dimanche 31 mars 2019

En hâte, au pays des collines (Lc 1,38)

εἰς τὴν ὀρεινὴν μετὰ σπουδῆς
eis tèn oreinèn meta spoudès

Chers amis,
Jeudi et vendredi à la bibliothèque, sauf le vendredi matin, j’avais un rendez-vous téléphonique et j’ai profité du temps “perdu” pour passer au Consulat général, récupérer un pli qui m’attendait depuis quelques semaines… 
Samedi matin, bibliothèque aussi.
À 14 h, j’avais rendez-vous devant le Collège avec Marie-Claire, connue il y a 12 ans lorsqu’elle était volontaire à Saint-Pierre-en-Gallicante. Nous ne nous étions pas vus depuis bien dix ans… Nous sommes tout de suite passé à la Tour de David pour acheter les billets pour le son et lumière de lundi soir et nous nous sommes tanqués à la terrasse d’un café pour avaler un saḥlav (une spécialité avec une farine un peu épaisse, du lait, du sucre, de la cannelle) et surtout refaire le monde, et nous donner de nos nouvelles, surtout que le père de Marie-Claire réside dans le même établissement pour personnes âgées que ma grand-mère ! Elle lui a même rendu visite le dimanche précédent !
Puis je l’ai raccompagnée à Saint-Pierre où elle passe dix jours. C’est un peu sa maison à Jérusalem tout comme, le Collège est la mienne. Elle m’a montré la maison, les sous-sols ainsi que le petit musée du P. Germer-Durand, archéologue assomptionniste. Le supérieur de la communauté des Augustins de l’Assomption a d’ailleurs donné une conférence sur les travaux de ce père à l’École biblique cet automne.
En fait, je dois avouer que ce passage à Saint-Pierre était intéressé. Marie-Claire avait ramené dans sa valise quelques fromages – et un saucisson, suggéré par ma grand-mère ! Et j’y suis passé pour récupérer le précieux présent. Il faut aussi savoir que la valise de Marie-Claire a raté sa correspondance à Bruxelles et est donc arrivée un jour plus tard. Le fromage s’en est trouvé “magnifié”.
Le soir, messe chez les Frères. Cette semaine, nous avions la présence du Frère Albert, qui devait passer pour des affaires administratives, ainsi que le Frère Jorge, frère vicaire général des Frères des Écoles chrétiennes. Il est mexicain et très sympathique, très simple, à l’écoute. Ils sont repartis ce dimanche, Frère Albert à Amman, et Frère Jorge à Rome.
Ce dimanche, la tempête a soufflé toute la nuit (30 mm d’eau). À cause du décalage horaire (dans la nuit de jeudi à vendredi), je suis un peu décalqué… Ce
Rose shocking? hollywood?
bonbon?
matin, messe au Saint-Sépulcre, pour le dimanche de Laetare (Petit moyen mnémotechnique pour distinguer Laetare et Gaudete : LaetaRe, c’est pour le CaRême ; GaVdete, c’est pour l’Avent). Donc le sacristain avait sorti sa collection d’ornements roses. Il avait dû racler les fonds de tiroir pour en avoir assez. Et encore, je suis arrivé un quart d’heure avant la messe et il n’y avait plus de chasubles. J’ai donc eu une simple étole. Les chasubles étaient d’un rose gris assez terne. Mon étole, blanche avec des motifs d’un rose un peu plus soutenu. Les chasubles des quatre concélébrants principaux représentaient le sommet de la décoration des ornements. Je crois que fuchsia est encore une teinte trop fade pour décrire cette couleur nécessairement produite par un colorant synthétique, chimique ou alors OGM ! J’ai regretté de ne pas avoir emporté mes lunettes de soleil.
La messe était présidée par le nonce apostolique, délégué par l’administrateur apostolique. À la sortie de la messe, je retrouve Marie-Claire. Elle avait proposé d’aller admirer les vitraux de Chagall à la synagogue de Hadassah-Ein Kerem (le grand hôpital de Jérusalem). Nous voilà donc embarqués dans un taxi qui nous dépose devant l’hôpital. Il faut un peu chercher l’accès, nous passons dans la salle d’attente des urgences. Et nous trouvons le petit musée consacré à l’association Hadassah. C’est une association sioniste de femmes américaines qui a fondé l’hôpital de « le pré-État d’Israël », c’est comme cela que le petit musée décrit la région avant 1948… Curieuse façon d’évacuer la fin de l’Empire ottoman et le mandat britannique. Mais l’expo est intéressante. Et la jeune femme à l’accueil est originaire de Dijon et très sympathique.
Lévi (jaune), Juda (rouge), Zébulon (rouge), Issachar (vert), Dan (bleu)
Après l’expo, visite de la synagogue : en 1962, Chagall a dessiné 12 vitraux. Chacun d’entre eux est dédié à l’une des douze tribus d’Israël, illustrant les bénédictions de Jacob au chapitre 49 de la Genèse. Émerveillement du regard, chatoiement des couleurs, richesse des symboles. Le petit audio-guide est intéressant mais très rapide. La jeune femme de l’accueil nous a dit qu’un développement du site Internet est prévu avec un commentaire plus complet de chacun des vitraux.
Grotte de saint Jean
Ensuite, nous avons tenté de sortir du site et de descendre directement au village d’Ein Karem. Finalement, nous avons dû renoncer et prendre un taxi qui nous a laissé au centre du village. Repas au Mala Bistrot (en face, il y a le Mala Market et – véridique – le Mala Bar !) Et enfin, j’ai pu découvrir Saint-Jean In Montagna (après 4 tentatives malheureuses, enfin, je l’ai trouvé ouvert !). L’intérieur de l’église est couvert d’azulejos et au fond du bas-côté nord, une grotte indique le lieu traditionnel de la naissance de saint Jean-Baptiste. L’aménagement ressemble un peu à la grotte de Bethléem.
Puis nous sommes montés à la Visitation. Petit pèlerinage.
Puis retour au centre du village, la pluie nous est tombée dessus avec une belle violence. Puis un taxi nous a ramené près du centre-ville. Retour au Collège, oraison, vêpres et repos.
À bientôt,
Étienne+


mercredi 27 mars 2019

Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? (Lc 7,24)

