vendredi 2 juin 2023

Ceux-ci sont ceux qui viennent de la grande épreuve

οὗτοί εἰσιν οἱ ἐρχόμενοι ἐκ τῆς θλίψεως τῆς μεγάλης
houtoi eisin hoi erchomenoi ek tès thlipseôs tès megalès

Chers amis,
Beaucoup, sachant que je suis en Terre sainte depuis quelques jours, attendaient que je reprenne la parole… Il y avait évidemment d’autres urgences qui m’ont fait retarder la mise à jour du blog.
J’ai donc quitté le Studium à l’heure où l’aurore aux doigts de rose colore les collines du Comtat Venaissin, après avoir célébré la messe. J’ai roulé jusqu’au parking de l’aéroport, ai réussi à trouver une place. Finalement, je suis entré à 8h dans le Terminal. Un peu d’attente pour enregistrer les bagages… l’hôtesse me demande si je parle anglais, je réponds que oui et elle me propose d’être assis près de la fenêtre devant une des issues de secours. Chouette, je serai bien à l’aise. Merci.
Passage des contrôles de sécurité, attente dans le hall, embarquement. L’avion décolle à l’heure dite. À mes côtés, un couple allemand qui échange en français !
Dans l’avion, j’en profite pour regarder le dernier Spielberg, The Fabelmans, disponible sur la plateforme vidéo de la compagnie turque. Un beau récit d’apprentissage autour du cinéma.
Nous atterrissons à l’aéroport d’Istanbul à l’heure dite. Pour entrer dans la zone de transit, je dois montrer ma carte d’embarquement pour confirmer qu’un autre avion m’attend. Je réalise que mes voisins vont eux aussi à Tel Aviv. Devant le panneau d’affichage, nous trouvons notre porte d’embarquement et faisons connaissance. C’est une équipe d’archéologues et d’historiens qui ont fait ces dernières années d’importants relevés architecturaux et archéologiques à Abu Gosh. Ils continuent le travail à Sainte-Anne désormais. Nous sympathisons.
Pour entrer dans la salle d’embarquement, il y a un contrôle de sécurité qui est rapide et pas trop pénible. Nous embarquons et je me retrouve au premier rang, avec, encore une fois de la place pour mes jambes. Je dors pendant une bonne partie du trajet.
Lorsque je me réveille, nous survolons la Terre sainte ; au loin, on voit Jérusalem qui s’étend et, derrière, l’Hérodion. Atterrissage sans encombre vers 19h10. Je sors parmi les premiers (privilège du premier rang) et, grâce à l’habitude, je fonce vers le tourniquet à bagage. Il faut attendre un peu mais… Je retrouve mes amis archéologues et nous passons la douane.
Petit moment de stress quand je vois le douanier s’avancer dans notre direction, mais il fait signe à la femme devant moi. Je passe… Ouf ! Ç’aurait été la première fois mais j’avais aussi 4 bouteilles de vin, quand les douanes ne permettent que deux litres.
Avec mes compagnons de voyage, nous trouvons un taxi qui a au moins le mérite de nous amener à destination assez rapidement. J’échange avec Nicolas, un archéologue et nous nous trouvons un intérêt mutuel pour l’abbé Pougnet, prêtre architecte du diocèse d’Avignon au XIXe s.
Deux heures après notre débarquement, j’arrive au Collège et je suis accueilli par Stéphane. Je retrouve ma chambre, mes affaires et l’incontournable couverture tigre.
Le repos tarde à venir, mais je finis par m’endormir.
Le samedi matin, je vais à la bibliothèque conformément à mon habitude. Je retrouve mes marques, consulte quelques ouvrages, notamment un qui n’a plus rien à voir avec mon sujet, l’Onomasticon d’Eusèbe de Césarée, une sorte de dictionnaire des noms de lieux bibliques.
L’après-midi, après la sieste, je rends visite au directeur de l’EBAF, nous discutons un bon moment. Il me félicite d’être arrivé au bout, on discute de la suite.
Puis je vais à la basilique où a lieu, à la veille de la Pentecôte, une prière œcuménique d’appel à l’Esprit Saint. C’est beau mais un peu long… Avec toutes les confessions présentes à Jérusalem, il faut que chacune ait son chant, son texte, son moment… donc c’est un peu décousu et ça traîne.
