mercredi 3 octobre 2007

Ce n'est qu'un au-revoir

Cher tous,
Voici près de deux mois que je suis rentré de ce fabuleux séjour en Terre Sainte. Ce message, sans être nécessairement le dernier, voudrait être comme la conclusion de ces six mois denses, forts, riches de découvertes, que je commence seulement à “digérer”…
Le mois d’août a débuté dans la gare centrale de Jérusalem… drôle d’endroit pour renouveler sa promesse scoute. Je suis parti à 7 heures du matin en bus, direction Eilat. Arrivée à 11h, puis bus jusqu’à la frontière égyptienne. Le poste de frontière s’appelle Taba, ce qui occasionne quelque calembour lors du passage à Taba… Je craignais un peu le passage puisque j’avais un Laguiole dans mon sac. Justement, le douanier me demande : « Vous avez un couteau dans votre sac ? » Juste au moment où j’allais répondre, son collègue trouve dans mon grand sac à dos quelques livres…
– What is it ?
– A prayer book. (C’était mon missel)
– What is it ?

– The Bible.
– What is it ?

– A prayer book. (C’était mon bréviaire)
En plus, il a trouvé une liasse de dépliants touristiques des parcs naturels israéliens. Du coup, la question sur le couteau était oubliée… Ouf !
Là, j’ai pris un taxi vers le monastère Ste-Catherine. Ça faisait bien quinze ans que je voulais y aller. En fait, au 19°, un érudit allemand a trouvé, dans ce monastère grec orthodoxe, un des plus vieux manuscrits du Nouveau Testament, daté du 4° siècle : le manuscrit Sinaïticus.
Et puis, c’est le lieu où la tradition chrétienne situe la rencontre de Moïse avec le Buisson Ardent et la remise des tables de la loi après la traversée de la Mer des Roseaux.
J’ai attendu un bon moment que le groupe de la JF de Bitche arrive. Joie de retrouver certaines têtes connues et d’en découvrir d’autres… Je retrouve surtout Blandine, ma sœurette. Nous ne nous sommes pas couchés trop tard car nous devions nous lever tôt… En effet, à deux heures, nous étions debout et une demi-heure plus tard, en route. Il y avait un jeune bédouin qui nous guidait mais nous l’avons vite perdu au milieu de la foule et des chameaux : « Camel Ride ! Camel Ride ! Good price ! » En effet, la montée manque singulièrement de poésie… On voudrait imaginer Moïse, montant au sommet de la montagne coiffée par la nuée mais les circonstances n’apportent aucune aide.
Heureusement, la dernière demi-heure de montée n’est pas adaptée pour les chameaux. On pourrait penser que nous allons alors être tranquilles mais, au sommet, ce ne sont plus des chameaux que l’on nous propose mais… « Blanket, mattress, good price for you ! »
Avec Blandine, nous avons marché bon pas, régulièrement et nous sommes arrivés assez vite, vers quatre heures du matin. Encore pas mal de temps à attendre avant de voir l’astre du jour se lever. Prière, échange et…

À l’heure dite, une pâle tache rouge s’est montrée derrière les montagnes au loin… Quelle beauté… Nous avons célébré les Laudes mais comme une personne de notre groupe était restée en bas, nous avons dit la messe à l’hôtellerie du monastère. La descente m’a paru plus longue que l’aller. Visite rapide du monastère : l’église, le buisson ardent… J’ai regretté de ne pas avoir le temps de contempler les quelques manuscrits de la bibliothèque visibles par le public.

Nous avons bien roulé vers la frontière mais auparavant, nous avons mangé dans un de ces hôtels de luxe qui bordent le rivage de la Mer Rouge. Évidemment, nous nous sommes baignés.

En passant la frontière, nous avons retrouvé Nadine, notre guide. Ensuite, notre pèlerinage a été assez semblable au précédent. Ce fut tout aussi sympa.
Nous avons visité le sanctuaire du livre qui expose à Jérusalem quelques uns des manuscrits de la Mer Morte. En dessous, une exposition autour du Codex d'Alep, un manuscrit hébraïque du 10° siècle. Pour un étudiant en Bible, cela fait partie des manuscrits mythiques. J'ai, malgré l'interdiction, pu prendre une photo... La voici.
Le dernier jour, nous avons visité Césarée maritime et j’ai présidé la messe dans les ruines de la cathédrale Saint-Paul construite par saint Louis. Ensuite, nous avons filé vers l’aéroport. Là, nous avons dit au revoir à Nadine, notre guide et à Nabil, notre chauffeur. Le groupe avait son avion à 16h00, nous sommes donc arrivés à l’aéroport à 13h00… Mon avion était à 1h00 du matin… J’ai donc attendu avec mon sac jusqu’à ce que l’enregistrement commence… J’ai été l’objet d’une particulière attention de la part des services de sécurité. Ils avaient collé sur mon passeport des autocollants couverts de signes cabalistiques. Dès que je montrais mon passeport, je voyais leur visage se décomposer et le ballet des questions reprenait… Finalement, je suis passé.
Le voyage en avion eût été tranquille sans la présence à mes côtés de Binyamîn, un garçon israélien d’origine française. On a pas mal discuté, j’ai été soufflé par sa connaissance de la Torah, si tous nos enfants du catéchisme connaissaient leur évangile à ce point… Il était pourtant un brin capricieux et n’a pas cessé de faire tourner en bourrique les hôtesses de l’air, qui m’ont demandé (en hébreu) si c’était mon frère… Glups !
Enfin, me voilà à Paris. Retour en France.
Après un bon mois à Notre-Dame de Vie, me voici à Rome depuis une semaine. Maintenant, il faut se remettre au travail et retrouver la vie romaine pour un dernier semestre d’études.
Je commence à percevoir les enseignements de ce long séjour en Terre Sainte, tant du point de vue académique que spirituel. L’École Biblique est un lieu fascinant pour étudier ; le séjour à Jérusalem permet de vivre et prier sur les lieux saints mais aussi de rencontrer les chrétiens qui habitent sur ces lieux, avec les difficultés qu’ils ressentent sur cette terre déchirée, ce pays « qui dévore ses habitants ». Au bout de six mois, on n’éprouve qu’une envie y retourner. J’espère que j’en aurais la possibilité. Je prie pour vous, priez pour moi.
À bientôt,
Étienne+

