mardi 28 août 2018

Et le roi de Moab se souleva (2R 3,5)


מואב מלך ויפשע
wayyipša' meleḵ-mô’āḇ


Chers amis,
Non, je ne suis pas en Terre Sainte, mais je viens de vivre une jolie visite qui me semble appartenir à ce que je suis amené à vivre en Terre Sainte.
En effet, après un été particulièrement chargé, me voici à Paris pour quelques jours à l’occasion du Congrès de l’ACFEB (Association Catholique Française pour l’Étude de la Bible) dont je suis membre. Ce congrès 2018 se tient à l’Institut Catholique de Paris du mardi 28 au jeudi 30 août. J’ai décidé de profiter du lundi pour visiter ce qui peut m’intéresser bibliquement à Paris… En effet, notre capitale n’est pas sans intérêt de ce point de vue. Notre musée du Louvre possède quelques richesses, mais lorsqu’on y va lors d’un voyage touristique à Paris, on va plutôt voir les stars du Louvre : la Joconde, la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace (plus le Radeau de la Méduse, le Couronnement de Napoléon et les Noces de Cana de Véronèse, ou la Liberté guidant le Peuple…). Il y a quelques stars bibliques au Louvre.
Pour cette visite, j’étais accompagné de ma sœur Blandine qui a ouvert son canapé à son grand-frère et profitait d’une ultime journée de vacances. Nous sommes arrivés sans encombre quelques minutes avant l’ouverture, une petite demi-heure de queue, un contrôle de sécurité, achat des billets et nous voilà lancés. Ce qui m’a impressionné, c’est le nombre de touristes asiatiques, très majoritairement chinois. Le chinois est même la troisième langue du Louvre (après le français et l’anglais) et à l’accueil une femme chinoise est disponible pour accueillir et orienter les visiteurs.
Avant la visite des galeries d’archéologie du Proche Orient ancien, nous avons vu les vestiges du Louvre médiéval, tel que Philippe Auguste l’a construit en 1200. Cet été avec les adolescents du Jeune Amandier, j’ai visité le château deGuédelon, un château construit avec les techniques du xiiie siècle, sur un plan que les historiens de l’architecture appellent « château philippien » (rien à voir avec la lettre de saint Paul, mais tout avec Philippe Auguste). Je me suis rendu compte que le Louvre médiéval, pour avoir été construit par ce même Philippe Auguste, n’est pas un « château philippien ». En effet, il est conçu comme une enceinte rectangulaire (en carré long, selon l’expression médiévale) au centre de laquelle se dresse le donjon, grosse tour isolée. Or, dans les châteaux du xiiie siècle français, la grosse tour est intégrée à un des angles de l’enceinte !
Ensuite, direction les salles jaunes (salles 300 et plus). Je retrouve les périodes familières : âge du Bronze, du Fer, etc. Les vestiges présentés proviennent surtout de fouilles réalisées par des Français au Levant à l’époque de la présence française dans cette région (entre deux guerres). Vestiges de Tyr et Sidon, Byblos, Ugarit et autres lieux.
On trouve quelques tablettes d’Amarna, notamment une du roi de Meggido. Dans la salle 303, se trouve une des pièces que je désirais voir de mes yeux : la stèle de Mesha.


Une stèle de basalte d’un bon mètre de haut, découverte en 1868 dans ce qui est aujourd’hui la Jordanie. Elle raconte le soulèvement et la victoire du roi de Moab, Mesha, sur le roi d’Israël Omri. Ce qui est intéressant, c’est que l’histoire dont parle la stèle était déjà connue… dans le deuxième livre des Rois, au chapitre 3 ! Avec la Bible et la stèle de Mésha, on a la même histoire racontée du point de vue de chacun des deux combattants. Dans la Bible Israël et Juda entrent en Moab pour mater la révolte de Mésha, ils remportent quelques victoires puis se retirent sans prendre la ville de Mésha. On sent que le récit biblique atténue la déconfiture finale de l’expédition.