Je rentre à la maison, pour la messe avec les Frères, ce qui a permis à Stéphane d’aller à la Qehila. Vers 20h15, je descends dans la rue et m’assieds sur le banc juste en dehors de la porte Neuve. Je ne suis pas assis depuis 10 secondes que je vois arriver Roch et Blandine qui arrivaient un peu plus tôt que Guilhemette et mes parents. Nous montons au Collège pour poser le sac de Roch puis, vers le hosh Saint-Georges, où mes parents et les filles vont loger. Finalement, nous nous installons au café The Gateway pour prendre une bière en attendant les autres qui arriveront un peu plus tard.
Ils finissent par arriver ; ma mère en arrivant : « Bon, je suis cas contact ! » Je lui ai dit que comme de toute façon on allait passer la semaine ensemble, on pouvait s’embrasser. Finalement, il n’y a rien eu.
Nous trouvons à manger au Taboon, ce resto de la rue de la porte Neuve où avait eu lieu une échauffourée en janvier dernier. Le repas est bon et le service très sympa. Puis nous allons à Saint-Georges. Petite péripétie, le cadenas qui fermait l’accès à l’appartement que mes parents louent ne s’ouvre pas, alors que deux heures plus tôt, nous avions pu l’ouvrir… Grâce à la connexion WiFi nous contactons le proprio qui envoie un ami. Nous attendons un petit moment sous la pluie (inhabituelle pour la fin mai) avant de voir arriver un colosse aux cheveux longs (un peu comme Maui dans Vaiana). Il a une pince, un marteau et au bout de quelques tentatives, il pète le cadenas. Les parents peuvent entrer dans leurs pénates. Roch et moi retournons au Collège.
Dimanche matin, nous avons rendez-vous à 9h et nous allons à l’arrêt de tram, chacun achète sa RavQav (le pass Navigo israélien) pour pouvoir circuler. On prend le tram jusqu’à la gare centrale, puis le bus 185 et nous arrivons à Abu Gosh avec une bonne demi-heure d’avance, ce qui permet de prier dans le calme. La messe de la Pentecôte est belle, vous pouvez la retrouver sur Youtube !
J’embrasse les frères et salue les sœurs. Mais, à cause de la bénédiction abbatiale à la Dormition, un peu plus tard dans l’après-midi, il n’y a pas d’apéro ! Nous en profitons pour remonter à Jérusalem.
Rue Ben Yehuda, nous trouvons un restaurant de bagels où chacun trouve son compte. Puis nous reprenons le tram vers le terminus du Mont Herzl pour aller visiter le mémorial de Yad vaShem. Nous parcourons les allées du parc vers la vallée des communautés, cet énorme labyrinthe de blocs cyclopéens ménageant des espaces où les noms des villes où des communautés juives ont été persécutées et déportées sont inscrites. Puis nous passons dans la synagogue, devant la flamme du souvenir puis au bouleversant mémorial des enfants.

IYJLM (ce n'est pas un message politique)
Le soir, nous dînons chez Samara, près de la porte de Jaffa, après cela, nous faisons un tour en longeant le quartier arménien, sortant par la porte de Sion puis nous revenons en longeant les murailles de la Vieille Ville avant de rentrer par la porte Neuve.
Lundi de Pentecôte, fête de Marie, mère de l’Église, nous nous retrouvons au Saint-Sépulcre pour la messe.


Je célèbre au Golgotha et choisis donc la messe de Notre-Dame des Douleurs. Après la messe, petit tour du Saint-Sépulcre puis un café dans le Muristan. Je laisse les autres baguenauder et vais à l’EBAF, je retrouve Anthony et nous fourbissons nos armes. Et on me donne accès à la bibliothèque où je vais passer toute la journée, jusqu’à 18h. Je retrouve les autres qui ont parcouru la Vieille Ville : Mur occidental, esplanade des Mosquées, Sainte-Anne… Nous dînons chez Rossini ; j’y étais allé il y a sept ans et j’avais beaucoup aimé. Le repas était très bon, mais j’étais un peu triste : auparavant, la carte était plus orientée vers des plats palestiniens alors que là, on était plus dans le classique pour touristes (mixed grill, etc.) Puis petit tour : Mamilla, rue de Jaffa et retour.
