samedi 31 mars 2007

Nazareth et le patriarcat grec orthodoxe







Chers tous,
Dimanche, nous sommes donc allés à Nazareth. Au début, c'était un projet pour cinq ou six étudiants. Finalement, nous avons loué un bus... Deux bonnes heures de bus en passant par Jéricho et la vallée du Jourdain. C'est fascinant de voir le désert grassement vert, avec des fleurs partout.
Avant d'arriver à Nazareth, nous voulions passer à l'oratoire du Précipice, construit par les Croisés pour rappeler le lieu où Jésus a failli être précipité après avoir parlé dans la synagogue de Nazareth (Lc 4, 4ss). En suivant les panneaux, nous ne sommes pas arrivés à où nous voulions mais sur un promontoire qui domine la plaine de Yitsréel, vers le Mont Thabor. La vue était splendide.
Ensuite, à Nazareth, nous avons couru à la Basilique et comme il n'y avait pas de messe à la grotte de l'Annonciation, nous avons pu prier avec les nombreux pèlerins qui étaient présents pour la journée du 25 mars. Dans les rues, on a vu tout Jérusalem : les Franciscaines Missionnaires de Marie, la communauté de l'Emmanuel... Notre groupe s'est retrouvé pour la messe à la chapelle du Bienheureux Charles de Foucauld, tenue par les Petits Frères de Jésus. C'est là qu'il y a la relique vénérée par le Pape au jour de la béatification. La chapelle est celle où frère Charles priait dans le couvent des sœurs clarisses.
Nous avons célébré la messe de l'Annonciation, c'était très émouvant et simple.
Pique-nique fraternel dans le jardin où se trouvait à l'époque la cabane où frère Charles logeait.
Nous avons voulu ensuite aller à l'église orthodoxe bâtie au dessus de l'unique source d'eau du village. Donc le seul endroit où Marie pouvait aller puiser. Évidement, les orthodoxes situent à cet endroit l'Annonciation, à un moment où Marie allait puiser. Malheureusement, l'église est fermée le dimanche (?). Nous sommes aussi passé à l'église paroissiale dédiée à saint Joseph. Au sous-sol, une grotte considérée par la tradition comme l'atelier de saint Joseph.
Près de la Basilique, nous avons vu le lieu où les musulmans voulaient construire une mosquée. C'est vraiment tout contre. Là où on voit la mauvaise foi, c'est que le lieu est petit et de forme triangulaire, pas du tout adapté pour une mosquée.
Nous avions encore une heure à perdre avant de reprendre le bus, j'ai donc prié dans la basilique mais il n'était pas possible d'accéder à la grotte à cause d'une messe qui y était célébrée. Je priais et à côté de moi, est arrivé un évêque. Sa tête me disait quelque chose mais je ne me rappelais pas où j'avais bien pu le voir... Ça m'a donné des distractions puis je me suis souvenu ! Bon sang, mais c'est bien sûr ! Le patriarche Michel Sabbah! Il venait poser la première pierre du Centre international Marie de Nazareth, dont s'occupe la Communauté du Chemin Neuf.
En plus le temps était de la partie !
Lundi, j'ai beaucoup chanté. Une répétition pour les offices des ténèbres de la semaine sainte. Je fais partie d'une petite schola avec quelques uns des dominicains. Le soir, répétition de chants charismatiques pour la procession des Rameaux. Mardi soir, ce fut la chorale des jours saints. Et jeudi, encore la schola...
Mardi, c'était le 27 mars, quarantième anniversaire du Dies Natalis du Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus. J'avais réussi à réserver une messe à célébrer à la Tombe. Sympa ! Regardez le lien Internet dans la colonne de droite...
L'après-midi, nous sommes allés visiter le patriarcat grec orthodoxe, guidés par Mgr Aristarchos. Il s'agit du secrétaire du Patriarche. Il vient souvent travailler à la bibliothèque où il trouve le calme et la concentration nécessaire. Au patriarcat, il est sans cesse dérangé. Le patriarcat se situe dans la vieille ville, tout contre la basilique du Saint-Sépulcre. C'est un monastère et une véritable ville dans la ville. Des rues, des porches, des escaliers. Nous avons vu un peu de la bibliothèque, mais la partie intéressante qui contient les manuscrits anciens (un palimpseste du 6° siècle) est en travaux, donc nous n'avons vu que les plastiques qui couvrent les armoires qui contiennent les manuscrits.
Ensuite, la partie intéressante, c'était la terrasse. On passe au dessus de la rue du souk, elle s'appelle rue du quartier chrétien mais il y a une seule boutique chrétienne... La terrasse domine toute la zone du Saint-pulcre. On se trouve tout contre le clocher. Sur la photo, vous voyez ce dernier, avec les échafaudages ; le bâtiment blanc est la chapelle du monastère ; la grande coupole correspond à l'Anastasis et la petite au chœur des Grecs.
Là, Mgr Aristarchos nous a montré la chapelle des moines. Elle est tout contre la coupole de l'Anastasis, d'ailleurs, le plan est tout de guingois avec un mur rond. Dans un coin, une petit lucarne permet de regarder à l'intérieur de l'Anastasis. Puis sur le toit de la chapelle, nous avons pu pénétrer sur une sorte de balcon dans la Coupole. A ce moment-là, c'était la procession des franciscains dans l'après-midi. On a continué notre tour sur les toits de la Basilique, autour des deux coupoles, au-dessus du Golgotha. La vue sur les toits de la Vielle Ville était splendide.
La rencontre s'est achevé avec un "tire-café" et le café. Mgr Aristarchos nous a servi lui-même. Comme rencontre œcuménique, c'était vraiment sympa : souvent les orthodoxes nous semblent froids et bornés et nous considèrent d'une manière hautaine comme les derniers des hérétiques. Là, c'est un homme avec lequel on a plaisir à parler. La salle était décorée avec les portraits des patriarches et des moines qui ont marqué le lieu ; un peu comme à la Fac de Médecine à Montpellier...
Mercredi, jeudi et vendredi, j'ai bossé. Hier soir, j'ai donné un coup de main pour la confection des livrets de chants pour la semaine sainte. Ensuite, j'ai regardé un film avec quelques uns. C'était un docu-fiction sur le 11 septembre et l'avion qui s'est écrasé en Pennsylvanie. Pas franchement hilarant, mais prenant.
Ce matin, je suis allé célébrer la messe au Dominus Flevit avec deux étudiantes. Ensuite, guidé par l'Esprit-Saint, nous sommes allés au Cénacle puisque Jacinta, la sœur dominicaine indienne (c'est elle que Mgr Aristarchos sert sur la photo) n'y était jamais allée. Puis de là, la Dormition n'était plus très loin. Mais l'église était fermée puisqu'il y avait un concert. Nous avons donc fait nos dévotions à la cafeteria. Ensuite, en passant, nous avons vu que la porte de l'église Saint-Jean-Baptiste était ouverte. Nous en avons profité. C'est la plus ancienne église de la ville. Elle date de l'époque byzantine. L'intérieur est splendide. Elle est située juste à côté du Saint-Sépulcre, et trouver l'entrée relève de l'exploit surtout qu'ils ont repeint la porte qui a donc changé de couleur...
Voilà, une semaine assez calme mais la semaine prochaine va être bien chargée. Allez donc faire un tour sur le blog des étudiants. Vous verrez des photos sympa de notre sortie à Beer Shéva, il y a un mois ainsi que de l'Irish Coffee qui nous fut servi en l'honneur de saint Patrick, le jour de la saint Joseph !
A bientôt, je vous embrasse,
Étienne+