Évidemment, comme on est en Orient et que le roi ne peut jamais perdre une bataille, les deux rois prétendent avoir remporté la victoire sur l’ennemi. Allez donc savoir qui a gagné !
Lorsque la stèle a été trouvée, les ouvriers bédouins, qui travaillaient sous les ordres de Charles Clermont-Ganneau, l’ont brisée pensant y trouver de l’or (ils croyaient que les archéologues étaient motivées par l’appât du gain et non par l’amour de la science !). Quelle déception de n’y rien trouver… Mais surtout en brisant la stèle, ils en ont perdu d’importants fragments. Heureusement, M. Clermont-Ganneau avait réalisé un estampage de l’inscription (une sorte de moulage en papier pour déchiffrer une inscription). Cet estampage a permis de reconstituer les parties manquantes de la stèle. Ouf !
Une interrogation demeure : où se trouve l’autre pièce que je voulais voir annoncée dans la même salle 303 sur le site du Louvre ? En fait, elle a été installée dans une autre salle, dans une autre aile du musée, dans un autre ensemble des collections, sans doute plus conforme à la période qu’elle représente… Mais la fiche de l’objet sur le site du Louvre n’a pas été mise à jour depuis 2012… Nous avons donc continué par les antiquités iraniennes : splendides archers perses de Darius, ou chapiteau de l'Apadana du palais de Darius à Suse. Le chapiteau mesure à lui seul 5,5 m ! Imaginez la colonne ! En demandant notre route à un agent du musée, nous avons traversé à toute vitesse les galeries dédiées à la chronologie de l’Égypte ancienne. Cela mérite une visite particulière. Nous nous sommes surtout arrêtés pour regarder les boiseries anciennes. Une galerie présentait une affluence asiatique toute particulière, nous avons fait les curieux : il s’agissait des joyaux de la couronne de France, notamment le Régent et le Sancy. Honnêtement, de loin et à travers la vitre, cela pourrait être du zirconium que je n’y verrais pas la différence.
Un coup d’œil à la Victoire de Samothrace, récemment restaurée, quelques sculptures anciennes, descente d’un petit escalier et nous voilà dans la galerie « L’Orient méditerranéen dans l’Empire romain ». Là se trouvent les vestiges du Tombeau des Rois découverts lors des fouilles réalisées au xixe siècle par des Français. À l’époque, l’archéologue était persuadé d’avoir mis à jour les tombeaux de David et Salomon (rien que ça !) mais très vite on a convenu que le monument était plus récent, ier siècle de notre ère. Ce site est une des quatre possessions françaises à Jérusalem (avec Sainte-Anne, le Carmel du Pater et Abu Gosh). J’ai eu la chance de le visiter en 2007 lors de mon premier séjour à Jérusalem, en ayant oublié mon appareil photo à cette occasion (du coup, je n’en ai pas de photos). Depuis le site a été refouillé, mais n’est plus accessible, même pour les privilégiés.
Ce tombeau semble donc être celui de la reine Hélène d’Adiabène, un petit royaume au nord de l’actuel Irak, convertie au judaïsme et inhumée à Jérusalem au ier siècle de notre ère. C’est évidemment Flavius Josèphe qui nous parle de cette reine et de sa tombe. Le P. Humbert, qui a réalisé la dernière campagne de fouilles, a quelques hypothèses un peu hétérodoxes sur la question…
Au Louvre, on peut donc admirer le sarcophage de la reine, retrouvé intact dans une des salles du tombeau. Une inscription grossière en araméen et hébreu (Tzada Malchata (צדה מלכתה, reine Saddah) affirme qu’il renferme la dépouille de la reine Saddan. En plus du sarcophage, il y a quelques menus objets découverts sur places, ainsi que des moulages de la frise du tombeau des rois. On voit aussi une jarre de Qumrân et un fac-similé du fameux et mystérieux rouleau de cuivre de Qumrân.
Nous avons ensuite continué par un rapide coup d’œil aux mosaïques d’une basilique byzantine découverte par Ernest Renan dans l’actuel Liban, au département des arts islamiques et à quelques statues antiques. Au détour d’un escalier, je me trouve nez à nez avec mon vieil ami Hadrien… Souvenez-vous de l’exposition Hadrian, an emperor cast in bronze que j’avais visitée au Musée d’Israël, il y a deux ans.
Elle rassemblait les trois bustes en bronze connus de l’empereur Hadrien : celui de Londres, celui de Paris et celui de Jérusalem. Eh bien, les trois bustes sont en ce moment présentés au Louvre. Cela m’a touché de les revoir. Mais si l’expo de Jérusalem bien que modeste était fascinante, celle du Louvre a relégué les trois bustes derrière un paravent, dans un recoin sombre, sans grande visibilité et sans les objets qui entouraient les bustes à Jérusalem (témoins de la deuxième révolte juive).
Pour finir, nous avons fait les touristes : nous avons jeté un coup d’œil à la Joconde et nous sommes arrêtés un peu plus longtemps devant les Noces de Cana de Véronèse.
Après un petit tour à la boutique et un déjeuner sur le pouce, nous avons parcouru les rues et places du 1er arrondissement grâce à un petitlivre d’énigmes et de jeu de piste sur les arrondissements parisiens. Nous avons donc vu la Cour des comptes, et le Conseil d’État, l’église Saint-Eustache et la paroisse polonaise, la Comédie française et le Théâtre du Palais-Royal, la maison où Diderot est mort faisant face à celle où Molière est passé à trépas, la Place Vendôme et le Pont Neuf, le lieu où Henri IV a été assassiné, celui où Jeanne d’Arc a été blessée, le square du Vert-Galant et le Louvre. Trois heures de marche et de découvertes : nous avons appris et vu des tas de choses, devisant et parlant de choses et d’autres.
De retour dans le xve, petite tisane reconstituante. Puis je suis allé faire oraison à Saint-Lambert de Vaugirard, la paroisse voisine. Enfin, j’ai pu voir l’église où Jeanne Moreau se marie dans La mariée était en noir de Truffaut. Le film montre à plusieurs reprises et sous tous les angles la sortie du cortège nuptial et la mort du jeune marié, accompagné de la musique de Bernard Hermann (compositeur attitré de Hitchcock) qui reprend le thème de la Marche nuptiale de Mendelssohn. J’ai concélébré la messe. Pour les amateurs de littérature, c'était aussi la paroisse de Léon Bloy : il y assistait à la messe et s'y est marié. À la sortie, je retrouve Clémence, ma petite sœur et son petit Alexandre (3 mois et demi) et nous allons manger chez Blandine. Soirée sympa à refaire le monde…
Ce mardi, place aux réflexions des biblistes sur « Exodes et migrations dans les traditions bibliques ».
À bientôt,
Étienne+

vendredi 1 juin 2018

Et Juda fit alors publier (1M 5,49)

καὶ ἐπέταξεν Ιουδας κηρύξαι 
kai epetaxen Ioudas kèruxai

Paru en dernière page du bulletin municipal de Saint-Didier en ce numéro 2018-2 de juin 2018.
cliquer pour agrandir
 La photo d'illustration de l'article a été prise lors de l'excursion au Wadi Auja avec les familles du Consulat de France en janvier 2016.
Depuis cette année, la dernière page du bulletin est consacrée à un "autoportrait" d'un habitant du village, qui présente sa vie, son activité professionnelle, une expérience originale...  Voilà ce que ça donne. 