τί ἐξήλθατε εἰς τὴν ἔρημον θεάσασθαι
ti exèlthate eis tèn erèmon theasasthai

Chers amis,
Depuis mon dernier billet, les premiers jours ont été calmes… Travail en bibliothèque, etc.
Samedi après-midi, j’ai fait un petit tour. En fin d’après-midi, je suis allé à l’École biblique pour assister à un spectacle (donné par la même troupe que le lundi précédent) sur Charles de Foucauld, c’était pas mal du tout.
Dimanche, j’avais demandé à Laurence et Laurent-Pierre si je pouvais compter sur eux pour me conduire à Abu Gosh… Leur réponse était non seulement positive mais en plus ils me proposaient d’aller (re)découvrir Césarée maritime avec leurs amis en visite. J’ai sauté sur l’occasion !
Nous sommes arrivés un peu en avance à la messe puisqu’Antoine, l’ami de Laurence et Laurent-Pierre, devait jouer de l’orgue lors de la messe et voulait faire connaissance avec l’instrument un peu avant. Belle messe, même si la communauté masculine était réduite… Le P. Abbé avait été hospitalisé en urgence dans la nuit et deux frères étaient auprès de lui. Mais un archevêque en retraite à l’abbaye a présidé l’eucharistie. Pas mal de monde dans l’assistance, dont un gros groupe de lycéens du Collège des Frères (la messe a été un peu longue pour eux…)
Après la messe, nous avons tout de même pris le temps de l’apéritif. Je salue un gars qui me dit : « Bonjour, Étienne ! » et je réponds : « Oui, c’est bien ça ! » avant de réaliser que le type ne me saluait pas mais se présentait… J’ai donc fait connaissance avec Étienne, un médecin français, installé à Ein Karem et qui a enseigné la médecine en Israël. Il fait partie du comité d’éthique israélien.
Puis, nous sommes partis vers Césarée, mais il était déjà 1 heure… Arrêt pour acheter du pain à la sortie du village d’Abu Gosh et une bonne heure de route avant d’arriver à Césarée. Pique-nique devant l’aqueduc, il faisait du vent mais le soleil nous réchauffait. Le pique-nique était un peu improvisé avec hummus, pita, purée d’aubergines, tranches de fromages et même la fameuse “dinde reconstituée” qu’on trouve dans tous les bons supermarchés de Jérusalem.
Porte croisée (xiiie s.) de Césarée
Puis nous nous sommes avisés que l’heure avançait… Nous remontons en voiture, mais un contretemps nous a fait rebrousser chemin : une histoire de cache d’appareil-photo (miraculeusement – je pèse mes mots – retrouvé). Arrivé à l’entrée du site, il était déjà 15 h 30, bien sonné. Le guichet était fermé mais l’accès ouvert… Nous avons donc visité la partie croisée de la ville de Césarée (cela m’a permis de comparer avec Belvoir, visité trois semaines plus tôt). Et depuis une petite terrasse nous avons admiré la ville antique (romaine et byzantine) mais l’accès à ces parties était fermé. Il faut dire que les sites ferment à 16 h et en Israël, on ferme plutôt à 15 h 55 qu’à 16 h00. Pas de cadeau au patron !
Nous avons tout de même flâné sur la jetée du port, admiré la ville depuis le large. Et puis nous avons pris un lemon mint sur le port. La terrasse était très agréable. Le café diffusait de la musique… Nous avons donc eu droit à l’intégrale de Julio Iglesias, en français. Et à un moment est arrivée la chanson que nous attentions tous : Je n’ai pas changé et nous avons tous bien ri en évoquant quelques souvenirs cinématographiques.
Alectoris graeca de la maison des oiseaux
 Nous avons quitté le site sous la belle lumière du soir, petit retour vers l’aqueduc pour admirer la maison des oiseaux.
Retour vers Jérusalem et nous avons dégusté une petite soupe de courgettes, des pâtes et une omelette (mon Dieu, une omelette ! c’est si rare ici, incongru même dans l’esprit des locaux).
Lundi, travail en bibliothèque toute la journée après avoir célébré la messe de l’Annonciation à l’Ecce Homo. En fin d’après-midi, j’ai envoyé une vingtaine de pages à Anthony. Le soir, je suis retourner dîner à l’Ecce Homo avant la veillée « Lavement des pieds, adoration, confession ». Une cinquantaine de jeunes s’était retrouvée. Deux sœurs du monastère de l’Emmanuel sont venues faire un petit topo sur ce geste du lavement des pieds avant de le faire au groupe. J’ai participé au lavement des pieds puis j’ai confessé dans le lithostrotos. Belle soirée priante et pleine de grâces.
Ce mardi… je dois confesser avoir succombé à la tentation… Dimanche matin, Michèle me propose d’aller voir le site d’ʿAin el-Maʿmoudiyeh, près d’Hébron, « avec une voiture pleine de nanas » précisait le message… Rassurez-vous je n’ai pas joué au coq de basse-cour, ni même au chevalier servant… Si j’ai succombé à la tentation, ce n’est pas pour « les nanas », mais pour ʿAin el-Maʿmoudiyeh, qui est un des sites le plus charmants de Terre Sainte.
Départ à 8 h 30 devant l’entrée de Mamilla puis une petite heure de route jusqu’à Hébron. La campagne est magnifique, les agglomérations moches. On tâtonne un peu pour retrouver le chemin de Taffūḥ et on arrive au fond du wādī.
Le site d'ʿAin el-Maʿmoudiyeh
Nous retrouvons l’équipe de fouilles. Si vous relisez mon billet de mai 2016, vous avez déjà quelques renseignements sur le site. Depuis, trois ans, Bertrand a fouillé un mois chaque année. Je vous laisse le lien vers une contribution rédigée par Bertrand en 2018, avec images, plans et explications. Cette année, ils se sont intéressés au contexte du petit moustier médiéval. Il y a trois ans, ils avaient identifiés des éléments byzantins réemployés et sous les restes médiévaux. En fouillant un peu plus loin, sur la terrasse supérieure, Bertrand et son équipe ont retrouvé des éléments de ce qui est vraisemblablement une église byzantine : quelques jolies mosaïques, des tessons en pagaille… Rien de probant pour l’instant, mais c’est l’interprétation la plus probable. Bertrand nous a ensuite montré la chapelle baptismale, déjà fouillée dans les années 1940 par l’École biblique. Depuis trois ans, Bertrand a soulevé les dalles entre la cuve et l’abside byzantine pour dater le monument… et il a trouvé
un bassin rectangulaire, lui aussi en lien avec la source. L’étude de l’enduit d’étanchéité a permis de le dater du début du Ve siècle au plus tard. L’abside quant à elle n’a pu être construite après 540… Sinon, la partie que Solène fouillait il y a trois ans, au nord de la chapelle, a été recouverte et la vigne y est toujours cultivée. Le linteau byzantin a été brisé pour y découvrir le fameux trésor… Les vandales ont dû être déçus de n’y rien trouver mais les légendes ont la vie dure.
Bertrand Riba dans sa fouille
Regarder le sable gris,
apprêt pour la pose de mosaïques
Puis nous sommes montés à pied au sommet de la colline au sud pour admirer le petit fortin byzantin qui domine le wādī. Bertrand nous a laissé pour retourner à son travail : le chantier se termine jeudi soir et ils doivent terminer certains relevés et reboucher le tout afin que le proprio – un peu jaloux de son bien – retrouve la jouissance de son oliveraie.
Le fortin byzantin est toujours charmant mais un “imbécile” a mis son nom et une date sur la jolie pierre ronde qui fermait la porte du fortin. Mes parents m’ont appris que « le nom des fous est écrit partout » ; ça doit être ça.
Le site est toujours fascinant mais il y a quelques constructions à proximité.
Nous sommes redescendus dans le vallon pour dire au revoir à l’équipe de fouilleurs. Et repartir vers Jérusalem.
J’ai donc passé l’après-midi au Collège à mettre en ordre des tas de choses.
Mercredi retour au travail…
À bientôt,
Étienne+

