dimanche 31 janvier 2016

Et nous, nous marchons au nom du Seigneur notre Dieu. (Mi 4,5)

ואנחנו נלך בשם־יהוה אלהינו

waˀănaḥnû nēlēḵ bešēm-ˀĀḏōnāy ˀĕlōhênû

Chers amis,
Rien de particulier depuis mardi soir. Mercredi, j’ai rencontré le directeur et le prieur de l’École ; comme délégué, je les rencontre mensuellement juste avant le conseil académique. Cette rencontre permet de parler des questions de la vie de la maison et de l’École et de n’aborder que les questions académiques au conseil académique.
Jeudi, en allant à l’École, en passant devant le parking de la rue Ha Ayin-Heth (Rue des 78, anciennement Rue Godefroi de Bouillon), je remarque une chose étonnante : il a gelé pendant la nuit et les vitres des voitures sont couvertes d’une mince pellicule de givre… Nous avons eu une belle journée, comme on peut en avoir l’hiver à Venasque : grand ciel bleu et froid sec et vivifiant !…
Vendredi, au moment de rentrer au Collège en fin d’après-midi, je croise Caroline une ancienne étudiante de l’ÉBAF que j’avais connue en 2007. Du coup, je suis allé à un vernissage à deux pas du Collège, dans une ancienne fabrique de tuiles reconvertie en galerie. Une certaine Tanya Habjouqa, jordanienne élevée au Texas et vivant à Ramallah, présentait une série de photographies, intitulées Occupied Pleasures. Des photos prises à Gaza ou en Cisjordanie et qui évoquent la vie des gens, au milieu d’une situation terrible (sur le lien Internet, vous pouvez en voir quelques-unes).
Samedi matin, après la messe, je suis vite parti. Le rendez-vous à l’École était fixé à 7h30... Je me suis arrêté chez le marchand d’en face : quand je passe devant un magasin, je suis toujours impressionné par la largeur du choix de chips (nature, paprika, bretzels, fritelles, oignons, cheddar, za’tar, crème…) On a même du mal à trouver les chips nature… Le rayon chips est toujours très varié et étendu… À croire que les gens ici se nourrissent principalement de chips.
L'excursion devait nous mener à Qumrân et au Wadi Muraba'at ; en 2007, nous avions fait exactement le même programme. Vous pouvez vous reporter à cette page du blog.
Vue du site depuis la tour
Pour aller à Qumrân, nous avions un petit bus d’une vingtaine de places. Vous avez tous entendu parler de Qumrân et des fameux Manuscrits de la Mer morte. Il nous a fallu descendre dans la dépression de la Mer morte et nous finissons par arriver à Qumran où il fait un froid presque polaire : 10° C ! Le Père Émile Puech nous fait découvrir les vestiges : c’est un épigraphiste (spécialiste de la lecture des inscriptions anciennes) de renommée internationale. Depuis 45 ans, il travaille sur les Manuscrits de la Mer morte. Autre qualité non négligeable, c’est un Aveyronnais né près d’Estaing, et toute la journée nous avons pu nous en apercevoir : lorsqu’un “d” se prononce à la fin d’un mot, il le prononce “t” (« La tombe est tournée vers le sut »).
En ce qui concerne le site archéologique de Qumrân, Émile Puech est un des partisans de l’hypothèse traditionnelle, celle proposée par le P. de Vaux qui fut le premier fouilleur dans les années 50, lorsque le site se trouvait en territoire jordanien. Selon cette hypothèse, il s’agirait d’une sorte de monastère pour le groupe des Esséniens.
On connaissait l’existence de ces Esséniens par les œuvres historiques de Pline l’Ancien, Flavius Josèphe et Philon d’Alexandrie. C’était un groupe de Juifs dissidents qui auraient fui Jérusalem au milieu du iie siècle av. J.-C., en réaction au pouvoir hasmonéen et à son sacerdoce illégitime. Tous les éléments du site sont interprétés comme si on se trouvait dans un monastère bénédictin (on parle alors de scriptorium, de réfectoire, de communauté, de règle...). À l’École, il y a un autre spécialiste, plutôt orienté sur l’archéologie qui interprète les choses différemment… Le mois prochain, nous retournons à Qumrân avec lui et entendrons un autre son de cloche.