samedi 24 mars 2007

Calme

Chers tous,
Dimanche dernier, comme vous pouvez le deviner j'ai bien dormi.
Lundi, journée sans vagues : araméen, lettre aux hébreux... Mardi, nous n'avons pas eu comme prévu notre excursion. Une fois par mois, cela n'a pas lieu.
Le soir, je suis allé manger avec le Père Puech au César Hôtel, j'ai rencontré un groupe d'étudiants en assyriologie d'Aix en Provence. Ils faisaient un périple entre la Jordanie, Israël et l’Égypte autour de la thématique de l'alphabet. Le Père Puech est venu leur parler de son boulot, des manuscrits de la Mer Morte. Moi, en fait, j'ai mangé avec eux afin de faire leur connaissance puisqu'on m'avait demandé de leur célébrer la messe le lendemain matin au Saint-sépulcre. Le prof est catho et a donc proposé à son groupe de participer à la messe tôt le matin.
Mercredi, je leur ai donc célébré la messe au Calvaire ; ça répondait assez bien même si certains n'étaient pas cathos mais par curiosité ils sont venus. Puis on a fait un petit tour dans le Saint-Sépulcre. C'était drôle de faire ça avec des étudiants de l'Université française laïque et républicaine. Le matin, j'ai traduit de l'araméen. En fin d'après-midi, il y avait une activité du CCF, le Centre Culturel Français de Jérusalem-Est (Palestinien ; il y en a un à deux pas de la Mairie pour Jérusalem-Ouest, plus Juif). A l'occasion du Printemps de Poètes, il y avait une soirée de poèmes arabes. Évidemment, je ne maîtrise pas toutes les nuances de cette langue ; mais ça chante. Quelques-uns des poèmes étaient lus en français, il y en avait un sur l'envie de pisser de la mariée : vous n'auriez jamais pensé qu'on pût écrire un poème sur ce sujet mais Najwan Darwish l'a fait ! Un groupe a interprété quelques chants traditionnels : une chanteuse (jolie comme un cœur) accompagnée par un oud (une sorte de luth) et des percussions; le percussionniste était épatant : il tirait une variété de sons d'un simple djembé ou d'un tambourin, fascinant. La jeune fille possédait une voix fantastique, tout dans le diaphragme.
Le soir, nous avons regardé la dernière partie de Lawrence d'Arabie.
Jeudi et vendredi, toujours plongé dans l'araméen et dans la lettre aux hébreux. En parlant entre la poire et le fromage (au petit déjeuner), j'ai peut-être une piste pour le mémoire. Il faut que je creuse.
Demain, nous allons à Nazareth tout un groupe de l’École. Ce sera sympa.
Ciao,désolé, cette fois-ci, il n'y a pas de photo mais on n'est pas sorti du tout...
Étienne+