jeudi 21 mars 2019

Dans une ville appelée Éphraïm (Jn 11,54)

εἰς Ἐφραὶμ λεγομένην πόλιν
eis Ephraim legonenèn polin

Chers amis,
Désolé du bombardement de billets sur le blog… mais l’actualité est dense en ce moment.
Dimanche alors que nous profitions agréablement de la beauté de Jaffa (c’est le sens du mot en hébreu), ça a chauffé à Tulkarem, plus au nord. Un Palestinien a attaqué un soldat israélien et l’a poignardé à mort. Le jeune soldat n’avait que 19 ans. L’assaillant a pris la fuite avec un véhicule de l’armée, a tiré des rafales sur d’autres personnes… Une des personnes blessés (un rabbin père de 12 enfants a succombé à ses blessures)… Après deux jours de chasse à l’homme, les soldats israéliens ont “logé” l’assaillant, un jeune palestinien de 18 ans et après un assaut, il a été abattu. Quelle misère que toute cette violence ! on a l’impression que c’est la seule langue qui fonctionne…
Sinon, lundi, belle journée à la bibliothèque. Le soir, je suis sorti 5 minutes en avant pour aller à Notre Dame Center (de l’autre côté de la rue qui monte à la Porte Neuve) pour assister au spectacle organisé par le centre culturel français. Il s’agissait de la pièce de théâtre Pierre et Mohamed d’Adrien Candiard (op), sur l’amitié entre le bienheureux Pierre Claverie (dominicain et évêque d’Oran) et son jeune chauffeur Mohamed. La pièce est interprétée par un seul comédien qui interprète tour à tour les deux protagonistes. Là, j’ai été bluffé par sa performance : il portait tout à la fois la simplicité joyeuse et la jeunesse de Mohamed, et la gravité de l’homme mûr. La pièce se passe le 1er août 1996, le jeune Mohamed attend l’évêque dont l’avion a du retard. Pour passer le temps, il monte sur la corniche qui domine Oran et il pense à cette amitié, aux échanges, à la situation terrible de l’Algérie à cette époque, il évoque les moines de Tibhirine. C’est ce jour-là en rentrant à l’évêché qu’ils ont été, tous les deux, assassinés.
Le grand auditorium était presque plein.
Quand la pièce a été finie, grand silence recueilli. Je voulais prendre une photo pendant le spectacle mais j’ai complètement oublié… Sur la vidéo, vous avez quelques extraits mais ce n’est pas le même comédien (la pièce est jouée depuis 2011 !)
Après le spectacle, quelques mondanités franco-hiérosolymitaines (toute la Jérusalem française était là ou presque). J’ai attrapé Mgr Balsa, évêque de Viviers, dont l’un des séminaristes, Baptiste, étudie au Studium depuis deux ans et sert le dimanche à la paroisse de Saint-Didier et Venasque. Nous avons échangé quelques nouvelles.
Le lendemain, fête de saint Joseph. En janvier, je pensais que pour cette solennité, la bibliothèque serait fermée. Quand on m’a demandé d’animer une journée de récollection pour le carême, j’ai spontanément proposé cette date. En fait, la bibliothèque n’est fermée que pour le mercredi des Cendres… Tant pis.
Nous sommes donc allés à Taybeh, qui à l’époque du Nouveau Testament se nommait Éphraïm. Après la résurrection de Lazare, Jésus y a passé quelques jours pour échapper à la police du Temple. Nous étions un petit groupe de 5, soit une seule voiture. Taybeh est située au nord est de Jérusalem, au bord de la dégringolade du Jourdain. Et ce mardi matin, après les pluies torrentielles du samedi précédent, c’était LE jour pour y aller. Pas un nuage dans le ciel, douceur de l’air, le désert était verdoyant, quelle beauté. Et puis Taybeh est le seul village entièrement chrétien de Cisjordanie ; les tensions sont donc apaisées.
Quelques unes des bières brassées à Taybeh... Avis aux amateurs !
La récollection a commencé par… la visite de la brasserie Taybeh. Depuis 1994, la famille Khoury, grecque orthodoxe, brasse de la bière à Taybeh. Le malt vient de France et de Belgique ; le houblon de Bavière ; le mode de fabrication de la bière correspond aux normes allemandes. Et depuis 25 ans, 7 bières différentes ont été élaborées avec même quelques “séries limitées”. La visite a été rapide mais très intéressante. Depuis la famille Khoury a aussi développé une cave vinicole, un moulin à huile (donc aussi du savon !) mais aussi du miel et des produits traditionnels (maftoul, za’atar, sumac…) J’ai acheté des savons.
Ensuite, direction le couvent des sœurs de la Sainte-Croix de Jérusalem. C’est une congrégation éducatrice fondée par le jésuite Jacques Sevin après la guerre.
Elles tiennent l’école latine de Taybeh, ainsi qu’un accueil de pèlerins.
La maison des paraboles, "dans son jus".
Tout d’abord la sœur Claudine nous a présenté la maison des paraboles. Il s’agit d’une vieille maison du village, encore habitée il y a 45 ans par une vieille dame. À sa mort, le curé l’a rachetée à sa famille et y a installé des objets de la vie quotidienne. Rien ne date de l’époque de Jésus et pourtant, tout la suggère… la salle commune, le boisseau, la lampe, la charrue, le toit que l’on découvre… C’est passionnant !
Puis messe à la chapelle de Charles de Foucauld qui a passé quelques jours de retraite du 14 au 21 mars 1898 à Taybeh (nous étions donc à cet endroit à la date anniversaire de la présence du bienheureux dans le village). Le lieu où il a habité et prié a été aménagé en chapelle et j’y ai célébré la messe. Après un petit temps de silence, j’ai fait un topo sur la vie chrétienne telle que la présente la Préface n° 1 du carême.
Maqloubeh (c'est moi qui ai démoulé)
Il était temps de manger avec les sœurs et un couple de volontaires venus de France pour trois semaines de service. La cuisinière avait préparé un maqloubeh extraordinaire… Jamais je n’en ai mangé un si bon. Fondant, subtil, goûteux. Le repas a été un moment d’échange, de rires, de partage spirituel très fort. Vaisselle, adieux aux sœurs.
Passage rapide aux ruines de l’église byzantine, que j’avais visitée avec l’École biblique en novembre 2015. Cette fois-ci, pas de flaque de sang de mouton à l’entrée. Ouf ! La vue aux alentours était magnifique : on distinguait tous les détails de la Jordanie, habituellement noyée dans la brume de chaleur, les ondulations du désert de Judée parées d'un vert vif. Quelle splendeur ! 
Vue sur la Jordanie depuis les ruines de l'église byzantine
Retour – à contrecœur – vers Jérusalem, le cœur et l’esprit tout rempli de joie de cette belle journée. Avant le dîner, j'ai parlé un bon moment avec le Frère Fadi, de la situation de l'Eglise en France, de celle des Frères dans le district du Moyen-Orient, de la vocation...
Ce mercredi, journée d’étude. Avec tout de même, deux heures sur l’urbanisme de Jérusalem… Cette fois-ci, le P. Dominique-Marie nous a fait part de ses hypothèses concernant le théâtre construit par Hérode à Jérusalem et dont on n’a jamais retrouvé le moindre vestige… Le mystère plane encore sur le théâtre d'Hérode mais pour combien de temps encore ?
À bientôt,
Étienne+


