jeudi 28 juin 2007

Camp de réfugiés de Aida (Bethléem)

Cher tous,
Après un lundi et un mardi calmes, je suis retourné mercredi à Bethléem, non pas pour prier sur les lieux saints mais pour visiter un des trois camps de réfugiés qui entourent la ville. Nous (Agnès, Jaime, Brian, Javier et Pedro) avons donc fait le trajet habituel : Sherout 124, check point, un petit quart d’heure de marche à la relative fraîcheur du matin autour du mur qui serpente autour du tombeau de Rachel et nous sommes arrivés devant l’ Intercontinental Hotel. Là, Lorianne nous attendait, elle est étudiante à Bordeaux et fait un stage de quatre mois dans ce camp pour enregistrer et archiver les témoignages des réfugiés.
Le camp a été installé en 1950, après la Nakba, la “Catastrophe” (c’est ainsi que les Palestiniens appellent la première guerre israélo-arabe) pour recueillir les habitants des villages arabes se trouvant dans le territoire pris par Israël, en plus de ce que le plan de partition prévoyait. Il y eut une seconde vague de réfugiés en 1967 après la “guerre de 6 jours”. Depuis 2002, de nouveaux réfugiés arrivent : ceux qui se trouvent sur le tracé du Mur de Séparation ou pris entre la Ligne Verte (cessez-le-feu de 1948 reconnu comme frontière entre Israël et la Palestine) et le Mur.
Actuellement, 5000 personnes vivent dans ce camp. Il y en a 18 autres en Cisjordanie, totalisant près de 200 000 réfugiés. À la télévision, lorsque l’on parle de réfugiés, on voit les images de l’Afrique avec des gens sous des tentes de l’ONU, dans un coin désertique. Ici, en près de 60 ans, on a pris le temps de s’organiser. Toute la zone est construite, goudronnée, avec électricité et eau courante, la mosquée rutile. La vie a continué son chemin : on a grandi, on s’est marié, on a eu des enfants. Beaucoup des gamins que nous avons vus dans les rues appartiennent à la deuxième génération née dans le camp. Le plus impressionnant est de réaliser leur désir de retourner dans leur village. Le long du mur de clôture de l’Intercontinental, il y a deux ans, les gens ont peint une immense fresque représentant la trentaine de village d’où les réfugiés sont originaires. Certains sont à seulement 15 km du camp mais de l’autre côté de la frontière…
Lorianne nous a montré les anciens locaux du centre culturel où elle travaille. Une baraque minuscule. Maintenant, ils ont installé là une chambre noire pour les activités du club photo animé par Anne. On a rencontré John, un juif américain vivant en France ; il venait de passer une dizaine de jours dans le camp pour mettre son savoir-faire de photographe amateur au service du centre. Comme juif, il nous a parlé avec émotion de ce qu’il a vécu ici. Son témoignage était vraiment bouleversant. Il a fait la même remarque que moi concernant le poster Peace be with you au check point.
Ensuite, Anne nous a montré les nouveaux locaux du centre. Des enfants partout jouant, surfant sur le Net… À l’étage un cours d’anglais (le centre sert aussi pour le soutien scolaire, pour permettre à tous les enfants d’être scolarisés malgré la trop faible capacité des deux écoles du camp), un bibliothèque, une ludothèque. Le tout est financé par des associations européennes et américaines ainsi que par l’Islamic Relief (Secours Islamique : oui, je sais ça sonne drôle pour nos oreilles catho mais franchement ils n’ont pas l’air de fous furieux).
Nous sommes retournés à l’entrée du camp en parcourant les rues, des enfants dans la rue, des femmes vêtues de robes noirs brodées… Prendre des photos n’est pas facile, surtout que les femmes n’aiment pas que des hommes le fassent, Agnès a eu moins de problèmes…
Regardez en cliquant sur le lien, ce petit film trouvé sur Youtube, vous verrez à quoi ressemble le check point.
À bientôt,
Étienne+

