vendredi 1 décembre 2017

Nous longeâmes Chrypre (Ac 27,4)

ὑπεπλεύσαμεν τὴν Κύπρον
hupepleusamen tèn Kupron


Chers amis,
Ça y est, c’est le départ… Ces derniers jours ont passé très vite, surtout à la bibliothèque. Enfin, mardi, la flemme m’a pris et je suis allé faire un tour en Vieille Ville. Prière au Saint-Sépulcre qui était beaucoup plus calme que l’autre samedi, puis au Mur occidental, calme là aussi.
Je suis aussi passé à l’institut du Temple, une sorte de musée où des Juifs un peu entreprenants s’organisent pour construire le Troisième Temple : les plans sont prêts et même le matériel liturgique (chandelier, mobilier, vêtements sacerdotaux…) Chaque année à Soukkot, ils tentent de pénétrer sur l’esplanade des Mosquées / Mont du Temple pour installer la première pierre… Chaque année à Soukkot, la police israélienne les en empêche pour éviter émeute et bain de sang.
Je n’ai pas visité le musée mais je suis passé à la librairie pour acheter une maquette du Temple d’Hérode. Je suis bien tombé, c’était les soldes (effet Black Friday ?) mais j’ai tout de même contribué (oserai-je dire apporté ma pierre ?) à la construction du Temple. Le plus drôle est que je sortais d’un entretien avec le médecin de l’hôpital Saint-Louis où nous avions parlé de l’aspect liturgique de l’Apocalypse qui dynamite toutes
Mercredi et jeudi j’ai préparé le cours sur les épîtres catholiques qui commence mercredi prochain (il était temps).
Petit entretien avec mon directeur. Ça y est, je sais son âge. Même s’il est plus jeune que moi, il ne l’est pas tant que ça. La semaine précédente j’ai lu un super bouquin sur l’Apocalypse. C’est écrit par un Italien et, Dieu merci, lisible et sans fioritures, écran de fumée, superlatifs et jargonades. Le bouquin m’a donné pas mal de lumières. Maintenant, j’essaie de mettre mes idées en ordre…
Ce soir, je suis rentré un poil plus tôt pour mettre la dernière main à ma valise. Marie des Neiges passe me confier des affaires à porter en France. Il faut dire que Turkish m’accorde 30 kg de bagages, j’en profite ! Ma valise en pèse 28.
Les Frères ont organisé un petit barbecue après la messe de saint André. Soirée sympa et à 21h, Michelle vient me chercher. Encore une fois l’amitié me rend service et me dispense de faire appel au Sherout à la conduite nerveuse – énervée, devrais-je dire – et qui font trois fois le tour de la ville pour se remplir. Trajet sans encombres.
On s’embrasse devant l’aéroport. Premier interrogatoire… Pas besoin de mentir sur mes bagages, la jeune femme fait une fixette sur mon passage en Jordanie en mai 2016. Elle m’a posé la question qui tue (je l’avais déjà eue) : « Et en Jordanie, vous avez rencontré des Jordaniens ? » Elle n’a pas l’air de saisir que la rencontre avec les habitants du pays fait partie du concept “Voyage en Jordanie”. Même pas besoin de feinter sur mon lieu de résidence à Jérusalem, elle ne me pose pas la question. Je n’échappe pourtant pas à l’infâmant autocollant n° 5 (pas le même que Marilyn !).
Je pensais naïvement que mon vieil âge, mon état ecclésiastique, mon charme naturel ou n’importe quelle autre qualité m’en préserverait… Non, le fait que je voyage seul, que je suis allé en Jordanie, ma barbe, peut-être m’obligent à passer par les contrôles spéciaux. Je finis même par reconnaître les agents (on n’en est pas encore à se faire la bise, peut-être la prochaine fois ?)
Ça traîne puis ça passe. Je passe un moment à regarder les magasins dutyfree… Je suis estomaqué par les prix : il n’y a sans doute pas les taxes mais la commission du vendeur compense. Je prends un café dans le grand hall circulaire. Je commande et la jeune femme me demande mon nom pour l’inscrire sur le ticket de caisse. Je l’épelle mais elle a l’air de ne pas s’en soucier. De toute façon elle écrit en hébreu. Je contourne le comptoir pour récupérer ma commande. Le gars appelle un certain Djûqah… C’était moi ! La caissière avait écrit mon nom ג׳וקה ! Comme quoi les voyelles ça sert à quelque chose.
Embarquement sans encombre et décollage on time. Je regarde un film avec la magistrale Maggie Smith (Desdémone, Miss Prime, Charlotte Bartlett, Minerva McGonagall, la comtesse douairière de Grantham…) et je m’endors vite… Tant pis pour La dame dans le van… Je me réveille à la fin et je n’ai donc pas eu le fin mot de l’histoire : comment cette vieille femme s’est-elle retrouvée à la rue ? En tout cas, son personnage déjanté montre une touchante foi (catholique !) Nous longeons les côtes de Chypre, passons au dessus de
Konya (l'Iconium des Actes des Apôtres). Arrivée à Istanbul à l’heure. Je découvre l’aéroport… Quatre heures trente d’escale… J’ai le temps. Là encore, les magasins de duty free sont un sujet de méditation : le chocolat est-il si taxé qu’on en trouve des rayons entiers dans les magasins au milieu des parfums, alcools et cartouches de clopes…
Embarquement à peu près à l’heure. Je regarde le film Seul sur Mars. Un astronaute est bloqué sur Mars et se débrouille pour survivre pendant quatre ans, le temps qu’on vienne me chercher. Petit clin d’œil spirituel, c’est à partir du crucifix en bois présent dans la station martienne que le héros réussit à enclencher ce dont il a besoin pour s’en sortir… Le film est tourné dans le Wadi Rum en Jordanie, lieu qui évoque le sol martien. Nous survolons Thessalonique (encore une allusion paulinienne !), Bari, Naples, Sartène.
Arrivée à Marseille sans trop d’encombres. Jean-Michel, un paroissien, est venu me chercher (merci l’amitié une fois de plus !) et en plus, j’ai déjeuné chez eux. C’est l’occasion d’échanger les nouvelles. Retour à la maison, rangement, accueil des enfants du caté, paperasses (c’est fou ce qui arrive en un mois, factures, demande, lettres diverses, magazines…)
Coucher tôt, demain, la journée sera longue et pleine…
À bientôt,     
Étienne+