dimanche 17 mars 2019

Chez un certain Simon, corroyeur (Ac 9,43 ; 10,6)


παρά τινι Σίμωνι βυρσεῖ
para tini Simôni brusei

Chers amis,
Quel dimanche que ce dimanche ! Hier soir, je ne me suis pas couché trop tard… Le matin, laudes avec les Frères puis j’ai avalé une tasse de café avant de descendre au Saint-Sépulcre pour concélébrer la messe à l’autel de Sainte-Marie-Madeleine. Grand concours de peuple pour cette messe solennelle des dimanches de carême. En fait, on célèbre les laudes et la messe ; la célébration est présidée par le Patriarche (en fait, à l’heure actuelle, il n’y a pas de patriarche mais un administrateur apostolique qui en tient lieu, il s’agit de l’ancien custode de Terre Sainte, provincial des Franciscains…) mais il ne célèbre pas la messe, il y a assiste. La messe est présidée par un franciscain. Les autres prêtres concélèbrent. Du coup, le célébrant principal n’entre vraiment en “scène” qu’à l’offertoire, puisque tout le reste est fait par le président, même l’homélie est faite en arabe par un autre franciscain qui ne concélèbre pas mais revêt l’étole violette pour l’occasion et monte en chaire. La messe est très belle et digne mais un peu déroutante par cet aspect. À la tribune de l’orgue, un petit chœur de franciscains chante en latin. En même temps que nous, les Grecs chantaient a capella et à pleins poumons dans le catholicon (le chœur principal de la basilique appartenant aux Grecs). Heureusement que les Latins ont l’orgue pour les accompagner et leur donner un peu d’ampleur ;  sans cela ils disparaîtraient, noyés par le chant orthodoxe. Parmi les concélébrants quelques chanoines de l’Ordre du Saint-Sépulcre arborant une splendide barette (comme don Camillo) à pompon violet… Évidemment, pour des raisons de préséance, ils siègent de part et d’autre de l’administrateur. Je me suis donc trouvé coincé au début de la messe par un gros patapouf (mais chanoine, avec la rotondité canoniale ad hoc) qui devait faire une bonne vingtaine de kilos de plus que moi… (les connaisseurs apprécieront.)
L’homélie a été faite par le P. Nerwan, curé de la paroisse latine qui prêche habituellement assez longuement. Aujourd’hui il a été bref : il fallait « écouter Jésus » (j’étais super fier d’avoir compris) et « monter et descendre avec lui » (ça je n’avais pas compris mais je l’ai lu sur la feuille photocopiée trouvée à la fin dans la sacristie).
Après la messe, il y a un petit café et une pâtisserie offerte aux prêtres dans la sacristie. J’étais pressé, je n’y suis pas allé mais mon voisin a fait honneur aux hôtes… (Bref)
Église Saint-Pierre de Jaffa
Je suis remonté au Collège et à 10 h 30, nous sommes partis en deux voitures vers Jaffa. En ce 17 mars, les Frères du Collège de Jaffa recevaient leurs frères à l’occasion de la fête patronale de saint Joseph, à qui leur collège est dédié. Nous sommes arrivés un peu avant midi et le Frère Rafael nous a fait faire le tour de la vieille ville de Jaffa… (le lien a de jolies photos mais le français est un peu googlisé).
Le soleil brillait mais on supportait la petite laine. La vieille ville a beaucoup de charmes, maisons en calcaire assez grossier (j’ai pensé aux murailles du Peyrou à Montpellier). Nous avons vu la maison du corroyeur Simon, hôte de saint Pierre à Jaffa. C’est là que dans les Actes des Apôtres, Pierre a la vision des animaux impurs dans une grande nappe. Une voix lui dit : « Immole et mange ». Puis d’un petit promontoire, nous avons vu le rocher d’Andromède. Dans la mythologie grecque, c’est là qu’Andromède, fille du roi de Jaffa, fut offerte en sacrifice à Poséidon. Heureusement, Persée arriva pour délivrer la belle princesse. C'est là aussi que le prophète Jonas embarque pour Tarsis, afin de partir loin de Ninive, loin de la mission que le Seigneur lui a confiée.
La Porte de la Foi,
Daniel Kafri, 1975
Encore quelques pas pour voir l’église Saint-Pierre, aucun intérêt sinon une façade pseudo-baroco-jésuite. Puis quelques vestiges anciens, dont une porte cananéenne en briques crues, qui ressemble à du caramel fondu… Nous avons aussi vu une statue qui s’appelle la Porte de la Foi : dans les montants sont encastrés les silhouettes d’Abraham et Isaac (le sacrifice, à gauche) et celle de Jacob (avec son échelle et ses anges, à droite). Sur le linteau, l’entrée en Terre Promise avec les trompettes de Jéricho. Spécial mais pas mal.
Puis, le pont des vœux, un truc païen avec les signes du zodiaque et la vue sur la mer pour qu’un souhait se réalise. Quelques ruelles étroites et pleines de charme et nous retournons au Collège pile à l’heure du repas.
Le Frère Patxo (lire Patcho) avait bien fait les choses : apéritif, entrée (avec du foie gras venu de France !), rôti de porc aux petits légumes, filet de poisson avec des légumes confits, fromages français (brie, tête-de-moine et un fromage auvergnat du genre saint-nectaire), puis pâtisseries orientales, fruits déguisés et pour finir café et pousse-café (un cognac espagnol)… Il faut dire que je crois que depuis la fondation de l'Institut (des Frères des Ecoles chrétiennes), il y a eu des frères qui sont mort de maladie, de vieillesse, de soif, de naufrage. Certains sont morts martyrs, d'autres se sont tués à la tâche. Mais je crois qu'il n'y a jamais eu de frère qui soit mort de faim ! Nous étions 18 à table : les deux frères de Jaffa, les trois de Jérusalem plus les trois hôtes de Jérusalem (le P. Pedro, le Frère José et moi), le Frère visiteur, et neuf frères de Bethléem : discussions en français, en espagnol, en anglais, en arabe…
C’était super sympa.
Après le café, nous sommes montés sur la terrasse et puis il fut temps de rentrer à la maison. Nous y étions vers 17 h, avec les traditionnels embouteillages hiérosolymitains. 
Petit tour rue de Jaffa pour acheter quelques amandes et ce soir, repas léger : une demi tranche de jambon, de la salade et une pomme. Quelle belle journée !
À bientôt,
Étienne+