mardi 13 mars 2018

Si quelqu’un ne me guide… (Ac 8,31)

ἐὰν μή τις ὁδηγήσει με
ean mè tis hodègèsei me

Chers amis,
Ce dernier message vous aura tenu en haleine un peu de temps… En effet, pendant le pèlerinage des chefs d’établissement, je n’ai pas vraiment eu la connexion Internet qui convenait et surtout pas le temps… Pendant ces huit jours de pélé, j’ai été sur le pont presque 24h/24 (en fait, non, j’ai dormi quand même)…
Le jeudi matin, j’ai achevé ma valise et je suis parti l’apporter à la Maison d’Abraham. J’ai pris le bus arabe à la gare routière de la Porte de Damas. C’est la moins fréquentée par les Occidentaux et cela se voit : aucune signalisation !
Déjeuner avec les Frères, sieste et départ sur les 15h30. Le sherout était à l’heure et m’a fait tournicoter dans des quartiers que je ne connaissais pas, près de la tour HolyLand.
J’arrive à l’heure à l’aéroport, mais l’avion des pèlerins a un peu de retard. Finalement, je retrouve le chauffeur de bus, un chrétien de Nazareth du nom de Shadi (super sympa !).
Nous montons dans le bus direction Arad, où nous arrivons avec un peu de retard sur l’horaire prévu. Dîner à l’hôtel, messe pour ceux qui veulent et dodo. Pendant la messe (j’ai célébré le matin pour les Frères), je machine la journée du lendemain avec le chauffeur.
L’hôtel est particulièrement miteux. Son seul avantage, sa situation hors de l’agglomération d’Arad (une des villes les plus moches d’Israël, sans aucun intérêt architectural ou esthétique). À deux pas de l’hôtel, nous accédons à Mitspe Mo’av, une mochissime statue moderne de laquelle on domine le désert qui s’est couvert d’un fin duvet vert. Nous y célébrons la messe. Puis nous partons.