dimanche 26 novembre 2017

À cause de l’incommodité intolérable de cette odeur (2M 9,10)

Διὰ τὸ τῆς ὀσμῆς ἀφόρητον βάρος
Dia to tès osmès aphorèton baros
Chers amis,

Un drôle de dimanche… Messe à 8h30 à Saint-Sauveur, beaux chants en grégorien mais aussi les versions italiennes de Je t’exalte, ô roi mon Dieu et de Les mains ouvertes devant toi. À l’issue de la messe, le frère Stéphane m’invite à prendre le café au réfectoire, nous nous retrouvons quatre à discuter : le frère Stéphane, Marie des Neiges, David qui travaille sur un projet pour la chapelle du Saint-Sacrement au Saint-Sépulcre et moi. David a aussi réalisé l’autel, l’ambon et le tabernacle de l’oratoire du Studium à Sainte-Garde !
Du coup, il était déjà presque 11h30 ! Avec Marie des Neiges, rendez-vous fut pris une heure plus tard pour aller à Ein Karem au fameux sanctuaire de Saint-Jean-au-Désert. Tram, bus jusqu’au village puis de là, à partir d’un atlas routier de Jérusalem datant de 1996, nous voilà partis vers le moshav (communauté agricole coopérative) de Even Sapir, près duquel se trouve le sanctuaire. Au début, nous suivons la route, ce qui n’est pas vraiment amusant puis un petit sentier s’ouvre dans la colline : c’est un régal pour les yeux, les pentes de la colline sont scandées de murs en pierre sèche, parfois une ruine, des pins et des oliviers. Quel calme ! Ce serait le paradis des chasseurs, nous avons levé plusieurs compagnies de perdreaux.
Le sanctuaire commémore le refuge de saint Jean Baptiste lors du massacre des saints Innocents, ainsi que l’enfance et la jeunesse de Jean Baptiste, préparation à son ministère prophétique, que l'évangile nous dit avoir été vécu “dans les déserts” (Lc 1,80). Les bâtiments s’accrochent à la pente et sont construits autour d’une source, Aïn el-Habîs (la source de l’ermite). Le site est éloigné de tout, loin des destinations des pèlerins, encore préservé de l’urbanisation galopante de Jérusalem. Seule une route de campagne passe en contrebas et dérange lorsqu’une (rare !) voiture passe. Plus je vis ici, plus je me rends compte que je suis touché par les lieux liés à saint Jean-Baptiste : ici, ʿAin el-Maʿmoudiyeh, Machéronte, et même Sébaste-Samarie où une tradition rapporte le martyre de Jean Baptiste. Peut-être a-t-il quelque chose à me dire...
Petit temps de prière, dans la grotte, une femme russe psalmodie les "Seigneur, prends pitié" en slavon :
Господь помилуй, Господь помилуй, Господь помилуй, Господь помилуй, Господь помилуй, le plus vite possible sans respirer et sans s'arrêter. Le recueillement carmélitain est plus difficile. Puis retour, nous suivons le sentier balisé qui remonte vers l’hôpital Hadassa, l’immense CHU de Jérusalem. Là aussi, sentier sauvage, perdrix mais la pluie est arrivée, pas très violente mais ce n’est pas vraiment une surprise (je n’ai pas pris mon parapluie !)
Le moshav d'Even Sapir et le sanctuaire de Saint-Jean-au-Désert en contrebas.
Arrivé à l’hôpital, nous prenons le bus, puis le tram. Le tram nous dépose à la gare centrale car il ne va pas plus loin… Peste ! En fait, il y a une manifestation de juifs ultra-orthodoxes… ce ne sont pas les plus cool de la bande. Ils crient des slogans et marchent à toute allure (mais savent-ils marcher lentement ?!) Une fois hors du tram, une odeur nauséabonde nous frappe les narines. C’est ignoble ! Quelque chose entre le vomi et la fosse à purin. Au début j’ai cru que j’avais marché dans une crotte de chien et quand j’ai vu les gens autour se boucher le nez eux aussi, vérifier que la mauvaise odeur ne venait pas de leurs habits, j’ai compris que c’était dans l’air.En fait, la manifestation voulait s’opposer à une loi qui vient de passer en Israël obligeant les haredim (les juifs ultra-orthodoxes) à faire le service militaire, dont ils étaient exemptés depuis très longtemps. Les ultra refusent de faire l’armée car, d’abord ils ne reconnaissent pas l’État d’Israël (mais reçoivent tout de même une petite allocation pour pouvoir étudier la Torah) et surtout parce que le service militaire détourne les soldats de l’étude (Internet, cinéma, alcool, etc) et les expose à une certaine promiscuité avec des femmes ! (Horreur !) Et depuis deux mois que la Cour Suprême a pris cette décision, il y a des manifestations chaque semaine. La semaine dernière, ils ont même essayé de mettre le feu au bureau de conscription…
Du coup, la police a dispersé les manifestants au canon à eau, en utilisant de l’“eau de putois” (qui n’est pas sale mais répand cette odeur pestilentielle). Les ultras ont tout de même bloqué l'entrée de Jérusalem pendant 3 bonnes heures, ainsi que le traffic du tram et des bus... Déjà qu'en temps normal, la circulation n'est pas des plus fluides, ce fut carrément l'enfer...
Profitant de cet arrêt involontaire, nous sommes passés à Maḥane Yehuda acheter des fruits et des amandes (il était 17 heures et n’avions pas déjeuné !)
Arrivé à la maison, j’ai dû prendre une douche et faire la lessive de mes vêtements tellement l’odeur était imprégnée. Pouah !
Ce soir, soupe avec la Bande des Quatre, dans notre restaurant de soupes altermondialiste, grunge, vegan, intersectionnel et inclusif. La patate douce est toujours aussi bonne.
À bientôt,
Étienne+

samedi 25 novembre 2017

Étudie et vois (Jn 7,52)