lundi 25 juin 2007

En avant la musique

Cher tous,
Rapidement, les premières impressions du festival Sounding Jerusalem. Une grosse vingtaine de concerts de musique de chambre gratuits dans des lieux inattendus de Jérusalem et des environs, avec des artistes de renommée internationale ; le plus original des concerts est celui du 6 juillet, il a été baptisé Sunrise Temptation, il commence à 5h15 du matin au monastère orthodoxe de la Tentation qui domine la ville de Jéricho (on y accède par un téléphérique) et le soleil doit se lever en musique. Je regrette un peu de ne pouvoir y assister mais c’est le jour où le groupe NDV débarque en Terre Sainte.
Samedi, la journée s’est passée sans rien de particulier. À 18h00, j’étais avec Agnès dans l’Hospice Autrichien qui se trouve devant la 3° Station. C’est une belle bâtisse de la fin du 19° siècle, à l’origine un hôpital et maintenant une maison d’accueil pour groupes germanophones. La maison est réputée pour ses Apfelstrudel. Au premier étage, un petit salon de musique charmant : un motif de lyres et de feuilles d’acanthe sur fond vert sapin orne les murs. Les plafonds sont décorés de thèmes religieux et musicaux. Le cadre enchanteur donne une ambiance belle époque. Le salon n’a qu’un défaut, ce n’est qu’un salon et on y étouffe vite d’autant plus que ce début d’été hiérosolymitain se distingue par des températures exceptionnellement hautes.
Le programme de ce Grand Opening était assez classique. Trois Scottish Songs de Beethoven, huit de Haydn interprétées par un piano, un violon, un violoncelle et une jeune soprano française délicieuse à écouter. Une impression de facilité et de naturel qui cache un sacré travail. Hélène Le Corre, retenez ce nom. Puis, il y a eu un entracte pour permettre au muezzin de la mosquée d’en face d’appeler les croyants à la prière. On a repris avec un trio de Schubert pour piano, clarinette et soprano Der Hirt auf dem Felsen. Un régal de précision, de simplicité, bref la musique de chambre de Schubert.
Puis, nous avons eu un ovni musical par un jeune improvisateur jazzman autrichien. La veille, il avait parcouru les rues de la ville en enregistrant les sons, l’atmosphère si particulière de cette ville d’orient. Le matin, il a mixé le tout puis il nous l’a diffusé en accompagnant ces “sounds” d’une improvisation au piano. Je suis d’habitude assez méfiant envers ce genre d’expériences conceptualo-intello-fumeuses et là, j’ai été ébahi ! Les bruits utilisés (muezzin, chants arméniens, mélopées juives du Mur, cris des marchands de la rue, rires d’enfants, oiseaux) se mariaient avec sa musique, l’expérience donnait un résultat imagé et réellement évocateur de la ville.
Le concert s’est achevé par un trio pour violoncelle, clarinette et piano de Frühling (début 20°). Très agréable et original. Je me suis enfui rapidement pour ne pas être trop en retard au repas chez les Frères. Je me suis étonné moi-même d’avoir pu courir tout le long du chemin mais comme je fais pas mal de vélo dans la salle de gym des frères, j’ai du souffle…
Dimanche 24 juin, Nativité de saint Jean Baptiste, avec la fourgonnette de l’École Biblique, je suis allé à Abu Gosh pour l’ordination diaconale de Frère Olivier Hellouvry. Le nom suffit à vous dire d’où il est originaire mais il est en fait né à Toulon. C’est le frère hôtelier du monastère d’Abu Gosh. Avec quelques amis, nous l’avions rencontré en février lors de notre passage à Abu Gosh. Il accueille depuis des années des jeunes israéliens qui viennent rencontrer un moine chrétien dans le cadre du service culturel de l’armée, il parle hébreu et arabe et on le retrouve même cité dans le Guide du Routard. La célébration était présidée par Sa Béatitude Mgr Michel Sabbah, le patriarche latin de Jérusalem. L’assemblée était assez bigarrée : Israéliens, soldats en treillis, un groupe de motards venus en Harley-Davidson, Palestiniens, habits religieux variés et inattendus. La liturgie était comme à l’habitude parfaite mêlant le grégorien au polyphonique. Un régal. La première lecture était en hébreu, la seconde en arabe, le Notre Père en hébreu sur une mélodie russe... Le buffet qui a suivi était bien mais les boissons manquaient un peu.
De retour à Jérusalem, douche, sieste…
Puis à 18h00, concert à l’École Biblique, le thème était French Impressions. Les artistes de la veille changeaient de registre pour interpréter les compositeurs français du 20° siècle. D’abord une sonate pour piano et violoncelle de Debussy. Puis le solo de clarinette du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen, ce n’est pas le genre de musique que je goûte habituellement, mais je dois reconnaître que le clarinettiste avait un sacré talent. Puis des poésies de Verlaine mises en musique par Debussy, avec toujours la délicate soprano française. Nous avons pu apprécier la qualité de sa diction dans un répertoire où souvent les ports de voix et les trémolos nuisent à l’intelligibilité du texte ; là, on comprenait chacun des mots de Verlaine. Après un entracte rafraîchissant, nous avons continué avec des poésies de Baudelaire adaptées pour le piano par Henry Duparc. Il y avait la fameuse Invitation au Voyage :
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

C’était magique. Sauf qu’au moment où elle chantait « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté » quelqu’un est entré dans la salle et a provoqué un bang disgracieux… Sauvages !!!
Le concert s’est achevé par la sonate pour piano et violon de Ravel. La jeune pianiste autrichienne et la violoniste néerlandaise ont été merveilleuses de précision, de technique, de virtuosité. Impressionnant. Le programme était assez austère avec ces musiciens français “peu évidents” mais les interprètes en ont fait quelque chose de magique.
Ensuite, Terence m’avait invité au dîner à l’école ainsi que Marie-Claire Rouquet (son père est médecin à la retraite et habite Montpellier) car il part aujourd’hui, lundi. Puis, Nathanaël nous a rejoints, ainsi que Luc Devillers et on a tchatché jusqu’à 22h30. Quelle fine tranche de rigolade !
À bientôt,
Étienne+