dimanche 18 mars 2007

Saint-Sépulcre Qumrân et encore Saint-Sépulcre

Chers tous,
Comment allez-vous ? Autant la semaine a été calme mais la fin de semaine crevante... Mardi, comme prévu, nous avons eu la conférence sur le Saint-Sépulcre. Le Père Jerry Murphy O'Connor, op, nous a parlé pendant une heure à l'aide de diapositives. C'était passionnant. Il a évoqué l'histoire du lieu. D'abord, il y a là une carrière de pierre dont l'exploitation a débuté au 8° siècle avant J.-C. Dans cette carrière, on laisse un petit monticule rocheux inutilisable pour la pierre de taille. Au premier siècle avant J.-C., on utilise donc la falaise artificielle créée par la carrière pour creuser des tombeaux. Le reste de la carrière est un dépotoir. Le monticule sert ensuite de lieu d'exécution. En 135, Jérusalem est rasée à l'issue de la deuxième révolte juive et l'empereur Hadrien bâtit Aelia Capitolina. Sur le site, on trouve le temple dédié à la triade capitoline (Jupiter, Junon, Minerve). Le temple est finalement rasé dans les années 320 pour laisser la place au Saint-Sépulcre, c'est une grande basilique byzantine prolongé par une cour qui contient le monticule du Golgotha et par une immense coupole, l'Anastasis (Résurrection en grec). L'Anastasis est bâtie autour de la tombe ; pour l'y insérer, Constantin a fait découper la roche de la falaise : on a retrouvé à Narbonne un modèle réduit de l'édicule renfermant la Tombe de Jésus. Sur la photo, vous voyez la reconstitution de la basilique vue au début de mon séjour ici, on voit bien la structure du bâtiment : de gauche à droite, le Cardo, l'Atrium, la Basilique, la Cour et l'Anastasis. Malgré les invasions perses puis musulmanes, le bâtiment demeure sensiblement le même jusqu'en 1009. A cette date, le calife Hakim, fou, détruit le complexe. Immédiatement, on reconstruit mais à l'économie en délaissant le basilique pour privilégier l'essentiel : le Golgotha et le Sépulcre. C'est ce bâtiment que les Croisés trouvent en 1099, lorsqu'ils s'emparent de la ville. Ils édifient alors l'actuelle basilique. Celle-ci va passer successivement aux mains des franciscains, des grecs orthodoxes, des arméniens, qui y font divers aménagements, sans compter les tremblements de terre et les incendies. A l'heure actuelle, la basilique est partagée entre ces trois confessions, plus quelques endroits attribués à d'autres confessions (coptes, syriens et éthiopiens). La situation est assez tendue, les grecs ont tendance à considérer que la basilique est à eux et que certaines parties sont occupées par les Arméniens et les Latins. Leur but est donc de récupérer tout le bâtiment. En fait, l'organisation et l'utilisation des lieux est régie par le statu quo mais aussi par un droit coutumier assez subtil. Le statu quo prévoit qui régit les lieux, qui occupe les lieux en fonction de l'heure. Comme cet accord a été signé au 19° siècle, il n'est pas soumis au changement d'horaire, ni même aux aménagements liturgiques de Vatican II (la vigile pascale a toujours lieu le samedi saint au matin comme cela se faisait jusqu'en 1951). A l'entrée du Saint-Sépulcre, depuis le début du Carême et jusqu'à la Pentecôte, on voit une échelle. Cette échelle est censée permettre aux orthodoxes de remplir d'huile les lampes qui ornent le mur. Celà fait belle lurette que ces lampes sont électrifiées, mais l'échelle est toujours là (sa seule utilité est de gêner la circulation dans la basilique...) Pour éviter des occupations sauvages des divers lieux, il y a toujours un représentant de deux confessions qui assiste aux offices et célébrations de la troisième.
A la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, des études ont révélé le triste état du bâtiment. On a même proposé de le détruire et de bâtir à la place une triple basilique. Le projet a finalement été abandonné mais il a fallu du temps pour mettre tout le monde d'accord sur la restauration du lieu. Le gros est fait (en ce moment, c'est le clocher des croisés qui est couvert d'échafaudages). Le problème reste l'édicule qui renferme la Tombe... On voit qu'il est prêt à s'écrouler, des poutres métalliques le maintiennent (alors qu'il n'a pas 200 ans). Cet édicule remplace celui du 16° siècle qui a remplacé celui des croisés qui a remplacé celui de Constantin. On ne sait pas trop ce qu'il reste de la Tombe elle-même, des archéologues anglais ont fait des sondages avec une caméra endoscopiques en passant dans les fentes du mur...
Mercredi matin, travaux pratiques... J'ai célébré la messe au Saint-Sépulcre, Terence et Agnès (volontaire de la bibliothèque). C'est très émouvant de prier maintenant dans ce lieu. Le soir, un des pères dominicains a projeté Lawrence d'Arabie (la première partie seulement). Quel plaisir de revoir ce grand classique !
Jeudi matin, Terence m'avait proposé de concélébrer avec lui au Calvaire. Ce matin-là, j'ai mis la dernière main à mon devoir écrit sur la confession de Pierre et le Père Aletti m'a dit : "C'est bon ! On dépose !" Ouf, pas fâché d'en avoir fini... Maintenant, je peux me pencher plus précisément sur l'épître aux Hébreux, sur laquelle je voudrais travailler pour mon mémoire de licence.
Vendredi, pendant le petit-déjeuner, petite surprise : il a neigé. Jusqu'à 11 heures, de bons gros flocons. Ensuite, la pluie a succédé. Jacinta, une religieuse indienne, était toute heureuse de découvrir la neige ! Le soir, le Père Puech a présenté une introduction à l'excursion du lendemain à Qumrân et Muraba'at.
Samedi, messe à 6h00, avec Benoît, Nathanaël et Terence. Terence a présidé en l'honneur de saint Patrick.