ἐραύνησον καὶ ἴδε
eraunèson kai ide

Chers amis,
Et oui, il a plu pendant trois jours. Le frère Miguel qui a installé un pluviomètre sur le toit du Collège m’a dit qu’en trois jours, il était tombé 20 mm d’eau. C’est un bon début.
Cette semaine, rien de particulier, la bibliothèque m’a accompagné.
Vendredi midi, Ecce Homo, toujours sympa.
Le soir, Cathy m’avait invité, elle travaille pour une agence française de pèlerinages et habite dans la Vieille Ville. Elle avait invité Charles-Édouard et Claire, de jeunes mariés qui travaillent au patriarcat latin. Au menu de la conversation, phaléristique (1000 points au 1er qui arrive à caler ce mot dans une conversation de table), archéologie, le bois dans les églises contemporaines (ah ! Notre-Dame des Neiges à l’Alpe d’Huez…) glaciers islandais… et sur la table, des quenelles, du fromage et de la charcuterie. Même le vin était français ! Seul le dessert était local : une salade de fruits (mangue et grenade). En ce moment, c’est le début de la saison des agrumes : je fais une cure de pamplemousse.
La compagnie étant agréable, la soirée s’est prolongée jusqu’à une heure tardive.
En regardant les stats’ de ce blog, je constate que jeudi, plus de 1100 pages ont été consultées (depuis près de onze ans que le blog existe, il a eu un peu plus de 29 000 pages consultées). Manifestement, quelqu’un de basé aux États-Unis a exploré mon blog de manière plus
qu’approfondie.
Un drôle d'historique de consultation...

Samedi matin, une matinée studieuse. L’après-midi, je suis allé à l’American Colony où toutes les bonnes dames patronnesses de la ville tenait leur Christmas Bazaar : bouquins, gâteaux, céramiques de Beth Jemal, laine peignée de l’Arche de Bethléem, babioles. Pour y aller, j’ai emprunté la rue Shivtei Israel (les tribus d’Israël). La première partie ne présente pas d’intérêt particulier, on longe le complexe de la municipalité puis on arrive à l’hôpital italien (qui évoque
La Porte Mandelbaum dans les années 50
la Piazza del Campo de Sienne). Ensuite, on longe le quartier de Mea’ Shearîm, un des plus anciens quartiers de juifs ultra orthodoxes de Jérusalem. Dans la rue, quand les gens me croisent, ils murmurent quelques paroles incompréhensibles… C’est pas super rassurant. Au bout de la rue, on arrive au boulevard Haim Bar Lev, où passe le tramway. À cet endroit, de 1948 à 1967, était située la porte Mandelbaum seul point de passage entre Israël et la Jordanie à Jérusalem. Il ne reste plus que la maison à droite. C'est par cette porte que le pape Paul VI est passé de Jordanie en Israël lors de son pélerinage en janvier 1964.
Après l’American Colony, je suis allé vers Yemin Moshe pour repérer le lieu exact où une scène du film Le Tombeau (2001) a été tournée. Je crois avoir retrouvé le lieu mais ça a pas mal changé, ou alors, le chef décorateur a mis plein de choses pour brouiller les pistes.
Dans 5 jours, je prends le sherout pour retourner en France... Petit spleen qui commence.
À bientôt,     
Étienne+

mardi 21 novembre 2017

Il répand la pluie sur la terre (Jb 5,10)