Mardi, c’est le D Day… J’accueille Emmanuel Hirschauer qui arrive de Beth Shemesh où il a prêché une retraite pour les frères de Bethléem ; une demi-heure plus tard, c’est Pierre et Jean-François qui ont voyagé de nuit, je les installe et les Frères les accueille. Pour ma part, je file vers l’EBAF, dans la bibliothèque, j’imprime mon texte (une ultime vérification m’a permis de voir que, pour une raison inconnue, la dernière page n’était pas sortie !)
À 9h, je suis dans la chapelle d’hiver (reconvertie en salle de conférence le temps des travaux dans le bâtiment de l’École, mes parents sont arrivés (j’ai su plus tard qu’il y a eu un moment de stress puisque ma mère avait oublié son foulard, mais en fait non et qu’on l’a retrouvée près de la porte Mandelbaum ! Heureusement, ils étaient en avance et sont donc arrivés juste au bon moment).
La soutenance commence, je présente pendant une demi-heure mon travail. Vous remarquerez devant moi la petite bouteille isotherme griffée Studium. Puis chacun des quatre membres du jury dispose d’une demi-heure pour me poser des questions. Cela commence par le P. Alessandro Cavicchia, ofm, il fait quelques critiques et pose quelques questions. Vient ensuite, le P. Olivier-Thomas Venard, op, de l’EBAF. Il fait pas mal de critiques (mais je savais à quoi m’attendre puisqu’il m’avait transmis son rapport, j’ai donc pu apporter quelques réponses à ses objections, citer le bouquin magique qui lui plaît…). Ensuite, le P. Francesco Piazzolla, qui a publié une thèse sur les béatitudes de l’Apocalypse il y a dix ans en italien. J’attendais un dialogue un peu serré sur nos différences d’approche et la complémentarité de nos recherches. J’ai été un peu déçu parce que j’ai eu l’impression qu’il me reprochait de ne pas avoir fait le travail qu’il avait déjà fait… Tant pis.
Puis Anthony a fermé le bal avec quelques questions, je savais qu’il m’interrogerait sur l’hypothèse d’Aune sur les deux éditions, il m’a un peu titillé sur la datation de l’édition finale (Domitien ou Trajan ?). Puis le jury s’est retiré pour délibérer et le verdict est tombé, me voici docteur en Sciences bibliques avec la mention cum laude. C’est pas la mention de ouf mais mon ego peut le supporter.
Tout est terminé peu avant la messe méridienne que je concélèbre. Je dois confesser avoir un petit coup de mou. À la fin de la messe, un quiproquo (un pénitent impromptu) m’empêche de retrouver des amis qui n’étaient pas là le matin mais étaient présents à la messe. Je finis par les retrouver… dans la basilique que le P. Pérennès fait visiter à ma famille.
Puis c’est le repas à la salle-à-manger de l’EBAF. Je me retrouve avec trois des membres de mon jury. La tension retombe. Après le déjeuner, Lukasz nous fait visiter l’École et surtout la bibliothèque.
Nous rentrons au Collège où je comate un bon moment dans l’après-midi.
À 19h30, j’accueille au Collège où les Frères sont contents de faire la fête : le jury, les Frères, ma famille, mes frères de NDV, et quelques amis. Les employés des Frères se sont surpassés pour faire quelque chose de bons : des salades et des grillades, simple mais efficace. Mes sœurs, quant à elles, ont été heureuses de faire un bon crumble aux pommes (qui, dans la recette de ma grand-mère et la tradition familiale, s’appelle “croûte aux pommes”). Mes parents ont apporté “les bulles” et moi le vin (la production bio de la cave coopérative de Saint-Didier qui porte le nom prédestiné de B-Attitude !)