samedi 23 juin 2007

Encore Bethléem

Cher tous,
Dimanche dernier, je ne savais pas où aller à la messe puisque je ne célèbre pas chez les Frères ce jour-là. Finalement, on m’a fait signe pour la première communion des enfants du Lycée Français de Jérusalem. Cela avait lieu à Sainte-Anne ; il y avait 13 enfants de 8 à 10 ans. L’ambiance était très sympathique, très “première communion”, le tout étant compliqué par l’acoustique de la jolie église des croisés. Pour chanter, les 12 secondes d’écho en font un lieu idéal et gratifiant ; pour parler, c’est très difficile. Ensuite, on a pris le repas tous ensemble dans le jardin des Pères Blancs. Comme les familles étaient assez réduites du fait de l’éloignement géographique, ils avaient décidé de faire un buffet commun. Le plat de résistance avait été commandé à un traiteur et les mamans se chargeaient du dessert tandis que les papas fournissaient le vin. Malgré la chaleur, on est resté tranquillement sous les arbres une bonne partie de l’après-midi à deviser avec les parents. Ça m’a rappelé les dimanches familiaux à la Lyonnaise.
Ensuite, je suis allé à l’Institut Magnificat pour le concert de fin d’année des élèves de la classe de chant. Il s’agit du Conservatoire de la Custodie de Terre Sainte. À part une jeune française, c’était assez pénible : je repensais à Florence Foster Jenkins, cette richissime veuve américaine qui, chantant comme une casserole, voulait tout de même faire une carrière lyrique. Ses moyens lui permettaient de se payer des instrumentistes pour tenter de l’accompagner. Un jour, elle a loué Carnegie Hall à New York et devant l’hilarité du public a réalisé son manque de talent. Elle mourut (de chagrin ?) un mois plus tard.
La jeune française était assez étrange : sur scène, une présence incroyable, une voix chaleureuse et pleine, un peu inaccessible et hors du temps ; une fois descendue du podium, la démarche était lourde, la voix un peu grave et lourde, presque vulgaire.
Lundi, mardi et mercredi, journées calmes et sans événements particuliers… Jeudi, c’était le 21 juin, arrivée officielle de l’été : il est déjà là depuis quelques jours ; avec des températures oscillant entre 30 et 34°C. Comme je marche pas mal entre le Collège et l’École, je suis tout bronzé.
À 12h30, j’avais été invité au Consulat Général de France pour un buffet concert à l’occasion de la Fête de la Musique. Le Consulat est situé à l’ouest. Ce jour-là, la ville était pleine de flics et de soldats, à tous les carrefours. Dans le ciel, flottait le Zeppelin de la police : un petit dirigeable retenu au sol par une corde et équipé d’une caméra pour surveiller d’en haut. Habituellement, on le voit le vendredi, jour de la grande prière des musulmans. En fait, la ville était quadrillée à cause de la Gay-Pride : à Jérusalem, ils sont à peine 2 ou 300 à manifester mais il y a deux ans, un des manifestants s’est fait poignarder par un juif orthodoxe. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la police a bouclé le quartier orthodoxe de Mea-Shearim et il y a eu des affrontements.
Au consulat, tout le gratin français de Jérusalem (et non pas le gratin cairote) était présent, je connaissais deux ou trois personnes. Le cocktail était sympa : du jus d’orange à gogo (par cette chaleur, on appréciait) et un buffet de fromages (roquefort, bûche, brie…) avec des tranches de baguette (de la vraie, qui croustille bien). Pour la première fois depuis six mois, je mangeais de la baguette... Tout eût été merveilleux, n'eût été la présence de sauvages dans ce cadre normalement fréquenté par des gens éduqués : le roquefort a été vandalisé et coupé n'importe comment... Vision désolée de carnage.
Le concert qui a suivi était varié et agréable : un violoncelliste autrichien a interprété les fameuses Suites de Bach ; un jeune pianiste de jazz nous a régalé de morceaux de sa composition enfin un trio (piano, accordéon, tuba !!!) a joué des pièces aux accents latins. Plaisant.
Le soir, pendaison de crémaillère chez Nathanaël. Le diocèse de Paris a loué un appartement pour pouvoir envoyer des prêtres et des séminaristes étudier à Jérusalem. Les travaux se sont achevés au début du mois. Soirée sympa et fraternelle. Terence faisait aussi ses adieux, puisqu’il part lundi prochain. Marie-Claire, volontaire de St-Pierre en Gallicante, était là et du coup, je lui ai fait signe pour le lendemain à Bethléem.
Hier, vendredi, rendez-vous à 9h00 à la station du Sherout 124, près de la Porte de Damas. Nous étions quatre : Agnès, Terence, Marie-Claire et moi. Le Sherout nous a laissé au check point de Bethléem. Un grand hangar avec des portails métalliques, des barrières… Une fois sortis du hangar, on se retrouve face au mur et on voit l’immense affiche du ministère du tourisme israélien : Peace be with you. Inconscience ? Cynisme ? Les deux à la fois ? Je ne sais pas, mais depuis Arbeit macht frei, on n’a pas fait mieux. En passant entre les barrières, Agnès me dit : "Le pire, c'est qu'on s'habitue..." On passe à travers le mur et on voit le côté palestinien. Comme à cet endroit le mur serpente pour absorber le tombeau de Rachel, on a l’impression qu’il y a plusieurs murs parallèles.
Nous avions largement le temps, ce qui nous a permis d’aller à pied à Bethléem. Comme nous étions vendredi, l’ambiance était beaucoup moins agitée que la semaine précédente. Nous avons traversé le souk, pas âme qui vive… Sur la place de la Mangeoire, en revanche, dès que les gens voient un col romain, ils vous sautent dessus : "Welcome in my shop, father ! Do you want to see my shop, father ? Fifty per cent for French priests !"
À 10h45, j’ai donc célébré la messe avec Terence à l’autel latin de la grotte de la Nativité. Je n’en revenais pas d’avoir trouvé un créneau libre, à l’heure que je voulais, le jour que je voulais et à cet endroit. En plus, on dispose de trois quarts d’heure pour célébrer la messe, ce qui est amplement suffisant pour célébrer dignement (la demi-heure du Saint-Sépulcre est un brin stressante). Nous pouvons aussi chanter, chose interdite au Saint-Sépulcre.
Ces derniers jours, j’ai parcouru une thèse de droit canonique passionnante (chose rarissime) sur le Statu Quo Nunc des Lieux saints. Comment on en est arrivé là, pourquoi… En fait, le principe est simple : à la fin du Royaume de Jérusalem, la plupart des lieux saints sont aux mains des Latins (les catholiques de rite latin : nous !), le régime mamelouk leur étant relativement favorable. En 1516, les choses changent avec l’arrivée des Turcs Ottomans. C’est aussi l’installation des Grecs orthodoxes qui évincent la chrétienté orthodoxe locale, arabe. Petit à petit, les Grecs élèvent des prétentions à la propriété des Lieux saints. La faveur des Turcs va aux Orthodoxes (beaucoup sont employés dans l’administration ottomane). Petit à petit, les Orthodoxes et les Arméniens s’emparent de parties non négligeables des Lieux saints. Ainsi, jusqu’en 1808, la Tombe appartient exclusivement aux Latins. Les réclamations latines et orthodoxes sont toujours grassement payées aux Ottomans qui ont donc intérêt à laisser la situation sans solution tranchée. En 1747, il y a même des morts dans la Basilique du Saint-Sépulcre. Cent ans plus tard, l’étoile de la nativité marquant le lieu de la naissance de Jésus disparaît de Bethléem. Elle portait une inscription latine montrant les prétentions des Latins sur le lieu. Les Grecs empêchent l’installation d’une nouvelle étoile. Les Latins font appel au protecteur traditionnel des Lieux Saints, la France qui traite avec l’empire turc. Les Grecs sont soutenus par la Russie. Finalement, cela déclenchera la Guerre de Crimée (L’étoile de Bethléem n’est qu’un prétexte, la Russie voulait s’assurer un débouché sur la Méditerranée). En 1852, le Sultan turc signe un firman (un décret) qui fige les choses comme elles le sont (Statu Quo Nunc en latin). En 1856, la Russie capitule mais les Alliés (Turcs, Français et Anglais) ne s’entendent pas sur les lieux saints (à cause des tensions entre catholiques et anglicans) et on n’arrive pas à imposer un accord. Depuis 1852, la situation est bloquée. Les Grecs y ont intérêt puisque c’est finalement la situation la plus favorable à eux depuis 1516 ; les Arméniens trouvent qu’ils ne s’en sortent pas si mal. Le Statu Quo a été plus ou moins mis par écrit sous le mandat britannique mais avec des catégories juridiques peu claires pour un pays oriental. L’ONU l’a défendu et Israël s’en porte garant depuis 1967.
On arrive parfois à des aberrations, telles cette échelle proche de la Pierre de l'Onction qui est statutairement posée des Cendres jusqu'à la Pentecôte pour approvisionner en huile des lampes depuis longtemps électrifiées...
Ainsi à Bethléem, la grotte de la Nativité est décorée d’une tenture latine. Elle est en amiante… pour éviter que les Grecs ne la fassent brûler comme en 1869.
Malgré tout, la messe a été bien recueillie, les pèlerins passent dans la grotte mais voyant que l’on célèbre dans un coin, ils restent calmes et parlent à voix basse… Ensuite, on a prié un bon moment dans l’église paroissiale de Sainte-Catherine, bâtie grâce aux deniers de l’empereur d’Autriche François-Joseph.
Puis, balade dans la ville, on a trouvé un petit resto chrétien ouvert : kebab, coca (Sprite pour moi). On a voulu aller à la Grotte du Lait que Terence ne connaissait pas mais c’était fermé. Nous sommes rentrés à Jérusalem toujours avec la même procédure : taxi, check point, sherout. Café dans le musée de l’École Biblique. Ce lieu est fascinant, une vraie caverne d’Ali Baba. Le mot musée est usurpé puisque le lieu n’est pas ouvert à la visite mais c’est là que travaillent les archéologues de l’École : tessons par milliers, croquis d’architectes, fragments de mosaïques… Et avec les vieilles voûtes de l’abattoir turc dans lequel l’École s’est installée à ses débuts en 1890.
Aujourd’hui, commence le festival Sounding Jerusalem, organisé par l’hospice autrichien. J’ai réservé pour les concerts ayant lieu à Jérusalem.
À bientôt,
Étienne+