הנתן מטר על־פני־ארץ
hannōṯēn māṭār ‛al-penê-’āreṣ

Chers amis,
Ça y est, enfin, la pluie ! Ce matin, il a plu ! Ça n’était pas encore le déluge ou la grosse pluie du prophète Élie mais il a plu… C’était la première vraie pluie depuis longtemps…
Vendredi, j’ai travaillé. Pas de messe à l’Ecce Homo, du coup j’ai concélébré à l’ÉBAF.
Samedi travail. À midi, j’ai reçu chez les Frères, Yvon et Grégoire, anciens étudiants du Studium. Yvon étudie ce semestre à l’ÉBAF dans le cadre de sa licence en théologie biblique à la catho de Paris et Grégoire est séminariste du diocèse de Meaux en mission d’étude et de service pour deux ans ici à Jérusalem. Repas sympa, à la fin duquel nous sommes montés sur le toit admirer la vue, finalement, nous avons pas mal discuté.
Je suis passé dans la Vieille Ville faire quelques emplettes et prier au Saint-Sépulcre. Que de monde ! Un peu comme la FNAC des Champs-Élysées le jour de la sortie du dernier Harry Potter… Mais là, au Saint-Sépulcre, c’est tous les jours ! Heureusement, les séminaristes arméniens chantaient pour leur procession.
Retour chez les Frères.
Dimanche, messe tôt à Saint-Sauveur. Au début, je me suis dit que le prêtre qui célébrait parlait un drôle d’italien. Et pour cause… c’était du latin !
Après la messe, avec Marie des Neiges, nous sommes allés visiter le Yad vaShem, mémorial de la Shoah. Nous avons passé quatre heures dans le musée et en sortant, j’en avais plein le dos et une faim de loup… Heureusement nous avions prévu le coup.
Ensuite, nous sommes descendus à pied, dans le vallon jusqu’à Ein Karem, lieu traditionnel de la Visitation et de la naissance de Jean-Baptiste. Nous sommes arrivés à 16h52 devant l’église qui ferme l’hiver à 16h45… Tant pis, il faisait déjà nuit. En fait, au départ, l’idée était d’aller au sanctuaire de Saint-Jean-du-Désert, mais je croyais que c’était à Ein Karem, où le sanctuaire s’appelle Saint-Jean-des-Montagnes (sous-entendu la région montagneuse de Judée de Lc 1,39). Saint-Jean-du-Désert se trouve dans un coin reculé à trois kilomètres d’Ein Karem. Vu le temps passé à la visite de Yad vaShem, c’était plus trop le moment d’y aller.
À l’arrêt de bus, nous rencontrons Sarah qui travaille pour les Franciscains. Elle nous propose du chocolat préparé à Ein Karem (il est drôlement bon !).
En rentrant à la maison, j’étais mort de mort. Coucher tôt !
Lundi, travail en bibliothèque… J’ai rencontré mon directeur, il me donne quelques conseils, m’encourage…
Aujourd’hui, journée normale avec la pluie !
À bientôt,     
Étienne+

jeudi 16 novembre 2017

Savant en science et subtil en savoir (Dn 1,4)

