dimanche 18 février 2007

Excursion à Ein Gedi et Massada

Chers tous,
Comment allez-vous? Je m'étais promis de vous écrire ce matin mais finalement nous avons passé la journée à Abu Gosh, l'Emmaüs des croisés.
Je reviens à Jeudi dernier...
Le matin, un peu d'étude : ça ne fait de mal à personne. L'après-midi, je suis allé me balader dans la Vieille Ville. Je voulais assister aux Vêpres des Arméniens, mais j'ai trouvé porte close... En fait, l'horaire que l'on m'avait communiqué était faux. C'est souvent comme cela à Jérusalem, on n'est sûr d'un horaire que lorsque l'événement se produit. Du coup, le temps d'attendre, il était trop tard pour aller se promener sur les remparts de Soliman, d'où le panorama sur la Ville est, parait-il, fabuleux. D'autant que la lumière était magnifique. Depuis notre arrivée, le temps est assez pluvieux avec de grosses averses qui tombent sans crier gare. On a souvent des éclairages improbables : sous des nuages gris, les maisons ressortent dorées ou roses... Cela me rappelle le poster qui était dans le couloir de la maison : on y voyait la traditionnelle vue de Jérusalem depuis le Mont des Oliviers mais avec un ciel d'orage et la lumière rose du soleil levant.
Du coup, je suis allé faire des photos dans le souk. Et là, j'ai vu une victime du syndrome de Jérusalem... Cette maladie psychique est recensée ainsi par les spécialistes, il s'agit du délire mystique que provoque un pèlerinage qui fait que les gens se prennent pour Jésus, la Vierge Marie, un des Apôtres. Le plus difficile se produit lorsque deux prétendants Jésus se rencontrent... Là, la victime portait une tunique blanche avec un scapulaire de la même couleur sur lequel étaient brodés en lettres hébraïques les mots "la main sainte du Seigneur". En plus, elle portait une couronne de fleurs violettes. Évidemment, tout le monde dans la rue se retournait sur son passage, arabes, pèlerins, juifs pieux... Le marchand d'une des échoppes la hèle et lui dit : "I will pray for you !" Elle se retourne et dit :"No, YOU need my prayers. I'm God !" Et elle a repris son chemin.
J'ai continué et je suis allé à la Sixième Station de la Via Dolorosa, pour rencontrer les Petites Sœurs de Jésus. Elles sont quatre, elles connaissent bien Tante Zaza et aussi l'Oncle Hubert. La plus jeune de la fraternité est autrichienne, elle a fait ses vœux perpétuels l'été dernier et, arrivée il y a une semaine, elle apprend l'arabe ! Revenu en ville, j'ai trouvé le souk envahi par des prêtres polonais. On ne savait plus où les mettre !
Vendredi, j'ai travaillé toute la journée. Le matin, un peu d'araméen et des corrections de mon travail écrit de séminaire. L'après-midi, j'ai lu des articles et des livres pour préparer l'excursion du lendemain à Ein Gedi et Massada. Après le repas, nous nous familiarisons avec la méthodologie du pique-nique pour l'excursion. Puis coucher tôt, car le lendemain allait être chargé...
Lever à 5h du mat' pour prier et célébrer la messe à 6h00.
Départ à 7h00 précises. Le groupe d'une trentaine de personnes est monté dans le bus. Les collines du désert de Juda sont recouvertes d'une mince couche d'herbe vert vif grâce aux pluies de ces jours-ci. Nous avons descendu la route vers Jéricho, 1200 mètres de descente pour arriver 400 mètres au dessous du niveau de la mer, sur les rives de la Mer Morte. Nous sommes passés à proximité de Qumran que nous visiterons le 17 mars prochain. Plus au sud, nous pénétrons à nouveau dans le territoire d'Israël (entre Jérusalem et Ein Gedi, ce sont officiellement les territoires palestiniens). D'Ein Gedi, je ne connaissais que l'auberge de jeunesse où nous avions passé une nuit en juillet 95 pendant la route NDV. J'ai découvert donc beaucoup d'autres choses. Le nom veut dire "la source du chevreau". C'est une oasis au milieu du désert, c'est assez impressionnant de voir jaillir toute cette verdure parmi la sècheresse. Nous avons donc marché un bon moment en remontant le Nahal David (le torrent de David).