Arrêt à Ein Gedi pour découvrir la beauté de l’oasis dans le désert. Puis à Qumrân pour les manuscrits de la Mer morte. Nous y déjeunons après l’enseignement donné par l’archevêque à partir de l’évangile selon saint Marc.
Nous passons au site baptismal. Nous arrivons quelques minutes avant la fermeture de l’accès. Nous sommes vendredi et les sites ferment une heure plus tôt que les autres jours et souvent l’accès au site est bloqué une heure avant la fermeture… Du coup, il faut arriver avant 14 h… Nous pouvons prier au bord du Jourdain et je fais un petit topo sur saint Jean-Baptiste (en fait, j’ai resservi celui préparé pour la halte spi du jeudi après les Cendres).
De là, nous redémarrons vers la Galilée… Nous arrivons assez tôt à Tibériade, et nous prenons nos quartiers à l’Oasis, la maison d’accueil tenue par un couple de la communauté de l’Emmanuel. Pierre-Yves et Marie-Claire sont très accueillants.
Ce soir-là, veillée pénitentielle. Belle et émouvante.
Le lendemain, journée autour du lac : enseignement de Mgr Cattenoz à la Primauté de Pierre, messe à Tabgha au bord du lac, puis nous montons au Mont des Béatitudes (complètement Disneylandisé !) d’où nous descendons à pied en déployant des ruses de Sioux pour éviter de payer l’inique droit d’entrée… Petit tour en bateau sur le lac (je n’aime vraiment pas les promène-couillons…) déjeuner. Dans l’après-midi, nous visitons Capharnaüm avant de monter à la Domus Galilaeae, centre du Chemin néo-catéchuménal en Terre Sainte. Là, nous visitons et le P. Francesco Voltaggio, recteur du séminaire, nous donne un très bel enseignement sur la pédagogie du Christ.
Retour à la maison. Soirée calme. Certains sont allés prendre un verre en ville mais je n’ai pas eu ce courage…
Dimanche, matinée à Nazareth, nous pouvons visiter l’église orthodoxe du puits de Marie (bel accueil de la communauté). Puis prière à la Basilique de l’Annonciation (ça fait toujours quelque chose aux mamans !) Messe dans une chapelle. L’archevêque qui a avalé un réveil doit ronger son frein puisque nous devons attendre 10 minutes que la messe précédente s’achève… C’était des + que tradis, qui avaient apporté tout le matériel (ornements, vases…). Les dames étaient en mantille… Ils ne perdraient rien pour attendre…
Enseignement de l’archevêque, déjeuner puis nous sommes repartis vers Tibériade. Nous n’avons pas pu faire la marche que nous espérions dans les falaises d’Arbel (toujours cette manie de fermer à 16 h…) Nous avons quand même profité de la vue et j’ai fait un petit topo. En repartant, Olivier, un des chefs d’établissement, a fait un cours d’histoire sur la bataille des Cornes de Hattin, au cours de laquelle les Sarrasins ont défait les Francs, signant ainsi la perte de Jérusalem (c’était le 4 juillet 1187).
Le soir, atelier de lectures évangéliques. J’étais dans le groupe sur la Samaritaine.
Lundi matin, départ tôt pour retourner en Galilée. Le bus s’arrête au-dessus du monastère Saint-Georges, là où j’avais topoté pour la halte spi. Mgr nous parle.
Nous arrivons à Bethléem. Nous n’avons pas le temps d’aller à la procession. Pour cela, nous commençons par “le principal”, le pieux shopping. Puis déjeuner à la Casa Nova des Franciscains, visite de la Basilique de la Nativité. Nous avons de la chance, il n’y a pas grand monde pour aller vénérer la grotte. Mais nous sommes particulièrement choqués par les gens qui se font prendre en photo devant l’étoile de la Nativité.
À 16 heures, nous célébrons la messe à la grotte de saint Jérôme. Je continue par un petit topo qui ouvre sur un temps de silence. Nous entrons finalement à Jérusalem et gagnons la maison d’Abraham qui sera notre QG hiérosolymitain. J’y retrouve les sœurs que je connais bien.
Mardi matin, le bus nous dépose à la Porte des Immondices, qui dessert l’esplanade du Mur occidental. Nous y passons un petit moment, avant de monter sur l’esplanade des Mosquées. L’ambiance est calme, le temps exceptionnellement clément (grand soleil et ciel bleu, température douce). Nous terminons la matinée par la visite du domaine national français de Sainte-Anne. En visitant l’église, j’ai eu du mal à réprimer un fou rire : un groupe d’Américains chantait un cantique à Marie (celui de Sister Act) avec beaucoup de chœur mais sans aucune justesse (c’en était même pénible à entendre). De retour à la Maison d’Abraham, Mgr enseigne.
L’après-midi, nous visitons Saint-Pierre en Gallicante et c’est là que nous nous “vengeons” de l’attente de dimanche… Le groupe qui nous avait fait attendre pour la messe est derrière nous pour descendre dans la fosse où l’on commémore la nuit de prison du Christ. J’ai un peu fait durer la prière du psaume 87 et le silence, je le confesse.
De là, visite du Cénacle et du tombeau de David, en dessous. Il y a toujours le même bonhomme qui vous accueille en vous demandant si nous sommes juifs, ou si nous avons de la famille ou des amis juifs. En fait, il est accueillant et chaleureux et c’est assez rare pour être noté. Suit la messe au couvent franciscain qui jouxte le lieu saint, pour commémorer la Cène du Seigneur. Après la messe, rapide coup d’œil à la Dormition avant de rentrer à la Maison où je donne mon enseignement.
Mercredi, le bus nous dépose au sommet du Mont des Oliviers. Nous visitons successivement le Carmel du Pater, Dominus Flevit et Gethsémani. Nous disposons de pas mal de temps, alors Mgr fait son enseignement dans le parc du Pater et moi dans le jardin Hyde (tenu par les Mormons). En fin de matinée, nous arrivons à l’Ecce Homo, que nous visitons. Au Lithostrotos, des évangéliques chinois célèbrent la Cène (avec de la matsa – pain azyme des Juifs – et du vin dans des petits gobelets en bois). Déjeuner à l’Ecce Homo. Puis nous faisons le chemin de Croix, nous utilisons le texte du bienheureux Marie-Eugène, paru dans Jésus, contemplation du mystère pascal.
Après le chemin de croix, j’introduis à la Basilique du Saint-Sépulcre qui est un lieu singulièrement déroutant. Puis nous faisons une bonne heure de queue pour pouvoir vénérer la tombe… Ouf, nous arrivons à passer avant la procession des Franciscains. Messe à l’autel de Sainte-Marie-Madeleine. Interdit de chanter mais nous pouvons crier (la voix de stentor de l’archevêque fait merveille !). Après la messe, un peu de temps pour des emplettes et nous regagnons le bus par la Porte de Damas.
Le soir, veillée partage-merci-cadeaux. Je reçois un joli encensoir (sans grelot toutefois).
Le lendemain matin, nous quittons Jérusalem pour Abu Gosh, où nous célébrons la messe. Après la messe, Mgr achève son enseignement et nous avons même le temps d’une brève rencontre avec Fr. Olivier. Puis il faut partir. Nous arrivons à l’heure prévue à l’aéroport. C’est le moment de se séparer : leur avion est à 14 h, le mien à 19 h seulement. Je trouve un siège à proximité d’une prise électrique et je travaille toute l’après-midi. Je change de terminal, enregistre mon bagage. J’ai un bref instant de fausse joie au moment des formalités de sécurité et finalement, un type m’attrape par la peau du cou et me fait passer par l’entrée VIP : scan complet du sac à dos, de l’ordi et autre matériel électronique, détection d’éventuels explosifs dans toutes les poches (27 !) de mon sac… Ils ont porté un intérêt tout particulier à la boîte en plastique qui me sert de sacristie portative… Regards interrogatifs…
J’arrive dans la zone duty free… Je suis finalement le premier à monter dans l’avion. Ma place est contre le hublot, j’ai prévu les bouchons d’oreille et je m’endors. Je n’ai même pas entendu le décollage. Je me suis réveillé pour acheter une bouteille d’eau gazeuse et admirer Athènes vue du ciel… L’atterrissage a été d’une douceur jamais vue. Mon taxi m’attendait et me dépose vers 1 h 10, chez ma sœur Clémence et son mari JB. Je m’endors vite. Le matin, j’avais à dessein pris un train pas trop tôt.
J’arrive à Saint-Didier vers 14 h 15, après près de 30 heures de voyage… Rangement, lessive, traitement des courriers… Après la semaine de pèlerinage qui était plus que printanière, je retrouve des températures hivernales… Encore quelques jours de frais… Les amandiers sont à peine en fleurs.
À bientôt,
Étienne+

mercredi 28 février 2018

Celui qui ouvre et nul ne fermera. (Ap 3,7)