וידע דעת ומבין מדע
weyodea‘ da‘at ûmebin mada‘ 

Chers amis,
Samedi, la matinée a été consacrée à l’étude. L’après-midi, j’ai refait le tour des bâtiments mamelouks déjà visités en novembre 2015. J’avais le souvenir d’une visite mouillée puisqu’il pleuvait un peu. Mais cette année, il n’a pratiquement pas plu. Depuis dix jours que je suis ici, pas une goutte. À Bethléem, depuis mai 2016, on manque d’eau (déjà qu’en temps normal c’est pas la joie !)
Madrasa Muzhiriyya
Belle visite tout de même. Ce qui est gênant, c’est que ces bâtiments mamelouks se situent dans le quartier musulman (on s’en serait douté), au nord et à l’ouest de l’esplanade des mosquées/Mont du Temple. Par piété, les mamelouks construisaient des gîtes pour pèlerins, des écoles coraniques ou des tombeaux, le plus près possible de l’enceinte sacrée, parfois les bâtiments passent par-dessus le voisin pour être en contact avec le mur d’enceinte. Ce qui fait que les quelques ruelles qui donnent accès à l’esplanade sont assez riches en jolis monuments. Mais plusieurs de ces rues sont bloquées par des soldats israéliens qui empêchent les non musulmans de passer. On a beau leur dire qu’on ne veut pas aller sur l’esplanade mais seulement voir les bâtiments, rien n’y fait. Même si le ton était un peu sec et ne souffrait aucune contradiction, le soldat a quand même dit qu’il était “sorry” ! Ça n’arrive pas tous les jours, profitons-en !
En fait, le seul accès autorisé aux “infidèles” consiste en la rampe à côté du Mur occidental. On peut sortir par toutes les portes mais on n’entre que par celle de la rampe. En fait, les seuls portes que l’on peut approcher sont celles du Marché des Cotonniers et Bab el-Hadid, à côté de laquelle on a le petit Mur occidental. J’étais heureux de voir que la madrasa Muzhiriyya, dans cette même rue, était en restauration.
Le problème de ces bâtiments mamelouks sont maintenant pour la plupart des résidences privées, et pas du tout entretenus. La maison de dame Tunshuq a trois portes : le guide indiquait que la porte orientale était la plus élaborée et en fait d’élaboration, la porte servait de local à poubelles… Ou encore, certaines des façades sont “ornées” de fils électriques. Dans le khan es-Sultan, les modillons de la corniche ont une jolie forme recourbée et les habitants de la cour les ont reconverties en gaine électrique. À croire que les mamelouks avaient pensé à tout.
Je m’étais dit que j’irais bien faire un tour au Mur occidental. Mais l’affluence était telle (il devait y avoir une bonne vingtaine de minutes de queue aux portiques de sécurité) que j’y ai renoncé. Il y avait un monde dans la Vieille Ville… Je n’aime vraiment pas la foule. Ce n’est pas de l’agoraphobie, plutôt une sorte de misanthropie.
Après cela, un jus de fruit sur la terrasse d’un café dans la Vieille Ville puis exploration de quelques boutiques à la recherche de cadeaux à faire… Puis retour au Collège.
Dimanche, messe à Abu Gosh, à l’issue de laquelle j’ai pu revoir les têtes connues et faire la connaissance des “nouveaux”, notamment ceux qui ont succédé à Cyrille et Marianne. Il faut dire que l’after de la messe d’Abu Gosh est très sympa !
Des amis m’ont déposé au pont de la harpe de David et je suis rentré à pied, en flânant un peu. J’ai déjeuné sur le pouce un peu tard (vers 15h) en pensant qu’il y aurait moins d’affluence. Perdu ! En fait, les gens font souvent la journée continue et sortent du bureau vers cette heure-là et les restaurants, gargotes, snacks sont pris d’assaut.
J’ai aussi eu l’occasion de regarder les סוּפֶּרמַרקֶט (super marchés) de la rue de Jaffa. Il s’agit en fait de supérettes, où l’espace est “optimisé”, comprendre qu’on a du mal à passer entre les rayons. Et en terme de produit, vous avez un rayon pour les chips, un autre pour les produits chocolatés (plaquettes, barres), une autre pour les céréales (les plus fades