Soirée informelle mais sympathique : le P. Alessandro m’offre sa thèse sur l’évangile selon saint Jean et nous échangeons nos volumes respectifs de la mienne : il avait un des gros volumes cartonnés et imprimés seulement au recto et il repart avec la version brochée imprimée R/V dont je disposais. Je suis assez content de l’échange…
La nuit pourrait être reposante mais il y a toujours un peu de tension… En plus, les travaux de la voie de tramway arrivent devant la porte Neuve et se déroulent quand le tram ne circule pas (entre minuit et 5h).
Ce mercredi matin, pour la Visitation, nous allons tous (famille et NDV) à Ain Karem. Roch s’arrête à la gare centrale puisqu’il a son vol en tout début d’après-midi. Au sanctuaire de la Visitation, le custode préside la messe des Franciscains à 10h30. L’église est assez petite mais mes parents trouvent une place assise (mes sœurs n’ont pas eu ce courage). Au cours de la messe, une quinzaine de jeunes franciscains sont institués lecteurs et sept ou huit acolytes. La messe est immédiatement suivie d
une procession à la crypte  grotte de la Visitation  avec proclamation de l'évangile en latin et chant du Magnificat.
Comme toujours, dans ces messes stationnales, un apéro suit. Nous en profitons. Puis avec ma famille, nous continuons à pied vers l’hôpital Hadassah. L’approche est facile mais ensuite, il faut trouver l’entrée, c’est une gageure.
Nous arrivons au petit musée de l’hôpital où une jeune femme très avenante nous accueille et nous donne les audio-guides. Nous passons un bon moment dans la synagogue à contempler les vitraux de Chagall. En sortant, nous trouvons un bus dans lequel nous montons sans oublier de valider notre trajet. Pourtant, quelques arrêts plus loin, les contrôleurs tombent sur le dos de ma petite sœur et constatent qu’elle n’a pas validé son trajet (en fait, elle a bien validé mais ça n’a pas bippé comme ça aurait dû, et avec le ticket journée qu’elle avait acheté le matin, de toute façon elle n’a volé personne puisque le premier trajet en tram avait été validé à la montée puis contrôlé deux fois). Il n’y a rien eu à faire : les trois contrôleurs parlaient hébreu ou hébreu. Puis ils lui ont donné un ticket libellé en hébreu avec son amende.
En descendant du bus, une jeune femme juive parlant français nous a dit qu’en ce moment, les contrôleurs sont extrêmement sévères, verbalisant même les seniors de plus de 75 ans (qui ont la gratuité des transports), et ne faisant preuve d’aucune compréhension. Elle nous conseillait de ne pas payer. Il paraîtrait que les contrôleurs reçoivent des primes à proportion des amendes qu’ils infligent alors qu’ils nient être intéressés. Sur le ticket d’amende, les seules données lisibles étaient le numéro de passeport de ma sœur et une url pour les réclamations. Sur un ordinateur, nous avons ouvert la page web : « This page has not yet been translated into English ». Oui ! c’est ça qui apparaît… Nés avant la honte.
Ma sœur aînée a ébranlé son groupe de copines sur Facebook pour avoir leur avis. Le résultat des courses, c’était qu’il était judicieux de payer si on voulait sortir du pays sans difficulté.
Nous avons continué malgré tout notre périple en déjeunant à nouveau rue Ben Yehouda. Puis, une tentative au musée d’Art juif italien (fermé) nous a fait prendre la direction du mont Sion avec le Cénacle, le tombeau de David puis, dans la Vieille Ville, le Cardo, la rue David…
Une douche avant d’aller dîner chez Taboon comme le premier soir. Puis nous sommes montés au Collège pour boucler nos bagages, avant de prendre le tram vers la gare centrale.
À la gare, je vais avec ma petite sœur pour payer son amende. Au guichet d’information, la femme a pas l’air de savoir de quoi il s’agit, elle pianote sur son clavier… elle finit par dire : « Il y a une erreur, ça ne matche pas. Je peux pas encaisser, revenez demain ». « Ben oui, mais nous rentrons en France cette nuit »… Tant pis.