vendredi 27 juillet 2007

Mois de Juillet bien rempli

Cher tous,
Cela fait près de trois semaines que je n’ai pas posté de message sur mon blog, les causes en sont diverses. La principale étant le pèlerinage effectué avec les jeunes de Notre-Dame de Vie du 6 au 20 juillet. Ce furent deux semaines bien remplies… Mais j’y reviendrai.
Le lundi 2 juillet, encore deux concerts… Cette fois-ci, ils avaient lieu à l’hôpital allemand Auguste-Victoria qui s’élève sur le Mont des Oliviers. C’est un bâtiment imposant (allemand) de style néo-roman construit par l’empereur Guillaume II qui lui a donné le nom de sa femme. La chapelle est luthérienne et dédiée au mystère de l’Ascension. Elle est décorée de mosaïques pseudo byzantines mais caractéristiques puisque les saints n’y portent pas d’auréole… Nous y sommes montés en voiture diplomatique avec Jacqueline, la femme de l’ambassadeur d’Autriche en Israël, qui est française et donne un coup de main à la bibliothèque de l’École biblique.
Le concert s’intitulait Baroque’n roll et consistait essentiellement en œuvres de Vivaldi. Je craignais le côté baroque relooké rock mais en fait, c’était baroque 100% pour bien montrer que pour être rock, le baroque n’a pas besoin de batterie ou de sons électroniques. Le quatuor de jeunes suisses de la veille est revenu accompagner le flûtiste de la messe de l’hospice autrichien. Sympa et tonique.
À la fin, les musiciens ont accueilli dans leurs rangs six ou sept jeunes palestiniens du conservatoire de Ramallah pour interpréter un concerto de Vivaldi. Vous auriez dû voir la tête épatée de ces jeunes dont c’était le premier concert public… Honnêtement, ils ne se débrouillaient pas trop mal…
Le concert suivant reprenait des morceaux du brunch musical de la veille. C’était toujours à l’hôpital allemand mais dans le petit amphithéâtre qui domine la Cisjordanie, belle vue sur ce monde sur lequel la nuit tombe…
Le mardi, encore un concert… Au patriarcat arménien, cette fois-ci, dans le grand salon de réception. Les murs sont décorés de portraits de différents patriarches mais aussi de celui de François-Joseph et de Sissi, qui ont, à l’époque, aidé le patriarcat. Le patriarche assistait au concert. J’ai perdu le programme mais je me souviens que c’était très beau. Les quatre jeunes suisses sont revenus avec un nouveau programme mais cette fois-ci, ils étaient en frac… Il y a eu aussi un quatuor pour cordes et clarinette de Brahms, un peu trop romantique à mon goût. Mais le dernier morceau dont j’ai oublié le compositeur était très émouvant.
Cela devait être le dernier concert pour moi, je n’avais pas réservé pour le concert du vendredi puisque c’était le jour où arrivait le groupe NDV. Mais je venais de réaliser que le groupe n’arrivant que l’après-midi, j’aurais le temps d’y assister. Coup de pot, le jeudi, Agnès reçoit un coup de fil de Jacqueline lui proposant deux places pour le concert Sunrise Temptation du lendemain matin, elle avait invité deux amies israéliennes qui ont réalisé que le concert ayant lieu à Jéricho, elles ne pouvaient s’y rendre.
Donc à 5h00 de l’après-midi, je confirme les deux places pour Jéricho le lendemain matin. Je fais signe à Jaime qui loge avec moi chez les Frères. Coup de chance, c’est son anniversaire !!! Il apprécie le cadeau…
Vendredi, lever à 3h30 du matin, rendez-vous à 4h00 pour prendre le taxi collectif à la Porte de Damas. Dans le bus, un juif me branche sur Jésus et l’histoire du gars “qui descendait de Jérusalem à Jéricho”. Peu avant 5h00, nous voilà à la station du téléphérique de Jéricho. Ce téléphérique est inscrit au Livre Guinness des Records : le plus long téléphérique sous le niveau de la mer ! Il donne accès au monastère orthodoxe de la Tentation, accroché à la falaise qui domine Jéricho à l’ouest. À côté de la station de téléphérique, une terrasse garnie de chaises. C’est là, qu’un petit groupe de privilégiés s’est laissé tenter par le lever du soleil. À cinq heures et quart, alors que les monts de Moab en Jordanie se dessinent de plus en plus nettement, le concert commence : quatuor pour cordes et flûte de Mozart. Puis une sonatine pour flûte et clarinette (toujours le même, notre copain). Et là, le soleil tout à coup a jailli… Ça faisait un peu Out of Africa. Mais c’était splendide.
Après le concert, le petit déjeuner a été servi dans le restau du téléphérique. Copieux et délicieux. Avec Agnès, Matteo et Jaime, on s'est rendu compte que nous avions tous les quatre une montre de gousset ! Disposant encore d’un peu de temps, on a voulu aller frapper au monastère mais on a trouvé porte close… on est redescendu. Et dans le bus, j’ai parlé avec une fille volontaire à l’hôpital français. Hasard, son cousin est prêtre de Notre-Dame de Vie et j’étais en classe à Saint-François-Régis avec un autre de ses cousins. Je parle aussi avec une juive canadienne terrorisée d’être allée à Jéricho et surtout d’y avoir laissé son copain, sans passeport au milieu de ces sauvages Palestiniens prêts, sans doute, à l’égorger. J’ai réalisé à ce moment à quel point les Juifs sont terrorisés par les Palestiniens. Je me suis toujours senti en sécurité dans les Territoires, plus même qu’à Jérusalem Ouest.
Retour chez les Frères, bouclage de mon sac, douche et je pars attendre mon Sherout pour rejoindre le groupe NDV à l’aéroport. Ambiance hyper occidentalisée… Les gens accueillent leurs amis avec des fleurs et des ballons Bob l’Éponge…
Le groupe NDV arrive. J’ai été inquiet un petit moment car il tardait. À cause de Maguelone, ou plutôt d’ElAl qui avait égaré son sac…
Ce furent donc deux semaines, bien remplies de soleil, de prière, de marche (sous le cagnard de préférence), de chants et de bonnes tranches de rire.
Quatre jours dans le désert : Avdat, le Maktesh Ramon, Eilat, Ein Gedi, Massada, Qumrân. Puis la Galilée : Nazareth, le Carmel, le lac de Tibériade et tous ses sanctuaires, le nord de la Galilée, le Thabor. Puis retour en Judée, Jéricho, le Wadi Qelt, Jérusalem, Bethléem, célébration du mystère pascal à Jérusalem, Abu Gosh, Césarée Maritime (baignade gâchée par la présence de méduses) et retour à l’aéroport…
J’avais demandé à notre chauffeur s’il rentrait à Jérusalem avec son bus, non mais il a demandé à un autre chauffeur de la même compagnie qui m’a ramené Porte de Jaffa, pour rien (Il a refusé le billet que je voulais lui donner). C’était impressionnant d’arriver de si bon matin seul dans un bus dans Jérusalem. N’ayant nulle part où aller, je suis allé prier au Saint-Sépulcre, crasseux et puant de la crasse de la veille… Je suis passé à l’hôtel Knight’s Palace où nous logions pour récupérer mon sac et me voilà parti à l’assaut du Mont des Oliviers pour arriver suant chez les Bénédictines.
J’y loge depuis une semaine, je profite du calme pour faire une petite retraite. Ce qui ne m’a pas empêché d’aller manger au resto pour l’anniversaire de Marie-Claire, volontaire à St-Pierre-en-Gallicante.
Aujourd’hui, fête de sainte Anne et saint Joachim, les Bénédictines étaient en effervescence. Un groupe d’amis du monastère venus de France terminait son pélé en Terre Sainte par une messe solennelle, en présence du Consul général de France à Jérusalem. Les moines et moniales d’Abu Gosh étaient présents, ainsi que les Bénédictines de Bethléem (de rite melkite). Un quart du groupe de pèlerins français est sourd, il y avait donc une traductrice en langue des signes, intéressant de voir combien ce langage à part entière est expressif. À l’issue de la messe, le Consul général a parlé de son travail de Consul et de la situation politique du pays. Passionnant. Puis repas que j’ai pris avec les Franciscaines Missionnaires de Marie qui sont nos voisines d’en face à l’École Biblique. Dans l’après-midi, un des Pères Blancs de Sainte-Anne, responsable des relations œcuméniques pour le patriarcat latin, a parlé de la situation des chrétiens en Terre Sainte et de l’œcuménisme. Intéressant même si la fatigue se faisait sentir pour une bonne part du groupe.
Vêpres, repas et enfin Complies et Vigiles sur la terrasse des Sœurs face à Jérusalem, illuminée par le soleil couchant. * * *
À bientôt,
Étienne+