samedi 16 mars 2019

Mon ange ira devant toi (Ex 23,23)

יֵלֵךְ מַלְאָכִי לְפָנֶיךָ
yelekh malɔakhî lephanekha

Chers amis,
Depuis une petite semaine, rien de bien particulier. Sinon que l’autre samedi, les Frères Daoud et Rafael étaient en Turquie et en Jordanie ; avec Pedro et José, nous avons regardé un film, il s’agissait des Frères Sisters, un western franco-américain de Jacques Audiard. Il est pas mal.
Dimanche, je suis allé à la messe à Abu Gosh en bus. Il y avait un tas de prêtres extérieurs : deux groupes de pèlerins et quelques visiteurs comme moi. Un jeune ménage en mission pour une ONG m’ont ramené à la maison…
Lundi messe à l’Ecce Homo ; puis passage au Franciscan Pilgrims Office pour réserver une messe à Bethléem : youpi, ça marche pour le jour que je voulais…
Mardi, les Frères sont arrivés de Jordanie en ramenant “dans leurs valises”, le Frère Malak, un jeune frère égyptien qui vient d’être nommé à Jérusalem. Quand je dis “vient de”, la nomination remonte en réalité au mois de juillet ; depuis cette date le Frère Rafael a pris d’assaut le ministère de l’Intérieur israélien pour obtenir le précieux visa. Évidemment, pour un Égyptien, le ministère se méfie, atermoie, hésite, fait durer en espérant qu'on se décourage... La patience obtient tout. Il y a dix jours, la situation s’est débloquée et Malak a pu donc arriver. Le prénom Malak signifie “ange”, d’où le titre de ce billet.
Jeudi, il a pas mal plu et nous avons atteint officiellement les 537 mm d’eau depuis le 1er août. Cette quantité correspond à la moyenne annuelle des précipitations à Jérusalem. On est donc dans une année d’abondance. Comme les précipitations sont concentrées sur six mois de l’année (de mi-octobre à mi-avril en gros), on compte le cumul des précipitations du 1er août d’une année au 31 juillet de l’année suivante ; à ces dates-là, il ne peut absolument pas pleuvoir. En France comme on peut avoir de la pluie tout au long de l’année, on compte les précipitations en année civile. J’ai aussi repéré que la station de mesure se trouve sur le toit de l’immeuble Generali, rue de Jaffa (moins de 500 m d’ici). En cliquant sur le lien, vous pouvez voir les données annuelles depuis le milieu du XIXe siècle et remarquer la grande disparité d'année en année.
Le soir, j’ai écouté la conférence donnée par le P. Paolo Garuti, un dominicain italien, sur Le père Lagrange et la question de l'authenticité mosaïque du Pentateuque. C’était intéressant et pas trop long, ce qui m’a permis de rester tout au long de la conférence et même rester pour les questions. Souvent, je dois m’éclipser à 19 h, pour la messe au Collège à 19 h 15.
Le soir, nous avons parlé avec Malak de sa journée passée à Bethléem pour découvrir l’école des Frères à cet endroit. Journée riche en émotions : dans la matinée, un type habitant dans la rue de l’école a égorgé sa femme ! Il faut dire qu’il sortait d’un séjour à l’asile (déjà le concept d’H.P. palestinien me laisse circonspect…). Du coup, la police est intervenue pour arrêter le forcené (qui a tiré des coups de feu) et s’interposer entre le gars et la famille de la victime qui voulait lyncher le mari assassin… Dans l’échauffourée, un des policiers a fait une crise cardiaque et est mort ! Vous imaginez l’émotion à l’école : les enfants pleuraient, les maîtresses criaient… 
Vendredi et samedi matin, travail. Pour me rendre à l’École, vendredi, j’ai été obligé de passer par la rue Saint-François, le Khan ez-Zeit et la Porte de Damas. Le marathon de Jérusalem passait devant la Porte neuve et des soldats empêchaient de sortir de la Vieille Ville par là. C’était bien idiot parce que je n’avais qu’à longer la voie de tramway sans traverser l’itinéraire des athlètes.
Vendredi soir, en rentrant au Collège, je retrouve les Frères Rafael et Daoud qui avaient une réunion à Aman la veille. Le Frère Fadi, visiteur (= provincial dans le jargon F.S.C.) est là pour quelques jours.
Samedi matin, au moment d’aller à l’École, je sors de l’ascenseur pour me retrouver nez à nez avec Superman (un gamin avec la panoplie à buste rembourré pour imiter la musculature avantageuse du super héros). Surprise ! En fait, c’était carnaval pour les élèves. Dans la cour, il y avait un troupeau de licornes (crinières rose bonbon et ailes en tulle ! Désolé je n’ai pas de photo !)
Habituellement, je profite de l’après-midi du samedi pour arpenter les rues de Jérusalem… Cette fois-ci, cela fut impossible : pluie, vent, orage, tempête m’en ont empêché.
À bientôt,
Étienne+

samedi 9 mars 2019

Ne pratique pas la magie (Lv 19,26)

