dimanche 30 avril 2017

Et son tombeau est encore parmi nous… (Ac 2,29)

καὶ τὸ μνῆμα αὐτοῦ ἔστιν ἐν ἡμῖν
kai to mnèma autou estin en hèmin

Chers amis,
Vendredi, journée studieuse à la bibliothèque. En fin d’après-midi, les quatre fantastiques se sont retrouvés au café Yerevan (à deux pas du Collège : je sors, et vais au bout de la rue de la Porte Neuve, c’est au croisement.) Échange de nouvelles ; je remets à Marius le bouquin qu’il avait commandé et fait envoyer à mon adresse. Le bouquin m’a donné quelques sueurs froides à l’embarquement, pendant les contrôles de sécurité. La jeune femme m’avait demandé si un paquet m’avait été confié par un tiers, même pour moi, et j’ai répondu « Non » avec la plus grande franchise, oubliant totalement la présence du paquet dans ma valise. Lors de la fouille de la valise, elle me demande :    
– « Quel est ce paquet ?…        
– Oh, ça, c’est pour moi, je l’ai laissé dans son carton pour ne pas l’abîmer.     
– Qu’est-ce que c’est ?    
– Un livre. »
Heureusement, elle n’a pas ouvert le paquet mais elle l’a emporté dans la petite pièce à côté où elle a dû le scanner. À l’intérieur, il y avait une méthode d’arabe classique par un prof de l’Inalco. Le genre de truc qui stresse le personnel de sécurité.      
Du coup, je suis arrivé en retard au repas avec les Frères. 
Samedi matin, bibliothèque. J’étudie particulièrement la troisième béatitude : « Voici que je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et garde ses vêtements afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voit pas sa honte ! » (Ap 16,15).       
À midi, lors du repas avec les Frères, j’avise une pomme dans le panier à fruits. Elle porte une étiquette, indiquant l’origine du fruit. Je lis : « עדן גן טעם בראשית »
בראשית : berē’šîṯ ça veut dire « Au commencement », c’est le titre hébreu de la Genèse.
Le reste, ça signifie : « Le goût du jardin d’Éden ». Quand on sait ce que le goût du jardin d’Éden a provoqué dans l’histoire de l’humanité, on se dit que le choix du nom pour la pomme est pour le moins hasardeux… Mais en Israël, les allusions bibliques sont assez fréquentes et montrent qu’elles font complètement partie de la culture. Souvent, les allusions sont difficiles à discerner pour nous car on ne fait pas référence de la même manière à la Bible. Je me souviens en 2007, en visitant le Yad Vashem, je cherchais sur un ordinateur, dans la base de données des juifs victimes de la Shoah, le nom d’Edith Stein. Je n’avais pas pris le temps de m’asseoir sur le siège et le type à l’entrée m’a comparé aux soldats de Gédéon… (Jg 7,5-7)





Dans l’après-midi, une grosse balade comme j’en ai pris l’habitude ici. J’ai utilisé la montre GPS offerte par mes frère et sœurs à Pâques. Elle m’a dit que j’ai parcouru 16 km en 2 h 30. Rue de Jaffa, Giv’at Ram, Musée d’Israël, monastère de la Croix, Giv’at Mordekhai, Vallée des Gazelles, ancienne voie de chemin de fer, Ancienne gare, consulat de France… Bien cané à la fin.







Le soir, je ne me suis pas attardé à bouquiner dans le lit. En janvier dernier, je vous avais montré la splendide couverture “peau de tigre”. Là, j’en ai une avec un lion dans la savane. Très jolie…
Ce matin, messe de première communion à Saint-Sauveur. À recevoir Jésus pour la première fois, pas moins de 92 enfants de 8 ou 9 ans provenant de diverses écoles chrétiennes de Jérusalem (Collège des Frères, Sœurs du Rosaire, Collège Terra Sancta...) et de la paroisse latine (plus quelques orthodoxes ouverts qui veulent avoir une célébration festive autour de leur enfant qui reçoit déjà l’eucharistie depuis le jour de son baptême). L’église Saint-Sauveur était comble et en entrant en procession, il y avait une forêt de portables qui filmaient et photographiaient. Les mamans avaient fait assaut d’élégance (beaucoup de brillants sur les chemisiers et de laque dans les cheveux). Et la quantité de maquillage utilisée a permis de renflouer les caisses de l’Oréal®.
Sinon, la messe fut assez recueillie, compte tenu de l’affluence et du manque chronique de calme de ces assemblées. La lecture de l’Évangile ma donné lidée daller me balader du côté du Cénacle laprès-midi. Cest là où saint Pierre a fait le discours que nous avons entendu en première lecture et que, par conséquent, on vénère aussi le tombeau du roi David (qui na jamais dû se trouver là mais qui donne son titre à cette chronique).
Méga sieste et balade dans l’après-midi, en passant par le Cénacle, jusqu’au Mont du mauvais conseil (où siège l’ONU…). J’ai vu un très grand nombre de soldats dans les rues, aux carrefours et même sur la promenade Sherover. J’ai fait  8 km.
Ce soir, à 20 heures précises, c’était le souvenir des soldats israéliens morts pendant les guerres. La sirène a résonné pendant deux minutes et comme pour Yom haShoah (le 27 nissan, soit dimanche dernier) les gens s’arrêtent de marcher, sortent des voitures et font silence.
Demain, c’est le premier mai. C’est férié mais pas pour la même raison qu’en France. En effet, bien que pays fondé (au départ au moins) sur des principes socialistes (le parti travailliste a très longtemps mené la politique d’Israël : Ben Gurion, Golda Meir, Yitzhak Rabin, Shimon Peres, Moshe Dayan), Israël ne célèbre pas le premier mai.
Mais demain, c’est Yom haʿAtzmaout (le jour de l’Indépendance). Du coup, les rues sont pavoisées, les bâtiments officiels sont recouverts de drapeaux et les gens en fixent même aux fenêtres des voitures. On a de la peine à imaginer cela en France. Cette fête varie dans notre calendrier grégorien car les Israéliens ont fixé leur indépendance au 5 Iyar dans le calendrier hébraïque. Ce jour peut tomber entre mi-avril et mi-mai. En 1948, la création de l’État d’Israël a été proclamée le 14 mai.
Pour les Français de Jérusalem, cela fait donc un gros week end de trois jours et ils sont tous partis camper dans le Néguev.
Moi, je vais pas tarder à aller roupiller.
À bientôt,
Étienne+