Départ ensuite vers Qumrân. A Jérusalem, il pleuvait et cela a duré jusqu'à Qumrân, sur les rives de la Mer Morte, où il ne pleut que un ou deux jours par an. Qumrân est donc le lieu où ont été découvert en 1947 les fameux manuscrits de la Mer Morte. Au début, ce sont des bédouins qui ont trouvé dans des anfractuosités des jarres avec des rouleaux de cuir. Ils ont essayé de les vendre à un cordonnier ! qui a vite vu qu'il n'en tirerait rien pour son commerce de chaussures mais que cela avait certainement de la valeur sur un plan archéologique. Des archéologues de l’École Biblique ont fait des fouilles. L'hypothèse majoritaire est que les ruines retrouvées sont celles d'un "monastère" d'esséniens, un courant juif "alternatif". Je dis hypothèse parce que de plus en plus, certains spécialistes y apportent des nuances. Nous avons donc visité le site, sous la pluie, avec le Père Puech tenant de l'hypothèse traditionnelle. Il est chercheur au CNRS et sans doute un des meilleurs spécialistes mondiaux dans le domaine.
Près du site, nous avons vu l'entrée des grottes à manuscrits creusées dans la roche alluviale sur laquelle est construit le monastère. Puis au dessus, nous avons suivi l'aqueduc qui amène l'eau depuis le Wadi Qumrân. Il nous a fallu nous accrocher au rocher puis ramper dans le tunnel creusé par les esséniens pour accéder au barrage qui retenait l'eau. En pull rouge, c'est le Père Puech, et sortant du tunnel, c'est Benoît. Près de là, nous avons vu une femmelle ibex morte. C'est une sorte de petit bouquetin des régions désertiques. Habituellement, cela grimpe presque partout mais elle a dû trébucher et tomber. Alors que le soleil avait fini par se lever, nous avons continué à marcher sur deux kilomètres vers le nord. Le Père Puech nous a montré les grottes à manuscrits 1 et 11 (elles sont numérotées selon leur ordre de découverte : vous avez là la grotte 1). C'est assez impressionnant même si ces cavités ne sont pas immenses.
Après le repas, pris à Qumrân, nous avons fait route vers le Wadi Muraba'at, c'est un canyon vertigineux dans lequel on a retrouvé des manuscrits au cours des campagnes de fouilles qui ont suivi la découverte de Qumrân. Ces manuscrits ne sont pas directement liés aux esséniens mais à la deuxième révolte juive de 132-135. Le meneur de la révolte est un certain Simon Bar Kokhba (Simon fils de l'étoile) que certains à l'époque ont considéré comme le messie. Jusqu'à la découverte des lettres de Muraba'at, des historiens pensaient que c'était pure légende mais on a retrouvé des lettres signés de sa main. La révolte a été matée dans le sang. Pour accéder aux grottes, il a fallu descendre dans la gorge, c'est vertigineux et d'une rare beauté. Là, les deux grottes sont assez profondes (près de 80 mètres). La difficulté, c'est que le moindre pas soulève une poussière qui rend vite l'atmosphère irrespirable.
Ensuite, retour à la maison assez tôt.
Le soir, avec quelques-uns, nous sommes allés aux vigiles au Saint-Sépulcre. Ce sont les franciscains qui animent. Pour acclamer l'évangile, il y a une belle procession aux flambeaux autour de la Tombe. C'est très émouvant. Ensuite, avec certains, nous avons passé la nuit. Après les vigiles latines, liturgie grecque. A partir de 3h30 du matin, la basilique est calme. Il n'y a presque personne, seulement quelques franciscains. J'ai pu rester prier dans la Tombe pendant une bonne demi-heure sans être dérangé. C'était très émouvant. C'est aussi le moment de voir des scènes improbables : le prêtre orthodoxe qui fait les vitres du Golgotha, un chat qui passe au milieu des moines en prière... A 5h, tout se met en branle : Arméniens, Coptes, Grecs... Pour les Arméniens, le quatrième dimanche de carême est très solennel, j'ignore pourquoi. Il y avait donc plein de prêtres, tous les séminaristes en soutane bicolore bleue. Vers 7h30, ils faisaient les zouaves dans les galeries supérieures.
A 8h30, j'ai concélébré la messe latine. C'est assez spécial. Les prêtres sont rassemblés dans la chapelle du Saint Sacrement et comme nous sommes le quatrième dimanche de Carême dit Laetare, nous sommes tous vêtus de rose. Le patriarche latin arrive solennellement accompagné par les kawas, coiffés d'un tarbouche et un bâton ferré à la main. Il s'assied sur le siège de présidence et là, il est habillé. En fait, il préside la cérémonie sans célébrer la messe. La messe est en latin et arabe ; les chants sont surtout en grégorien. J'ai eu de la chance, je me suis trouvé avec la madame Michu locale : vous la connaissez tous, la mémé qui chante faux mais de tout son coeur. Saoulante... L'office des Laudes est intrégré à (ou désintégré dans) la messe. L'autel se trouve entre la coupole et la chapelle du Saint Sacrement. Toute la foule est coincée dans un espace très réduit. L'homélie est faite par un diacre qui vient recevoir l'étole des mains du patriarche.
Tout irait bien, si nous étions seuls. Or, les Arméniens ont leur office en même temps et ils chantent de toute leur voix (à côté, les franciscains chantent un grégorien plutôt laborieux heureusement soutenu par un orgue à toute pompe). Derrière, les Coptes (j'ai un peu de mal avec leur chant : les oreilles occidentales ne sont pas faites pour). En revanche, le chant arménien est splendide : un des chantres avait une voix exceptionnelle, j'avoue avoir eu des distractions pendant l'homélie (en arabe tout de même).
Après la messe, je suis vite retourné à l'Ecole et un bon dodo...
Sinon, je suis en train de lire en ce moment, un bouquin très drôle. Il s'agit de Papa est au Panthéon d'Alix de Saint-André. C'est l'histoire de Berger, un clône à peine déguisé d'André Malraux, que l'on veut faire entrer au Panthéon. Or, le Berger en question est mort dans une explosion au Guatémala, il y a plus de quarante ans et ses cendres ont été, selon son biographe, répandue dans le Gange. Jusqu'à ce que l'on se rende compte que... Je n'en dis pas plus mais c'est très amusant. Trouvez ci-joint un lien vers une citation du livre à propos du jargon technocratique.
Je vous embrasse.
Etienne+