Addendum du 8 juin 2020

Hier soir, j'étais invité à dîner par les deux filles d'un couple de paroissiens décédés ces derniers mois (en novembre 2018 et mars 2020). Le repas avait lieu dans la maison familiale et quelques paroissiens amis nous avaient rejoints. Au cours de la sympathique discussion, je me rappelle que l'une des filles a vécu deux années à Jérusalem et que leurs parents (mes paroissiens) étaient allés la visiter, guidés dans leur périple par un des pères de l'École biblique. Elle évoque la première communion de sa fille qui a eu lieu à l'église Sainte-Anne. Je demande donc : "C'était en quelle année ?
- 2007.
- J'y étais !"
Quelle surprise!
Ni une ni deux, on va chercher l'album photo et on trouve une image de la messe. Je suis sur la photo! Le monde est petit. Nous avons donc dû pique-niquer ensemble à l'issue de la messe. Je n'ai pas souvenir d'avoir discuté avec mes futurs paroissiens qui habitaient déjà Venasque à l'époque.
Ce matin au marché, nous nous sommes revus et avons échangé les numéros de téléphone et j'ai donc reçu par WhatsApp la photo qui illustre désormais le début de l'article.

dimanche 17 juin 2007

Bethléem

Cher tous,
Hier, samedi, j’ai profité d’une place dans la voiture de Frère Albert pour aller dans la West Bank (non, ce n’est pas la Banque de l’Ouest, non je ne suis pas allé faire un casse : ce n’est pas le genre du Frère Albert), il s’agit de la rive ouest du Jourdain, ce qu’en français on appelle la Cisjordanie. Il m’a laissé à Bet Jala d’où j’ai pris un taxi pour Bethléem. Il m’a laissé devant la Basilique de la Nativité. J’ai pris une bonne heure et demie pour visiter la Basilique, voir l’église Sainte-Catherine qui jouxte la basilique. De là, on accède aux grottes de St-Jérôme, où le docteur de l’Église a traduit la Bible en latin, la fameuse Vulgate (c'est-à-dire écrite en langue vulgaire compréhensible par tous). Il y a plein d’autels dédiés aux saints Innocents, à saint Joseph. Un petit couloir devrait donner accès à la grotte de la Nativité mais la porte est fermée.

Pour accéder à la grotte, il fallut attendre que l’office orthodoxe fût achevé. Ensuite, j’ai passé un bon moment à prier dans la grotte devant l'étoile, malgré le bruit et le peu de recueillement des quelques groupes : énormes Américaines en salopette bariolée ; Philippins se faisant prendre en photo, entassés devant l’étoile tout en essayant de la laisser visible ; famille espagnole obèse…



Puis, je suis sorti et au feeling, je suis allé au Carmel, fondé par la Bienheureuse Marie de Jésus-Crucifié, une carmélite arabe. J’y étais passé en 1995 avec un petit groupe de NDV. Là, j’ai eu l’office du milieu du jour avec les sœurs carmélites. Ensuite, eh bien, il commençait à “faire faim”. J’ai traversé le marché. L’ambiance est complètement différente du souk de Jérusalem. Pas (ou presque) de touristes dans les rues, puisqu’on est hors des sentiers battus ; foule bariolée ; ambiance beaucoup plus colorée qu’à Jérusalem. La place du marché vaut le détour : odeurs, couleurs, bruits, chaleur… À Jérusalem, les rues ou les zones sont assez bien délimitées ; à Bethléem, la viande côtoie les fruits et légumes proche du bazar.






Je me suis donc acheté de quoi manger au beau milieu de cette ambiance orientale si différente de la nôtre. J’ai mangé sur la place de la Mangeoire… Désolé, le jeu de mot n'était pas prémédité. Après le repas, j’ai eu mon quart d’heure “Dogora” : prendre en photo des gens qui passent : femmes voilées, père et fils, vieux bédouin… J’ai vu l’arbre de la paix, un olivier en pot bien mal en point.










Puis je suis allé voir la grotte du Lait ; c’est une petite église franciscaine bâtie sur le lieu où, selon une antique tradition, la Sainte-Famille s’est cachée lors du massacre des Saints-Innocents. Le lieu est assez sympa.




Puis, retour à la Basilique, petite prière. Les Arméniens chantaient. Je suis alors rentré à Jérusalem. Taxi jusqu’à la “clôture de sécurité”… Traverser la “clôture ”… Prendre le Sherout jusqu’à Jérusalem. Le check-point de la clôture est impressionnant, contrôle du genre aéroport américain au lendemain du 11 septembre (pour passer le portail de sécurité, j’ai même dû enlever les sandales dont les boucles faisaient sonner…), contrôle des passeports (pour moi, ça a été rapide mais le gars devant moi a été cuisiné un petit moment : empreintes digitales, vérification de la photo).
À bientôt,
Étienne+

vendredi 15 juin 2007

Saint Antoine et Sacré Cœur

Cher tous,
Juste un petit mot pour me rappeler à votre bon souvenir. Dimanche après-midi, rien à signaler. D’ailleurs, cette semaine non plus.