La grotte 4
À proximité du “monastère”, au bout de la terrasse marneuse sur laquelle il est situé, on peut apercevoir une anfractuosité : C’est la grotte 4, la plus riche en manuscrits.
On compte onze grottes, numérotées dans l’ordre de leur découverte qui eut lieu après la découverte des premiers manuscrits, lorsque les falaises de part et d’autre de Qumrân ont été méthodiquement explorées pour y trouver des vestiges.
Dans la dite grotte 4, un très grand nombre de manuscrits avait été mis en vrac et, 1900 ans plus tard, on n’a retrouvé qu’un tas de timbres postes et les épigraphistes ont eu un travail de dingue pour remettre en ordre le tout... La visite était intéressante mais une personne du groupe posait des questions un peu étranges... Elle était censée être un peu au courant mais ça n’était pas ce que laissaient supposer les questions... Enfin, au bout d’un moment, elle s’est tanquée sous l’auvent et on a eu la paix.
Une citerne fendue par un séisme
Le Père Puech nous a montré en riant, quelques pierres au milieu de la place. Il y a quelques années, les archéologues israéliens ont triomphalement annoncé la découverte d'un lieu cultuel à Qumrân, un autel pour les sacrifices. Les dominicains ont bien ri, car ces pierres ne forment rien d'autre que le foyer du cuisinier bédouin du P. de Vaux, lors des premières campagnes de fouilles ! Comme quoi, tout le monde peut se tromper. 
Nous sommes montés vers le barrage et avons dû nous mettre à quatre pattes pour franchir l’aqueduc qui amenait l’eau au “monastère”. Il y avait un paquet de monde qui faisait du rappel dans le lit du wadi. Puis nous avons vu la grotte 6, sommes passés sous la grotte 2 et Émile Puech nous a indiqué la grotte 1, celle où tout a commencé. Il faut grimper un peu mais on touche la légende. Retour au bus et au parking de Qumran, doté de toutes les commodités modernes.
Nous reprenons le bus et suivons le rivage de la Mer morte. Émile nous montre quelques vieilles pierres qui remontent à l’ancien temps tout au long du bord de la mer. Juste avant le check point (Qumrân est en territoire occupé !) on montre vers le wadi Darga, la route monte courageusement jusqu’au plateau qui se trouve à peu près au niveau de la mer. La vue est splendide mais brumeuse. On ne fait que deviner la Jordanie, de l’autre côté de la mer.
Le bus nous laisse au milieu de nulle part et nous commençons à marcher. Émile nous guide mais il nous laisse avant que le chemin ne dégringole dans le wadi... Il va sur ses 75 ans et a eu des pépins de santé il y a quelques années. En 2007, il nous avait accompagnés partout ! Le temps passe : il disait même aujourd’hui : « C’est la dernière année ». Sur le plateau, j’ai aperçu un renard mais j’étais le seul… Déjà, près de la grotte 1, j’étais le seul à voir sans problèmes le troupeau d’ibex !
Descente vers le Wadi Muraba'at, verdoyante en hiver
Le wadi Muraba’at est une immense vallée. Ça me rappelait en volume, les grandes gorges de la Nesque. Nous descendons presque jusqu’au fond et nous finissons par arriver à la grotte de Simon Bar Kokhba. Ce brave Simon était le meneur de la deuxième révolte juive entre 132 et 135 de notre ère. Certains rabbis (et non des moindres !) l’ont reconnu, à l’époque, comme le Messie. Et d’ailleurs son nom (ou plutôt son surnom !) signifie Simon, fils de l’Étoile, en araméen. On y a lu une allusion à Nb 24,17 : « Un astre issu de Jacob devient chef ».