lundi 2 juillet 2007

Sounding Jerusalem

Cher tous,
La musique continue… Jeudi après une journée calme, j’avais rendez-vous avec quelques-uns pour aller au concert Re-discovering Treasures. Le programme indiquait que le concert avait lieu au Music Center. Nous avions repéré sur un plan de Jérusalem que cela se passait dans la vallée de la Géhenne… Arrivés là-bas, personne et surtout personne n’était au courant d’un concert… Finalement un type nous indique qu’il y a un autre Music Center près du moulin Montefiore, une petite bavante… et on arrive au pied du moulin. On demande le dit centre musical et personne ne savait… À un moment, on était à 50 mètres du centre et les habitants ignoraient : « Lo’ Yodea‛, lo’ yodea‛, ils n’ont que ce mot-là à la bouche » aurait pu dire le capitaine Haddock. Finalement on a fini par trouver mais le centre était fermé… et pour cause, il était 18h00 et le concert n’était qu’à 20h00. Du coup, on est rentré chacun chez soi en traversant ce joli quartier construit au début du 20° siècle grâce aux deniers de la famille Rotschild : petites maisons en pierre à un étage, plongées dans la verdure… C’est très cosy.
À 20h00, retour au Music Center. La salle est hyper professionnelle et l’œil aiguisé d’Agnès y retrouve le modulor du Corbusier. Nous avons entendu deux trios pour piano, violoncelle et clarinette composés par deux élèves de Brahms : Frühling et Zemlinsky. Le premier avait déjà été interprété l’autre samedi à l’Hospice autrichien. Le second était sympa surtout le dernier mouvement, espiègle et léger. Au milieu, deux duos pour flûte. Le flûtiste avait une tête de bandit sicilien mais jouait assez bien mais les morceaux s’appelaient Façades et Chaotic Harmony. Le nom suffit à vous faire comprendre que ça restait dans le genre intello-conceptuel a-mélodique….
Comme nous étions à l’ouest de Jérusalem, le public était complètement différent de ce que l’on voit d’habitude. Surtout des juifs. Je ne les ai pas trouvés très polis… Malgré les avertissements au début, trois portables ont sonné, certains parlaient à voix basse, une dame à gros talons est sortie sans se soucier de discrétion au milieu d’un mouvement… Des sauvages. C’est le problème des concerts gratuits, les gens n’essayent pas d’en avoir pour leur argent puisque de toute façon leur portefeuille restera indemne. Du coup, l’ambiance était assez dure…
Enfin…
Vendredi messe au St Sépulcre. J’avais fait signe aux Petites Sœurs de Jésus et elles m’ont invité à partager le petit déjeuner. Elles hébergent chez elles les trois Petites Sœurs de Gaza qui étaient à Jérusalem pour une rencontre régionale avec les conseillères de la communauté venues de Rome quand les troubles ont repris. Depuis près de trois semaines, elles attendent de pouvoir rentrer chez elle. On a longuement parlé de la situation humaine, sanitaire, sociale, culturelle, écologique… C’est dramatique. La plupart des gens sont au chômage et lorsqu’ils ont du travail, ils ne sont pas payés. L’eau qui déjà n’est pas potable est souvent coupée, parfois pendant plusieurs jours. Leur maison est intacte selon leurs voisins qu’elles ont pu contacter, mais on a rapporté la mise à sac d’un couvent ailleurs dans la bande de Gaza. Les Petites Sœurs étaient dans l’attente d’un papier officiel leur permettant de rentrer dans la bande de Gaza, tout en étant sûres qu’au check point on les laisse passer : il n’y a pas de transport en commun jusque là-bas et les taxis vous rançonnent.
Dans la journée, travail… En fin d’après-midi, retour à l’hospice autrichien pour le concert Echoe of the Danube. Une bonne heure de viole de gambe : je dois être une des rares personnes sur lesquelles Tous les matins du monde n’a fait aucun effet, mais là, j’ai été conquis. Le type nous présentait les œuvres, son instrument (un instrument parisien de 1699) de manière simple, pas du tout pédante. Il était vêtu d’une chemise blouse, un peu comme à l’époque. La viole de gambe est l’ancêtre du violoncelle, les dimensions sont semblables mais il y a sept cordes au lieu de quatre ; l’instrument est coincé entre les mollets du musicien et ne repose pas sur le sol ; l’archet est tenu comme une cuiller à soupe. Les violes ont été balayées sur la scène de l’histoire de la musique par les Suites pour violoncelle de Bach (entendues le jeudi précédent au Consulat général de France) qui voulait montrer tout le potentiel émotionnel de ce nouvel instrument.
Un peu de Marin Marais (un gambiste ne peut pas faire l’impasse) mais aussi d’autres compositeurs anglais ou allemands. Il a terminé par les Folies d’Espagne de Marin Marais, c’est l’éternel thème et variations autour de la Folia (Vivaldi, Scarlatti, Corelli, Rachmaninov, Jacques Berthier, Vangelis et même Patrick Lemoine) : magique !
Samedi matin, avec Agnès, Matteo et Paula, nous sommes allés dans la région de Ramallah visiter une petite communauté monastique dans le village d’Ain Arik. Sherout jusqu’à Ramallah et taxi jusqu’au village. Jusqu’en 1948, le village était entièrement chrétien et maintenant, il est dominé par un minaret de 62 mètres, le deuxième plus haut de toute la Cisjordanie. C’est une dimension non négligeable de la guerre de 1948 que le renversement démographique des chrétiens, submergés par des gens déplacés. Cependant l’ambiance est assez sereine et les relations entre l’imam et les deux curés (orthodoxe et latin) sont bonnes : il est même arrivé à l’imam de faire le ramassage des enfants pour les amener au catéchisme ! En fait, le prieur de la fraternité monastique est un vieil ami de Paula, une dame milanaise, amie de Matteo et volontaire pour quelques mois à la Custodie. Nous avons été reçus chaleureusement. Avec un des frères, nous sommes allés voir l’école catholique voisine où les moines font le caté. Puis sur la crête, admirer le paysage. Par rapport à Jérusalem, c’était d’un calme… Au loin, on voit quelques colonies israéliennes.