Excepté mercredi qui était la fête de saint Antoine de Padoue, saint patron de la Custodie de Terre Sainte. Je suis donc allé aux Vêpres à Saint-Sauveur. Comme c’était une célébration des franciscains, c’était en italien. À l’issue des Vêpres, nous avons pu vénérer la relique de saint Antoine.
Aujourd’hui, c’est la solennité du Sacré-Cœur, Terence avait réservé une messe au Calvaire. Mais il n’était pas sûr de pouvoir arriver à l’heure puisqu’il devait accompagner un ami au Sherout ; il m’a donc demandé de présider. Sympa.
Sinon, c’est la routine. J’ai changé la petite carte de Jérusalem à droite, le rectangle vert est le Collège des Frères. Sinon, voici une photo du Collège (ma chambre est entourée en rouge). La chapelle, ce sont les deux portes bleues au même étage. Ce chapelle est étrange et a un goût de madeleine pour moi : les couleurs et les formes sont assez proches de celles de la chapelle de Tissié-Sarrus. Voyez que la terrasse domine.
En prime, un lever de soleil sur Jérusalem. L’église est celle de la paroisse latine de la Vieille Ville, Saint-Sauveur.
Juste un petit addendum.
En rentrant chez les Frères à midi, il y avait des flics partout. La situation tendue à Gaza met tout le monde sur le pied de guerre.
Porte Neuve, les flics m’arrêtent. Évidemment, je n'avais que ma carte d'étudiant.
- Where are you going?
- I’m going home.
- Why? (réel ! le flic m’a demandé pourquoi je rentrai à la maison.)
- It’s lunch time.
Je veux passer et le type me dit : You can’t go.
- Why?
- It’s forbidden.
- But I have to go. This morning, I passed through the door and nobody forbade me. I live next door.
- Where do you live?
- There. (le collège est à 50 m de la Porte).
- Do you have a proof?
Il a fallu que je lui montre que mes clefs ouvraient le portail pour qu’il me laisse passer.
Quel pignouf !!!
Sinon, cette après-midi, je suis allé à l'adoration à la paroisse.
À bientôt,
Étienne+

lundi 11 juin 2007

Routine mais Beth She'an






Cher tous,
Là, c'est la vue de la terrasse. Quelle misère... Le cadrage permet d'éliminer les paraboles. Paraboles au balcon...
Samedi dernier, j’ai donc visité le Musée Rockfeller. Le bâtiment est assez sympa, tout à fait dans l’imaginaire d’un palais oriental vu par des occidentaux au début du 20ème siècle. Le musée rassemble une importante collection archéologique depuis la préhistoire jusqu’à l’époque mamelouke. La présentation est un brin vieillotte mais pleine de charme. La salle la plus impressionnante est consacrée aux vestiges d’un palais omeyyade de Jéricho, datant du 8ème siècle. Il fut détruit par un tremblement de terre peu de temps après sa construction. Les murs avaient reçu une riche décoration de stucs : des frises, des rosettes, des caryatides nues étonnantes pour un palais musulman. L’installation des vestiges essaye de donner une idée de ce que cela devait donner et sincèrement c’est assez évocateur. Le seul reproche que je ferais est le manque d’explications dans les deux galeries principales qui présentent pourtant des objets intéressants. Mais finalement, j’y ai passé presque trois heures. Vous pouvez cliquer sur le lien à droite pour en savoir un peu plus.
L’après-midi, j’ai lézardé. Vers 18h00, j’ai assisté à la cérémonie de fin d’année du Collège des Frères (parfois aussi appelé LaSalle High School).

Les discours étaient surtout en arabe mais il y a eu quelques chants ou morceaux de musique bien interprétés. Sur la photo, les trois Frères en soutane et rabat : Frère Albert (toujours en beige), Frère Eugène (instant rare) et Frère Rafael.

Dimanche, fête de la Sainte Trinité. Aux Laudes, les Frères ont renouvelé leurs vœux comme c’est la tradition dans leur Institut. (Ça me fait drôle quand ils parlent de « l’Institut » pour désigner leur congrégation alors que pour moi, « l’Institut », c’est NDV !). Ensuite, j’ai retrouvé Agnès et Terence pour prendre le bus vers Abu Gosh. Nous avons participé à la messe avec les moines et les moniales. L’évangile chanté avec accompagnement de kora sénégalaise me fait toujours un drôle d’effet… C’est vraiment solennel mais y’a quelque chose en plus. À l’action de grâce, les frères et sœurs ont chanté Alta Trinita Beata. Là aussi, instant d’émotion.

À la sortie, on a blagué avec quelques amis venus eux aussi à la messe et finalement, le Père Abbé nous a invité à prendre l’apéro. Ce genre de maison religieuse est toujours bien équipé, d’autant plus que les moines produisent un excellent limoncello.

Nous avons pris le pique-nique dans le jardin. Puis un bon temps d’oraison, le but de la journée étant de faire une mini-retraite. De retour à Jérusalem, j’ai assisté à une célébration œcuménique afin de prier pour la paix. Un ensemble de jeunes arabes luthériens animait musicalement. Le coadjuteur latin a fait l’homélie. Il y avait aussi l’archevêque arménien, l’évêque luthérien, un archevêque orthodoxe (celui qui nous a fait visiter le patriarcat), le pasteur luthérien, le curé de la paroisse anglicane… Un prêtre arménien a chanté un tropaire pour la paix : magnifique !
Lundi, j’ai pris le rythme de mon travail : lever 5h30, oraison, laudes à 7h00 suivies de la messe. Petit déjeuner à 8h00. Je pars ensuite à l’École Biblique (10/12 minutes à pied) où je passe la matinée jusqu’à 12h30. La bibliothèque est climatisée… Vous voyez les images de la bibliothèque. Retour chez les Frères pour le repas à 13h00. Sieste, oraison, retour à l’École jusqu’à 19h00. Vêpres à 19h30 suivies du repas. Soirée calme (nouvelles, un peu de vélo d'appart, parfois soirée à l'Ecole) et coucher tôt.
Mardi soir, repas au restaurant avec Terence, Nathanaël, Agnès et Marie-Claire pour fêter le départ d’Axel le lendemain. Il rentre en France en passant en Turquie et en Grèce : au moins la réadaptation à l’Occident sera progressive. Le repas fut bien sympa, le cadre du resto aussi mais la bouffe très moyenne.Le dessert nous réservait la pire des surprises : le cheese-cake était rance et avait un goût de poussière repoussant. Bien que je termine toujours ce que j’ai dans mon assiette, j’ai pas pu… Enfin, on s’est pas ruiné… Sur la photo, vous voyez nos mines réjouies et surtout dans nos assiettes, le cheese-cake de l’horreur !