La végétation est luxuriante, le ruisseau abondant mais il faut savoir que 90% du début de la source est pompé à l'origine pour l'usine d'embouteillage. Dans les rochers, quelques damans (petits rongeurs qui ressemblent à des marmottes). Nous sommes montés jusqu'à la cascade de David et à la grotte du Bien-Aimé. Cette grotte est le lieu où la tradition situe le texte de 1Sm 24. (Nous avons lu le parallèle - 1Sm 26 - ce matin à la messe). Nous l'avons lu "sur le terrain". Puis encore une belle bavante, en passant devant la source de la Sulamite (qui donne naissance au Nahal David), pour arriver au temple chalcolithique. La Source a reçu le nom de Sulamite pour rappeler qu'une tradition juive situe à Ein Gedi la rédaction du Cantique des Cantiques par le roi Salomon.
Le temple du chalcolithique date d'environ 4000 av. J.-C. Il est relativement bien conservé et manifestement consacré au culte de l'eau puisque situé entre deux sources (la Source de la Sulamite et la Source du Chevreau). L'intérêt de ce site est de montrer la perennité de la structure des temples dans la région, puisque le temple de Jérusalem est organisé de manière semblable. Nous avons vu la source du chevreau, le début est assez abondant. Un petit garçon se baignait-là. Le professeur nous a montré des cupules, des trous arrondis dans les rochers, qui servaient à moudre le grain à l'époque. Avec l'eau de la source, on faisait des pains que l'on offrait à la divinité vénérée dans le temple.
Enfin, descente dans la plaine pour visiter la synagogue byzantine (12x15m) orientée vers Jérusalem (nord, nord-ouest) comme les synagogues de cette période. On voit trois bas-côtés au sud, est et ouest. Le bas-côté sud présente des bancs, là où est assis le type en bleu. Dans le mur ouest, il y a trois ouvertures vers un narthex large de 4 mètres longeant tout le bâtiment (le type avec le chapeau bleu et le tee-shirt blanc). Vous voyez la maquette des fouilles. Le sol est décoré d'une splendide mosaïque, avec des oiseaux, des ménorahs (chandelier à sept branches) et une longue inscription en hébreu et araméen située au milieu du bas côté ouest (le type en rouge). Ce bâtiment prouve qu'à l'époque byzantine, Ein Gedi était un gros village juif comme le disaient Eusèbe de Césarée et St Jérôme, alors que jusqu'à présent on n'avait aucune preuve.
Pique-nique reconstituant !
Nous remontant dans le bus, direction Massada 25 km plus au sud. Cette forteresse (c'est le sens du mot en hébreu) vertigineuse domine la Mer Morte de plus de 400m. C'est un lieu hautement symbolique pour Israël, c'est le dernier nid de la résistance aux Romains en Judée. Pour les Romains, c'était un détail. Depuis la chute de Jérusalem en 70 ap. J.-C., la Judée était considérée comme territoire romain ; les triomphes avaient eu lieu à Césarée et Rome et les quelques poches de résistance ne représentaient qu'une formalité à leurs yeux. Flavius Josèphe a raconté l'histoire du siège. Un millier de Juifs avaient trouvé refuge dans la forteresse et furent assiégés par la Dixième légion romaine (9 000 hommes environ). Trois ans de résistance pendant lesquels les Romains ont édifiés une rampe pour pénétrer dans la forteresse. La veille de l'assaut, les Juifs ont organisé un suicide collectif pour ne pas tomber aux mains des Romains. Si cet événement est important, la plupart des vestiges visibles datent de l'époque hérodienne, soit 80 ans avant le siège.
Hérode a réutilisé un palais plus ancien et l'a aménagé : splendide palais suspendu au nord, magasins, rempart tout autour du plateau, des bains à la romaine et surtout des citernes totalisant près de 80 000 mètres cubes d'eau! A l'époque byzantine, il y a eu un monastère tout là haut (il y en avait 400 dans le désert de Judée).
Le site a sacrément changé en douze ans. La station de téléphérique est devenue immense ! Nous nous sommes arrêtés dans un des camps romains encore visibles (Huit camps de taille variable et un mur d'enceinte de 3500 m de long, un travail de Romains !). Puis nous sommes montés par le Sentier du Serpent comme l'appelle Flavius Josèphe, une demi-heure de bavante. En haut, la vue est splendide !