En repartant, on est passé à l’église orthodoxe, le curé nous a fraternellement accueillis. Marié, deux enfants, il est l’ancien maçon du village, c’est à la demande des paroissiens que le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem l’a appelé à l’ordination. C’était surprenant de rencontrer un prêtre orthodoxe arabe puisqu’à Jérusalem, les orthodoxes que l’on voit sont des Grecs.
Sur le chemin du retour, le taxi nous a montré l’église de El Bireh. Il ne reste que des ruines de cette grande (étymologie du nom) église byzantine qui commémorait le lieu où Marie et Joseph se sont aperçus que Jésus était resté à Jérusalem. Passage du check point, pas moins de cinq tourniquets (le Manège désenchanté !) et sherout jusqu’à Jérusalem.
Samedi après-midi et dimanche, week end musical. Pas moins de cinq concerts… Samedi, à 15h00, nous étions conviés à une Bach’s cup of tea au Schmidt College, école de filles tenues par des religieuses allemandes, en face de la Porte de Damas. Cela avait lieu dans la Kaisersaal, la salle de l’Empereur ; elle tire son nom de l’immense portrait de Guillaume II qui orne le mur (les chaises sont aussi au chiffre de l’empereur). En sirotant une tasse de thé à la menthe, nous avons entendu une des Suites pour violoncelle de Bach, une partita pour violon solo du même et un soloo pour clarinette de Jörg Widmann (né en 1973), une pièce de virtuosité qui exige du soliste de faire sortir des sons peu habituels. Après le concert, re-cup of tea mais, en prime, nous sommes montés sur la terrasse : panorama sur la Porte de Damas et la Vieille Ville. *** !
Mais ça n’était pas fini. À 18h00, dans le cloître de l’église du Rédempteur (ancien couvent des Chevaliers de Malte), nous avons été Kissed by the Muse. Le cadre est fascinant et la musique dont il était l’écrin tout à fait de circonstance. Cinq artistes nous ont régalés. Le gambiste allemand de la veille qui s’est révélé un violiste accompli (viole de la taille d’un violon mais tenue comme un violoncelle) ; un percussionniste né en Turquie aux mains délicates ; un oudiste (une sorte de luth oriental) d’origine irakienne ; un israélien jouant du luth et du théorbe (imaginez un luth dont le manche se prolonge d’un bon mètre pour tendre une seconde volée de cordes) et enfin une jeune soprano allemande aveugle. Tout ce beau monde a interprété des pièces des 15°-17° siècles, issues de la tradition juive séfarade, musulmane et chrétienne. Peu de choses à dire sinon que c’était merveilleux, la voix de la cantatrice se prêtait à merveille à ces styles divers. Sa prestance majestueuse impressionnait, tempérée par l’hésitation de l’aveugle qui ne sait pas d’où viendra l’obstacle. Elle suivait avec les doigts sa partition transcrite en braille. Il y avait une berceuse de Tarquinio Merula où Marie berce l’enfant Jésus en s’attristant par avance des souffrances qu’il devra subir ; à la fin, elle réalise que c’est ainsi que se jouera la Rédemption et sa joie éclot. Très émouvant.
Je crois que c’est un des plus beaux concerts du Festival et ce n’est pas peu dire. Le cadre, l’originalité du thème, la qualité des interprètes et l’émotion qu’ils transmettaient, tout a contribué à faire de ce concert une réussite. J’avais emporté mon appareil photo et j’ai mitraillé, même sans flash.
Dimanche, journée à l’Hospice Autrichien, au cœur de la Vieille Ville pour la journée Sounding Hospice. Pour ceux qui connaissent cela se situe en face de la troisième station de la Via Dolorosa. À 10h00, messe en allemand dans la petite chapelle dédiée à la Ste Famille. La chapelle est richement décorée par les blasons de toutes les altesses royales et impériales qui ont honoré de leur visite l’Hospice. Celui de François-Joseph est énorme.
À l’issue de la messe, il y avait Paradise Brunch dans le jardin de l’hospice. À l’ombre des arbres, entourées de géraniums colorés, on avait disposé des tables et des chaises. Pour agrémenter l’atmosphère cinq musiciens : un batteur, un contrebassiste, un accordéoniste (l’improvisateur de l’autre samedi), un gars qui jouait du saxo, de la flûte… et une jeune femme qui jouait de l’oud. Ambiance sympa avec des improvisations sur des thèmes de musique arabe. À table, j’étais avec le prieur des Dominicains, Agnès, Matteo, Jacqueline la femme de l’ambassadeur d’Autriche (elle est française) et son mari. Le clarinettiste autrichien est venu nous rejoindre, on a pas mal parlé de son travail, de ses choix musicaux… La discussion était passionnante… En plus, le buffet était excellent : délices autrichiennes et spécialités orientales s'alliaient.
En plus, la canicule des jours précédents avait enfin laissé la place à une douce brise et à des températures plus clémentes. On respirait. Après le brunch, sieste reconstituante (s’il est une chose que j’ai appris à l’armée, c’est qu’il est fatiguant de ne rien faire…).
L’après-midi, ce fut Piano Time – Kaffee und Kuchen, dans le salon de musique de l’Hospice. Deux pianistes, un italien et une polonaise ont interprété du Scarlatti, du Chopin et du Chostakovitch. Romantique et passionné. À l’entracte, j’en ai eu marre de rester réservé (ces concerts sont sympas mais il faut supporter la molle foule autour des buffets) et je me suis précipité sur le buffet des gâteaux pour goûter le fameux Apfelstrudel de l’Hospice. Il correspond à la réputation de la maison.
Enfin à 19h00, Expressing the Presence autour de la musique contemporaine. Tout d’abord, 12Spiel : un dé à douze faces est lancé et le pianiste joue la musique qui apparaît sur la face supérieure : la partition est donc pentagonale. L’intérêt de l’œuvre réside dans cet artifice interactif. Un solo de clarinette… Portraits d’après un bouquin d’Elias Canetti ; ce sont 8 petits duos pour violoncelle et piano. La musique est assez dissonante mais le violoncelle va chercher de drôles de sons : glissando, pizzicatti violents… Enfin, un quatuor de jeunes Suisses a interprété une pièce pour cordes d’un compositeur suisse. Par rapport à ce qui précédait, c’était très “évident comme musique”. Je me suis couché pas trop tard.
Mais à 2h00 du matin, impossible de fermer l’œil, aussi à 6h00, difficile de l’ouvrir.
À bientôt,
Étienne+
PS : je mettrais les photos demain matin, car l'après-midi, c'est impossible...