jeudi 27 avril 2017

Si je t’oublie, Jérusalem… (Ps 137,5)

אם־אשכחך ירושלם
ˀim-ˀeškaḥeḵ yerûšālāim

Chers amis, 
Eh oui, on revient toujours à Jérusalem. Ce séjour n’était pas prévu lorsque je suis rentré en Provence à la fin du mois de janvier et les choses se sont débloquées début mars. Cinq semaines se sont relativement libérées après Pâques, j’ai pu organiser mon absence et me revoilà. Vous pensez bien que le but de mon séjour est avant tout studieux.
Après les célébrations pascales, j’ai passé cinq jours à Lourdes avec les jeunes du diocèse d’Avignon qui préparent leur profession de foi. Cinq jours géniaux, bien remplis mais crevants. Vous me direz, avec ce qu'on nous fait faire, ça n'est pas étonnant :
Le retour à Saint-Didier n’a pas été de tout repos : rencontre des fiancés de la paroisse, baptême en urgence d’un tout petit qui se prépare à subir une opération à cœur ouvert. Prise de contact avec des fiancés qui se marient l’année prochaine. Le lendemain, ils sont venus à la messe à Venasque ! Trop bien !
Le soir, j’avais invité les paroissiens à voir le film de Pasolini, L’Évangile selon saint Matthieu. J’adore ce film ! je ne peux pas le voir sans être bouleversé par les regards, la mise en scène, la fidélité au texte, la musique, la présence de Marie… J’ai toujours les larmes aux yeux.
Dimanche de la Miséricorde, j’étais parmi les premiers à voter à Saint-Didier. Deux messes à célébrer, une valise à faire avant d’aller déjeuner chez Odile et Kurt, au-dessus de Saint-Gens. Le repas fut sympathique en profitant de la vue dégagée qu’on a de là-haut. Petit tour dans la colline avant de redescendre à la maison pour laisser la voiture à Sainte-Garde, boucler la valise, dire coucou au bureau de vote (je voulais voir le taux de participation, à 17h, il y avait plus de 76 % !). Puis Odile est passée me conduire à l’Isle-sur-la-Sorgue où j’ai pris le train vers la gare VAMP (Vitrolles-Aéroport Marseille Provence). Je rejoins à pied l’hôtel F1 où j’avais réservé une chambre. C’est donc là que j’ai appris les résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Pour la miséricorde, on repassera ! Depuis, il circule une photo du Dr Freud, dubitatif du choix qu'il a à faire entre la candidate qui a tué le père et le candidat qui a épousé sa mère. C'est un deuxième tour très œdipien. Dodo tôt, car la nuit serait courte.
Lever 5h30, douche rapide, rangement et me voilà parti (à nouveau à pied) vers l’aéroport.
Cette fois-ci, j’avais opté pour un vol direct Marseille-Tel Aviv et je volais donc sur ElAl, la compagnie nationale israélienne. J’ai eu droit à trois interrogateurs, deux jeunes femmes et un bonhomme. Il avait l’air aussi affectueux que Wladimir Poutine. La deuxième jeune femme a été coriace : je lui ai presque raconté ma vie. Je lui ai montré ma carte de bibliothèque me donnant accès aux collections de l’ÉBAF, elle m’a demandé ce que je faisais chaque jour dans ma paroisse (« Je prie, je rencontre des gens, je donne des cours »), si j’avais un “jour off”, je lui ai même montré mon celebret (document signé par le supérieur d’un prêtre – évêque ou supérieur religieux – attestant que le porteur est bien un prêtre et qu’il n’est pas canoniquement empêché de célébrer les sacrements, lequel est rédigé en latin, langue que la jeune femme ne parle pas et que je maîtrise avec une aisance toute relative… En plus sur la photo, j’ai une belle tête de taliban de retour de Syrie). Puis il y a eu les questions habituelles sur les circonstances du bouclage de ma valise avant de passer à la fouille des bagages.
Enfin ! Après presque une heure de mijotage, elle m’a lâché les basques. J’ai pu m’enregistrer mais il y avait une panne informatique, on a poireauté un petit moment de plus.