Nous partons donc et prenons le train. Nous arrivons à l’aéroport, nous faisons le check sécurité. Nous laissons ma sœur à son triste sort (elle prend un avion quelques heures plus tard et n’aura en fait aucun problème à quitter le pays). Passage des contrôles de sécurité : ma famille est extraordinaire, on est passés comme ça ! Puis embarquement à l’heure dite et décollage à 0h50. Nous arrivons deux heures plus tard à Istanbul où nous allons attendre quatre heures. J’ai un peu dormi dans cet immense aérogare toujours bruyante… J’ai tenté la visite du musée de l’aéroport qui était fermé (à 5h30 du matin, c’est pas non plus étrange).
Nous embarquons vers 7h30 et après trois heures de vol au cours desquelles je dors pas mal (mais je peux quand même voir la fin de mon film). Arrivée à Marseille, à 9h45… Formalités de douane… Nous attendons nos valises qui, finalement, n’arriveront pas. Elles se sont perdues entre Tel Aviv et Istanbul… Nous allons au bureau de réclamation et nous remplissons quelques papiers…
Devant l’aéroport, j’embrasse Guilhemette qui prend la navette vers Marseille. Mes parents appellent le voiturier qui leur amène la voiture devant l’aérogare… Ils me déposent devant mon parking et une heure et demie plus tard, me voici arrivé à Sainte-Garde. Je pose mes affaires et il est déjà l’heure d’aller déjeuner.
Voilà, je suis docteur… Ce but qui a occupé près de huit années de ma vie (7 ans et 7 mois !) est atteint. Je ne sais pas encore ce que le reste de ma vie me réserve, ce vers quoi ce doctorat va m’orienter. Quelques perspectives de recherche et d’échanges sont bien là… mais tout reste à faire.
L’année prochaine, conformément aux constitutions des prêtres de Notre-Dame de Vie, je fais une année de solitude. Est-elle bien méritée ? En tout cas, elle est attendue !
Je vous embrasse.
Des occasions vont bien se présenter qui me permettent de vous dire maintenant « À bientôt ! »

samedi 4 février 2023

Et Nicanor quitta Jérusalem (1M 7,39)

 κα ξλθεν Νικνωρ ξ Ιερουσαλημ
kai exèlthen Nikanôr ex Ierousalèm

Chers amis,
Me voici donc libéré d’un gros poids. L’après-midi, j’ai fait une belle sieste puis suis allé à la co-cathédrale, au patriarcat latin. En fait, la cathédrale du Patriarcat latin est la basilique du Saint-Sépulcre mais comme nous n’en disposons pas complètement, l’église du Patriarcat latin est élevée au rang de co-cathédrale. L’évêque auxiliaire de Jérusalem, Mgr William Shomali, présidait la messe pour la vie consacrée (vie consacrée, c’était sur les invitations, concrètement on a parlé de vie religieuse). À la sacristie, je retrouve Cristobal, un légionnaire du Christ qui fait un doctorat en Nouveau Testament à l’ÉBAF. On discute un petit moment avant la messe. Je me souviens être entré dans cette église en 1995, avec le groupe de Notre-Dame de Vie. Nous avions rencontré le patriarche d’alors, Mgr Michel Sabbah.
La messe se déroule sans encombre, dans un savant mélange d’anglais, de latin, d’italien et d’arabe. À la fin de la messe, j’ai discuté un moment avec l’évêque qui déplorait qu’il n’y ait pas eu de français, alors que c’est la langue officieuse du patriarcat.
À l’apéro, je retrouve quelques têtes connues. Sœur Amanda, une Colombienne, dominicaine de la Présentation, présente à la Maison Abraham depuis 8 ans. Elle quitte définitivement Jérusalem le 8 février.
Je discute avec Cezar, le supérieur des Assomptionnistes de Saint-Pierre en Gallicante.
Le soir, après le dîner, frère Allan nous propose un documentaire Born in Gaza, sur la vie d’enfants à Gaza. Le fond du documentaire est bouleversant, j’ai trouvé la forme un peu appuyée et lacrymogène.
Une fois le doc achevé, je suis sorti rue de Jaffa pour valider ma Chandeleur. Les crêpes de ce jour sont inconnues par ici. Je m’offre donc un crêpe.