ὁ ἀνοίγων καὶ οὐδεὶς κλείσει
ho anoigôn kai oudeis kleisei

Chers amis,
Peut-être avez-vous donc suivi les développements de la crise du Saint-Sépulcre. Mardi après-midi, le bureau du Premier Ministre a publié une déclaration informant de la suspension des procédures législatives en cours à la Knesseth, ainsi que du gel par la municipalité des comptes de certaines entités chrétiennes de Jérusalem. Le soir, les responsables des Églises du Saint-Sépulcre ont informé de la réouverture de la Basilique le lendemain matin (ce mercredi). Israël a essayé de passer en force, les Églises sont montées au créneau.
Un des ressorts secrets de cette affaire, c’est la tension entre le gouvernement israélien et la municipalité de Jérusalem. Ici, comme en France, les dotations de l’État baissent et les municipalités râlent. Jérusalem a tenté de forcer la main du Premier ministre en se servant des Églises comme levier. Le Premier ministre dont la situation judiciaire est un peu délicate en ce moment (le chef de la police, nommé pourtant par Netanyahu, a demandé sa mise en examen pour une affaire de corruption) a dû céder…
À propos de corruption, le monde politique israélien est assez corrompu. Quand je dis “assez”, il l’est certainement autant qu’en France mais au moins ici, quand ils se font prendre la main dans le sac, ils sont souvent condamnés et ils ne s’en tirent pas avec un petit sursis. Un ancien Premier ministre a même fait de la prison ferme pour une histoire de corruption dans une affaire immobilière. Ceci dit, une fois libéré, la vie continue, pas vraiment de retraite anticipée. L’autre jour, j’ai vu une affiche invitant à une conférence qu’il allait donner sur le leadership et la gouvernance. Bon… Pourquoi pas.
 
Dans l'alignement de la coupole dorée et de la petite coupole du Saint-Sépulcre, ma fenêtre

Pour ma part, j’ai vécu cette crise à distance, depuis la bibliothèque de l’École. Si vous voulez savoir ce qui s’est passé à l’intérieur, cliquez sur ce lien. Il y a le témoignage des Franciscains qui étaient enfermés à l’intérieur. Ils ont, au côté des Grecs orthodoxes et des Arméniens vécu la liturgie (messes, offices, processions…) tout simplement. Finalement, ils ont vécu ce que vivaient les Franciscains jusqu’au milieu du xixe siècle : une réclusion plus ou moins volontaire, pour un temps indéterminé. Enfin, le positif de cette affaire, c’est que les Églises ont travaillé main dans la main. Lundi et mardi même l’église du Rédempteur, l’église luthérienne voisine du Saint-Sépulcre, avait fermé ses portes par solidarité. Il faut dire que toutes les communautés chrétiennes sont dans le collimateur. On peut regretter que l’unité se soit faite autour d’une question d’argent mais il faut bien commencer par un bout. Ceci dit, les procédures sont suspendues mais Israël ne renonce pas à faire cracher les Églises au bassinet. Il faudra négocier…
J'ai aussi eu la tristesse d'apprendre le décès de Laurie, animatrice d'aumônerie du diocèse d'Avignon. Une fille super qui avait participé au pélé de la Pastorale des Jeunes en janvier 2015 : elle en était revenue transfigurée de joie. Je lui ai aussi donné quelques cours au Studium aux alentours de 2011-2012.L'autre jour, je pensais à elle en regardant les photos du pélé, sans savoir qu'elle livrait son dernier combat... Une nouvelle amie au ciel.
A la bibliothèque, j’ai travaillé simplement, sans stress. J'ai pris le temps aussi de bouquiner sur ma liseuse une thèse d'histoire sur l'eau à Jérusalem, de 1840 à 1940. Pendant ces 100 ans, Jérusalem est passée d'un peu plus de 10 000 à 150 000 habitants. Politiquement, c'est la fin de l'empire ottoman et le mandat britannique, avec la poussée du mouvement sioniste pour la fondation d'un état hébreu en Palestine. L'alimentation en eau de la ville est un enjeu fondamental pour cette ville située au sommet de la dorsale palestinienne, à 800 m d'altitude, avec un climat relativement aride (640 mm d'eau par an mais 6 mois de saison sèche). L'histoire des systèmes d'adduction d'eau permet aussi de voir comment on passe d'une administration impériale dans laquelle les puissances européennes tentent d'asseoir leur influence à travers la diplomatie et la philanthropie, à une administration municipale dans laquelle les "citadins" de Jérusalem prennent leur destin en main indépendamment des appartenances communautaires et religieuses, avant que la situation n'empire pendant le mandat britannique, qui est géré non pas comme un vrai mandat mais avec un état d'esprit colonial. Dit comme ça, vous vous demandez peut-être "mais en quoi est-ce intéressant ?" Vous pouvez lire ce livre sur internet, laissez-vous passionner. L'auteur est un historien qui enseigne à Paris - Marne-la-Vallée. Il connaît Jérusalem comme sa poche. Il a écrit un livre sur Jérusalem en 1900, une histoire de Jérusalem et il pilote un projet ayant pour ambition d’identifier, de localiser et d’organiser, l’ensemble des archives disponibles, dans toutes les langues, sur l’histoire de Jérusalem : Open Jerusalem. En effet, cette ville intéresse beaucoup de pays et il y a des archives sur l'histoire de Jérusalem au xixe et xxe siècles, à Jérusalem bien sûr, mais aussi à Istanbul, au Caire, en Angleterre, en Allemagne, en France, en Éthiopie, dans les institutions religieuses, les ambassades... C'est énorme mais c'est une mine d'informations pour permettre une histoire désidéologisée de la ville.
J'ai consacré un peu de temps à mettre la dernière main à notre pélé des chefs d’établissements catholiques du diocèse d’Avignon. Nous serons accompagnés de l’archevêque, Mgr Cattenoz, du Délégué diocésain à l’enseignement catholique, M. Aillet, du prêtre référent de l’Enseignement Catholique d’Avignon, le P. Cesareo et d’un bon groupe de dirlos. Nous serons 30 en tout.
Vous comprendrez qu’il me sera difficile de rédiger un billet lors du pélé, où je serai sur le pont à chaque instant. Mais il vous sera possible de suivre la page Facebook du diocèse d
Avignon qui sera alimentée par quelqu’un du groupe. La page est publique et ne nécessite pas de se connecter à Facebook.
Ce soir en sortant de la bibliothèque, j’ai fait quelques emplettes… Notamment une carte topographique pour la balade de dimanche au mont Arbel.
Messe, repas, oraison…
À bientôt,
Étienne+

lundi 26 février 2018

S’il ferme, nul n’ouvrira. (Ap 3,7)