לֹא תְנַחֲשׁו
loɔ tenaḥăšû

Chers amis,
Semaine calme. Mardi, il n’y avait cours au Collège que le matin… En effet, le maire de Jérusalem devait venir inaugurer la rénovation de la rue de la porte Neuve. Pour éviter tout problème avec les élèves, les Frères leur avaient donné congé. De fait à 14 heures, lorsque je suis retourné à l’École, Moshe Lion faisait un petit discours. La rénovation a duré près de deux ans (dallage de la rue, rénovation des façades et uniformisation des préaux des magasins, illumination nocturne de la porte avec des LED…). L’inauguration est délicate sur le plan politique : nous sommes, sur le plan du droit international, en territoire occupé mais Israël considère que Jérusalem est sa capitale. En toute rigueur la municipalité ne devrait pas faire de travaux mais il paraît difficile de laisser intact la Vieille Ville de 1967… Faire des travaux, c’est aussi symboliquement prendre possession d’un lieu. Enfin, c’était calme quand je suis passé.
Mardi soir, c’était Mardi gras et Gontran se produisait avec quelques-uns de ses tours de magie. J’étais bluffé ! Il y a eu un tour avec un billet de 50 qui disparaissait des mains d’une gamine et réapparaissait dans un citron !
Le soir, je suis allé prendre une crêpe, rue de Jaffa. Une garniture bien sucrée, bien chocolatée, bien écœurante ! C'était Mardi gras !
Mercredi matin, cours d’archéologie sur l’urbanisme de Jérusalem du IIe s. avant au IIe s. après J.-C. On a regardé le réseau viaire de toute une partie de la Vieille Ville. Puis messe des Cendres à l’École Biblique.
Du point vert au point rouge
L’après-midi, je suis allé me balader. J’ai suivi une partie du sentier de Jérusalem qui fait une boucle autour de la ville. Je me suis éloigné en prenant le tramway et en descendant au terminus ouest, près du Yad Vashem. De là, je suis descendu dans le vallon d’Ein Karem, jusqu’au village du même nom. J’espérais pouvoir prier dans l’église de Saint-Jean à la montagne, mais comme d’habitude, elle était fermée… (ça doit être ma quatrième tentative !), le sentier ensuite monte vers le sanctuaire de la Visitation mais bifurque un peu avant. On suit la courbe de niveau pour passer sous l’hôpital Hadassa puis on passe par ce joli sentier que je connaissais déjà et qui mène à la source de Handaq (de là, on peut aller au monastère de Saint-Jean-au-Désert ; j’ai constaté avec déception que d’énormes travaux étaient en cours entre la source et le monastère, en contrebas du moshav d’Even Sapir. Quel dommage.
Puis descente dans la combe de Handaq (الخندق = la tranchée en arabe), qui coule bien avec la pluie de la semaine précédente. Je me mouille les pieds. Puis je traverse le nahal Sorek et remonte de l’autre côté. La colline est couverte de fleurs multicolores, je fais peur à des perdrix qui s’envolent précipitamment à mon approche. Le paysage n’est pas très dépaysant pour le Comtadin que je suis devenu : terrasses en pierre sèche et régulièrement de petits bâtiments carrés en pierre sèche qui rappellent nos bories provençales. J’arrive au sommet, au carrefour d’Har Eitan. Le sentier continue à flanc de colline puis redescend doucement, entre sources (Ein Sataf, Ein Bikura, Ein Harat) et oliveraies jusqu’à Motsa, où d’importantes fouilles archéologiques ont lieu. À cet endroit on passe sous la voie rapide qui mène à Tel Aviv. Le sentier suit la piste cyclable au fond du nahal Soreq. Nahal signifie torrent en hébreu, l’équivalent arabe est wadi… Il n’y a de l’eau que lorsqu’il pleut, mais la semaine précédente, il y a eu beaucoup de pluie et donc beaucoup d’eau. À un moment, la violence du torrent a arraché le goudron de la piste cyclable. C'est à cet endroit qu'a été prise la photo que j'ai montrée la semaine dernière.
Je passe sous le nouveau viaduc du chemin de fer de Tel Aviv. Ensuite, on monte dans la combe de Lifta, un village palestinien vidé de ses habitants en 1948 et jamais reconstruit. Les maisons devaient être assez jolies mais sont abandonnées depuis. Il y avait plus de 2 000 habitants à l’époque. Lifta est le seul village arabe dépeuplé qui n’a pas été réinvesti par les Israéliens ou détruit pour urbaniser différemment. Près de la source de Lifta, abondante elle aussi, il y avait les étudiants d’une yeshiva qui se la jouaient Cercle des poètes disparus. Encore un petit effort et je suis arrivé au fameux Pont de cordes. Un coup de tramway pour rentrer à la maison. Pas fâché d’avoir fini cette belle ballade (23 km tout de même).
Le soir, répétition de chants à l’Ecce Homo en vue des offices de la Semaine sainte, déjà ! Les Pères blancs (tous Africains) de Sainte-Anne, les filles du Chemin Neuf de l’Ecce Homo, quelques frères et sœurs de l’Assomption se retrouvent pour chanter ensemble et les célébrations de la Semaine sainte sont vécues ensemble dans les différents lieux. 
Jeudi et vendredi à la bibliothèque. Vendredi soir, messe, repas léger et adoration chez Jean et Agnès, avec quelques membres de l’Emmanuel. (Comme vous le voyez je fais dans le dialogue inter-communautés). J’ai remarqué que depuis la fin du pèlerinage paroissial, il fait jour quand je sors de la bibliothèque à 17 h 45. Petit à petit on gagne de la lumière…
Ce samedi, promenade au soleil (enfin, un vrai et franc soleil !) dans la Ville.
À bientôt,
Étienne+

lundi 4 mars 2019

Ayant vu, il s’émerveilla (Ac 7,32)