Vendredi, dernier jour à Jérusalem... Je choisis d’aller le passer à Bethléem. Frère Daoud me dépose à l’Université où il a une réunion. Je m’arrête chez les Salésiens et demande à voir leur église: Selon mes informations, elle a été construite par l’abbé Pougnet, un prêtre du diocèse d’Avignon qui était architecte au XIXe siècle. Il a notamment édifié ma chapelle de Sainte-Garde et l’église des Réformés sur la Canebière. Le père Matteo m’accueille gentiment.
Je continue ma route vers la Basilique de la Nativité. Un peu avant 11 h je me présente à la sacristie pour savoir si je peux concélébrer. Je demande à un prêtre indien mais il célèbre dans un rite oriental syro-mal… quelque chose. Compliqué ! Deux groupes français sont également annoncés mais il s’agit en fait d’un seul et même groupe dont les deux prêtres célèbrent séparément (peu vraisemblable que je puisse concélébrer avec l’un d’entre eux…) Finalement je célèbre seul à la chapelle du Saint-Sacrement.
Je me joins à la procession de midi qui permet d’entrer dans la grotte. Mais après la procession, je me rends compte qu’il n’y a presque personne à faire la queue. Je vais donc dans la grotte et j’y prie finalement une bonne heure. Il n’y a littéralement personne.
En sortant je cherche un lieu où prendre mon pique-nique loin des hordes de guides, chauffeurs de taxi et vendeurs de café... Je tente la rue de la grotte du lait... Pas fameux.
Finalement je déjeune sur la place de la mangeoire. Je retraverse la vieille ville de Bethléem et rejoins le carmel fondé par sainte Mariam Baouardi. Je prie dans la chapelle près des reliques. Puis je me dirige vers le Collège des Frères de Bethléem qui est juste à côté. J’ai rendez-vous avec le Frère Malak qui doit me ramener à Jérusalem. Il est à une réunion avec le groupe des jeunes lassalliens. Nous finissons par rentrer. C’est là que me revient en mémoire la manière toute égyptienne que le Frère Malak a de conduire. Comme c’est vendredi en fin d’après-midi, le trajet est rapide.
J’ai le temps de faire ma valise: gageure pour faire rentrer mes fringues, la BD sur Jérusalem, les cinq exemplaires de ma thèse, les quelques petits bouquins que j’ai récupéré ici et là et la cargaison de livres que Baptiste avait laissés ici il y a deux ans en rentrant en France. Tout rentre mais ma valise est très lourde. Je suis limité à 23 kg, mais ça doit dépasser...
Pendant le dîner, je fais au revoir à tout le monde. Ensuite je fais un brin de ménage.
Je m’allonge sur le canapé du petit salon. Réveil à 0h45, messe du bienheureux Marie-Eugène dont c’est la fête liturgique, à 1h40 je descends et me dirige vers l’entrée de Notre-Dame pour récupérer mon nesher. Il arrive à l’heure prévue, tournicote encore un peu pour récupérer deux femmes et nous descendons vers l’aéroport. Le conducteur conduit comme un cinglé, surtout qu’une fois arrivé dans la plaine, il se met à pleuvoir dru. Il communique par talkie-walkie avec quelqu’un et un cahot de la route lui fait lâcher l’engin, il lâche le volant pour se pencher et ramasser le bidule... Heureusement la route est vide. Nous finissons par arriver (sains et saufs, Dieu merci). Je descends et m’engage dans la queue pour le check-up sécurité, il y a du monde mais ça va vite. Là, j’ai la surprise de voir débarquer Frère Philippe, il prend le même avion que moi.
L’enregistrement n’ouvre que 40 minutes plus tard. Je patiente.
Au moment d’enregistrer, je pose ma valise sur la balance, bien en porte-à-faux... La balance indique 23,0 kg. Pfiou!
Quand le tapis roulant se met en marche, je vois 28,5... mais ça passe.
Le contrôle de sécurité me surprend. Depuis 2014, que je viens régulièrement, c’est la première fois que je n’ai pas droit au contrôle Golden Premium VIP, avec fouille intégrale du sac, palpation, passage d’un bâtonnet pour détecter des traces de poudre, voire même se retrouver en caleçon dans la cabine d’essayage avec un type qui vous fouille (l’expérience client est pas optimale).
Avec Frère Philippe, nous discutons (et il est bavard). Je me cale porte B9 et pique un roupillon.