Sa révolte a été très violemment réprimée par l’empereur Hadrien. Et dans la grotte que nous avons visitée, les révoltés ont été asphyxiés par un feu allumé par les Romains. À l’intérieur, on a retrouvé des monnaies, des armes et une lettre signée par Simon Bar Kokhba !
Entrée des grottes de Bar Kokhba
Remontée sportive sur le plateau et nous avons pris une photo de groupe. Un drame a faille se jouer à cet endroit : en ouvrant mon étui à appareil photo, le pare-soleil en jaillit, roule, rebondit, s’arrête et repart… Il était bien parti pour aller tout au fond du wadi et finalement non… Il s’est arrêté et Jakub est allé me le chercher Ouf ! Retour au bus.
Arrivés à Jérusalem, on embrasse ceux qui ne seront pas là au second semestre et nous filons à l’église éthiopienne (en haut de la rue Rav Kook, lieu de la paroisse hébraïque) pour la prière pour l’unité des chrétiens.
Choc culturel en arrivant : il faut se déchausser et les messieurs entrent par la gauche et les dames par la droite ! L’église est un gros dôme pas très haut, cela correspond à la forme traditionnelle des églises éthiopiennes. À l’intérieur, la quasi-totalité de l’espace sous la coupole est occupée par un édicule carré, le sanctuaire, qui est le lieu de la célébration. Dans le sanctuaire, on conserve le tabot, une reproduction des tables de la Loi de Moïse. (Dans une église en Éthiopie, les Éthiopiens affirment détenir l’authentique Arche d’Alliance !) Autour de la coupole, un déambulatoire assez étroit fait le tour de l’église. C’est là que se tiennent les fidèles.
La célébration était belle, quoiqu’un peu longue à cause de notre méconnaissance de leur langue et de leurs rites… Sur le film, vous pouvez entendre le chant de l’Alleluia. La liturgie ressemble à du chant en langue, chacun prend le chant en route à sa façon, à son rythme…
Les éthiopiens revêtent pour la liturgie un immense châle blanc (parfois les femmes ornent les bords avec de jolies broderies). Associé à leurs traits fins et graves, il leur donne une grâce et une élégance sans pareille. À la fin de la célébration, les évêques présents ont béni chacun à son tour. Le nonce était là et, au nom de l’Église catholique latine, il nous a bénis… en anglais ! L’assemblée ne connaissait pas les réponses ; je pense qu’en latin, on aurait pu faire quelque chose de correct mais en anglais… Après le nonce, l’Arménien, le grec catholique, le grec orthodoxe, le luthérien, le syriaque… Nous avons fait une série de signes de croix…
Une fois sortis et rechaussés, nous avons écouté quelques chants dans la cour devant l’église. Le film ne donne pas grand-chose (il faisait nuit noire) mais vous pouvez entendre la joie qui transparaît.
Je ne me suis pas attardé car j’étais crevé… Mais c’était sans compter les conséquences de la situation politique. Arrivé à la Porte Neuve, à 50 mètres du portail du Collège… Je trouve la porte bloquée par la police. En fait, une attaque au couteau venait d’avoir lieu à la Porte de Damas. Un jeune juif de 17 ans a été légèrement blessé mais ses assaillants ont pris la fuite dans la Vieille Ville… La police a donc bouclé les portes pour les empêcher de sortir. Ils ont fini par être pris. J’avais du mal à comprendre pourquoi on ne pouvait pas rentrer… Mais la police était inflexible. Sauf pour l’évêque auxiliaire de Jérusalem, qui revenait de chez les Éthiopiens, après s’être attardé au buffet. La police l’a laissé passer et je me suis glissé derrière lui (pourtant je n’avais pas de col romain pour la journée et ma qualité de prêtre ne sautait pas aux yeux). Mais ça a passé.
Prière, classement des photos, vêpres et repas. Après le repas, nous avons regardé un documentaire d’Arte sur le Mont Olympe. Et vite au dodo.
Aujourd’hui, dimanche calme. Je me prépare pour la messe à Saint-Sauveur.
À bientôt,
Étienne+