καὶ κλείων καὶ οὐδεὶς ἀνοίγει
kai kleiôn kai oudeis anoigei

Chers amis,
Vendredi matin, un peu d’étude et, comme à l’accoutumée, je me suis rendu à l’Ecce Homo. Beaucoup de monde ce jour-là pour aller à la salat-ul-joumou’a ; je passe donc par la petite rue cachée qui est bien moins encombrée.
Jolie messe, simple… Ce lieu est assurément beau et priant. Même si l’événement évangélique dont on y fait mémoire ne s’est pas passé là, il y a une vraie force. L’après-midi, je retourne travailler.
Samedi matin, étude. Je suis parti un peu plus tôt que la fermeture pour aller à la maison d’Abraham. En effet, les sœurs dominicaines de la Présentation m’avaient invité à célébrer la messe à l’intention de mon grand-oncle, Hubert de Veye qui travailla pendant 30 ans à la maison d’Abraham et dont il fut même le directeur.

À la messe dans la petite chapelle, il y avait les trois sœurs colombiennes et une petite dizaine de volontaires de la maison. Ce fut simple mais j’ai cherché à montrer comment l’invitation à aimer son prochain était un itinéraire de Carême qui nous menait à la communion avec Jésus. Ce fut l’occasion aussi de mettre en valeur un trait de la vie de mon grand-oncle, résumée par ce qu’il écrivait il y a quelques années : « Ma vie est un itinéraire en dents de scie, mais elle peut être considérée comme féconde, si on ne perd pas de vue le but : la Rencontre avec le Seigneur Ressuscité ». Puis nous avons mangé ensemble, ce qui fut aussi l’occasion d’évoquer la figure de l’Oncle Hubert. L’aumônier de la maison nous a annoncé que les États-Unis venaient de déclarer que leur ambassade serait inaugurée le 14 mai prochain, jour des 70 ans de la fondation de l’État d’Israël… Un peu surpris par la rapidité de la décision. En décembre dernier, les échéances annoncées étaient plus lointaines. Trump affirme qu’en prenant cette décision il extrait Jérusalem de l’équation du conflit israélo-palestinien et permet d’avancer vers sa résolution : « Nous faisons en fait de gros progrès. Jérusalem, c'était ce qu'il fallait faire. On a réglé la question ». Honnêtement, sans être un grand diplomate, je ne suis pas aussi optimiste que Donald… Il est vrai que les accords d’Oslo en 1993 ne traitaient pas de la question de Jérusalem alors que c’est le point fondamental. Une fois qu’un accord sera acquis sur Jérusalem, dans quelque sens que ce soit, on pourra régler la question. Par sa déclaration unilatérale et externe, Trump court-circuite une partie du problème et la considère comme résolue. Ça ne marche pas en maths. Et la diplomatie est un art, pas une science exacte.
Par ailleurs, la date choisie pour l’inauguration est susceptible de froisser la susceptibilité palestinienne et, là non plus, je n’ai pas de diplôme en psychologie…
En partant de la maison d’Abraham, sœur Amanda m’a indiqué quelques albums photos et en fouillant bien, nous avons retrouvé une photo de l’Oncle Hubert. La voici avec deux des religieuses qui tenaient la maison à l’époque (début des années 1990).

 
Oncle Hubert à la Maison d'Abraham (début des années 90)