lundi 12 mars 2007

Divers..

Chers tous,
Vendredi dernier, j'ai travaillé un peu le matin sur mon devoir d'exégèse mais aussi un peu d'araméen... L'après-midi, je suis retourné dans la tranchée pour continuer à fouiller. On a dégagé le grand mur un peu plus. Il fait exactement 1,56 mètre de large, sur les quelques douze mètres que nous avons dégagé. Selon les spécialistes, c'est une œuvre byzantine et peut-être romaine, vues la régularité et la précision de la construction. Ensuite, nous avons dégagé près du pas de porte un reste de mur. Sur la photo, on voit bien le pas de porte au milieu. Pour vous donner une idée, la partie du mur que je vous ai montrée dans le message du 27 février se situe près de la buse en béton au fond. Évidemment, il y avait plein de tessons de poterie, de verres, des tesselles de mosaïques. Selon le Père Humbert, elles pourraient provenir d'un toit en terrasse garni d'une mosaïque, cela à cause du caractère grossier et irrégulier des pièces. Le soir, je ne me suis pas forcé pour m'endormir. Samedi matin, fouille. Là, j'ai dégagé un morceau de sol insoupçonné en plâtre, il part en pente douce depuis le mur. Ce soir, j'y suis passé : du béton et du sable partout, puisque les ouvriers continuent de travailler... Un brin déprimant.
L'après-midi, j'ai bossé. Vers 18h, je suis parti avec Agnès la volontaire de la bibliothèque pour le monastère des Bénédictines du Mont des Oliviers, pour les gens qui connaissent un peu les lieux, c'est entre le Dominus Flevit et le Carmel du Pater. Les quelques membres de la Communauté de l'Emmanuel présents à Jérusalem avaient organisé une nuit d'adoration. D'abord, un repas bien convivial dans l'appartement des volontaires : deux infirmières qui travaillent à l'hôpital Saint-Louis, une autre qui travaille à Saint-Pierre-en-Gallicante... Nous étions en tout une petite quinzaine. Dont Guillaume, Benoît et Terence, mais aussi Luc et Nathanaël deux séminaristes de l'Emmanuel : sympa de retrouver des gens avec lesquels on peut échanger aussi sur des thèmes spirituels. Puis prière dans la chapelle des Bénédictines. Comme je ne logeais pas sur place, j'ai assuré la permanence de prière de 9 à 11 puis de 5 à 7. J'ai donc traversé une partie de la Vieille Ville tard le soir et tôt le matin, l'ambiance est étrange... Il y a toujours quelqu'un dans la rue. Ensuite, il y a eu la messe présidée par Guillaume, il a comparé Jésus à un jardinier qui bine et qui arrose. Petit déjeuner à l'appartement. L'appartement est sympa mais tout mansardé, ce qui fait qu'il faut sans cesse se baisser pour circuler. Après le petit dèj, on avait encore de l'énergie à revendre et on a fait un temps de louange dans l'oratoire de l'appart'. La fenêtre donne sur la Vieille Ville, splendide...
Sinon, nous sommes allés, seulement un petit groupe à Béthanie, à la tombe de Lazare. C'est à environ vingt minutes de marche du sommet du Mont des Oliviers. Mais c'est de l'autre côté du mur de la haine. A Bethphagé, nous sommes passés devant l'église qui rappelle l'endroit où Jésus est monté sur son âne le jour des Rameaux. Il a fallu passer un checkpoint, le soldat israélien ne parlait qu'hébreu ou russe... Heureusement, Caroline s'est débrouillé avec les trois mots d'hébreu qu'elle connaissait. On a pu passer. Le lieu de Béthanie est enchanteur, surtout avec le splendide soleil, bien chaud. Béthanie est le village où habitaient Lazare, Marthe et Marie. D'ailleurs le nom arabe du village rappelle bien cela, El Azariyeh. Le lieu traditionnel de la tombe de Lazare est situé sous la mosquée de part et d'autre, une église grecque orthodoxe et une église latine. La photo est prise de puis l'église latine, on voit la mosqué au second plan et derrière l'église orthodoxe. Au fond à droite, le mur. Pourtant, Béthanie est un lieu joli, qui était avant le mur une banlieue résidentielle pour les Palestiniens fortunés qui travaillaient à Jérusalem. Mais depuis le Mur, ils ont déménagé en ville pour ne pas perdre leur travail. La situation humaine se dégrade donc dans ce lieu. La polémique suscité par un évêque allemand en visite n'est pas si illégitime que ça. Il a affirmé : "Le matin, nous avons vu au Yad Vashem des photos du ghetto inhumain de Varsovie, le soir nous avons traversé le ghetto de Ramallah (principale ville palestinienne au nord de Jérusalem)". Évidemment, ça ne plait pas à tout le monde. Nous avons vu l'église latine, puis sommes allés dans la tombe. Il faut payer trois shekels à l'arabe devant... Est-ce normal, officiel, légal ? Nul ne le sait, c'est l'orient, les catégories éclatent... Il faut descendre un escalier très raide et très humide et on arrive à une petite salle souterraine qui est la tombe. Là, Benoît a lu le texte évangélique (Jn 11). Et quelques chants sur la résurrection.
Voyez la photo prise par Benoît, de gauche à droite : Nathanaël (séminariste de l'Emmanuel - Diocèse de Paris), Armelle (volontaire française, infirmière à l'hôpital français St-Louis), moi, Guillaume Chevallier, Caroline (Communauté de l'Emmanuel, je connais bien son frère avec lequel j'ai étudié à Fribourg et Rome), Luc (diacre du diocèse du Mans, communauté de l'Emmanuel). On a tous l'air un peu "flanc" mais bon au moins vous voyez les têtes de mes amis.
Puis retour au monastère et Luc nous a ramené à l'Ecole pour le repas. Il a fallu faire un gros détour car la route normale était bloquée par la police. La veille, un arabe est mort à un checkpoint proche de là, les Israéliens disent que le type est mort subitement, les Palestiniens affirment qu'il a été tabassé. Du coup, cela a provoqué quelques jets de pierre et l'arrivée en force de la police.
L'après-midi, certains sont allés à Bethléem mais finalement je n'y suis pas allé, j'étais crevé...
Le soir, j'ai regardé avec Nathanaël le film "Signes". C'est l'histoire d'un pasteur protestant (Mel Gibson) qui vient d'abandonner son ministère à la suite de la mort de sa femme. Apparaissent dans ses champs de maïs des figures géométriques et les martiens débarquent. Le suspense est assez bien mené.
Aujourd'hui, araméen, travail et ce soir, conférence organisé par l’École et le Centre Culturel Français de Jérusalem (côté palestinien : il y a un autre centre culturel côté israélien) : le Père Jean-Baptiste Humbert présentait les résultats d'un fouille réalisée en Jordanie en 1986. Il y avait une forteresse de l'âge du Fer (1000 av. J.-C.) qui intéressait le Père pour ses recherches mais d'abord il a fallu fouiller le palais omeyyade (7°-8° siècle de notre ère) qui était au dessus. Et là, ils ont trouvé des choses splendides, à tel point que la Jordanie a récupéré la fouille... Mais ils ont trouvé des pièces de mobilier ancien tel qu'un brasero très beau. Avec des figurines de femmes nues dansant avec chacune un oiseau différent dans la main. Des pieds en forme de griffons montés sur des roulettes. Sur le devant, des scènes à faire rougir un interne en médecine. C'est étrange de voir à quel point cette première civilisation musulmane était "libérée" : représentations imagées d'hommes et surtout de femmes, figurines érotiques, célébration du vin... Rien à voir avec nos fous furieux d'aujourd'hui...
Demain, nous aurons le cours d'archéologie mais ce sera une conférence pour nous introduire à la visite du Saint-Sépulcre qui aura lieu la semaine prochaine ou dans quinze jours.
Allez aussi faire un tour sur le lien "Foot et Foi : l'exemple du PSG". Il y a des choses sympas !
Étienne+