mardi 26 janvier 2016

Que tous soient un (Jn 17,3)

πάντες ἓν ὦσιν

pantes hen ôsin

Chers amis,
Vous vous attendiez à Qumrân, eh bien non ! Hier, notre sortie a été ajournée à samedi prochain. En effet, il pleut beaucoup ces jours-ci et la neige était même annoncée… De fait, on a froid…La route de la Mer morte a été coupée par des wadis en crue et les sites que nous devions visiter étaient difficilement accessibles…
Hier, lundi, j’ai travaillé à la bibliothèque et j’ai trouvé une idée sympa pour ma thèse… Je n'en dis pas plus...

Sarcophage chrétien au Bible Lands Museum
Aujourd’hui donc, je me suis proposé d’aller visiter le Musée des pays de la Bible (Bible Lands Museum).
C’est un musée voisin du Musée d’Israël, fondé par un riche juif pour abriter sa collection d’antiquités. Cette collection s’est enrichie ensuite de dons, de prêts et de dépôts. Le but est de présenter les pays, peuples et civilisations. Il y a très peu d’objets découverts en Israël mais cela vient surtout d’Égypte, de Turquie, de Syrie, d’Irak… On passe de salle en salle, chacune couvrant un thème…
Sceau cylindrique, avec son empreinte
Arrivé à 10h30, je suis ressorti vers 15h15… Autant vous dire que j’avais faim, faim, faim… mais que le musée m’a passionné. J’ai vu des sceaux cylindriques jusqu’à plus soif. Ce sont des sceaux utilisés pour sceller des documents et qui, au lieu d’être des sortes de tampons, étaient gravés sur un cylindre. Lorsque le cylindre était appliqué sur une surface molle (cire, argile…), la gravure s’imprimait et le dessin apparaissait. Souvent sur le sceau, on peine à distinguer ce qu’il représente et une fois gravé, on s’émerveille devant la finesse des détails. J’ai aussi vu une inscription du roi Goudéa, roi-gouverneur de Lagash en Mésopotamie au xxiie siècle av. J.-C.
Tablettes judéennes de Mésopotamie
À la fin du musée, un exposition sur les juifs à Babylone au moment de l’exil. Le titre de l’expo était By the rivers of Babylon (la mélodie va trotter dans la tête des fans de musique disco…). On expose notamment des tablettes cunéiformes qui décrivent la vie des exilés dans la ville d’al-Yahudu (littéralement, la “ville des Judéens”), près de Babylone. C'était intéressant mais je me suis demandé comment ces tablettes cunéiformes de la taille d'une gaufrette avaient pu se retrouver dans ce musée israélien. Et, en effet, il y a une polémique sur leur provenance, certains accusant le musée d'exposer des objets découverts lors de fouilles sauvages par des pilleurs de sites archéologiques, qui profitent de l'instabilité politique et institutionnelle dans ces pays pour s'enrichir en trafiquant les antiquités...
Ensuite, retour vers la Vieille Ville, j’avale un bagel (à 16h15, je crois ne jamais avoir déjeuné si tard !) puis célébration œcuménique des Vêpres à l’église arménienne des saints anges. Pourquoi une célébration œcuménique alors que la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens s’est achevée hier ? Tout simplement parce qu’ici à Jérusalem, elle ne fait que commencer. En fait, à cause de la célébration tardive de Noël chez les Arméniens (le 19 janvier) la Semaine de prière est célébrée la semaine qui suit. Chaque soir à 17h (environ), une église reçoit les chrétiens pour un temps de prière : liturgie de la Parole, chants. Samedi, c’était au Saint-Sépulcre mais ma promenade m’a retardé ; dimanche, c’était chez les Anglicans mais le vent, la pluie et le froid m’ont fait renoncer après la visite approfondie du couvent Saint-Sauveur. Hier, c’était chez les Luthériens, à côté du Saint-Sépulcre, mais j’avais la rencontre avec les étudiants de l’ÉBAF (comme délégué, c’était difficile de sécher…) Ce soir, j’ai sauté sur l’occasion…
Célébration œcuménique chez les Arméniens
 La cathédrale Saint-Jacques est encore fermée pour travaux ; l’office liturgique avait donc lieu à l’église des saints anges qui est au fond du quartier arménien. Imaginez (pour ceux qui la connaissent) l’église de la Roque-sur-Pernes et vous la remplissez de chrétiens de diverses confessions (et à Jérusalem, il y en a). J’ai vu l’une des consacrées du Chemin Neuf qui est à l’Ecce Homo. L’office était très beau ; les Coptes, les Syriaques, les Éthiopiens ont participé à la liturgie. Le fr Stéphane a proclamé l’évangile (Jn 17,20-23) en français (ça doit être la langue de l’unité, certainement…) Normalement, après la célébration un “rafraîchissement” devait être servi (franchement, on avait plutôt besoin de se réchauffer…) mais on a rien vu. Je n'avais pas mon appareil photo mais Marie des Neiges m'a passé sa carte mémoire : pour la remercier, allez faire un tour sur son blog.
Retour au Collège des Frères, oraison, repas, info, blog, dodo.
À bientôt,
Étienne+

dimanche 24 janvier 2016

Ton Dieu, le SAINT d’Israël, ton SAUVEUR (Is 43,3)