jeudi 28 juin 2007

Camp de réfugiés de Aida (Bethléem)

Cher tous,
Après un lundi et un mardi calmes, je suis retourné mercredi à Bethléem, non pas pour prier sur les lieux saints mais pour visiter un des trois camps de réfugiés qui entourent la ville. Nous (Agnès, Jaime, Brian, Javier et Pedro) avons donc fait le trajet habituel : Sherout 124, check point, un petit quart d’heure de marche à la relative fraîcheur du matin autour du mur qui serpente autour du tombeau de Rachel et nous sommes arrivés devant l’ Intercontinental Hotel. Là, Lorianne nous attendait, elle est étudiante à Bordeaux et fait un stage de quatre mois dans ce camp pour enregistrer et archiver les témoignages des réfugiés.
Le camp a été installé en 1950, après la Nakba, la “Catastrophe” (c’est ainsi que les Palestiniens appellent la première guerre israélo-arabe) pour recueillir les habitants des villages arabes se trouvant dans le territoire pris par Israël, en plus de ce que le plan de partition prévoyait. Il y eut une seconde vague de réfugiés en 1967 après la “guerre de 6 jours”. Depuis 2002, de nouveaux réfugiés arrivent : ceux qui se trouvent sur le tracé du Mur de Séparation ou pris entre la Ligne Verte (cessez-le-feu de 1948 reconnu comme frontière entre Israël et la Palestine) et le Mur.
Actuellement, 5000 personnes vivent dans ce camp. Il y en a 18 autres en Cisjordanie, totalisant près de 200 000 réfugiés. À la télévision, lorsque l’on parle de réfugiés, on voit les images de l’Afrique avec des gens sous des tentes de l’ONU, dans un coin désertique. Ici, en près de 60 ans, on a pris le temps de s’organiser. Toute la zone est construite, goudronnée, avec électricité et eau courante, la mosquée rutile. La vie a continué son chemin : on a grandi, on s’est marié, on a eu des enfants. Beaucoup des gamins que nous avons vus dans les rues appartiennent à la deuxième génération née dans le camp. Le plus impressionnant est de réaliser leur désir de retourner dans leur village. Le long du mur de clôture de l’Intercontinental, il y a deux ans, les gens ont peint une immense fresque représentant la trentaine de village d’où les réfugiés sont originaires. Certains sont à seulement 15 km du camp mais de l’autre côté de la frontière…
Lorianne nous a montré les anciens locaux du centre culturel où elle travaille. Une baraque minuscule. Maintenant, ils ont installé là une chambre noire pour les activités du club photo animé par Anne. On a rencontré John, un juif américain vivant en France ; il venait de passer une dizaine de jours dans le camp pour mettre son savoir-faire de photographe amateur au service du centre. Comme juif, il nous a parlé avec émotion de ce qu’il a vécu ici. Son témoignage était vraiment bouleversant. Il a fait la même remarque que moi concernant le poster Peace be with you au check point.
Ensuite, Anne nous a montré les nouveaux locaux du centre. Des enfants partout jouant, surfant sur le Net… À l’étage un cours d’anglais (le centre sert aussi pour le soutien scolaire, pour permettre à tous les enfants d’être scolarisés malgré la trop faible capacité des deux écoles du camp), un bibliothèque, une ludothèque. Le tout est financé par des associations européennes et américaines ainsi que par l’Islamic Relief (Secours Islamique : oui, je sais ça sonne drôle pour nos oreilles catho mais franchement ils n’ont pas l’air de fous furieux).
Nous sommes retournés à l’entrée du camp en parcourant les rues, des enfants dans la rue, des femmes vêtues de robes noirs brodées… Prendre des photos n’est pas facile, surtout que les femmes n’aiment pas que des hommes le fassent, Agnès a eu moins de problèmes…
Regardez en cliquant sur le lien, ce petit film trouvé sur Youtube, vous verrez à quoi ressemble le check point.
À bientôt,
Étienne+

lundi 25 juin 2007

En avant la musique

Cher tous,
Rapidement, les premières impressions du festival Sounding Jerusalem. Une grosse vingtaine de concerts de musique de chambre gratuits dans des lieux inattendus de Jérusalem et des environs, avec des artistes de renommée internationale ; le plus original des concerts est celui du 6 juillet, il a été baptisé Sunrise Temptation, il commence à 5h15 du matin au monastère orthodoxe de la Tentation qui domine la ville de Jéricho (on y accède par un téléphérique) et le soleil doit se lever en musique. Je regrette un peu de ne pouvoir y assister mais c’est le jour où le groupe NDV débarque en Terre Sainte.
Samedi, la journée s’est passée sans rien de particulier. À 18h00, j’étais avec Agnès dans l’Hospice Autrichien qui se trouve devant la 3° Station. C’est une belle bâtisse de la fin du 19° siècle, à l’origine un hôpital et maintenant une maison d’accueil pour groupes germanophones. La maison est réputée pour ses Apfelstrudel. Au premier étage, un petit salon de musique charmant : un motif de lyres et de feuilles d’acanthe sur fond vert sapin orne les murs. Les plafonds sont décorés de thèmes religieux et musicaux. Le cadre enchanteur donne une ambiance belle époque. Le salon n’a qu’un défaut, ce n’est qu’un salon et on y étouffe vite d’autant plus que ce début d’été hiérosolymitain se distingue par des températures exceptionnellement hautes.
Le programme de ce Grand Opening était assez classique. Trois Scottish Songs de Beethoven, huit de Haydn interprétées par un piano, un violon, un violoncelle et une jeune soprano française délicieuse à écouter. Une impression de facilité et de naturel qui cache un sacré travail. Hélène Le Corre, retenez ce nom. Puis, il y a eu un entracte pour permettre au muezzin de la mosquée d’en face d’appeler les croyants à la prière. On a repris avec un trio de Schubert pour piano, clarinette et soprano Der Hirt auf dem Felsen. Un régal de précision, de simplicité, bref la musique de chambre de Schubert.
Puis, nous avons eu un ovni musical par un jeune improvisateur jazzman autrichien. La veille, il avait parcouru les rues de la ville en enregistrant les sons, l’atmosphère si particulière de cette ville d’orient. Le matin, il a mixé le tout puis il nous l’a diffusé en accompagnant ces “sounds” d’une improvisation au piano. Je suis d’habitude assez méfiant envers ce genre d’expériences conceptualo-intello-fumeuses et là, j’ai été ébahi ! Les bruits utilisés (muezzin, chants arméniens, mélopées juives du Mur, cris des marchands de la rue, rires d’enfants, oiseaux) se mariaient avec sa musique, l’expérience donnait un résultat imagé et réellement évocateur de la ville.
Le concert s’est achevé par un trio pour violoncelle, clarinette et piano de Frühling (début 20°). Très agréable et original. Je me suis enfui rapidement pour ne pas être trop en retard au repas chez les Frères. Je me suis étonné moi-même d’avoir pu courir tout le long du chemin mais comme je fais pas mal de vélo dans la salle de gym des frères, j’ai du souffle…
Dimanche 24 juin, Nativité de saint Jean Baptiste, avec la fourgonnette de l’École Biblique, je suis allé à Abu Gosh pour l’ordination diaconale de Frère Olivier Hellouvry. Le nom suffit à vous dire d’où il est originaire mais il est en fait né à Toulon. C’est le frère hôtelier du monastère d’Abu Gosh. Avec quelques amis, nous l’avions rencontré en février lors de notre passage à Abu Gosh. Il accueille depuis des années des jeunes israéliens qui viennent rencontrer un moine chrétien dans le cadre du service culturel de l’armée, il parle hébreu et arabe et on le retrouve même cité dans le Guide du Routard. La célébration était présidée par Sa Béatitude Mgr Michel Sabbah, le patriarche latin de Jérusalem. L’assemblée était assez bigarrée : Israéliens, soldats en treillis, un groupe de motards venus en Harley-Davidson, Palestiniens, habits religieux variés et inattendus. La liturgie était comme à l’habitude parfaite mêlant le grégorien au polyphonique. Un régal. La première lecture était en hébreu, la seconde en arabe, le Notre Père en hébreu sur une mélodie russe... Le buffet qui a suivi était bien mais les boissons manquaient un peu.
De retour à Jérusalem, douche, sieste…
Puis à 18h00, concert à l’École Biblique, le thème était French Impressions. Les artistes de la veille changeaient de registre pour interpréter les compositeurs français du 20° siècle. D’abord une sonate pour piano et violoncelle de Debussy. Puis le solo de clarinette du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen, ce n’est pas le genre de musique que je goûte habituellement, mais je dois reconnaître que le clarinettiste avait un sacré talent. Puis des poésies de Verlaine mises en musique par Debussy, avec toujours la délicate soprano française. Nous avons pu apprécier la qualité de sa diction dans un répertoire où souvent les ports de voix et les trémolos nuisent à l’intelligibilité du texte ; là, on comprenait chacun des mots de Verlaine. Après un entracte rafraîchissant, nous avons continué avec des poésies de Baudelaire adaptées pour le piano par Henry Duparc. Il y avait la fameuse Invitation au Voyage :
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