Dans la nuit de mercredi à jeudi, je suis allé au Saint-Sépulcre pour assister aux Vigiles du Saint Sacrement. Peu de monde mais une belle liturgie. J’ai regretté de ne pas pouvoir participer à l’eucharistie du matin puisque j’étais engagé envers les Frères. Les photos sont celles de la Custodie et correspondent à la procession des premières Vêpres et à la messe du matin mais ça évoque assez bien l'ambiance de ces célébrations nocturnes au Saint-Sépulcre.
Samedi 9, j’ai eu de la chance. J’ai pu participer avec le groupe des diplomates du Père Sigrist à l’excursion à Beth She’an. Rendez-vous était pris à 9h00 à l’École Biblique, ce qui est une heure chrétienne… Ce groupe de diplomates se rencontre tous les samedis pour des excursions à travers le pays. C’est assez cosmopolite et informel en même temps. Comme souvent les missions diplomatiques sont courtes (trois ans), les gens se dépêchent d’arpenter le pays dans lequel ils sont. Le groupe du Père Sigrist a commencé il y a 17 ans et le succès n’a pas discontinué. Dans la mesure des places disponibles dans les voitures, des étudiants peuvent se joindre. J’avais regretté de ne pas être présent au premier semestre pour prendre part à l’excursion des étudiants, j’ai donc sauté sur l’occasion. Je me suis donc retrouvé dans la voiture (un 4x4 sympa) appartenant à un couple franco (elle) –néo-zélandais (lui) qui bossent à la Banque Mondiale. On a donc pas mal parlé, il y avait aussi un jeune américain méthodiste qui enseigne les Sciences des religions dans une Université texane. On a pas mal parlé, notamment de l’enseignement religieux à l’école, comparant les systèmes américains et français.
Nous avons commencé par prendre la Route Allôn. C’est un embranchement vers le nord sur la route Jérusalem-Jéricho près de la fameuse “auberge du Bon Samaritain”. La route a été dessinée par les Israéliens peu de temps après la prise des Territoires, en 1967. Elle serpente à travers les collines en dominant la vallée du Jourdain. Évidemment cela promet de splendides paysages et nous n’avons pas été déçus : vallées, lumière, gazelles bondissantes (moi, j’ai pas bondi assez vite sur mon appareil photo). En plus, on écoutait un CD de Sœur Marie Keyrouz.
À l’entrée de la route, un colon israélien en gilet pare-balle et kalachnikov… Il faut dire que la route dessert un grand nombre des colonies que les Israéliens ont installées dans les Territoires occupés. On les reconnaît de loin : ensembles proprets, agglutination de maisons aux toits de tuiles rouges toutes semblables et surtout la clôture de barbelés…
On s’est arrêtés à Ain Fawwar. C’est une source dans le fameux Wadi Qelt, sa particularité est d’être alimentée par un siphon. À l’époque, elle alimentait le palais d’Hérode le Grand à Jéricho et maintenant le monastère St-Georges de Kosiba.

La route a continué. Quelques check points et des paysages vertigineux.
Enfin, peu avant midi, nous avons atteint Beth She’an. Il s’agit du nom juif de la cité fondée 5000 ans av. J.-C. On trouve donc un tell de 80 mètres de haut sur lequel se superposent 18 villes, pas moins. Il faut dire que le site occupe une place privilégiée le long de l’Harod, rivière permanente, et non loin du Jourdain, c’est aussi un lieu stratégique au croisement des routes commerciales nord-sud (le long du Jourdain) et est-ouest (Haifa-Jérash) ; il était normal que l’on veuille s’assurer du contrôle du site. Le tell a été fouillé mais relativement peu. On a trouvé les traces d’un palais égyptien démontrant la puissance de cet empire au 12ème siècle av. J.-C. Les stèles et bas-reliefs sont des copies dont les originaux sont déposés au Rockfeller Museum. Dans un coin, un arbre calciné, vestiges du tournage d’un film sur Jésus dans les années 1980, me dit-on… Ma mémoire flanche, je ne sais pas duquel il s’agit. [Après enquête sur Internet, il s'agit de Jesus Christ Superstar réalisé en 1973...] Cette ville est citée dans la Bible (1R 4, 12) comme ville de l’empire salomonien, mais elle est surtout connue comme le lieu où les dépouilles du roi Saül et de ses fils, après la défaite de Gelboé contre les Philistins, ont été pendues aux remparts (1S 31). Heureuse époque si raffinée… Après Salomon, on ne sait pas grand-chose…
Au 3ème siècle av. J.-C., la ville réapparaît sous le nom de Scythopolis et appartient à la fameuse Décapole. On l’appelle aussi Nysa, ce qui atteste le culte de Dionysos en ces lieux. La ville se développe au pied du tell selon les standards gréco-romains, puis byzantins. À l’époque byzantine, l’industrie du lin est réputée. Lors de la conquête arabe, la ville commence son déclin, précipité par le tremblement de terre de 749 qui scelle le destin de Beisan, nom arabe de la ville. Au moment des Croisades, on note la présence d’une ferme fortifiée sur le tell.
La ville byzantine est splendide : théâtre, cardo à colonnades, temples, nymphées, thermes, mosaïques, marbres. Le site fouillé est petit par rapport à la taille de la ville mais laisse deviner sa richesse. On a longé l’hippodrome, dont on ne voit pas grand-chose... pour atteindre le pont romain brisé qui enjambait l’Harod.
Près de Beth She’an, nous sommes allés à Beth Alpha. Il s’agit des vestiges d’une synagogue du 6ème siècle, découverts en 1928 dans le kibboutz de Hefzi-Bah (en hébreu, ça veut dire “en elle est mon plaisir”, cf. Is 62, 4). Les fouilles ont été réalisées par l’Université Hébraïque de Jérusalem l’année suivante, c’était son premier chantier. La synagogue est de plan classique mais son sol est décoré d’une splendide mosaïque de style naïf. Le programme iconographique de la mosaïque est semblable à celui que l’on trouve à Sepphoris mais moins développé. Le style est surtout bien différent : ici on croirait des dessins d’enfants. Jugez plutôt sur ce détail qui représente la ligature d’Isaac. De gauche à droite, on voit les deux serviteurs d'Abraham avec l'âne ; le bélier accroché à l'arbre ; la petite forme ronde au dessus est censée représenter l'ange du Seigneur (l'imagination n'a jamais fait de mal à personne); Abraham avec son grand couteur (le dévoreur en hébreu !!!), Isaac qui ne s'est jamais senti aussi mal ; enfin l'autel où brûle déjà le le sacrifice. Désolé, c'est pas en couleur mais c'est tout ce qu'Internet m'a fourni. Les photos sont impossibles à faire dans le lieu : l'éclairage est trop faible, le flash blanchit tout...
Dans le musée, on a regardé un film qui évoque la mise en place de la mosaïque. Vu au second degré, c’était presque antisémite puisque tous les personnages et les situations correspondaient aux stéréotypes ; c’était d’autant plus comique que le film est fait par le service israélien des Antiquités… La communauté de Beth Alpha désire faire un sol en mosaïque dans sa synagogue et demande à un artisan de le faire mais leur investissement n'est pas à la hauteur et l'artisan leur torche un truc vite fait mal fait. Mais la mosaïque est bien conservée ou très restaurée.
On devait aller dans un troisième lieu mais personne sauf moi n’avait apporté son maillot de bain (il s’agissait de sources chaudes). Tant pis. Retour à Jérusalem, après une belle journée bien remplie. On a suivi la route du Jourdain. À un check point, on a assisté à une fouille en règle d’un palestinien.
Le soir, je suis retourné à l’École pour voir sur le grand écran un OVNI cinématoraphique de Patrice Leconte (Les Bronzés 1, 2 & 3 ; Ridicule…). Il s’agit de Dogora, un film musical sur le Cambodge : pas de scénario, pas de dialogues seulement de la musique et des images. Les images sont d’une beauté stupéfiantes et suggèrent plus qu’elles ne montrent. La musique, plutôt influencée par la tradition slave mais à laquelle participe un groupe de polyphonie corse, la musique, donc, s’y allie à merveille. Mariage improbable et heureux.

