lundi 26 février 2018

S’il ferme, nul n’ouvrira. (Ap 3,7)

καὶ κλείων καὶ οὐδεὶς ἀνοίγει
kai kleiôn kai oudeis anoigei

Chers amis,
Vendredi matin, un peu d’étude et, comme à l’accoutumée, je me suis rendu à l’Ecce Homo. Beaucoup de monde ce jour-là pour aller à la salat-ul-joumou’a ; je passe donc par la petite rue cachée qui est bien moins encombrée.
Jolie messe, simple… Ce lieu est assurément beau et priant. Même si l’événement évangélique dont on y fait mémoire ne s’est pas passé là, il y a une vraie force. L’après-midi, je retourne travailler.
Samedi matin, étude. Je suis parti un peu plus tôt que la fermeture pour aller à la maison d’Abraham. En effet, les sœurs dominicaines de la Présentation m’avaient invité à célébrer la messe à l’intention de mon grand-oncle, Hubert de Veye qui travailla pendant 30 ans à la maison d’Abraham et dont il fut même le directeur.

À la messe dans la petite chapelle, il y avait les trois sœurs colombiennes et une petite dizaine de volontaires de la maison. Ce fut simple mais j’ai cherché à montrer comment l’invitation à aimer son prochain était un itinéraire de Carême qui nous menait à la communion avec Jésus. Ce fut l’occasion aussi de mettre en valeur un trait de la vie de mon grand-oncle, résumée par ce qu’il écrivait il y a quelques années : « Ma vie est un itinéraire en dents de scie, mais elle peut être considérée comme féconde, si on ne perd pas de vue le but : la Rencontre avec le Seigneur Ressuscité ». Puis nous avons mangé ensemble, ce qui fut aussi l’occasion d’évoquer la figure de l’Oncle Hubert. L’aumônier de la maison nous a annoncé que les États-Unis venaient de déclarer que leur ambassade serait inaugurée le 14 mai prochain, jour des 70 ans de la fondation de l’État d’Israël… Un peu surpris par la rapidité de la décision. En décembre dernier, les échéances annoncées étaient plus lointaines. Trump affirme qu’en prenant cette décision il extrait Jérusalem de l’équation du conflit israélo-palestinien et permet d’avancer vers sa résolution : « Nous faisons en fait de gros progrès. Jérusalem, c'était ce qu'il fallait faire. On a réglé la question ». Honnêtement, sans être un grand diplomate, je ne suis pas aussi optimiste que Donald… Il est vrai que les accords d’Oslo en 1993 ne traitaient pas de la question de Jérusalem alors que c’est le point fondamental. Une fois qu’un accord sera acquis sur Jérusalem, dans quelque sens que ce soit, on pourra régler la question. Par sa déclaration unilatérale et externe, Trump court-circuite une partie du problème et la considère comme résolue. Ça ne marche pas en maths. Et la diplomatie est un art, pas une science exacte.
Par ailleurs, la date choisie pour l’inauguration est susceptible de froisser la susceptibilité palestinienne et, là non plus, je n’ai pas de diplôme en psychologie…
En partant de la maison d’Abraham, sœur Amanda m’a indiqué quelques albums photos et en fouillant bien, nous avons retrouvé une photo de l’Oncle Hubert. La voici avec deux des religieuses qui tenaient la maison à l’époque (début des années 1990).

 
Oncle Hubert à la Maison d'Abraham (début des années 90)