, je pense que ce sont les Miel Pops® !) Pas de produits frais ! Quant aux surgelés, il n’y a que des crèmes glacées. Pas étonnant de constater ensuite que les gens sont souvent gros. En Israël 70 % des hommes entre 45 et 65 ans sont en surpoids (En France, à peine moins que la moitié). Statistiquement, c’est comparable aux USA et on estime à 700 000 le nombre de diabétiques en Israël (pour 8 millions d’habitants, soit 9 % de la population).
Fin d’après-midi calme : sieste, oraison et sport. Je retrouve le Frère Rafael qui rentre d’une quinzaine de jours en Jordanie où il a réglé des questions administratives pour le Collège d’Amman.

Le lundi fut toujours un peu talmudique. Le frère Louis m’a prêté un thermomètre pour que je puisse mesurer précisément la température de la bibliothèque. J’ai eu du mal à y croire… Il y fait 26,8°C ! Ce n’est pas une bibliothèque, c’est un four ! Je me demande si cela convient pour les livres…
Pendant mes trajets entre le Collège et l’École, je bouquine (selon ma technique d’OTM) un polar israélien, Meurtre au Philharmonique. Comme vous le voyez, pas de suspense dans le titre. C’est la même série que Meurtre au Kibboutz que je lisais en mai dernier. En fait, j’en lis un à chacun de mes séjours. Le rythme est assez lent, c’est un peu Maigret à Jérusalem. L’intrigue avance peu à peu, et on a envie d’avancer mais pas trop vite, pour découvrir avec le commissaire Michael Ohayon qui a assassiné Félix, le vieux libraire musical, puis son fils Gabriel, violoniste du philharmonique de Jérusalem (ce meurtre-là est particulièrement saignant…, le type a été décapité avec une corde de violoncelle, berk ! heureusement, l’auteur nous épargne les détails répugnants). En plus le commissaire a une histoire un peu compliquée avec la sœur du violoniste, qui est violoncelliste. Ces romans, même s’ils sont un peu anciens – la romancière est morte en 2005 –, donnent un visage vivant de la société israélienne, en dehors des considérations habituelles sur le conflit.
Mercredi, la bibliothèque est fermée… En fait, en ce 15 novembre, c’est fête à l’ÉBAF avec le dies academicus commun de l’École Biblique et du Studium des Franciscains (SBF), en l’honneur de saint Albert le Grand. Mais c’est aussi la fête nationale palestinienne et le Collège des Frères chôme. Lever un peu plus tardif…
À l’ÉBAF, il y a une séance officielle avec une conférence magistrale, donnée cette année par le frère Timothy Radcliffe, ancien maître général de l’ordre dominicain. Il a traité du sujet : Why do preachers need biblical scholars ? Il a été très drôle et profond : il a dit que les études bibliques étaient une voie de sainteté, voilà qui est rassurant mais il a ajouté que ce n'était pas automatique.
Il a aussi raconté une histoire à propos de la vérité et des dominicains. Veritas est la devise de l’ordre dominicain. C’est l’histoire d’un homme qui se retrouve à un endroit inconnu, il n’a aucune idée de l’endroit où il est. Pour mieux se rendre compte des environs, il grimpe dans un arbre. De loin, il voit arriver un homme qui s’approche et finit par passer sous l’arbre. Il lui demande :
« S’il vous plaît, pourriez-vous me dire où je suis ?
– Dans un arbre.
– Ah, vous devez être dominicain !
– Comment savez-vous cela ?
– Parce que ce que vous m’avez dit est absolument vrai, mais complètement inutile ! »
L’Aula Magna de l’École était remplie des étudiants de l’ÉBAF et de franciscains du SBF, il y avait aussi des “passagers clandestins” venus écouter le P. Radcliffe. Après la pause, la salle était tout de suite moins remplie (d’un tiers !) et c’est vrai que c’était beaucoup moins intéressant. Mais ça fait partie de l’exercice.