אלהיך קודש ישראל מושיעך
ˀĕlōheykhā qedôsh Isrāˀēl môshîˁekhā

Chers amis,
L’autre jour en rentrant de l’excursion archéologique, je raccompagne Marie des Neiges (c’est son nom !) à Maria Bambina où elle travaille pour les Franciscains – elle aussi tient un blog que vous pouvez consulter en cliquant sur lieu. Maria Bambina est la guest house de la Custodie et se trouve sur le chemin qui remonte au Collège. Après l’avoir laissé une dame m’adresse la parole en français pour me demander son chemin (ses explications n’étaient pas hyper claires et j’ai eu du mal à savoir où elle avait l’intention d’aller…) Mais en parlant avec elle, je lui demande :
– D’où venez-vous ?
– De l’Aveyron.
– Ah bon et de quelle partie de l’Aveyron ?
– Oh, près de Decazeville…
Et quand je lui dit que je suis de Notre-Dame de Vie, elle me répond qu’elle fait partie d’un groupe de lecture de Je veux voir Dieu qui se réunit chaque mois sur Skype® avec un prêtre de NDV, celui qui est toujours à la pointe des innovations technologiques !
Sinon depuis mercredi, les choses sont calmes… Travail à “Patmos”, au sous-sol de la bibliothèque. Jeudi midi, j’ai mangé à l’École, entouré du directeur, du vice-directeur et du maître des études : bien entouré pour parler de mon travail, où j’en suis, ce que je veux faire, glaner quelques conseils… Je suis donc en train de lire quelques bouquins, de ramasser des éléments de bibliographie et je suis toujours en train d’annoter l’Apocalypse sur la BEST (Bible en ses Traditions). Le soir, je suis allé me balader, besoin de se défouler, sans doute… Je suis passé devant un magasin qui vendait, c’est tout de même curieux, des combinaisons de ski… Mais pas comme on vend des combis de ski à Montpellier, pour les quelques chanceux qui pourraient éventuellement avoir l’occasion d’aller au ski… mais comme on en vend à Grenoble ou Annecy où la moitié de la population glisse. En fait, comme il fait froid en ce moment (enfin… froid, tout est relatif : il ne gèle pas et dans la journée il fait 15°… mais ici, c’est une température considérée comme polaire et on voit des gens se trimbaler dans la rue en combinaison de ski et parfois les maçons s’en servent comme d’un bleu de travail hivernal) Le mont Hermon (la seule station de ski du pays) se trouve tout au nord du pays à 180 km à vol d’oiseau, tout de même… Dimanche dernier, pendant l'excursion au Wadi Auja, les Palestiniens qui pique-niquaient étaient tous en doudoune, alors que nous étions en T-shirt...
Mes déambulations dans la ville m’amènent aussi à évoquer la fondamentale question des passages piétons à Jérusalem… En France, normalement, les piétons sont pris en compte dans la succession des feux rouges et verts. Ici, non, il faut attendre une heure que le petit bonhomme devienne vert tout simplement parce que les voitures circulent à un autre endroit et ne peuvent absolument pas passer là où le piéton est vert… Pour traverser une grosse avenue, il faut s’y prendre à deux fois (voire trois ou quatre) : la première fois pour traverser la première moitié de la route, on poireaute un moment et enfin, avec un peu de patience, on peut traverser la deuxième moitié de la route… Et le pire, c’est que les gens respectent cela : moi, en bon Français, lorsque la voie est libre, je passe… et j’ai plusieurs fois entendu dans mon dos des soupirs de réprobation… Même les jours de sabbat, alors que ça circule beaucoup moins.
Les jours de sabbat, on voit les juifs de Méa Shéarim qui marchent sur la voie du tramway pour aller au Mur occidental (le tramway ne circule pas ce jour-là et sa voie croise le minimum de routes).
Vendredi midi, évidemment, j’ai célébré la messe à l’Ecce Homo. J’ai fait la connaissance du nouveau couple de la communauté du Chemin Neuf qui travaillera là-bas désormais. Massimo et Gilda s’en vont mi-février. Le temps était magnifique et j’ai bien profité du soleil pendant le café. Et tant mieux car le lendemain, tout était plongé dans la brume… Pas de problème donc pour trouver de la motivation à l’étude ce matin-là… Sauf que… c’était sans compter…