L’après-midi, je n’ai pas été me balader comme j’en ai l’habitude… En effet, j’avais plein de petits trucs à faire pour la paroisse et le Studium, ainsi que pour le pélé des directeurs d’établissements catholiques du Vaucluse. En travaillant dans ma chambre, j’ai entendu un grand cri provenant du salon et je me suis dit : « Il doit y avoir un match du Real de Madrid ». Le soir, après le dîner, je suis allé me balader. J’ai fait un grand tour, par la rue de Jaffa et Maḥane Yehuda. Ce qui m’a surpris, c’est qu’en Israël, le jour de repos c’est le samedi, le shabbat. Mais comme ce shabbat commence le vendredi au coucher du soleil, le vendredi soir n’est pas analogue à notre samedi soir où les gens profitent du repos dominical pour sortir au resto, en boîte, retrouver les amis au bar… Le vendredi soir, pour entrer en shabbat, les gens se retrouvent en famille. Cette soirée de détente entre amis se fait donc quand le shabbat est fini : le samedi soir !
Dimanche matin, messe à Abu Gosh. Il y avait un groupe d’Américains et le chœur était plein de prêtres (11 !). Après l’apéritif, retour à Jérusalem. Ce ne fut pas une mince affaire !
C’était les funérailles de Shmuel Auerbach, un rabbin ultra-orthodoxe, chef d’une faction qui s’oppose radicalement à la conscription des haredîm (juifs ultra-orthodoxes). Souvenez-vous d’un de mes billets de novembre dernier où j’évoquais une manifestation s’opposant à la suspension d’une loi d’exemption.
À cause de l’énorme affluence pour ces obsèques, nous avons dû contourner la ville et jouir des embouteillages pour regagner Talbiyeh où je devais déjeuner chez des amis. Encore un peu d’attente que tout le monde arrive et nous voilà attablés à presque 15 h ! ! ! J’étais affamé ! Nous avons dégusté un excellent poulet à l’arak et aux clémentines. C’était délicieux ! Je m’étais entraîné en décembre dernier et je vais en préparer un le mois prochain lorsque je recevrai les prêtres du doyenné. Mais là, il va falloir que je me surpasse.
Ce fut un bon repas entre amis avec quelques éclats de rire, échanges…
Quand je suis rentré au Collège, j’ai croisé le frère José, il m’a appris que les communautés chrétiennes du Saint-Sépulcre avaient annoncé en milieu de journée que la Basilique resterait fermée jusqu’à nouvel ordre pour protester contre un projet de loi actuellement en discussion à la Knesseth (parlement unicaméral israélien).
Depuis quelque temps la municipalité de Jérusalem entend prélever des taxes foncières sur les propriétés des communautés chrétiennes (couvents, hôtelleries, écoles…) exemptées de ces mêmes taxes du fait de l’exemption dont elles bénéficiaient à l’époque ottomane et qu’Israël a reconnu lors de sa fondation et lors de l’annexion de Jérusalem. La municipalité trouve que cette exemption est un manque à gagner qui l’empêche de financer son fonctionnement. Au début du Carême, les responsables des différentes confessions chrétiennes ont publié un communiqué pour protester. En réponse, le maire de Jérusalem a fait geler les comptes de certaines d’entre elles. Merci, monsieur le maire ! :-(
Ce week-end était discuté à la Knesseth un projet de loi « sur les propriétés des Églises » qui pourrait, s’il était adopté, permettre l’expropriation des biens des Églises. Pour protester contre ce qu’ils estiment être un projet raciste et discriminatoire (le projet vise précisément les communautés chrétiennes), les responsables du Saint-Sépulcre – le patriarche grec orthodoxe, le patriarche arménien et le custode de Terre Sainte – ont pris la décision inédite de fermer le Saint-Sépulcre. Hier, à midi, les pèlerins ont été conduits à l’extérieur de la Basilique et les portes ont été fermées. Une conférence de presse s’est tenue sur place. Aucune date n
a été annoncée pour une réouverture...
Toute l’après-midi, les pèlerins se sont “cassé les dents” sur les portes fermées. Parmi eux, Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon, en pèlerinage avec quelques membres de sa famille.
À 19 h, je l’ai retrouvé devant son hôtel à 5 minutes à pied de chez moi. Avec ses amis, nous sommes allés dîner dans un resto, près de la rue Hillel. Première surprise, due au caractère casher du restaurant, il n’y a pas de viande (בשרי) mais des laitages (
חלבי = crème, fromage, beurre…). Heureusement, nous nous rabattons sur le poisson (non considéré comme viande, on peut en manger au cours d’un repas où l’on mange des laitages). Pour comprendre pourquoi les juifs ne mélangent pas viande (בשרי) et laitage (חלבי) au cours d'un même repas : Ex 23,19; 34,26; Dt 14,21...
L’archevêque est détendu et plaisante volontiers. Ses amis ont plein de questions sur le pays, la situation, les chrétiens… Vers 10 h, je les ramène vers leur hôtel (pour aller au resto, nous avons fait un joli détour, pas déplaisant mais pas direct non plus !)
Ce lundi, étude. Je rencontre mon directeur qui m’encourage. J’ai été un peu désabusé par mon séjour ici. Au début, j’ai eu du mal à étudier dans la direction que je voulais… La semaine dernière, j’ai changé de direction pour faire quelque chose de plus concret, plus exégétique, plus à ma portée et j’ai trouvé plein de choses intéressantes sur une béatitude que j’avais, jusqu’à présent, soigneusement contournée…
Ce soir, la basilique est toujours fermée... Au début, je me demandais pourquoi fermer le Saint-Sépulcre alors que les églises (en tant que bâtiments) ne sont pas visées par le projet de loi. Mais les responsables veulent faire comprendre qu'activités des
Églises et lieux saints sont intrinsèquement liés. J'espère que ce sera rouvert la semaine prochaine... En fait, hier, le parlement a reporté la discussion du projet de loi à la semaine prochaine... Prions.
À bientôt,
Étienne+

PS : interview du custode sur le Figaro

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