jeudi 16 novembre 2017

Savant en science et subtil en savoir (Dn 1,4)

וידע דעת ומבין מדע
weyodea‘ da‘at ûmebin mada‘ 

Chers amis,
Samedi, la matinée a été consacrée à l’étude. L’après-midi, j’ai refait le tour des bâtiments mamelouks déjà visités en novembre 2015. J’avais le souvenir d’une visite mouillée puisqu’il pleuvait un peu. Mais cette année, il n’a pratiquement pas plu. Depuis dix jours que je suis ici, pas une goutte. À Bethléem, depuis mai 2016, on manque d’eau (déjà qu’en temps normal c’est pas la joie !)
Madrasa Muzhiriyya
Belle visite tout de même. Ce qui est gênant, c’est que ces bâtiments mamelouks se situent dans le quartier musulman (on s’en serait douté), au nord et à l’ouest de l’esplanade des mosquées/Mont du Temple. Par piété, les mamelouks construisaient des gîtes pour pèlerins, des écoles coraniques ou des tombeaux, le plus près possible de l’enceinte sacrée, parfois les bâtiments passent par-dessus le voisin pour être en contact avec le mur d’enceinte. Ce qui fait que les quelques ruelles qui donnent accès à l’esplanade sont assez riches en jolis monuments. Mais plusieurs de ces rues sont bloquées par des soldats israéliens qui empêchent les non musulmans de passer. On a beau leur dire qu’on ne veut pas aller sur l’esplanade mais seulement voir les bâtiments, rien n’y fait. Même si le ton était un peu sec et ne souffrait aucune contradiction, le soldat a quand même dit qu’il était “sorry” ! Ça n’arrive pas tous les jours, profitons-en !
En fait, le seul accès autorisé aux “infidèles” consiste en la rampe à côté du Mur occidental. On peut sortir par toutes les portes mais on n’entre que par celle de la rampe. En fait, les seuls portes que l’on peut approcher sont celles du Marché des Cotonniers et Bab el-Hadid, à côté de laquelle on a le petit Mur occidental. J’étais heureux de voir que la madrasa Muzhiriyya, dans cette même rue, était en restauration.
Le problème de ces bâtiments mamelouks sont maintenant pour la plupart des résidences privées, et pas du tout entretenus. La maison de dame Tunshuq a trois portes : le guide indiquait que la porte orientale était la plus élaborée et en fait d’élaboration, la porte servait de local à poubelles… Ou encore, certaines des façades sont “ornées” de fils électriques. Dans le khan es-Sultan, les modillons de la corniche ont une jolie forme recourbée et les habitants de la cour les ont reconverties en gaine électrique. À croire que les mamelouks avaient pensé à tout.
Je m’étais dit que j’irais bien faire un tour au Mur occidental. Mais l’affluence était telle (il devait y avoir une bonne vingtaine de minutes de queue aux portiques de sécurité) que j’y ai renoncé. Il y avait un monde dans la Vieille Ville… Je n’aime vraiment pas la foule. Ce n’est pas de l’agoraphobie, plutôt une sorte de misanthropie.
Après cela, un jus de fruit sur la terrasse d’un café dans la Vieille Ville puis exploration de quelques boutiques à la recherche de cadeaux à faire… Puis retour au Collège.
Dimanche, messe à Abu Gosh, à l’issue de laquelle j’ai pu revoir les têtes connues et faire la connaissance des “nouveaux”, notamment ceux qui ont succédé à Cyrille et Marianne. Il faut dire que l’after de la messe d’Abu Gosh est très sympa !
Des amis m’ont déposé au pont de la harpe de David et je suis rentré à pied, en flânant un peu. J’ai déjeuné sur le pouce un peu tard (vers 15h) en pensant qu’il y aurait moins d’affluence. Perdu ! En fait, les gens font souvent la journée continue et sortent du bureau vers cette heure-là et les restaurants, gargotes, snacks sont pris d’assaut.
J’ai aussi eu l’occasion de regarder les סוּפֶּרמַרקֶט (super marchés) de la rue de Jaffa. Il s’agit en fait de supérettes, où l’espace est “optimisé”, comprendre qu’on a du mal à passer entre les rayons. Et en terme de produit, vous avez un rayon pour les chips, un autre pour les produits chocolatés (plaquettes, barres), une autre pour les céréales (les plus fades
, je pense que ce sont les Miel Pops® !) Pas de produits frais ! Quant aux surgelés, il n’y a que des crèmes glacées. Pas étonnant de constater ensuite que les gens sont souvent gros. En Israël 70 % des hommes entre 45 et 65 ans sont en surpoids (En France, à peine moins que la moitié). Statistiquement, c’est comparable aux USA et on estime à 700 000 le nombre de diabétiques en Israël (pour 8 millions d’habitants, soit 9 % de la population).
Fin d’après-midi calme : sieste, oraison et sport. Je retrouve le Frère Rafael qui rentre d’une quinzaine de jours en Jordanie où il a réglé des questions administratives pour le Collège d’Amman.