ἰδὼν ἐθαύμαζεν
Idôn ethaumazen


Chers amis,
Vendredi, pour diverses raisons, je ne suis pas allé à la bibliothèque, mais rassurez-vous j’ai quand même travaillé ! Samedi matin, travail en bibliothèque. 
L’après-midi, un bon petit tour en ville… Finalement, j’ai parcouru 15 km… J’ai terminé un polar qui se passe entre Nice, Jérusalem et Naplouse. Ce qui est amusant, c’est qu’il fait référence à des lieux que je connais et même au Mövenpick de Ramallah que j’ai fréquenté à l’occasion, il y a trois ans ! Puis j’ai commencé La conquête de Jérusalem, de Myriam Harry, un roman de 1903, qui a frôlé le Goncourt, mais, soyons sérieux, on n’allait tout de même pas se couvrir de ridicule en donnant le Goncourt à une femme ! Donc, on a créé le Prix Fémina. Le roman a tout de même sacrément vieilli (et pas bien !) mais l’histoire s’inspire de celle de Shapira, le fameux revendeur des “vestiges moabites” de la fin du XIXe s., et pour cause, Myriam Harry est le pseudonyme de sa fille ! L’histoire verse souvent dans un orientalisme de bazar, avec une vision romantique de Jérusalem qui fait un usage excessif du champ sémantique de la mort : « éblouissement triste, désolation infinie et infinie grandeur, vent de feu et soleil de mort, partout la mort éblouie de soleil, la vallée de Josaphat, carrefour du trépas »… Et il y a même un passage d’un érotisme torride… (pour l'époque, je vous rassure !) Mais je ne vous le citerai pas…
Dans l’après-midi, on m’a invité pour le lendemain… Chouette ! La journée a été super (crevante mais super !).
Rendez-vous était pris à 7h30 (pas de grasse mat’, ce dimanche) à la Porte neuve. Il s’agissait donc de Laurent-Pierre et Laurence, avec leurs deux enfants (Jean et Marie). Ils étaient accompagnés d’Amélie et Gontran, des amis français en visite. Nous étions donc sept dans la voiture ! J’ai fait connaissance avec Amélie et Gontran, qui connaissent très bien le P. Michel Plagniol, mon ancien aumônier scout. Direction, la Galilée. Le départ matinal avait pour but de nous permettre de faire une visite avant la messe prévue à 11 heures à la Primauté de Pierre, sur les bords du lac de Tibériade. Pour la visite, Laurent-Pierre et Laurence avaient proposé Belvoir. J’avais déjà visité ce château croisé en novembre 2015 avec l’EBAF. La visite avait été rapide mais là, j’avais pris le temps de préparer la veille au soir pour avoir trois choses à dire sur le site. La forteresse a donc été édifiée à partir de 1168, sur un promontoire dominant la vallée du Jourdain, entre Beth Shéan et le lac de Tibériade. Après la bataille des Cornes de Hattin, Saladin y a mis le siège et les Hospitaliers de Saint-Jean (futur Ordre de Malte) ont résisté un an et demi… Saladin fit détruire le château qui fut rendu pendant quelques années au milieu du XIIIe s. aux croisés, sans leur laisser le temps de le reconstruire. Jusque dans les années 50, il y avait un village arabe et les Israéliens ont fait des fouilles dans les années 60. Depuis quelques années, une équipe franco-israélienne conduit chaque année des fouilles pour mieux connaître le site. À cause de la présence de Français dans l’équipe, on trouve pas mal de documents sur l'Internet. Le château est composé de deux ensembles concentriques : le château extérieur est entouré sur trois côtés de douves larges et profondes, le quatrième côté étant composé de la pente naturelle de la montagne qui descend vers le Jourdain (550 mètres en dessous !) La destruction systématique menée par Saladin a laissé presque intact le glacis en basalte du château extérieur.
Vue aérienne de Belvoir, le nord est à droite (source : https://journals.openedition.org/bcrfj/7398)
Une fois franchie la barbacane orientale, on entre dans l’enceinte : tout au long est (ou était, devrais-je plutôt dire !) édifiée une “salle sans fin”, une simple voûte ménageant un espace assez vaste pour les activités du château. Au-dessus de la voûte, le chemin de ronde. Au centre, le château intérieur (les thérésiens apprécieront) dont la structure est la même que l’extérieur, sinon que l’unique entrée se trouve du côté ouest : ainsi les éventuels assaillants devaient contourner le château intérieur pour y rentrer. À l’intérieur, là aussi, une salle sans fin avec encore quelques restes de cloisons ménageant divers espaces. Dans la cour centrale, les vestiges de la cuisine et une rampe qui monte à l’étage (disparu). À l’étage, il y avait vraisemblablement les installations conventuelles, dont la chapelle. Les archéologues lyonnais ont récupéré les pierres éparses autour du site pour tenter de restituer le plan, les volumes et la décoration de ladite chapelle.
Une autre caractéristique du château est l’utilisation, lors de la construction d’agrafes métalliques pour assurer la cohésion du bâti (d’autant que le mortier est de mauvaise qualité). Par conséquent, sur place, j’ai cherché ces fameuses agrafes et de fait, nous en avons vu plusieurs. La conférence d’Anne Baud, qui co-dirige les fouilles, est très intéressante.
Nous ne nous sommes pas attardés car nous avions rendez-vous pour la messe à 11 heures à la Primauté de Pierre. Nous y avons retrouvé le P. Cyprien Comte, du diocèse de Toulouse. Il a étudié, comme moi, à l’Institut Biblique de Rome mais deux ans après. Depuis 10 ans, il est directeur spirituel au séminaire de Toulouse. Son oncle est prêtre dans le diocèse de Montpellier et célébrait les messes pour les louveteaux, in illo tempore. Avec lui, trois de ses six frères et sœurs… Et, invités surprises !, cinq séminaristes du séminaire de Toulouse (un Cadurcien, deux Perpignanais, un Toulousain et un Montpelliérain). Le Cardurcien connaît le parrain de mon neveu… Ce petit groupe hétéroclite s’est retrouvé uni par l’eucharistie dominicale (mais nous avons célébré la messe de la Primauté de Pierre). Puis nous nous sommes dirigés vers le Capharnaüm orthodoxe. Le lieu est bien plus calme que celui des Latins, à 200 mètres à l’ouest. Il faut dire que c’est moins intéressant sur le plan archéologique, mais la petite église byzantine est charmante avec ses jolies icônes illustrant les épisodes évangéliques situés autour du lac, et une grande table permet un pique-nique sympathique. Nous renouions avec le soleil, invisible depuis longtemps (entre le 26 et le 28 février, il est tombé 135 mm d’eau, soit 25 % de la moyenne annuelle !)
Après le pique-nique, nous nous sommes séparés. Avec mon véhicule, nous avons opté pour Magdala, avec ses vestiges de la ville portuaire d’où Marie Madeleine était originaire. Et notamment la fameuse synagogue du Ier siècle, peut-être même fréquentée par Jésus. Je n’y étais pas passé depuis trois ans et les constructions du centre d’accueil des Légionnaires du Christ ont avancé. Puis, il a fallu rentrer à la maison, il n’était que 16 h, mais il y avait de la route. La lumière sur la rive est du lac était magnifique. Dans la voiture, j’ai écrasé.
Arrivé chez Laurent-Pierre et Laurence, installation du couvert, apéro et le P. Cyprien et ses amis sont arrivés. Laurence avait préparé le désormais traditionnel poulet à l’arak et aux clémentines. En voici la recette trouvée sur Internet. En attendant qu’il soit à point, Gontran nous a fait une démonstration de ses talents de prestidigitateur : quelques tours de carte qui disparaissent, changent de couleur et se retrouvent là où on ne les attendait pas ! J’étais époustouflé.
Le repas fut très sympathique mais nous ne nous sommes pas attardés car la journée avait été fatigante…
Ce lundi, messe matutinale à l’Ecce Homo, puis journée à la bibliothèque.
À bientôt,
Étienne+