L’après-midi, je n’ai pas été me balader comme j’en ai l’habitude… En effet, j’avais plein de petits trucs à faire pour la paroisse et le Studium, ainsi que pour le pélé des directeurs d’établissements catholiques du Vaucluse. En travaillant dans ma chambre, j’ai entendu un grand cri provenant du salon et je me suis dit : « Il doit y avoir un match du Real de Madrid ». Le soir, après le dîner, je suis allé me balader. J’ai fait un grand tour, par la rue de Jaffa et Maḥane Yehuda. Ce qui m’a surpris, c’est qu’en Israël, le jour de repos c’est le samedi, le shabbat. Mais comme ce shabbat commence le vendredi au coucher du soleil, le vendredi soir n’est pas analogue à notre samedi soir où les gens profitent du repos dominical pour sortir au resto, en boîte, retrouver les amis au bar… Le vendredi soir, pour entrer en shabbat, les gens se retrouvent en famille. Cette soirée de détente entre amis se fait donc quand le shabbat est fini : le samedi soir !
Dimanche matin, messe à Abu Gosh. Il y avait un groupe d’Américains et le chœur était plein de prêtres (11 !). Après l’apéritif, retour à Jérusalem. Ce ne fut pas une mince affaire !
C’était les funérailles de Shmuel Auerbach, un rabbin ultra-orthodoxe, chef d’une faction qui s’oppose radicalement à la conscription des haredîm (juifs ultra-orthodoxes). Souvenez-vous d’un de mes billets de novembre dernier où j’évoquais une manifestation s’opposant à la suspension d’une loi d’exemption.
À cause de l’énorme affluence pour ces obsèques, nous avons dû contourner la ville et jouir des embouteillages pour regagner Talbiyeh où je devais déjeuner chez des amis. Encore un peu d’attente que tout le monde arrive et nous voilà attablés à presque 15 h ! ! ! J’étais affamé ! Nous avons dégusté un excellent poulet à l’arak et aux clémentines. C’était délicieux ! Je m’étais entraîné en décembre dernier et je vais en préparer un le mois prochain lorsque je recevrai les prêtres du doyenné. Mais là, il va falloir que je me surpasse.
Ce fut un bon repas entre amis avec quelques éclats de rire, échanges…
Quand je suis rentré au Collège, j’ai croisé le frère José, il m’a appris que les communautés chrétiennes du Saint-Sépulcre avaient annoncé en milieu de journée que la Basilique resterait fermée jusqu’à nouvel ordre pour protester contre un projet de loi actuellement en discussion à la Knesseth (parlement unicaméral israélien).
Depuis quelque temps la municipalité de Jérusalem entend prélever des taxes foncières sur les propriétés des communautés chrétiennes (couvents, hôtelleries, écoles…) exemptées de ces mêmes taxes du fait de l’exemption dont elles bénéficiaient à l’époque ottomane et qu’Israël a reconnu lors de sa fondation et lors de l’annexion de Jérusalem. La municipalité trouve que cette exemption est un manque à gagner qui l’empêche de financer son fonctionnement. Au début du Carême, les responsables des différentes confessions chrétiennes ont publié un communiqué pour protester. En réponse, le maire de Jérusalem a fait geler les comptes de certaines d’entre elles. Merci, monsieur le maire ! :-(
Ce week-end était discuté à la Knesseth un projet de loi « sur les propriétés des Églises » qui pourrait, s’il était adopté, permettre l’expropriation des biens des Églises. Pour protester contre ce qu’ils estiment être un projet raciste et discriminatoire (le projet vise précisément les communautés chrétiennes), les responsables du Saint-Sépulcre – le patriarche grec orthodoxe, le patriarche arménien et le custode de Terre Sainte – ont pris la décision inédite de fermer le Saint-Sépulcre. Hier, à midi, les pèlerins ont été conduits à l’extérieur de la Basilique et les portes ont été fermées. Une conférence de presse s’est tenue sur place. Aucune date n
a été annoncée pour une réouverture...
Toute l’après-midi, les pèlerins se sont “cassé les dents” sur les portes fermées. Parmi eux, Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon, en pèlerinage avec quelques membres de sa famille.
À 19 h, je l’ai retrouvé devant son hôtel à 5 minutes à pied de chez moi. Avec ses amis, nous sommes allés dîner dans un resto, près de la rue Hillel. Première surprise, due au caractère casher du restaurant, il n’y a pas de viande (בשרי) mais des laitages (
חלבי = crème, fromage, beurre…). Heureusement, nous nous rabattons sur le poisson (non considéré comme viande, on peut en manger au cours d’un repas où l’on mange des laitages). Pour comprendre pourquoi les juifs ne mélangent pas viande (בשרי) et laitage (חלבי) au cours d'un même repas : Ex 23,19; 34,26; Dt 14,21...
L’archevêque est détendu et plaisante volontiers. Ses amis ont plein de questions sur le pays, la situation, les chrétiens… Vers 10 h, je les ramène vers leur hôtel (pour aller au resto, nous avons fait un joli détour, pas déplaisant mais pas direct non plus !)
Ce lundi, étude. Je rencontre mon directeur qui m’encourage. J’ai été un peu désabusé par mon séjour ici. Au début, j’ai eu du mal à étudier dans la direction que je voulais… La semaine dernière, j’ai changé de direction pour faire quelque chose de plus concret, plus exégétique, plus à ma portée et j’ai trouvé plein de choses intéressantes sur une béatitude que j’avais, jusqu’à présent, soigneusement contournée…
Ce soir, la basilique est toujours fermée... Au début, je me demandais pourquoi fermer le Saint-Sépulcre alors que les églises (en tant que bâtiments) ne sont pas visées par le projet de loi. Mais les responsables veulent faire comprendre qu'activités des
Églises et lieux saints sont intrinsèquement liés. J'espère que ce sera rouvert la semaine prochaine... En fait, hier, le parlement a reporté la discussion du projet de loi à la semaine prochaine... Prions.
À bientôt,
Étienne+

PS : interview du custode sur le Figaro

jeudi 22 février 2018

Ma vigne à moi est devant moi (Ct 8,12)