Le lundi fut toujours un peu talmudique. Le frère Louis m’a prêté un thermomètre pour que je puisse mesurer précisément la température de la bibliothèque. J’ai eu du mal à y croire… Il y fait 26,8°C ! Ce n’est pas une bibliothèque, c’est un four ! Je me demande si cela convient pour les livres…
Pendant mes trajets entre le Collège et l’École, je bouquine (selon ma technique d’OTM) un polar israélien, Meurtre au Philharmonique. Comme vous le voyez, pas de suspense dans le titre. C’est la même série que Meurtre au Kibboutz que je lisais en mai dernier. En fait, j’en lis un à chacun de mes séjours. Le rythme est assez lent, c’est un peu Maigret à Jérusalem. L’intrigue avance peu à peu, et on a envie d’avancer mais pas trop vite, pour découvrir avec le commissaire Michael Ohayon qui a assassiné Félix, le vieux libraire musical, puis son fils Gabriel, violoniste du philharmonique de Jérusalem (ce meurtre-là est particulièrement saignant…, le type a été décapité avec une corde de violoncelle, berk ! heureusement, l’auteur nous épargne les détails répugnants). En plus le commissaire a une histoire un peu compliquée avec la sœur du violoniste, qui est violoncelliste. Ces romans, même s’ils sont un peu anciens – la romancière est morte en 2005 –, donnent un visage vivant de la société israélienne, en dehors des considérations habituelles sur le conflit.
Mercredi, la bibliothèque est fermée… En fait, en ce 15 novembre, c’est fête à l’ÉBAF avec le dies academicus commun de l’École Biblique et du Studium des Franciscains (SBF), en l’honneur de saint Albert le Grand. Mais c’est aussi la fête nationale palestinienne et le Collège des Frères chôme. Lever un peu plus tardif…
À l’ÉBAF, il y a une séance officielle avec une conférence magistrale, donnée cette année par le frère Timothy Radcliffe, ancien maître général de l’ordre dominicain. Il a traité du sujet : Why do preachers need biblical scholars ? Il a été très drôle et profond : il a dit que les études bibliques étaient une voie de sainteté, voilà qui est rassurant mais il a ajouté que ce n'était pas automatique.
Il a aussi raconté une histoire à propos de la vérité et des dominicains. Veritas est la devise de l’ordre dominicain. C’est l’histoire d’un homme qui se retrouve à un endroit inconnu, il n’a aucune idée de l’endroit où il est. Pour mieux se rendre compte des environs, il grimpe dans un arbre. De loin, il voit arriver un homme qui s’approche et finit par passer sous l’arbre. Il lui demande :
« S’il vous plaît, pourriez-vous me dire où je suis ?
– Dans un arbre.
– Ah, vous devez être dominicain !
– Comment savez-vous cela ?
– Parce que ce que vous m’avez dit est absolument vrai, mais complètement inutile ! »
L’Aula Magna de l’École était remplie des étudiants de l’ÉBAF et de franciscains du SBF, il y avait aussi des “passagers clandestins” venus écouter le P. Radcliffe. Après la pause, la salle était tout de suite moins remplie (d’un tiers !) et c’est vrai que c’était beaucoup moins intéressant. Mais ça fait partie de l’exercice.


Comme la bibliothèque n’était pas accessible l’après-midi, j’en ai profité pour aller à Bethléem. Bus vers 14h30, je tchatche avec un Français qui voyage. Le bus me dépose à côté de l’hôpital et de l’université. Je rejoins la Place de la Mangeoire, je fais un petit tour à la Basilique qui est blindée. Chouette ! ils commencent à enlever les échafaudages et on peut enfin voir les beaux anges et les mosaïques des murs latéraux. Ensuite, je fais quelques emplettes, je sympathise avec trois marchands de souvenirs, ils me donnent leur carte. Puis je prends une Taybeh au restaurant The Square. En fin d’après-midi, les échoppes se ferment mais quelques chariots proposent des choses à manger : pop corn, maïs, falafel…
Stand de barbe à papa sur la Place de la Mangeoire...
Je tombe en arrêt devant le stand de barbe à papa. Admirez vous-même. Le groupe électrogène est posé sur le toit de la bagnole et le bac à barbe à papa est dans le coffre ouvert. Le bonhomme suspend des sacs plastiques dans lesquels il a mis des barbes à papa. La couleur rose faisait un peu mal aux yeux. Pour vous donner une idée, la photo est prise vers 16h50...
Je rejoins l’Université de Bethléem où je dis la messe pour les Frères (en anglais s’il vous plaît). Puis le repas est partagé. Les Frères sont très sympas. L’un d’entre eux est américain et quand il parle on a l’impression qu’il fait des gargarismes après un brossage de dents ! Après le repas, le frère Neil m’a raccompagné au Collège.
Jeudi studieux. J’ai mis de côté le Talmud pour m’intéresser au Livre d’Énoch, un apocryphe juif dont le seul texte complet est en guèze, la langue liturgique des Éthiopiens. Voici comment on écrit Heureux l'homme :ብፁዕ ብእሲ Il m’a donc fallu regarder un dictionnaire et le fonctionnement de cette langue. En fait, les signes typographiques sont des syllabes : une consonne et une voyelle. Il y a donc autant de signes qu’il y a de combinaisons consonne-voyelle. S’il y a 26 consonnes et 8 voyelles, cela fait 208 signes (211 en fait !). Bon courage !
Heureusement, j’ai trouvé un bon site internet avec un interlinéaire du livre d’Énoch guèze-anglais. Cela a simplifié le travail.
Dans l’après-midi, j’ai regardé le livre des secrets d’Énoch, un autre apocryphe que l’on ne sait pas trop dater… mais qui subsiste lui en slavon, j’ai donc dû me tuer les yeux avec l’alphabet cyrillique (Heureux en slavon : Блаженъ)
Ce soir, calme et repos.

À bientôt,     
Étienne+

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