Finalement, l’avion est parti avec près de trois quarts d’heure de retard… Je me suis retrouvé à côté d’un couple de retraités qui allaient visiter leur fille, moniale en Terre Sainte. Le trajet fut donc sympa. Heureusement, car la programmation télévisuelle de l’avion n’était pas folichonne. « Pour notre agrément », ElAl avait sélectionné un documentaire en hébreu au thème indéterminé : l’armement ? la cuisine orientale ? la Shoah ? la dilatation thermique ? J’hésite encore. Puis il y a eu un film bien américain qui se passe en Allemagne pendant les années 30 et 40. (Non, ça n’était pas aussi drôle que la Grande Vadrouille). Puis sur les 11h15, on nous a servi… le petit déjeuner ! Oui, le petit déjeuner à 11h15 (il était 12h15 en Israël).
Nous avons survolé le cap Corse, l’île du Giglio (celle du Costa Concordia), le golfe de Tarente (la plante des pieds de la botte italienne), Lecce (le talon), puis Ithaque et Céphalonie, le golfe de Corinthe et le Péloponnèse. Et enfin la haute mer…
Arrivée à Tel Aviv avec un peu de retard, je passe les contrôles frontaliers, je récupère ma valoche et retrouve Michelle qui a eu l’extrême gentillesse de venir me chercher à l’aéroport. J’économise le sherout, je gagne du temps et en plus, la compagnie est agréable.
Arrivée sans encombre en fin d’après-midi au Collège. Je m’installe, je me repose et célèbre la messe en fin d’après-midi.
Mardi matin, je vais à l’ÉBAF dans la matinée. Je traverse la cour du Collège (c’est la rentrée des classes après une douzaine de jours de vacances de Pâques). À l’ÉBAF, ma matinée fut surtout consacrée à l’installation de mon poste de travail. Je ne suis plus à la table 704 que j’ai occupée en 2007, l’année dernière et lors de mes deux précédents séjours… mais à la table 702 (ça va, je perds pas trop mes repères). Puis j’ai reconstitué mon stock de livres (commentaires de l’Apocalypse, études et monographies…)
L’après-midi, sieste monumentale puis balade dans les rues de la Vieille Ville. Je suis sorti avec un pull léger et franchement, c’est pas du luxe ! Je passe au Saint-Sépulcre, ce qui me permet de voir l’édicule restauré. C’est vrai qu’il est beau, tout rose et lisse, sans ses immondes poutres métalliques, sans les couches de suie grasse et noire, sans les fissures et les failles qui faisaient craindre pour sa stabilité : bien ressuscité l’édicule !
Je suis passé au Mur occidental pour confier certaines intentions qui m’avaient été données par quelques paroissiens. En soirée, après la messe, je retrouve Marie des Neiges, rentrée le jour même de quinze jours à Paris auprès de sa famille. On peine à trouver un boui-boui ouvert : le grec est fermé (on a même eu de la peine à le retrouver), Samara est fermé lui aussi, et finalement on trouve chez Versavee, dans la ruelle du New Imperial Hôtel, où j’avais logé en 1995 avec la Route des Jeunes de NDV… Souvenirs…
Nouvelles échangées après presque trois mois sans se parler. Nous ne nous éternisons pas : d’abord, nous sommes crevés tous les deux et surtout le serveur nous fait comprendre qu’il faut qu’on paye car il s’apprête à fermer (il est 20h55 !).
Mercredi et jeudi, travail à la bibliothèque. Je retrouve le rythme (et surtout la joie) du travail. À midi, en sortant, il fait plutôt chaud, mais c’est normal, aujourd’hui, c’est khamsin.
Aujourd’hui, grève générale en Palestine. Le Collège n’est pas officiellement en grève mais les parents n’envoient pas leurs enfants (subtilité sémantique pour éviter que le ministère israélien de l’éducation ne leur cherche des poux). Ce soir, en rentrant au Collège, je vois une grande affluence dans la cour. Un prêtre copte orthodoxe est de passage, il est connu dans le monde arabe pour ses prédications simples et accessibles, et surtout ses miracles et ses exorcismes…
Je ne sais pas s’il s’est passé quelque chose.
À l’ÉBAF, il y avait une conférence sur la réception de la Poétique d’Aristote dans la tradition juive. Je dois avouer que je n’ai pas eu le courage, il fallait que je prie.
À bientôt,
Étienne+