C’était magique. Sauf qu’au moment où elle chantait « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté » quelqu’un est entré dans la salle et a provoqué un bang disgracieux… Sauvages !!!
Le concert s’est achevé par la sonate pour piano et violon de Ravel. La jeune pianiste autrichienne et la violoniste néerlandaise ont été merveilleuses de précision, de technique, de virtuosité. Impressionnant. Le programme était assez austère avec ces musiciens français “peu évidents” mais les interprètes en ont fait quelque chose de magique.
Ensuite, Terence m’avait invité au dîner à l’école ainsi que Marie-Claire Rouquet (son père est médecin à la retraite et habite Montpellier) car il part aujourd’hui, lundi. Puis, Nathanaël nous a rejoints, ainsi que Luc Devillers et on a tchatché jusqu’à 22h30. Quelle fine tranche de rigolade !
À bientôt,
Étienne+

samedi 23 juin 2007

Encore Bethléem

Cher tous,
Dimanche dernier, je ne savais pas où aller à la messe puisque je ne célèbre pas chez les Frères ce jour-là. Finalement, on m’a fait signe pour la première communion des enfants du Lycée Français de Jérusalem. Cela avait lieu à Sainte-Anne ; il y avait 13 enfants de 8 à 10 ans. L’ambiance était très sympathique, très “première communion”, le tout étant compliqué par l’acoustique de la jolie église des croisés. Pour chanter, les 12 secondes d’écho en font un lieu idéal et gratifiant ; pour parler, c’est très difficile. Ensuite, on a pris le repas tous ensemble dans le jardin des Pères Blancs. Comme les familles étaient assez réduites du fait de l’éloignement géographique, ils avaient décidé de faire un buffet commun. Le plat de résistance avait été commandé à un traiteur et les mamans se chargeaient du dessert tandis que les papas fournissaient le vin. Malgré la chaleur, on est resté tranquillement sous les arbres une bonne partie de l’après-midi à deviser avec les parents. Ça m’a rappelé les dimanches familiaux à la Lyonnaise.
Ensuite, je suis allé à l’Institut Magnificat pour le concert de fin d’année des élèves de la classe de chant. Il s’agit du Conservatoire de la Custodie de Terre Sainte. À part une jeune française, c’était assez pénible : je repensais à Florence Foster Jenkins, cette richissime veuve américaine qui, chantant comme une casserole, voulait tout de même faire une carrière lyrique. Ses moyens lui permettaient de se payer des instrumentistes pour tenter de l’accompagner. Un jour, elle a loué Carnegie Hall à New York et devant l’hilarité du public a réalisé son manque de talent. Elle mourut (de chagrin ?) un mois plus tard.
La jeune française était assez étrange : sur scène, une présence incroyable, une voix chaleureuse et pleine, un peu inaccessible et hors du temps ; une fois descendue du podium, la démarche était lourde, la voix un peu grave et lourde, presque vulgaire.
Lundi, mardi et mercredi, journées calmes et sans événements particuliers… Jeudi, c’était le 21 juin, arrivée officielle de l’été : il est déjà là depuis quelques jours ; avec des températures oscillant entre 30 et 34°C. Comme je marche pas mal entre le Collège et l’École, je suis tout bronzé.
À 12h30, j’avais été invité au Consulat Général de France pour un buffet concert à l’occasion de la Fête de la Musique. Le Consulat est situé à l’ouest. Ce jour-là, la ville était pleine de flics et de soldats, à tous les carrefours. Dans le ciel, flottait le Zeppelin de la police : un petit dirigeable retenu au sol par une corde et équipé d’une caméra pour surveiller d’en haut. Habituellement, on le voit le vendredi, jour de la grande prière des musulmans. En fait, la ville était quadrillée à cause de la Gay-Pride : à Jérusalem, ils sont à peine 2 ou 300 à manifester mais il y a deux ans, un des manifestants s’est fait poignarder par un juif orthodoxe. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la police a bouclé le quartier orthodoxe de Mea-Shearim et il y a eu des affrontements.
Au consulat, tout le gratin français de Jérusalem (et non pas le gratin cairote) était présent, je connaissais deux ou trois personnes. Le cocktail était sympa : du jus d’orange à gogo (par cette chaleur, on appréciait) et un buffet de fromages (roquefort, bûche, brie…) avec des tranches de baguette (de la vraie, qui croustille bien). Pour la première fois depuis six mois, je mangeais de la baguette... Tout eût été merveilleux, n'eût été la présence de sauvages dans ce cadre normalement fréquenté par des gens éduqués : le roquefort a été vandalisé et coupé n'importe comment... Vision désolée de carnage.
Le concert qui a suivi était varié et agréable : un violoncelliste autrichien a interprété les fameuses Suites de Bach ; un jeune pianiste de jazz nous a régalé de morceaux de sa composition enfin un trio (piano, accordéon, tuba !!!) a joué des pièces aux accents latins. Plaisant.
Le soir, pendaison de crémaillère chez Nathanaël. Le diocèse de Paris a loué un appartement pour pouvoir envoyer des prêtres et des séminaristes étudier à Jérusalem. Les travaux se sont achevés au début du mois. Soirée sympa et fraternelle. Terence faisait aussi ses adieux, puisqu’il part lundi prochain. Marie-Claire, volontaire de St-Pierre en Gallicante, était là et du coup, je lui ai fait signe pour le lendemain à Bethléem.