Nous nous sommes concentrés sur le palais hérodien du nord, qui s'étend sur trois étages et 30 mètres de dénivelée, les bains romains, les magasins, la synagogue (on n'est pas sûr qu'il s'agisse d'une synagogue mais on y a retrouvé des manuscrits bibliques), et les vestiges de l'église byzantine. Nous sommes redescendus par la rampe romaine encore en place. On voit bien la technique de construction : une couche de terre, une couche de bois, une couche de terre, une couche de bois dans l'autre sens, etc. 19 siècles plus tard, ça tient !
Ensuite, il a fallu attendre le bus qui avait eu des problèmes mécaniques... Ce qui nous a valu de contempler les couleurs du coucher de soleil sur la forteresse... Finalement, nous sommes arrivés à la maison avec deux heures de retard.
Ce matin, lever à 5h30 et je suis allé, sous la pluie, prier au Saint-Sépulcre. Je suis passé après un groupe de japonais ("le péril jaune"). J'ai eu la chanche de rester presque un quart d'heure dans le Sépulcre proprement dit, avant d'être délogé par un orthodoxe puisque la liturgie des grecs allait commencer et que le Sépulcre sert de sacristie au célébrant... En effet, cinq minutes après, une procession de prêtres orthodoxes est arrivée précédée par un arabe en costume, tarbouche sur la tête et martelant le sol avec un lourd bâton ferré. Le célébrant s'est engouffré dans le Sépulcre, il y est resté trois minutes puis il a revêtue une lourde chape violette, chargée de clochettes (effet sonore garanti !) Puis la liturgie a commencé et nous avons pu prier à nouveau dans le Sépulcre.
Après les laudes à l'école, nous sommes partis avec Guillaume, Benoît, Nathanaël, Luc et Élisabeth vers Abu Gosh. C'est le lieu où les croisés ont cru reconnaître Emmaüs. L'église romane est extrêmement bien conservée, c'est la mieux conservée de toutes les église croisées. La France l'a rachetée à la fin du 19ème et l'a confiée aux bénédictins du Bec-Hellouin. Nous avons concélébré. La messe était splendide ; j'étais au ciel. L'ordinaire était en grégorien, évangile chanté et accompagné à la kora sénégalaise, à l'offertoire flûte et orgue , à l'action de grâces, une jolie polyphonie par les frères et sœurs bénédictins (les bénédictines selon la tradition des Olivétains - bénédictins blancs - sont des oblates du monastère masculin et participent aux messes et à certains offices avec les frères.
Parmi les concélébrants, l'ancien aumônier de l'Hospitalité St-Roch de passage avec un groupe de pèlerins. A l'issue de la messe, le Fr Olivier nous a montré les fresques de l'église magnifiquement conservées puis la crypte qui est une citerne romaine. Il a aussi évoqué son apostolat auprès des jeunes soldats israéliens (il en reçoit jusqu'à 12000 par an) qui, au cours de leur formation, rencontrent un moine chrétien.
Ensuite, notre petit groupe est monté au sommet de la colline avec Sr Édith-Marie, une vierge consacrée de Paris. Elle passait la semaine chez les sœurs de St-Joseph de l'Apparition. Le lieu s'appelle Qiriat-Yéarim, 1SM 7,2 dit que c'est là que l'Arche d'Alliance des Juifs a passé une vingtaine d'années avant d'arriver à Jérusalem. Il y a donc une église (construite sur les vestiges d'une église byzantine, encore une !) bâtie dans les années 20 et dédiée à Marie, Arche d'Alliance. On a mangé avec Sr Édith-Marie, ce fut très sympa. Un bon temps de prière à l'oratoire de l'église et nous sommes repartis à Jérusalem. Le taxi nous a laissés à la gare centrale : les taxis juifs refusent d'aller dans le quartier arabe... La gare centrale porte mal son nom, elle n'est pas du tout centrale. On a pris le bus pour se rapprocher du centre. Là, surprise ! Le soldat israélien derrière moi téléphone en français avec un accent de Lyon à couper au couteau ! C'est un jeune juif qui a fait son "aliyah" (sa montée à Jérusalem, c'est ainsi que les Juifs évoquent l'émigration en Israël. Il fait son service militaire et apprend l'hébreu. La discussion fut sympa.
Retour à l’École et je vous écris...
Ce soir, "Escrocs mais pas trop" de Woody Allen... On a bien ri.
Etienne+

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