vendredi 1 mars 2019

La pluie est tombée, les torrents sont venus (Mt 7,25.27)

καὶ κατέβη ἡ βροχὴ καὶ ἦλθον οἱ ποταμοὶ
kai katebè hè brochè kai èlthon hoi potamoi

Chers amis,
Dimanche, je suis allé à la messe à Abu Gosh, comme toujours belle et priante. À l’apéritif, le frère Dominique m’a invité au déjeuner. Ce fut très sympathique (et copieux). Le repas est pris en silence mais le café est l’occasion d’une petite récréation. Le P. Abbé est venu pour le café. En ce moment, il ne va pas très bien. Je sens que cela inquiète un peu la communauté.
Puis, je suis rentré en bus jusqu’à la gare centrale. J'ai regardé les travaux en cours dans le quartier : Porte de la Ville avec une vingtaine de tours, des logements, des milliers de m² de bureaux... Un peu de gigantisme. 
Montage photo des projets urbains dans le quartier de la gare
Ensuite, je suis descendu le long de la rue de Jaffa en faisant quelques emplettes : des amandes pour grignoter, du shampooing et quelques babioles.
Cette semaine, j’ai bien travaillé. Mon directeur m’avait demandé de lui donner quelque chose à la fin du mois de février. Chose promise, chose due… En fait, je me suis régalé à faire ce petit travail. Pourvou qué ça doure !
Sinon, je suis bien content d’avoir fait le pèlerinage paroissial il y a quinze jours : depuis le départ du groupe, c’est pluie, vent et froid… Mercredi, il a plu 53 mm à Jérusalem, soit 10 % des précipitations annuelles moyennes (537 mm)
Et jeudi, il a plu toute la journée, mais le site des relevés météo n’a pas encore été mis à jour. Il y a eu des inondations dans les vallées autour de Jérusalem. Sur la photo, vous voyez un type qui a grimpé sur le toit de sa voiture en attendant les secours (Rassurez-vous, j’ai vu une vidéo où les pompiers le sortent d’affaire).
Jeudi soir, après la messe, je suis retourné à l’École Biblique pour une conférence organisée par l’association Nostra Aetate. Gad Barnea, directeur de l’association a traité du thème « Mystique juive : de la Kabbale au Hassidisme » : 25 siècles de mystique juive en une heure. C’était intéressant, mais on sentait qu’on abordait un continent. Et manifestement, la kabbale, c’est un peu plus que le bracelet rouge de Madonna.
Sinon, en ce moment, on parle beaucoup de la mise en examen du premier ministre pour différentes affaires : fraude, abus de confiance et corruption. La situation se complique quand on sait qu’il y a des élections législatives dans un mois et demi… Et que le procureur qui a prononcé la mise en examen est l’ancien “secrétaire du gouvernement” du premier ministre qui l’a ensuite nommé procureur général. Beau pataquès ? ! Le Likoud a saisi la cour suprême pour empêcher le procureur de prononcer l’inculpation avant les élections. Pour les affaires, j’ai trouvé un article du Times of Israel qui décrit le tout. En fait, les procédures sont tellement longues que l’effet sur les élections sera vraisemblablement minime.
J’ai aussi eu rétrospectivement peur… L’autre mardi, avec mes pèlerins, nous avons visité l’esplanade des Mosquées, nous sommes allés presque partout sauf près de la Porte Dorée et c’était tant mieux… Car il y a eu quelques heurts ces jours-ci. Le waqf, la pieuse fondation, qui gère l’esplanade a décidé de rouvrir la salle de prière de la Porte Dorée, fermée d’autorité par Israël lors de la deuxième Intifada. En représailles, Israël a donc cadenassé l’accès à cette salle. Les musulmans craignent qu’Israël ne s’en empare pour faire un lieu de prière juif… Alors évidemment, ça chauffe ! Tout cela, dans le contexte des élections israéliennes, vise aussi à faire capoter le trumpesque « deal du siècle » concernant Jérusalem. Et les Palestiniens et Jordaniens espèrent aussi empêcher les Saoudiens de jouer un rôle dans l’administration de ces sanctuaires. Il faut dire qu’il y a 100 ans, les hachémites ont été dépossédé de la Mecque par Ibn Séoud et que la possession des lieux saints musulmans de Jérusalem était un peu le lot de consolation… Mais il semblerait que la diplomatie du pétrole tente d’ébranler cet état de fait…
Comme vous voyez, la pluie est tombée et les torrents sont venus.
À bientôt,
Étienne+