Hier, vendredi, rendez-vous à 9h00 à la station du Sherout 124, près de la Porte de Damas. Nous étions quatre : Agnès, Terence, Marie-Claire et moi. Le Sherout nous a laissé au check point de Bethléem. Un grand hangar avec des portails métalliques, des barrières… Une fois sortis du hangar, on se retrouve face au mur et on voit l’immense affiche du ministère du tourisme israélien : Peace be with you. Inconscience ? Cynisme ? Les deux à la fois ? Je ne sais pas, mais depuis Arbeit macht frei, on n’a pas fait mieux. En passant entre les barrières, Agnès me dit : "Le pire, c'est qu'on s'habitue..." On passe à travers le mur et on voit le côté palestinien. Comme à cet endroit le mur serpente pour absorber le tombeau de Rachel, on a l’impression qu’il y a plusieurs murs parallèles.
Nous avions largement le temps, ce qui nous a permis d’aller à pied à Bethléem. Comme nous étions vendredi, l’ambiance était beaucoup moins agitée que la semaine précédente. Nous avons traversé le souk, pas âme qui vive… Sur la place de la Mangeoire, en revanche, dès que les gens voient un col romain, ils vous sautent dessus : "Welcome in my shop, father ! Do you want to see my shop, father ? Fifty per cent for French priests !"
À 10h45, j’ai donc célébré la messe avec Terence à l’autel latin de la grotte de la Nativité. Je n’en revenais pas d’avoir trouvé un créneau libre, à l’heure que je voulais, le jour que je voulais et à cet endroit. En plus, on dispose de trois quarts d’heure pour célébrer la messe, ce qui est amplement suffisant pour célébrer dignement (la demi-heure du Saint-Sépulcre est un brin stressante). Nous pouvons aussi chanter, chose interdite au Saint-Sépulcre.
Ces derniers jours, j’ai parcouru une thèse de droit canonique passionnante (chose rarissime) sur le Statu Quo Nunc des Lieux saints. Comment on en est arrivé là, pourquoi… En fait, le principe est simple : à la fin du Royaume de Jérusalem, la plupart des lieux saints sont aux mains des Latins (les catholiques de rite latin : nous !), le régime mamelouk leur étant relativement favorable. En 1516, les choses changent avec l’arrivée des Turcs Ottomans. C’est aussi l’installation des Grecs orthodoxes qui évincent la chrétienté orthodoxe locale, arabe. Petit à petit, les Grecs élèvent des prétentions à la propriété des Lieux saints. La faveur des Turcs va aux Orthodoxes (beaucoup sont employés dans l’administration ottomane). Petit à petit, les Orthodoxes et les Arméniens s’emparent de parties non négligeables des Lieux saints. Ainsi, jusqu’en 1808, la Tombe appartient exclusivement aux Latins. Les réclamations latines et orthodoxes sont toujours grassement payées aux Ottomans qui ont donc intérêt à laisser la situation sans solution tranchée. En 1747, il y a même des morts dans la Basilique du Saint-Sépulcre. Cent ans plus tard, l’étoile de la nativité marquant le lieu de la naissance de Jésus disparaît de Bethléem. Elle portait une inscription latine montrant les prétentions des Latins sur le lieu. Les Grecs empêchent l’installation d’une nouvelle étoile. Les Latins font appel au protecteur traditionnel des Lieux Saints, la France qui traite avec l’empire turc. Les Grecs sont soutenus par la Russie. Finalement, cela déclenchera la Guerre de Crimée (L’étoile de Bethléem n’est qu’un prétexte, la Russie voulait s’assurer un débouché sur la Méditerranée). En 1852, le Sultan turc signe un firman (un décret) qui fige les choses comme elles le sont (Statu Quo Nunc en latin). En 1856, la Russie capitule mais les Alliés (Turcs, Français et Anglais) ne s’entendent pas sur les lieux saints (à cause des tensions entre catholiques et anglicans) et on n’arrive pas à imposer un accord. Depuis 1852, la situation est bloquée. Les Grecs y ont intérêt puisque c’est finalement la situation la plus favorable à eux depuis 1516 ; les Arméniens trouvent qu’ils ne s’en sortent pas si mal. Le Statu Quo a été plus ou moins mis par écrit sous le mandat britannique mais avec des catégories juridiques peu claires pour un pays oriental. L’ONU l’a défendu et Israël s’en porte garant depuis 1967.
On arrive parfois à des aberrations, telles cette échelle proche de la Pierre de l'Onction qui est statutairement posée des Cendres jusqu'à la Pentecôte pour approvisionner en huile des lampes depuis longtemps électrifiées...
Ainsi à Bethléem, la grotte de la Nativité est décorée d’une tenture latine. Elle est en amiante… pour éviter que les Grecs ne la fassent brûler comme en 1869.
Malgré tout, la messe a été bien recueillie, les pèlerins passent dans la grotte mais voyant que l’on célèbre dans un coin, ils restent calmes et parlent à voix basse… Ensuite, on a prié un bon moment dans l’église paroissiale de Sainte-Catherine, bâtie grâce aux deniers de l’empereur d’Autriche François-Joseph.
Puis, balade dans la ville, on a trouvé un petit resto chrétien ouvert : kebab, coca (Sprite pour moi). On a voulu aller à la Grotte du Lait que Terence ne connaissait pas mais c’était fermé. Nous sommes rentrés à Jérusalem toujours avec la même procédure : taxi, check point, sherout. Café dans le musée de l’École Biblique. Ce lieu est fascinant, une vraie caverne d’Ali Baba. Le mot musée est usurpé puisque le lieu n’est pas ouvert à la visite mais c’est là que travaillent les archéologues de l’École : tessons par milliers, croquis d’architectes, fragments de mosaïques… Et avec les vieilles voûtes de l’abattoir turc dans lequel l’École s’est installée à ses débuts en 1890.
Aujourd’hui, commence le festival Sounding Jerusalem, organisé par l’hospice autrichien. J’ai réservé pour les concerts ayant lieu à Jérusalem.
À bientôt,
Étienne+