Dimanche matin, messe à Saint-Sauveur, la paroisse des franciscains dans la Vieille Ville. Les Frères y vont tala le dimanche. Frère Albert fait chanter. L’église ressemble tout à fait à une église romaine du 19ème siècle (faux baroque flambant neuf) et l’ambiance rappelle aussi celle des paroisses romaines. Tout était en arabe mais bon on s’y retrouve. Heureusement, les deux prêtres parlaient italien. C’est amusant pendant la messe d’entendre des mots que l’on comprend à cause de la proximité avec l’hébreu.
À bientôt,
Etienne+

vendredi 1 juin 2007

Fin d'année et déménagement







Cher tous,
Mon séjour à Jérusalem a pris un nouveau visage hier…
Mais avant tout, je vous raconte rapidement les quelques jours passés depuis notre retour de Jordanie. Le lundi matin, le Père Puech nous a fait grâce des deux cours d’araméen, on a donc pu faire la grasse matinée. Pour moi, ça a été providentiel puisque la “vengeance de Pharaon” m’a terrassé le soir de notre retour…
Finalement, le lundi soir, j’étais sur pieds. Le mardi, je me suis mis a réviser l’araméen biblique. Ça n’était pas évident, car nous allions devoir analyser un texte non vu en classe. L’après-midi, nous avions demandé au Père Jerry Murphy de nous montrer les tombes qui sont dans le domaine du couvent. Il y en trois qui se trouvent dans l’atrium de la Basilique. Celles-ci datent de l’époque byzantine.
Dans le jardin à l’arrière, il y a au moins deux hypogées. La première est tout contre le chevet de la basilique. On voit d’abord une grande salle carrée dans laquelle s’ouvrent une dizaine de petites salles équipées de banquettes, dans un coin un trou dans lequel on jette les ossements du défunt une fois le corps décomposé.
La seconde est creusée sur le même plan mais les parois ont plus de décorations. Comme elle a été endommagée, les dominicains y ont aménagé devant leur chapelle funéraire : cela a fichu le mouron à Benoît de voir les noms de tous ces dominicains connus : Abel, Vincent, Tournay, Boismard… Dans un coin, il y a deux tombes spéciales liées à la catastrophe de Pétra en avril 1963 (j’ai dû dire 64 dans l’article sur la Jordanie mais j’ai vérifié les dates). Parmi les corps des pèlerins français, l’un a été identifié mais jamais réclamé par une famille ; le second ni identifié, ni réclamé. Il est donc inscrit « Mme X. Y. morte à Pétra le 8 V 1963 »*.
Le deuxième hypogée est directement lié à la fameuse « Garden Tomb », la tombe du jardin que le général Gordon (dit “de Khartoum”) avait identifié en 1883 comme la tombe dans laquelle Jésus a été enseveli. Il avait reconnu dans la colline voisine la forme d’un crâne. Les Protestants, surtout évangéliques, croient fermement qu’il s’agit là du Golgotha et de la tombe de Jésus. Le général Gordon était un bon guerrier et comme tous les anglais de l’époque, il se piquait d’archéologie. Dans l’article où il parle de la “Tombe du Jardin”, il prouve aussi que le paradis terrestre se trouve aux Îles Seychelles… No comment.
La datation de nos caveaux est assez problématique. Certains dans la maison disent 7°/8° siècle avant Jésus Christ. D’autres, de – 100 à + 100… Il est vrai que la datation récente est plus confortable, car ceux qui préfèrent la seconde disent aussi qu’il est possible que cette tombe soit celle des rois de Juda. Rien de moins… Et du coup, cela pourrait exciter la convoitise de l’état, qui peut, sans contrepartie financière et sans autre raison que son bon vouloir, saisir une propriété.
Ce soir-là, c’était Shavouot, la Pentecôte des Juifs. Ils célèbrent le don de la loi à Moïse au Sinaï. Mais l’association de cette fête des moissons à la Torah semble assez récente. Toujours est-il qu’avec Nathanaël, ce soir-là, nous sommes allés au Mur des Lamentations lire le livre de Ruth, lu traditionnellement à cette fête. Ambiance calme. Je m’étais mis incognito (sans collard) et avec ma barbe, j’avais tout du juif laïc qui vient satisfaire à un rite de cohésion nationale.
Mercredi matin, photo de groupe des profs. Jeudi, c’était la saint Dominique. Je vois d’ici les liturges diplômés s’inscrivant en faux contre mes assertions… En fait, il s’agit de la fête de la translation des reliques de saint Dominique (les Franciscains ont le même type de célébration le même jour !), on la solennise à Jérusalem parce que le 8 août, l’École est presque déserte. Conformément à la tradition, c’est un franciscain qui préside la messe et un autre “tient” l’homélie. À l’issue de la messe, il y a eu un bon repas avec en entrée des nems maison fabriquées par le Père Joseph, un vietnamien du diocèse de Toulon. L’après-midi, araméen, araméen…
Vendredi, le matin, nous avons donc eu ce satané examen. Il a fallu analyser (sans dico, ni aide d’aucune sorte) Daniel 5, 17-21. L’après-midi, je suis allé me balader…
Samedi, j’ai bossé l’araméen targumique. Le soir, je suis allé à la messe de Vigiles de Pentecôte chez les Bénédictines du Mont des Oliviers. Nous avons commencé la messe avec la liturgie de la parole sur la terrasse du monastère avec une vue splendide sur la ville… La lecture d’Ézéchiel 36 prenait un relief particulier devant l’immense cimetière juif qui couvre le sud du Mont. Puis en procession, nous nous sommes rendus dans la chapelle des sœurs pour l’épître, l’évangile et la liturgie eucharistique. Le prieur des dominicains présidait. À l’issue de la messe, une petite collation fut servie dans la salle à manger des hôtes.
Dimanche, avec quelque uns de l’École, nous avons célébré la messe de Pentecôte au Cénacle. Simple et beau, on s’est régalé. L’après-midi, araméen…
Lundi matin, Terence m’a invité à la messe à la Tombe pour le papa de sœur Jacintha, mort il y a 9 ans. Vous la voyez sur la photo en sari, c'est la sœur la plus sympa que je connaisse.