jeudi 8 mars 2007

Pourîm et autres réjouissances...

Chers tous,
Après un message assez unifié autour de notre périple dans le Néguev, voici un compte-rendu beaucoup plus décousu mais qui vous donnera un aperçu de la vie quotidienne à l'Ecole. Encore que pas si monotone que ça !
Samedi, Matteo un prêtre milanais étudiant en doctorat et un groupe d'étudiants dont je faisais partie voulaient aller dans une synagogue pour assister à la lecture du livre d'Esther à l'occasion de la vigile de la fête de Pourîm. L'histoire est racontée dans la Bible : Esther, une jeune juive, devient l'épouse du roi Assuérus (Artaxersès ou Xersès) suivant les versions. Son oncle, Mardochée, est un conseiller influent du roi. Le premier ministre Haman, furieux que Mardochée ait refusé de se prosterner devant lui pour ne pas enfreindre le commandement divin, obtient du roi un décret d'extermination de tous les Juifs de l'empire. Mardochée conjure Esther d'intervenir en faveur de son peuple. Or, le roi ignore que son épouse est juive... De plus, bien que reine, Esther ne peut en principe pas se présenter devant le roi sans y être invitée. Elle s'enferme donc chez elle pendant trois jours, revêt un sac, couvre sa tête de cendre et prie. Au bout de trois jours, elle se présente devant le roi parée de ses plus beaux atours, le roi est ému et lui promet d'accéder à tous ses désirs, jusqu'à lui donner la moitié de son royaume (à quoi cela vous fait-il penser ?). Finalement, Esther obtient l'annulation du décret d'extermination et la mort du premier ministre Haman. Le fête de Pourîm a été instituée en souvenir de cette délivrance. Le livre d'Esther est assez spécial puisque dans sa version juive, Dieu n'est jamais mentionné. Le jour de Pourîm,les gens sont costumés. C'est vraiment l'équivalent de notre carnaval mais même les adultes se déguisent pour aller au bureau : on voit partout des gens en perruque, avec des tuniques bariolées. Les filles sont habillées en Esther et les garçons en Mardochée. Mais en pratique, on a beaucoup de princesses rose bonbon et de super héros (dans la rue à Arad l'autre jour, j'ai été attaqué par Batman !).
Nous voici donc partis pour assister à la lecture du rouleau d'Esther (Megilath Esther en hébreu) dans la synagogue séfarade du quartier juif de la Vieille Ville. Mais nous avions oublié que dans les villes enceintes d'un mur, Pourîm n'est pas le 14 Adar (4 mars cette année) mais le 15 ! Ne me demandez pas pourquoi c'est ainsi et allez faire un tour en Esther 9, 17-18. Du coup, on est allé voir la fin du Sabbat au Mur des Lamentations. Danses, prières, un monde fou et des gens qui faisaient coucou à la caméra de surveillance. Évidemment à cause de Pourîm, il y avait des déguisements un peu partout.
Dimanche, je suis resté ici, j'ai eu la messe avec les Pères Dominicains. Dans l'après-midi, avec Matteo, Élisabeth, Aurélie et Kévin, nous avions rendez-vous pour aller à une autre synagogue. Mais je n'avais pas de kippah. Du coup en début d'après-midi, je suis allé en acheter une. Cruel dilemme ! Laquelle choisir? La kippah Nike® ou celle Pikachu ? Finalement, j'en ai acheté une bleu foncé et noire, sobre et passe-partout.
Sur la route, Kévin s'est aperçu qu'il était démuni lui aussi mais dans la rue Ben Yehouda, il a trouvé la boutique "Kippa Man" qui ne vend que des kippôth (une kippah, des kippôth). Là, j'ai vu celle que j'aurais voulu acheter... La kippah "Tintin et Milou" ! Kévin a pris la première venue et s'est retrouvé avec une kippah énorme, faite au crochet et blanche. Du genre de celles que portent les Juifs nationalistes fanatiques... Nous voilà arrivé dans la synagogue, Elisabeth et Aurélie montent à la tribune avec les femmes, les trois garçons pénétrons dans la grande salle. La synagogue était sympa, on voyait des gens pratiquants mais pas des fous furieux. Mais là aussi, il y avait pas mal de gens déguisés ! Un gars en JR de Dallas, un pépé avec le chapeau de Harry Potter, juste devant moi un gamin en soldat perse, un gars avec une énorme paire de lunettes oranges et un nez rouge, deux ou trois ados "gothiques". Chez les filles, il y avait quelques anges et une femme en Mardochée. C'est un peu étrange, transposé dans le contexte d'une église on aurait vraiment du mal. Cependant, la lecture était faite sérieusement par un vieux rabbin en kippah et talith (le châle de prière des Juifs). Il a cantilé tout le texte. J'ai eu un peu de mal à suivre sur ma Bible parce qu'il était très vieux et avait une toute petite voix. Mais à chaque fois (une cinquantaine d’occurrences) que le texte prononce le nom du méchant Haman, toute l'assistance fait un raffut terrible : on tape sur son pupitre, on siffle, les enfants ont des crécelles et des pistolets à pétards.
La lecture a duré une petite heure. A la fin, quelques-uns parmi les anciens ont dansé autour de l'estrade.
Lundi, cours d'araméen dans la matinée. L'après-midi, je suis allé me promener et dans le quartier juif, il y avait un bal sur une placette. Le jour de Pourîm, on est sensé boire de façon à ne plus pouvoir distinguer le nom d'Aman et celui de Mardochée. Dans un coin, j'ai vu un type, je ne sais pas s'il avait bu beaucoup d'alcool mais en tout cas, il avait bu et avait dû trouver un endroit propice. J'ai pris en photo un jeune juif pieux et sa copine devant le Mur des Lamentations. On a un peu parlé de Pourîm et il était très enthousiaste. En rentrant, je me suis un peu écarté de mes repères et je me suis retrouvé sur les toits de la Vieille Ville, au dessus du souk. Ambiance un peu irréelle : on ne voit personne mais la Ville nous entoure.
Mardi matin, cours sur saint Matthieu. L'après-midi, notre excursion hebdomadaire nous a conduits vers le Mont des Oliviers. Régis Debray nous accompagné, c'est drôle de voir quelqu'un de connu qu'on n'imagine pas évoluer dans le milieu pieux et catho vivre dans nos murs, partager les repas de tous ces dominicains. Il visite pas mal les Territoires Occupés, certainement pour se faire une idée de la situation et en plus, il le fait avec l'un ou l'autre des pères qui est capable aussi de lui montrer la dimension chrétienne et pas seulement musulmane du problème. Donc notre expédition était consacrée au Mont des Oliviers et relevait plus du pèlerinage que de l'archéologie. Nous avons visité le Tombeau de Marie, c'est une église arméno-orthodoxe qui abrite un des lieux traditionnels du tombeau de Marie. Le rocher qui contient le tombeau a été creusé pour ménager une sorte de petite chapelle, ce qui était le cas du Saint-Sépulcre entre les années 330 et 1009, date à laquelle toute la basilique a été rasée par un calife fou, y compris la Sainte Tombe. A côté de l'église du Tombeau de Marie, il y a la grotte de Gethsémani, le mot est araméen et signifie Geth = pressoir et Shemanin = des huiles. Et de fait dans cette grotte, on a retrouvé un antique pressoir à huile. Toute la colline était couverte d'oliviers à l'époque de Jésus, l'huile tirée de ces oliviers servait à alimenter le Temple de Jérusalem. La colline servait aussi de camping sauvage pour les pèlerins, au moment des fêtes.
Passage rapide à la Basilique des Nations, bâtie sur le rocher du Jardin des Oliviers, où Jésus aurait prié avant son arrestation. Quelques oliviers dans le jardin attenant sont des rejetons de ceux de l'époque de Jésus. Sous la basilique, vestiges d'une église byzantine et d'une chapelle croisée.
Nous sommes montés vers le Dominus Flevit, où j'avais déjà célébré la messe quinze jours auparavant avec les pèlerins nîmois. Le lieu est un véritable gruyère avec des tombes creusées partout. Là encore, chapelle byzantine et restes d'un monastère. Les tombes sont pleines d'ossuaires, du genre de ceux qui défrayent la chronique en ce moment. Ce genre d'ossuaire est tellement courant que même les musées ne s'y intéressent pas. Depuis la chapelle du Dominus Flevit, la vue était très belle mais la lumière trop forte pour que l'on puisse prendre de bonnes photos,il faut venir le matin, quand la lumière est douce.
Encore un petit effort et nous voici au Carmel du Pater. Là aussi, vestiges byzantins d'une basilique commémorant l'enseignement de Jésus synthétisé dans le Notre Père. Dans le jardin où sont les ruines de la basilique, il y a sous le choeur une vieille grotte qui rappelle l'événement (chez Luc 11,4 cela se passe près de Jérusalem alors que chez Matthieu, le don du Notre Père est situé sur le Mont des Béatitudes, au bord du Lac de Tibériade). Tout autour, le Notre Père en 146 langues, la dernière étant l'albanais inaugurée le matin même de notre visite. Voici donc le Notre Père en langue d'Oc (j'ai coupé le haut de la plaque pour ne pas avoir marqué le nom de la langue pour les intellos parisiens). De retour à l'Ecole, Terence m'a montré le changeur.
Hier matin, je suis allé à la librairie française de Jérusalem acheter une méthode pour apprendre l'hébreu moderne. J'ai commencé aujourd'hui avec les lettres, ce sont les mêmes qu'en hébreu biblique mais la manière de les écrire est aussi différente qu'entre nos capitales d'imprimerie et notre écriture manuscrite... Mais le script est quand même plus rapide que l'hébreu carré de nos bibles.
En rentrant, j'ai visité une exposition sur le Saint Suaire, au Centre Notre-Dame de Jérusalem (ex-Centre Notre-Dame de France des Assomptionnistes, confié maintenant aux Légionnaires du Christ).
L'après-midi, je cherchais un prétexte pour ne pas travailler. Et il est arrivé sur un plateau d'argent. Le Père Jean-Baptiste Humbert m'a proposé de lui donner un coup de main à la fouille de l'Ecole Biblique. Je vous avais montré la photo la semaine passée. Le mur dégagé la semaine dernière en creusant pour la nouvelle canalisation a provoqué une tranchée de vingt mètres de long sur deux mètres de large. Au fond, un mur d'1,60 mètre de large qui court tout le long, un joli pas de porte bien dessiné, un bel enduit de plâtre (que les ouvriers ont saccagé ce matin comme des goulamas), un splendide pavage (croisé ? byzantin ?), un fût de colonne et d'autres structures pas vraiment lisibles. J'ai donc passé l'après-midi au fond du trou à creuser, soulever les seaux de gravats, trier les tessons de poteries, dégager l'appareil d'un vieux mur, brosser pour bien dégager. A la nuit tombée, vanné mais heureux, on a rangé seaux, pelles, brosses et truelles. Demain, dernière journée de fouille avant de tout recouvrir. Ce matin, j'avais quelques courbatures... J'ai travaillé à mon devoir écrit sur Marc et Matthieu, je tiens le bon bout. Peut-être demain ? En début d'après-midi, réunion pour préparer l'excursion à Qûmran samedi de la semaine prochaine. Puis réunion des étudiants pour dire ce qui ne va pas. Rien à dire !
A bientôt,
Etienne+