Addendum du 8 juin 2020

Hier soir, j'étais invité à dîner par les deux filles d'un couple de paroissiens décédés ces derniers mois (en novembre 2018 et mars 2020). Le repas avait lieu dans la maison familiale et quelques paroissiens amis nous avaient rejoints. Au cours de la sympathique discussion, je me rappelle que l'une des filles a vécu deux années à Jérusalem et que leurs parents (mes paroissiens) étaient allés la visiter, guidés dans leur périple par un des pères de l'École biblique. Elle évoque la première communion de sa fille qui a eu lieu à l'église Sainte-Anne. Je demande donc : "C'était en quelle année ?
- 2007.
- J'y étais !"
Quelle surprise!
Ni une ni deux, on va chercher l'album photo et on trouve une image de la messe. Je suis sur la photo! Le monde est petit. Nous avons donc dû pique-niquer ensemble à l'issue de la messe. Je n'ai pas souvenir d'avoir discuté avec mes futurs paroissiens qui habitaient déjà Venasque à l'époque.
Ce matin au marché, nous nous sommes revus et avons échangé les numéros de téléphone et j'ai donc reçu par WhatsApp la photo qui illustre désormais le début de l'article.

dimanche 17 juin 2007

Bethléem

Cher tous,
Hier, samedi, j’ai profité d’une place dans la voiture de Frère Albert pour aller dans la West Bank (non, ce n’est pas la Banque de l’Ouest, non je ne suis pas allé faire un casse : ce n’est pas le genre du Frère Albert), il s’agit de la rive ouest du Jourdain, ce qu’en français on appelle la Cisjordanie. Il m’a laissé à Bet Jala d’où j’ai pris un taxi pour Bethléem. Il m’a laissé devant la Basilique de la Nativité. J’ai pris une bonne heure et demie pour visiter la Basilique, voir l’église Sainte-Catherine qui jouxte la basilique. De là, on accède aux grottes de St-Jérôme, où le docteur de l’Église a traduit la Bible en latin, la fameuse Vulgate (c'est-à-dire écrite en langue vulgaire compréhensible par tous). Il y a plein d’autels dédiés aux saints Innocents, à saint Joseph. Un petit couloir devrait donner accès à la grotte de la Nativité mais la porte est fermée.

Pour accéder à la grotte, il fallut attendre que l’office orthodoxe fût achevé. Ensuite, j’ai passé un bon moment à prier dans la grotte devant l'étoile, malgré le bruit et le peu de recueillement des quelques groupes : énormes Américaines en salopette bariolée ; Philippins se faisant prendre en photo, entassés devant l’étoile tout en essayant de la laisser visible ; famille espagnole obèse…



Puis, je suis sorti et au feeling, je suis allé au Carmel, fondé par la Bienheureuse Marie de Jésus-Crucifié, une carmélite arabe. J’y étais passé en 1995 avec un petit groupe de NDV. Là, j’ai eu l’office du milieu du jour avec les sœurs carmélites. Ensuite, eh bien, il commençait à “faire faim”. J’ai traversé le marché. L’ambiance est complètement différente du souk de Jérusalem. Pas (ou presque) de touristes dans les rues, puisqu’on est hors des sentiers battus ; foule bariolée ; ambiance beaucoup plus colorée qu’à Jérusalem. La place du marché vaut le détour : odeurs, couleurs, bruits, chaleur… À Jérusalem, les rues ou les zones sont assez bien délimitées ; à Bethléem, la viande côtoie les fruits et légumes proche du bazar.






Je me suis donc acheté de quoi manger au beau milieu de cette ambiance orientale si différente de la nôtre. J’ai mangé sur la place de la Mangeoire… Désolé, le jeu de mot n'était pas prémédité. Après le repas, j’ai eu mon quart d’heure “Dogora” : prendre en photo des gens qui passent : femmes voilées, père et fils, vieux bédouin… J’ai vu l’arbre de la paix, un olivier en pot bien mal en point.










Puis je suis allé voir la grotte du Lait ; c’est une petite église franciscaine bâtie sur le lieu où, selon une antique tradition, la Sainte-Famille s’est cachée lors du massacre des Saints-Innocents. Le lieu est assez sympa.




Puis, retour à la Basilique, petite prière. Les Arméniens chantaient. Je suis alors rentré à Jérusalem. Taxi jusqu’à la “clôture de sécurité”… Traverser la “clôture ”… Prendre le Sherout jusqu’à Jérusalem. Le check-point de la clôture est impressionnant, contrôle du genre aéroport américain au lendemain du 11 septembre (pour passer le portail de sécurité, j’ai même dû enlever les sandales dont les boucles faisaient sonner…), contrôle des passeports (pour moi, ça a été rapide mais le gars devant moi a été cuisiné un petit moment : empreintes digitales, vérification de la photo).
À bientôt,
Étienne+

vendredi 15 juin 2007

Saint Antoine et Sacré Cœur

Cher tous,
Juste un petit mot pour me rappeler à votre bon souvenir. Dimanche après-midi, rien à signaler. D’ailleurs, cette semaine non plus.

Excepté mercredi qui était la fête de saint Antoine de Padoue, saint patron de la Custodie de Terre Sainte. Je suis donc allé aux Vêpres à Saint-Sauveur. Comme c’était une célébration des franciscains, c’était en italien. À l’issue des Vêpres, nous avons pu vénérer la relique de saint Antoine.
Aujourd’hui, c’est la solennité du Sacré-Cœur, Terence avait réservé une messe au Calvaire. Mais il n’était pas sûr de pouvoir arriver à l’heure puisqu’il devait accompagner un ami au Sherout ; il m’a donc demandé de présider. Sympa.
Sinon, c’est la routine. J’ai changé la petite carte de Jérusalem à droite, le rectangle vert est le Collège des Frères. Sinon, voici une photo du Collège (ma chambre est entourée en rouge). La chapelle, ce sont les deux portes bleues au même étage. Ce chapelle est étrange et a un goût de madeleine pour moi : les couleurs et les formes sont assez proches de celles de la chapelle de Tissié-Sarrus. Voyez que la terrasse domine.
En prime, un lever de soleil sur Jérusalem. L’église est celle de la paroisse latine de la Vieille Ville, Saint-Sauveur.
Juste un petit addendum.
En rentrant chez les Frères à midi, il y avait des flics partout. La situation tendue à Gaza met tout le monde sur le pied de guerre.
Porte Neuve, les flics m’arrêtent. Évidemment, je n'avais que ma carte d'étudiant.
- Where are you going?
- I’m going home.
- Why? (réel ! le flic m’a demandé pourquoi je rentrai à la maison.)
- It’s lunch time.
Je veux passer et le type me dit : You can’t go.
- Why?
- It’s forbidden.
- But I have to go. This morning, I passed through the door and nobody forbade me. I live next door.
- Where do you live?
- There. (le collège est à 50 m de la Porte).
- Do you have a proof?
Il a fallu que je lui montre que mes clefs ouvraient le portail pour qu’il me laisse passer.
Quel pignouf !!!
Sinon, cette après-midi, je suis allé à l'adoration à la paroisse.
À bientôt,
Étienne+