À 8h pétantes, en arrivant à l’École, je trouve le portail ouvert et plein de monde à l’intérieur : étudiants, expat’, volontaires… J’avais oublié l’excursion à Hébron, proposée par le P. Dominique-Marie… Comme je connaissais déjà, je ne m’y suis pas inscrit. J’ai salué les quelques chanceux que je connaissais. En en parlant cet après-midi avec l’une d’entre eux, j’ai pu réaliser que cette visite les avait bouleversé tellement la situation est terrible là-bas. Jérusalem est une ville où l’on sent la tension, mais rien de comparable à Hébron…
Hébron, Tombeau des Patriarches, 03/2007
Sur la photo, prise en 2007, vous voyez le Tombeau des Patriarches. Le site a été édifié par Hérode le Grand et on remarque l'appareil typiquement hérodien ainsi que les pilastres semi-engagés (une décoration semblable existait au Temple de Jérusalem).
Cette après-midi, je suis allé marcher trois bonne heures dans Jérusalem… sous une pluie battante mais cette fois-ci j’avais emporté mon parapluie : passage devant le Musée d’Israël, le campus de l’université hébraïque à Give’at Ram, passage au-dessus de l’avenue Begin, près du stade Teddy Kolek puis j’ai rejoint l’ancienne voie ferrée et retour par la première gare. Dans le quartier de Give’at Mordekhai [Give’at, ça veut dire colline en hébreu et comme Jérusalem est bâti sur la croupe d’une petite chaîne de montagne, il y a beaucoup de collines qui délimitent des quartiers : Give’at Ram (colline des Institutions officielles), Give’at Shaoul (de Saül), Give’at haMivtar (du découpeur ?), Give’at Massuah (du signal lumineux !) et Give’at Mordekhai, c’est la colline de Mardochée], il y avait des barrières dans une rue avec un panneau « Saint Sabbat », comme cela les gens ne pouvaient pas pénétrer dans la rue en voiture et violer ainsi le repos du sabbat. Chez les juifs orthodoxes, on considère qu’il ne faut pas faire de feu le jour du sabbat (c’est comme un travail) et on s’abstient donc de faire fonctionner un moteur à explosion ou un appareil électrique (ça va de la lampe du salon au téléphone portable…). Là où c’est un peu filou, c’est que si la lampe est allumée avant le début du sabbat, on peut la laisser allumée.
Pour le repas du soir, Suzanne la cuisinière avait préparé, à la suggestion de Fr. Daoud, un énorme gâteau en l’honneur de sainte Émérentienne : chocolat, gelée rouge, ananas et crème chantilly. Un peu “riche” pour la petite esclave romaine mais pourquoi pas ! En effet, j’avais parlé dans la semaine aux Frères de la possibilité de célébrer la sainte patronne de Notre-Dame de Vie et ce matin-là, j’avais donc célébré la messe en l’honneur de sainte Émérentienne. J’ai un peu parlé de sa vie et du sens que cette petite martyre a pour les membres de NDV.
Le soir, petit film de détente avec les Frères. Nous quittons les subtilités du cinéma iranien pour une comédie d’espionnage américaine, Spy. C’est pas un chef d’œuvre du bon goût mais on rigole bien.
Aujourd’hui, matinée calme et je suis allé à la messe à Saint-Sauveur. Le P. Firas, le curé, m’a invité au repas ensuite avec les Franciscains. Le réfectoire est une immense salle tout en longueur. Comme c’est dimanche, on peut parler mais ça n’est pas fait pour, alors les gens se parlent à travers la salle à très haute voix… Un peu surprenant… Sinon, j’ai un peu parlé avec mes voisins, le P. Clemente, un brésilien, gardien (= prieur) du Mont Thabor, qui s’apprêtait à prêcher une retraite pour une partie des Franciscains et le P. Gérard, un Français, qui fut gardien du Thabor, avant d’être celui de la Primauté de Pierre, sur les rives du lac de Tibériade. L’avantage chez les Franciscains, c’est que le repas ne s’éternise pas…