samedi 3 mars 2007

Voyage dans le Néguev

Chers tous,
Ces deux jours de voyages dans le Néguev ont été vraiment très riches. Je ne pourrais pas tout vous raconter mais voici quelques événements marquants. Messe à 6h00 du matin pour un départ à 7.
Tout d'abord, il y a eu une surprise !!! Notre programme ne le prévoyait pas mais, comme la situation était calme nous sommes allés à Hébron. Nous avons suivi la Route des Crêtes, qui contourne Bethléem. Le paysage est splendide : les roches, la végétation, tout rappelle notre Languedoc. Tout, sauf le Mur qu'Israël construit soit disant pour se protéger mais qui a pour effet d'étouffer les Palestiniens chez eux. Il y a des villages qui sont entourés par le Mur, le brave paysan arabe doit faire 20 km de route, attendre des heures franchir un checkpoint où il a de bonnes chances d'être refoulé et humilié par des soldats israéliens pour aller cultiver ses oliviers ou sa vigne situés à 200 mètres de sa maison... C'est vraiment terrible. A Hébron, la tension est malgré tout palpable. La ville est clairement divisée en deux parties, juive et arabe. Le côté juif est nickel, luisant comme un sou neuf ; le côté arabe est moins soigné, c'est peu dire. Mais les juifs ont fait plein de misères au système d'évacuation des eaux usées des Arabes pour installer le leur... Hébron est donc le lieu traditionnel des tombes d'Abraham, Isaac, Jacob et de leurs épouses respectives. Genèse 23 raconte comment Abraham a acheté à Ephron la grotte de Makpelah pour y ensevelir sa femme Sarah. Sur cette grotte, Hérode a fait construire une enceinte qui est donc le monument hérodien le mieux conservé. La muraille est faite des blocs tout à fait semblables à ceux du Temple de Jérusalem. On pense que la partie supérieure du Mur des Lamentations, maintenant disparue, était décorée elle aussi de ces sortes de pilastres que vous voyez sur la photo. Les croisés ont utilisé l'enceinte hérodienne pour bâtir une église gothique que les musulmans ont transformée en mosquée au début du 13° siècle. Maintenant, le lieu est à la fois juif et musulman puisque les deux religions revendiquent le patriarche comme ancêtre. Nous avons eu des difficultés à pénétrer dans les lieux. Normalement les chrétiens ont accès aux deux côtés mais là malgré nos négociations, il fut impossible de faire fléchir les soldats. Nous sommes donc passés du côté musulman, où nous avons pu passer. Il a fallu se déchausser, bien évidemment. La mosquée recouvre la moitié du bâtiment et contient les cénotaphes d'Isaac et Rebecca. Entre eux deux, le mirhab, une niche ornée, indique le sud, la direction de la Mecque. A côté, un panneau électronique indique une série de chiffres. Sont-ce les taux de change ? Le dernier tirage du loto ou du Keno ? Non, il s'agit des heures auxquelles le muezzin doit appeler les fidèles à la prière... Les horaires sont fonction du soleil et varient donc légèrement chaque jour. Les cénotaphes d'Abraham et de Sarah sont encastrés dans le mur de séparation de la mosquée et de la synagogue ainsi les juifs comme les musulmans peuvent les vénérer. Derrière la petite fenêtre, c'est la synagogue et la prière était fort bruyante. Normalement, les juifs ont accès à tout l'ensemble le jour de sabbat mais les musulmans sont cantonnés à la mosquée... Le 25 février 1994, un juif extrémiste s'est introduit dans la mosquée et a tué une trentaine de musulmans. Cela a provoqué des troubles assez importants et les liens des deux communautés sont extrêmement tendus depuis. Hébron est aussi le lieu où David fut roi sur Israël avant la conquête de Jérusalem mais aussi le centre de la rébellion d'Absalom contre son père David (2Sm 15).
Nous avons continué notre route, progressivement nous avons quitté les collines de Judée pour pénétrer, aux environs de Beer Sheva, dans la steppe du Néguev. Nous nous sommes enfoncés dans cette steppe (entre 50 et 200 mm de précipitations par an). Pour visiter Shivta, il s'agit d'une cité nabatéenne et byzantine. Sur place, le vent était très fort et nous avons même eu quelques gouttes de pluie. La ville est assez grande et fut fondée au 1° siècle par les Nabatéens. Au premier siècle avant l'ère chrétienne, les Nabatéens (des négociants nomades du nord de l'Arabie) fondèrent, dans l'actuel royaume de Jordanie, un royaume ayant pour capitale Petra. Ils accumulèrent une grande richesse grâce à leur commerce de parfums, de soie et d'épices de prix, qu'ils transportaient par caravanes de chameaux de l'Afrique orientale et d'Arabie jusqu'au port de Gaza, au sud de la Méditerranée. Pour assurer la sécurité sur leurs routes commerciales, les Nabatéens construisirent des relais aux intersections des principaux axes.
Dans l'inhospitalier désert du Néguev, les Nabatéens développèrent, sur les collines, une agriculture en terrasses, et mirent au point un ingénieux système pour recueillir la moindre goutte d'eau ; pour récupérer l'eau des crues, ils construisirent des barrages dans les vallées ; pour recueillir l'eau de pluie, ils creusèrent des citernes dans le roc.
En l'année 106, le royaume nabatéen fut conquis par les Romains qui l'annexèrent à leur empire. Les habitants de Shivta ont été rapidement christianisés et il y a donc trois églises dans la ville. Vous voyez là la petite église sud. Remarquez le joli linteau de la porte, sculpté avec des croix. On en retrouve beaucoup. Juste à côté de l'église, une petite salle, ornée de colonnes, à une petite niche orientée au sud. C'est la mosquée qui montre la pénétration relativement pacifique mais rapide de l'Islam dans la région.L'église sud fut construite au milieu des édifices de la période romaine, près des citernes. L'abside principales est flanquée de deux petites absides latérales ornées de peintures murales encore très partiellement visibles. Pendant la dernière phase, plusieurs pièces furent ajoutées au nord de la basilique, notamment des chapelles, un grand baptistère aux fonts baptismaux en forme de croix. L'église nord est une grande abbatiale avec atrium, baptistère... Derrière les absides latérales, il y a une salle étroite dans la masse du mur, normalement inaccessible, il semblerait que cela fut le tombeau d'un saint ou la cellule d'un reclus. J'ai dit "normalement inaccessible" parce que maintenant, en grimpant on arrive à un trou qui permet d'y pénétrer, ce que j'ai fait. Je n'ai pas vu grand chose mais j'ai réussi à me couvrir de poussière...