Comme la bibliothèque n’était pas accessible l’après-midi, j’en ai profité pour aller à Bethléem. Bus vers 14h30, je tchatche avec un Français qui voyage. Le bus me dépose à côté de l’hôpital et de l’université. Je rejoins la Place de la Mangeoire, je fais un petit tour à la Basilique qui est blindée. Chouette ! ils commencent à enlever les échafaudages et on peut enfin voir les beaux anges et les mosaïques des murs latéraux. Ensuite, je fais quelques emplettes, je sympathise avec trois marchands de souvenirs, ils me donnent leur carte. Puis je prends une Taybeh au restaurant The Square. En fin d’après-midi, les échoppes se ferment mais quelques chariots proposent des choses à manger : pop corn, maïs, falafel…
Stand de barbe à papa sur la Place de la Mangeoire...
Je tombe en arrêt devant le stand de barbe à papa. Admirez vous-même. Le groupe électrogène est posé sur le toit de la bagnole et le bac à barbe à papa est dans le coffre ouvert. Le bonhomme suspend des sacs plastiques dans lesquels il a mis des barbes à papa. La couleur rose faisait un peu mal aux yeux. Pour vous donner une idée, la photo est prise vers 16h50...
Je rejoins l’Université de Bethléem où je dis la messe pour les Frères (en anglais s’il vous plaît). Puis le repas est partagé. Les Frères sont très sympas. L’un d’entre eux est américain et quand il parle on a l’impression qu’il fait des gargarismes après un brossage de dents ! Après le repas, le frère Neil m’a raccompagné au Collège.
Jeudi studieux. J’ai mis de côté le Talmud pour m’intéresser au Livre d’Énoch, un apocryphe juif dont le seul texte complet est en guèze, la langue liturgique des Éthiopiens. Voici comment on écrit Heureux l'homme :ብፁዕ ብእሲ Il m’a donc fallu regarder un dictionnaire et le fonctionnement de cette langue. En fait, les signes typographiques sont des syllabes : une consonne et une voyelle. Il y a donc autant de signes qu’il y a de combinaisons consonne-voyelle. S’il y a 26 consonnes et 8 voyelles, cela fait 208 signes (211 en fait !). Bon courage !
Heureusement, j’ai trouvé un bon site internet avec un interlinéaire du livre d’Énoch guèze-anglais. Cela a simplifié le travail.
Dans l’après-midi, j’ai regardé le livre des secrets d’Énoch, un autre apocryphe que l’on ne sait pas trop dater… mais qui subsiste lui en slavon, j’ai donc dû me tuer les yeux avec l’alphabet cyrillique (Heureux en slavon : Блаженъ)
Ce soir, calme et repos.

À bientôt,     
Étienne+