Le clocher de St-Sauveur vu de la citadelle, 31/12/15
Après le repas, le café se prend dans le diwan des Frères. Le diwan, c’est la salle de communauté. Le mot vient des langues persanes et fut intégré à l’arabe ; il désigne à la fois le conseil du sultan ottoman (son cabinet), la salle où ce conseil se réunit, par métonymie, le gouvernement ottoman et plus largement, la salle de réception officielle dans une maison (un peu l’équivalent de notre salon).
À partir de là, Fr. Stéphane, dont je vous ai déjà parlé, m’a fait visiter le couvent… Saint-Sauveur, c’est une grosse maison. C’est un couvent, une paroisse, une école, une école de musique, une bibliothèque, une imprimerie, une maison de retraite pour les Franciscains âgés, un séminaire, deux maisons d’hôtes, l’administration d’une province franciscaine (la Custodie qui couvre Israël, la Palestine, la Jordanie, Chypre, le Liban et la Syrie…), la rédaction d'un magazine publié en six langues (et autant de versions) différentes, et bientôt un musée… Il y a même une ermite qui vit sur le toit ! Vous imaginez qu’il y a de quoi voir. Le couvent est installé là depuis 1559, lorsque les Franciscains ont été chassés du Cénacle par le pouvoir ottoman. Petit à petit, le couvent s’est agrandi. Depuis une dizaine d’années, le Custode (= le provincial) a fait réaménager le couvent pour le rendre fonctionnel et pratique.
Nous avons commencé par l’infirmerie/maison de retraite. Nous avons parlé avec deux frères espagnols âgés, Polycarpe et Emilio. Rapide passage sur la terrasse à cause de la pluie battante (pendant que je prenais le café, il faisait un joli soleil). Je crois avoir vu un peu tout ce que je vous ai listé ci-dessus. Je n’oublie pas la buanderie qui m’a donné l’occasion d’avoir une petite pensée pour celle de Sainte-Garde ! Le P. Stéphane m’a montré une jolie cour qui vient d’être réaménagée avec un puits qui donne sur une citerne. C’est la partie la plus ancienne du couvent et sans doute celle où se sont installés les premiers franciscains. Comme la buanderie y était installée jusqu’à une époque récente, on y a laissé la poulie et le treuil qui permettaient de faire monter trois ou quatre étages plus haut les paniers de linge pour les étendre sur le toit ! J’ai aussi vu la prison du couvent. Ce n’est pas pour y mettre les frères impénitents ou dissipés mais c’est un reliquat de l’époque ottomane où le Custode exerçait, comme ordinaire, le pouvoir judiciaire sur les chrétiens de rite latin. Il fallait donc bien un lieu pour enfermer les prisonniers. À l’époque où le couvent était sur le Mont Sion, un prisonnier célèbre y a passé quelques jours : il commençait à mener une évangélisation entreprenante et les Franciscains ont dû calmer son zèle pour protéger leurs couvents et leur ministère en Terre Sainte (ce n’est pas si évident que ça d’évangéliser en terre musulmane…). Du coup, il est rentré en Europe et a fondé les Jésuites. C’était Ignace de Loyola…
On est aussi passé au bureau des biens culturels où l’employé fait des merveilles pour restaurer et remettre en valeur tout un patrimoine artistique, liturgique… J’ai terminé par la visite de la sacristie où sont conservés des milliers d’ornements liturgiques… Certains sont encore utilisés aujourd’hui (souvenez-vous, le 4 octobre dernier pour la fête de saint François d’Assise, lors des Vêpres, le Custode avait revêtu une chape offerte par Louis XV. En effet, les rois et empereurs ont été très généreux avec la Custodie, c’était une manière de montrer qu’on protégeait l’activité des Franciscains. Les ornements ainsi rassemblés proviennent donc de France, d’Autriche, d’Espagne, du Portugal, de Savoie, de Naples. Regardez en suivant ce lien un détail de la splendide chape génoise : elle date de 1686 et on a l’impression qu’elle sort de l’atelier de la brodeuse. C’est de la broderie de soie sur du tissu de soie. Le travail est d’une finesse. Sur l'autre lien, vous avez l'ensemble génois tel qu'il fut présenté à Versailles en 2013. Là, j’ai pensé à mes quelques vieilles chasubles à Saint-Didier ou la Roque-sur-Pernes… Leïla, on a du boulot !
Et la visite était terminée… Il était déjà quatre heures (cela faisait plus de 2 heures et demie que j’arpentais les couloirs et recoins du couvent !)
Je suis rentré à la maison sous une pluie battante. Et j’ai manqué de courage pour aller à la cathédrale anglicane pour la prière œcuménique : vent et même quelques flocons de neige… J’ai préféré prier ici, au chaud. La neige est annoncée pour demain...
Désolé pour le peu d’illustrations, mais je n’avais ni mon appareil, ni mon téléphone… Mes archives ont pallié.
Mardi nous devrions, si tout va bien, aller à Qumrân.
À bientôt,
Étienne+