Nous sommes dans une région où le bois est rare, aussi les habitants ont-ils dû se débrouiller pour couvrir leurs maisons. Tous les mètres (1,50m au maximum), ils ont construit des piliers solides qui soutiennent une arche en pierre. Cette arche permet de soutenir une série de dalles de pierres régulièrement disposées permettant de faire des édifices à plusieurs étages. Nous avons aussi vu deux pressoirs à vin très bien conservés (ou restaurés...). Sur la photo, vous voyez Élisabeth, une étudiante, qui nous explique le plan traditionnel de la maison de Shivta. (Elle est entourée par le Père Christian qui organise les voyages et le Père Jean-Baptiste un spécialiste d'archéologie et surtout de Qumran). Une cour avec plusieurs pièces autour. Une de ces pièces donne accès à un ensemble de pièces assez isolées. C'est la partie privée de la maison, là où on ne reçoit pas les invités. Celà s'appelle le Haram, mot qui a donné le harem, puisqu'évidemment on ne montre pas ses femmes à n'importe qui. A Shivta, nous avons pique-niqué puis encore une bonne demi-heure de bus vers Nizzana située sur la frontière égyptienne. Là aussi, cité nabatéenne et églises byzantines. Les Turcs et les Allemands y ont construit il y a cent ans un hôpital militaire sur les vestiges d'une forteresse. Le tout est en ruine. Au pied de la hauteur où est située la forteresse, on voit des vieux puits nabatéens dont la pierre a été usée par le frottement des cordes. Plus loin, une gare turque marquant le point extrême des chemins de fers turcs vers l'Egypte. Pensez à Lawrence d'Arabie qui faisait sauter les trains. (En passant, la scène du film a été tournée en Espagne...). Après Nizzana, nous avons longé la frontière égyptienne pendant quelques kilomètres et ensuite nous avons traversé le désert vers l'est. Passage dans le paysage lunaire du Maktesh Gadol (le grand cratère), traversée d'une zone militaire israélienne (photos interdites) et finalement descente de la Montée des Scorpions. Imaginez la descente de l'Alpe d'Huez en plein désert avec un route étroite (impossible de se croiser) et une série de bidons rouillés et remplis de gravats faisant office de garde fou... Cette descente suit une route romaine qui rejoint la dépression de la Aravah (celle de la Mer Morte). En plus, c'était la fin de l'après-midi et la lumière tourmentée était fabuleuse, jouant avec le gris sombre des nuages et les couleurs des rochers.
Arrivés en bas, nous avons pris vers le nord. Arrêt essence (et photo encore) puis halte à l'auberge de jeunesse de Massada ; dans le genre, c'est du **** ! Le repas du soir était excellent et copieux. Et nuit doucement réparatrice.
Hier, nous avons pris la route à 8h00 vers Ein Boqeq. Aujourd'hui, il y a tout un complexe hôtelier pour touristes richissimes (avec le McDo le plus bas du monde, 400m sous le niveau de la mer). Nous avons donc fait une petite baignade dans la Mer Morte. Je n'ai pas de photo parce que j'étais le premier à entrer dans l'eau et le dernier à en sortir... Mais Ein Boqeq, ce n'est pas que ça... Nous avons vu un petit fortin romain qui domine le site. De fait, on pouvait surveiller cet endroit. Puis, le Père Jean-Baptiste nous a expliqué le lieu puis a réalisé que la villa hasmonéenne qu'il voulait nous montrer se trouvait en fait sous les hôtels de luxe construits depuis 30 ans sur le site. La présentation d'Agnès de cette villa devenue industrie du baume s'est donc faite dans le fortin. Toute la région de la Mer Morte était réputée par son industrie du parfum : pour séduire Cléopâtre, Marc-Antoine lui a offert la Mer Morte et ses revenus. Vue la réaction de l'Egyptienne, cela devait représenter un joli cadeau et Hérode n'a eu de cesse que de récupérer les bénéfices de la région...
Puis nous sommes montés à Arad pour visiter le parc national de Tel Arad. Deux sites pour le prix d'un. Une ville cananéenne de l'âge du bronze (3200 ans avant JC) et une forteresse israélite (1000-500 ans avant JC). Le site est impressionnant, situé sur une hauteur qui domine toute la plaine. En plus, la pluie de ces derniers jours a permis de jouir d'un paysage verdoyant parsemé de fleurs (le fameux Diplotaxis erucoides). Nous avons d'abord visité le site cananéen. Une ville de 10 hectares soit environ 2 000 habitants entourée d'une muraille épaisse. Le système de stockage de l'eau est performant. Le site est aussi connu pour la structure de ses maisons : une cour, une grande pièce rectangulaire et une petite pièce perpendiculaire à la grande. Cette structure se retrouve dans de nombreux autres sites de la même époque et est appelée "maison d'Arad". Il y a des temples et des bâtiments administratifs. On a retrouvé un tesson de poterie portant le nom du Pharaon Narmer, premier pharaon de la première dynastie égyptienne, ce qui prouve les liens de la cité avec l'Egypte.
Puis nous sommes montés vers la forteresse israélite. L'endroit a été bien restauré par les archéologues hollandais. Le site est assez compliqué puisqu'on compte pas moins de douze couches d'occupation entre le 10° siècle avant JC et le 5° après. Aux niveaux correspondant au 8° siècle, on a retrouvé un temple dont la structure semble identique à celle du Temple de Salomon qui fonctionnait à la même époque : une cour avec un autel pour les sacrifices (à gauche de la photo) donne accès à un Hekal (le saint) puis à un Debir (le saint des saints) où seul pénétrait le prêtre, le tout est "orienté" vers l'ouest. Le hic, c'est que le sanctuaire contient deux stèles ; c'est-à-dire qu'on y honore deux dieux... Ce qui montre que le polythéisme a perduré longtemps dans la région malgré les tentatives royales d'unifier le culte. Il semble que le sanctuaire a disparu lors d'une des réformes royales. J'ai fait un petit topo sur le sanctuaire parce que les spécialistes se disputent pour savoir quand il a été construit et détruit...
Pique-nique reconstituant puis départ vers Beer Sheva. Le site rappelle l'histoire des patriarches. C'est là qu'Agar est abreuvée par un ange alors qu'elle erre dans le désert avec Ismaël. En Gn 22, Abraham fait alliance au puits avec Abimélek, d'où une étymologie possible pour la ville le "Puits du Serment". Ensuite, la ville est considérée comme la limite sud du territoire d'Israël qui va "de Dan à Beer-Sheva" (cf. Jg 20,1).
Le site archéologique est intéressant. La ville est construite sur une butte au confluent de deux ouadis. On voit bien tout le système de fortifications. A l'entrée, un puits splendide permet de rappeler l'histoire du lieu même si les vestiges que l'on voit datent en fait de l'âge du fer (10°-8° siècles environ). On a retrouvé dans les murs d'un des bâtiments les restes d'un autel en pierre taillée. Là aussi, il y a eu un sanctuaire mais les restes de l'autel sont le seul témoignage de sa présence, on ne sait pas où le temple se trouvait alors qu'on a fouillé toute la ville. Il est vraisemblable qu'il a disparu lors d'une des réformes religieuses. Nous avons vu aussi le système souterrain de stockage de l'eau. On y pénètre par un immense puits carré équipé d'escaliers antiques, cela donne accès à une série de citernes enduites et à la sortie on voit le canal souterrain qui les relie au ouadi Hebron. Il a fallu s'équiper de casques de chantier ! Le gardien du site nous houspillait pour qu'on aille vite car il était presque trois heures de l'après-midi et c'était bientôt Shabbat ! Surtout que ce week end, c'est Purim une fête liée à l'histoire d'Esther. Dans les rues, on voit les enfants déguisés (Barbie va être jalouse !).
Ensuite, nous sommes rentrés. Et le soir, dodo.
Ce matin, grasse matinée et au-revoir à Soeur Mireille, une religieuse protestante qui a passé un semestre ici.
Au revoir (voyez les deux petits arabes montés sur un âne dans le ouadi Sheva, quand le plus grand a vu que je les visais il a levé la main !)
Etienne+