonté la rue de Jaffa jusqu’au fameux pont de cordes (ou harpe de David). De là, j’ai continué dans le quarter de Giv’at Shaûl (la colline de Saül) puis je suis descendu dans le wadi Revida. C’est un petit vallon charmant mais en bas, des travaux pharaoniques ont lieu. Ils creusent une série de tunnels pour rejoindre la voie rapide vers Tel Aviv. Je suis toujours impressionné par l’hubris constructrice de ce pays. Ça construit partout, encore et toujours. En ce moment, c’est dans le quartier de la gare centrale, près du pont de cordes que l’on construit : une vingtaine de tours est prévue… Il y a quelque chose de babélien dans cette furie.
Pour vous donner une idée, ce petit vallon où les travaux ont lieu est celui que l’on domine au bout du musée de l’histoire de la Shoah à Yad vaShem. C’est un peu dommage de gâcher le panorama qui est si apaisant après une visite assez éprouvante. Ensuite, un nouveau tunnel passe sous le quartier de Beth Zait (la maison de l’olivier) et rejoint la voie rapide dans le vallon de Motsa. En prévision des travaux, des fouilles préventives ont eu lieu et l’Autorité des Antiquités a découvert une grosse cité de l’époque néolithique à cet endroit. En fait, en mars dernier, j’avais déjà fait un grand tour dans ce coin et j’avais vu le chantier de fouilles mais sans savoir de quoi il s’agissait, puisque la découverte n'a été rendue publique qu'en juillet. Six mois plus tard, surprise, les travaux ont avancé et la plus grande partie du chantier a été terrassée (à tous les sens du terme…). En cliquant sur le lien, vous voyez une photo. Tout ce qui est en deçà du chemin a disparu… Ensuite, il a fallu remonter la pente vers le site de Castel, passer sur la voie rapide et arriver dans Mevaseret Tsion. De là, j’ai un peu cherché pour m’engager dans le naḥal Ḥalilim (le vallon des flûtes !). J’avais repéré ce vallon pendant ma balade du mercredi des Cendres et j’ai trouvé l’occasion bonne pour aller l’explorer. En cliquant sur le lien vous voyez des photos prises en mars, avec les pluies abondantes de l’hiver dernier. Ce dimanche, c’était plutôt pelé… À mi-hauteur, il y a une petite grotte à l’ombre de laquelle j’ai déjeuné : œufs durs, vache qui rit, salade, chips et d’excellents raisins !
Dans le sens des aiguilles d'une montre 
Autant, j’étais parti à la fraîche, autant, il commençait à faire bien chaud…
Ensuite, je suis arrivé dans le naḥal Sôreq que je connaissais déjà. Et je suis remonté vers Jérusalem par le village de Lifta. Ce sont les ruines d’un village palestinien “évacué” en 1948 par l’armée israélienne. J’avais aussi vu sur Wikipedia que ce site a servi de décor pour le film Ben-Hur, celui de 1959. En revoyant le film par petits bouts cette semaine, j’ai essayé de voir quelle scène avait bien pu être tournée là… Chou blanc ! Sur internet, on proclame à tout va que le film a été réalisé à cet endroit mais on est moins précis sur les scènes qui y ont été tournée. Peut-être est-ce seulement quelques images en passant… D’ailleurs quand le héros est emmené aux galères, avant de passer à Nazareth et d’être abreuvé par le Christ, il passe dans le désert. La scène a dû être tournée au bord de la mer Morte, près de Massada (mais je pense que c’était avec une toute petite équipe secondaire, car on ne voit pas Charlton Heston sur le plan).

La remontée a été bien crevante, j’étais fatigué, il faisait chaud, j’avais bu quatre litres d’eau mais je mourais de soif… J’ai dû frôler le coup de chaud. Je serai bien allé me tremper dans le bassin de la source d’Ein Lifta, mais il y avait déjà deux jeunes filles (couvertes des pieds à la tête) et un type (découvert des pieds à la tête !) qui faisait ses ablutions. J’ai donc continué et épuisé, j’ai regagné le Collège en tramway.
Grégoire, votre serviteur, Maximilien,
Jean-Baptiste, Séraphin et Hugo
Le soir, messe à la Qehilah, présidée par Mgr Nahmias, évêque de Meaux qui est ici en pèlerinage avec ses séminaristes et le service des vocations. Belle messe bilingue (hébreu-français). Au cours de la messe, Grégoire un séminariste qui a étudié deux ans et demi au Studium puis a fait deux années de volontariat à Jérusalem a été institué acolyte avec deux autres séminaristes. Dans le groupe il y avait aussi deux jeunes prêtres (2 mois tout juste, le saint chrême n’est pas encore sec !) qui ont étudié au Studium de NDV.
Après la messe, photo ! et apéro ! J’ai revu un tas de monde.
Depuis lundi, la maison a bien changé… Nous étions trois depuis une semaine, départ du Frère Luis pour retourner à Jaffa pour la rentrée.
Chaque jour quelqu’un est arrivé ! Lundi soir, c’est Baptiste, séminariste du diocèse de Viviers, qui a passé deux ans au Studium et qui rendait service à la paroisse de Saint-Didier et Venasque. Il vient passer deux ans de volontariat à Bethléem mais doit apprendre l’arabe. Il fait un cours intensif en septembre à Jérusalem (3h30 tous les matins) à l’institut Polis. Il loge donc au Collège qui est à 5 minutes à pied de son école…
Mardi, c’est Rémi, séminariste de Nanterre qui vient pour une année de volontariat à la suite de ce que Grégoire a fait. Il logera ici.
Enfin, mercredi, c’est Frère Rafael qui est rentré d’Espagne. Je l’ai retrouvé ce jeudi midi, toujours aussi tonique (il aura 90 ans le mois prochain). Nous sommes donc six ce mois-ci au troisième étage et l’ambiance est sympa.
Sinon, cette semaine, bibliothèque, bibliothèque, bibliothèque… J’avance bien.
À bientôt,
Étienne+