כָּרְמִ֥י שֶׁלִּ֖י לְפָנָ֑י
karmî šellî lepānāy

Chers amis,
L’autre dimanche, après avoir posté mon message, je suis allé faire quelques emplettes. Je suis retourné au magasin de sport et de randonnée de la rue Hillel pour faire l’acquisition de la carte topographique des monts de Jérusalem. En l’étudiant attentivement, j’ai vu qu’il y avait quelques belles balades à faire. Juste à côté, j’ai visité le musée d’Art juif italien, situé dans un joli bâtiment, construit pour faire un hospice allemand destiné aux pèlerins catholiques, construit en 1886. Le lieu abrite une authentique synagogue du xviiie siècle qui a été intégralement déplacée de la ville italienne de Conegliano Veneto en 1952. La salle est assez petite mais très joliment décorée. Du fait de l’agencement des lieux, on a dû déplacer l’estrade où l’on lit la Torah. Sur trois côtés, une galerie à claustra permettait aux femmes d’assister à l’office à part des hommes. Il y a des éléments communs à la synagogue de Carpentras.
Pendant la visite, j’ai eu à la fois de la chance et de la malchance… et pour la même raison. La malchance tenait à la présence d’une horde de gamines d’une école qui visitaient. Le mot horde est à peine exagéré : ça piaillait, ça criait ! Ce qui m’a surpris c’est l’absence de réaction de la part des adultes qui encadraient. La chance est venue de leur présence : dans la synagogue, les gamines étaient à peu près sages et attentives et l’animateur a ouvert le tabernacle (mishkan) – ou arche sainte – dans lequel sont conservés les rouleaux de la Torah. Il y en avait huit, tous enveloppés dans de beaux tissus brodés, ornés de couronnes (keter), de plaques et de grenades (rimonîm) en argent. Pour les juifs, ces rouleaux donnent la parole de Dieu et on les vénère comme nous le Saint Sacrement ! C’est pour cela qu’on les orne pour qu’ils soient beaux.
En plus d’être un musée, la salle est toujours utilisée par la communauté juive d’origine italienne de Jérusalem (ils n’ont pas intérêt à être trop nombreux, sinon ils ne rentrent plus !). Ils célèbrent la liturgie juive avec les particularités des juifs romains.
Ensuite, cinq salles sont consacrées à la présentation de divers objets de la vie juive italienne : chapeaux, vêtements, mobilier de synagogue. Il y a même deux nécessaires à circoncision… Tout cela est en argent. L’un des modèles est une petite lame circulaire, qui ressemble à l’outil avec lequel on coupe une pizza en huit. L’autre a une forme suggestive… Pour voir une pince, suivez ce lien.
Pendant la visite, la horde sauvage investissait les salles en faisant une sorte de jeu de piste. C’était insupportable ! J’ai fait la visite avec les mains sur les oreilles, seul moyen de pouvoir lire les cartels sans devenir fou.
Puis je suis rentré à la maison. Le repas a été anticipé et l’apéro a été laissé de côté : nous devions aller à l’hôpital Saint-Joseph pour donner le sacrement des malades au Fr. Henri, sa nièce accompagnée de son mari devaient arriver de Nazareth.
Nous avons donc vite mangé. L’hôpital est bien aménagé, propre et bien tenu. Nous avons attendu un peu le curé, un franciscain jordanien. En attendant, j’ai piqué un roupillon. Puis nous avons pu pénétrer dans l’Unité de Soins intensifs. Fr. Henri était au lit avec des tuyaux partout, une machine pour le faire respirer, des capteurs ici et là, inanimé.
Le curé a célébré le sacrement des malades en arabe. Ce jeudi, les nouvelles sont rassurantes. Fr. Henri peut parler et s’alimenter.
Puis nous sommes rentrés au Collège. Peu après, j’ai profité d’un trajet de Fr. Rafael à Bethléem pour y aller. Il m’a laissé devant la basilique de la Nativité. J’en ai profité pour aller faire mes dévotions. Les travaux à l’intérieur ont bien avancé et on arrive à voir les mosaïques de la nef qui sont splendides. Et j’en ai remarquées deux dans le transept que je n’avais jamais vues : les Rameaux et l’incrédulité de Thomas. Il y avait du monde qui attendait pour aller à la grotte, mais j’avais du temps alors je l’ai pris. Il m’a fallu près d’une heure pour rentrer dans la grotte mais je me suis mis au fond et j’ai prié. Le lieu est certes touchant mais les gardiens font avancer les gens, les gens prennent la photo avec leur téléphone et vénèrent la crèche, avec souvent une posture un brin ridicule.
Puis je suis allé vers Beit Jala. Pour cela, il faut remonter la rue qui mène à l’Université et continuer. J’étais invité chez Denis et Dorothée pour dîner avec les volontaires français de Bethléem. Ils étaient finalement peu nombreux ; parmi eux ma cousine issue d’issus de germain, Maylis.
Lundi, mardi, travail à la bibliothèque… Quelques gens de passages chez les Frères. Mercredi, une conférence avait lieu à l’ÉBAF. C’était la première des Lagrange Lectures (il faut prononcer à l’américaine, ça fait plus hype !) de cette année. Le thème était On Love and Beauty: The Complex Relations between the Song of Songs and Biblical Narrative. (Amour et beauté : les subtiles relations entre le Cantique des Cantiques et les récits bibliques) le professeur Yair Zakovitch, de l’Université hébraïque de Jérusalem a parlé. Il est arrivé en retard car son taxi s’est perdu… Honnêtement, c’est comme si un taxi parisien n’arrivait pas à trouver Notre-Dame… Je pense surtout que le taxi a fait des manières pour ne pas avoir à entrer à Jérusalem Est, repaire, comme chacun sait, de méchants Palestiniens assoiffés de sang, prêts à égorger un Israélien. Enfin, c’était intéressant. En fait, le professeur a souligné le fait que dans le Cantique on chante la beauté et l’amour mais que partout ailleurs dans la Bible, lorsqu’on dit que quelqu’un est beau, ou que deux personnes tombent amoureuses, on se dit que quelque chose va mal tourner.
Après la conférence, j’ai rapidement salué le P. Peter Du Brul, de l’université de Bethléem, puis j’ai filé pour aller célébrer la messe. Devant le Collège, je retrouve Grégoire, un séminariste du Studium qui est volontaire ici pour deux ans. Il vient pour la messe puis nous allons dîner en ville. Une bonne soupe chez haMaraqia puis une glace sur la rue de Jaffa. Nous discutons un bon moment de son service, auprès d’enfants, de l’apprentissage de l’hébreu, de la paroisse hébréophone… En rentrant à la maison, nous croisons un groupe de pèlerins de son diocèse.
Jeudi calme, avec étude. J’ai un peu repris mon plan et travaillé le chapitre 20 de l’Apocalypse. J’ai compris quelques petites choses. Le soir, messe de la chaire de saint Pierre.
À bientôt,
Étienne+