Embarquement à peu près à l’heure. On décolle, je regarde un film d’animation sur le petit Nicolas, pas mal et surtout je dors.
Nous atterrissons à l’heure. Dans deux heures, j’ai mon train vers Avignon où papa vient me chercher.
Pas fâché d’arriver.
Les formalités d’arrivée sont rapides, je récupère l’enclume qui me tient lieu de valise, j’arrive à la gare de Roissy. J’achète de quoi grignoter parce que le petit déjeuner (copieux) d’Air France est déjà un vieux souvenir. Puis je monte dans le train, je somnole et trois heures plus tard, je suis à Avignon, je retrouve mon père. Direction Montpellier pour retrouver ma famille et préparer les funérailles de ma grand-mère.
Étrange coïncidence de dates que ce décès et le dépôt de ma thèse.
Quelques jours en famille, chargés d’émotion, de prières et de souvenirs. Mais cela est une autre histoire qui n’appartient pas à ce blog.
À bientôt, dans quelques semaines. Je vous tiens informés de la date de ma soutenance.

jeudi 2 février 2023

Et Shaphan remit le livre au roi (2Ch 34,16)

 וַיָּבֵא שָׁפָן אֶת־הַסֵּפֶר אֶל־הַמֶּלֶךְ
wayyāḇēʼ sāfān ʼeṯ-hassēfer ʼel-hammeleḵ

Chers amis,
Dimanche, je suis allé à la messe à Abu Gosh. Dans le bus j’ai rencontré deux dames, volontaires à la maison d’Abraham qui y allaient aussi. La messe fut belle même s’il n’y avait pas grand monde. C’est le frère Jean-Michel qui a présidé. À l’apéro, j’ai discuté avec des volontaires d’Abu Dis que j’avais rencontrées une semaine plus tôt aux vêpres arméniennes. L’une d’entre elles est angevine, nous avons très naturellement parlé d'Apocalypse et de tapisserie.
Le déjeuner fut simple et bon : taboulé (à la française, c’est-à-dire avec beaucoup de semoule et peu de persil, alors qu’en Orient, les proportions sont inversées !) ; rôti de porc et petits pois. Pour le dessert, les frères m’ont donné des fruits ; ils allaient prendre le dessert chez les sœurs pour fêter l’anniversaire de l’une d’entre elles. Du coup, je suis parti assez tôt et c’était très bien. Mon bus est arrivé deux minutes après moi à l’arrêt.
Descente pédestre de la rue de Jaffa, en baguenaudant ici et là.
Arrivé chez les Frères, je me suis installé au petit salon, connectant mon ordinateur à la TV. J’ai fait une relecture complète de mon travail entre cet après-midi-là et la journée de lundi : pour m’aider j’ai fait une lecture rapide à haute voix. J’ai débusqué plein de petites erreurs sans conséquence mais qui ne laissent pas une bonne impression aux lecteurs. En fait, quand on lit à voix basse, notre cerveau – qui connaît presque par cœur le texte – en reconstitue le sens en passant par-dessus les erreurs. La lecture à voix haute empêche cette compensation cognitive. J’y ai passé l’après-midi et la soirée.
Lundi, j’ai donc passé six heures (7h-13h) là-dessus… À 15h30, j’accueillais Alexandra, une étudiante du Studium, Vincent son mari, leur fille Élise et Natalia leur amie qui viennent passer quelques jours. Je leur montre le panorama depuis le toit du Collège. Puis nous allons chez Cathy, puisqu’ils logeront là-bas pendant leur séjour à Jérusalem. Je les laisse pour rejoindre l’École puisque j’ai rendez-vous avec Anthony. J’attends une dernière demi-heure en faisant les dernières corrections. Au cours de l’entretien, Anthony me donne quelques conseils et me dit : « Bravo, tu as fini ! » Je vous raconte pas le soulagement dans les épaules…
Le soir, j’ai intégré les quelques conseils donnés et voilà…
Mardi matin, avant d’aller chez l’imprimeur (chez les Franciscains en face du Collège), je fais d’ultimes vérifications… Horreur ! je me rends compte que les marges ne sont pas identiques dans tout le document. Je corrige et il faut vérifier toute la mise en page… pour voir si les tableaux rentrent sur une page, s’il n’y a pas un titre en bas de page, etc. On arrive. Il pleut des cordes et j’attends cinq minutes devant le bureau. On discute avec le bonhomme et sa secrétaire, combien d’exemplaires, quel type de reliure (ça, c’est leurs questions). La mienne, c’est le prix ! Ils me promettent le travail pour vendredi, c’est nickel !