À huit heures, le fameux examen d’araméen targumique. On a dû analyser le Targum Neofiti de Genèse 22, 14-16. Le verset 14 n’a absolument rien a voir avec le verset biblique et est carrément plus long. C’est l’intérêt du Targum mais c’est pénible parce qu’on ne peut pas se servir de ce qu’on connaît du texte hébreu…
Le soir, nous avons regardé The Queen. Agnès s’était procuré le DVD. Comme nous sommes loin de l’Occident, le DVD était bien évidemment piraté et donc en anglais sous-titré arabe. Mais on ne s’en est pas mal sorti. Le film raconte la semaine entre la mort et les obsèques de Diana du point de vue de la reine. L’actrice qui interprète la reine est époustouflante de vérité (elle a pas volé son oscar). Elle dresse un portrait assez nuancé du personnage alors que la situation n’est pas facile. Les autres acteurs sont pas mal sauf Queen Mum, qui fait un peu mémé poivrote. Le film a en plus le mérite de ne pas excéder 1h30, donc on est vite couché.





Mardi, après la messe de midi, photo de fin d’année avec tous les étudiants devant la basilique. Ensuite, on a eu le barbecue dans le jardin. Ce fut très sympa. Sur la photo, vous voyez Fadi (le factotum), Ala (la cuisinière), Joseph (le cuisinier) et Faez (de la réception). Ils boivent la fameuse bière palestinienne de Taybeh. Le barbecue était sympa.
Puis, dernier cours de l’année avec la visite des Cavernes de Salomon. Le lieu a été retrouvé par hasard en 1854 sous les murailles de la Vieille Ville. Il s’agit d’une immense carrière souterraine qui pourrait en effet remonter à l’époque de Salomon. À une époque, les francs-maçons s’y réunissait pour se rappeler de Salomon, leur mythique fondateur… Le réseau de carrières est assez important et s’enfonce sur plus de 200 mètres sous le quartier musulman de la Vieille Ville.
Le soir, nous avons regardé Hôtel Rwanda. Le film traite du génocide de 1994 et est basé sur une histoire vraie. C’est assez impressionnant même si la violence est plus suggérée que montrée. Le héros est un hutu, époux d’une tutsi, qui était directeur d’un hôtel de luxe et qui a hébergé des tutsi et des hutu pourchassés par les génocidaires. Il a finalement dû quitter le pays puisque la version officielle du régime actuel est que seuls les hutu et tous les hutu ont perpétré des massacres. Après le film, on a parlé un bon moment avec Vincent, un jeune prêtre rwandais, qui a vécu ces événements dramatiques. Il a pas mal expliqué la situation, de manière calme et nuancée… Ça permettait aussi de supporter le film.
Mercredi soir, barbecue chez les Frères des Écoles chrétiennes, avec Guillaume, Benoît, Agnès, Jacintha et quelques autres. Nous étions sur la fameuse terrasse qui domine la Vieille Ville. Ce fut très sympa.
Hier, jeudi, déménagement. Me voilà donc installé chez les Frères des Écoles chrétiennes. À Jérusalem, on dit les Frères, ça suffit pour que les gens comprennent, même en hébreu et en arabe on dit phrèr ou frir, les gens savent de quoi on parle. Ils tiennent “La Salle High School” qui est assez réputé. Les élèves sont pour musulmans pour les deux tiers mais l’éducation lasallienne est un gage d’excellence. Les Frères de Jérusalem sont trois. Le frère Rafael est espagnol et le responsable de la communauté. Frère Eugène est slovène, naturalisé français. Le troisième est Frère Albert, palestinien et sujet de Sa Gracieuse Majesté puisque son père travaillait dans l’administration anglaise pendant le mandat britannique. Ce passeport anglais est une bénédiction pour lui, il peut circuler à sa guise. Les Frères ne sont plus tout jeunes, mais encore dynamiques. Entre eux, ils se donnent du « cher Frère », ça doit aider dans les rapports humains.
Le collège des Frères se situe à l’angle nord-ouest de la Vieille Ville, derrière le patriarcat latin et le fameux Hôtel Gloria. C’est la plus haute maison de la Vieille Ville. Ma chambre se situe au dernier étage à côté de celles des Frères. Comme je suis à l’angle, j’ai deux fenêtres et la vue va de la Mairie de Jérusalem à la Maison d’Abraham, en passant par le Mont des Oliviers, le Dôme du Rocher et le Saint-Sépulcre. L’ambiance du quartier est bien différente de celle de Nablus Road, moins française et plus palestinienne chrétienne.
Le soir, je suis allé célébrer la messe et prendre le repas chez les Petites Sœurs de Jésus de la VI° Station. La messe fut simple et joyeuse : c’était la Visitation puis le repas bien amusant et fraternel. Quatre sœurs : deux françaises, une suissesse et une autrichienne. Le quartier était animé, on entendait de la musique et des salves de feux d’artifices fusaient toutes les cinq minutes. On suppose qu’il y avait un mariage chez les derviches…
Ce matin, je voulais aller visiter le Musée Rockfeller mais il est fermé le vendredi… Cet après midi, shopping dans le souk.
Je passerai donc le mois de juin chez les Frères en profitant de la proximité avec l'École biblique pour travailler personnellement au calme.
À bientôt,
Étienne+

* en 2024, je lis dans La Croix l'article racontant l'histoire d'un secret de famille autour d'une de ces deux femmes (cliquer sur le lien pour voir l'article).