Je passe le reste de la journée à la bibliothèque, je range quelques bouquins, consulte des articles… La veille au soir, j’avais envoyé à des amis de Jérusalem (communautés, familles, etc.) l’introduction et la conclusion pour qu’ils se fassent une idée de mon travail. Parmi eux, le frère Philippe de Ganagobie où j’ai passé un mois l’année dernière (11 décembre 2021-9 janvier 2022) et il me répond : "Je suis à Jérusalem". On essaie de se donner rendez-vous mais ça n’est finalement pas possible. À 14h alors que je retourne à la bibliothèque, je m’entends héler dans la rue, près de la porte de Damas. C'était frère Philippe ! Quelle bonne surprise ! Nous avons pu échanger quelques nouvelles.
Hier, 1er février, j’avais un rendez-vous en visio, le matin. Puis à midi, je retrouve Alexandra et sa famille, nous déjeunons chez Samara puis nous partons vers le Cénacle, la Dormition, la tombe de David, Saint-Pierre en Gallicante. La pluie tombe.
Depuis lundi, la température a chuté (on arrive à des températures de saison) et la pluie est arrivée. C’est la pluie de janvier épaisse et qui mouille. Tant mieux parce que ce mois de janvier est particulièrement sec alors qu’on est dans la saison des pluies. Depuis mon arrivée, seuls 3,7 mm étaient tombés. Les pluies de lundi et mardi ont apporté 31,5 mm supplémentaires, soit 35,2 pour le mois de janvier. (Voici les données des années précédentes : 2022 : 239,8 mm ; 2021 : 148,4 mm ; 2020 : 184,7 mm ; 2019 : 96,8 mm ; 2018 : 173 mm). On est clairement loin du compte. Hier, 1er février, il est déjà tombé 37,8 mm, la tendance est bonne…
Nous sommes passé ensuite au Mur occidental puis je leur ai montré quelques jolies maisons mameloukes. Ensuite, nous sommes allés nous réfugier chez eux pour prendre le thé et nous sécher. Ils ont organisé la suite de leur périple puisqu’ils veulent aussi découvrir la Galilée.
Le soir, chez les Frères, je retrouve le Frère Albert qui est toujours de bonne humeur ! Il nous dit qu’il devrait bien pleuvoir ce mois-ci : car l’urginea maritima a fleuri en octobre, indiquant que le mois de février devrait être pluvieux. Il se base sur une expérience de 70 ans d’observations. Espérons que ses pronostics se vérifieront. J’apprends aussi le décès de ma grand-mère maternelle après 96 ans d’une vie bien remplie. Un peu d’émotion certes.
Ce matin, je voulais aller à Bethléem en pèlerinage… et la flemme m’a inspiré… Heureusement parce qu’à 9h25, le type de l’imprimerie m’a appelé pour me dire que les thèses étaient prêtes ! J’ai pas traîné. Je suis allé au bureau, ai récupéré les exemplaires, ai payé et suis parti aussi sec à l’École pour déposer. Je vois Sœur Martine, la secrétaire. Elle m’imprime une feuille de corrections ! Je fais mes petits découpages-collages et je lui donne les trois exemplaires que je dois déposer. Puis elle appelle le frère Marc, préfet des études qui m’explique la procédure. Deux professeurs de l’École doivent faire un rapport, présenté en conseil académique (le dernier vendredi du mois) qui valide la thèse et constitue ensuite le jury. Donc, on pourrait avoir une soutenance courant mai…
Je passe à la bibliothèque récupérer des affaires et ranger mon poste de travail…
7 ans et quelques de travail… Je suis content d’avoir pu déposer ce jour puisque c’est la date que j’ai inscrite dans les remerciements.
Mais ça n’est pas fini.
À bientôt,
Étienne+