ἐν τῷ κήπῳ μνημεῖον καινόν
en tôi kèpôi mnèmeion kainon
Le foyer “Four Homes of Mercy” est assez grand (c’est
surprenant) et accueille 70 personnes handicapées de tous âges : des
enfants, des adultes et des personnes âgées. Ce sont des personnes atteintes
d’un handicap intellectuel ou IMC, curieusement pas de personnes trisomiques
dans le foyer. On a passé deux heures à chanter ; pour moi, la difficulté
consistait à communiquer avec des personnes alors que je ne parle pas leur
langue et qu’elles ne parlent pas la mienne… Honnêtement, au départ, avec le
monde entassé dans la petite salle, c’était pas fantastique. Vers la fin, oui,
la salle s’était un peu vidée, j’ai blagué avec quelques-uns des enfants. En
plus, les chants, j’ai eu un peu du mal : la sono était poussée au maximum
(mais les Palestiniens semblent ne jamais savoir qu’on peut baisser le volume)
et « Vive le vent d’hiver » en arabe, quatre fois en boucle, j’ai eu
un peu de mal… Au bout d’un moment, j’avais la tête comme un “compteur bleu”
(spéciale dédicace elv) et je suis
sorti dans le couloir. J’en ai profité pour regarder les panneaux qui décrivent
l’œuvre qui fêtait l’année dernière ses 75 ans. Franchement, le boulot est
impressionnant surtout si l’on considère la situation sociale et politique de
Béthanie. Vous avez ici une photo du bâtiment au moment de la construction.
Aujourd’hui, il y a un long couloir bordé de chambres entre les deux parties
visibles et toute la colline derrière est couverte d’immeubles rutilants
appartenant à la colonie de Ma’ale Adumim.
Sinon, l’après-midi, nous avons visité le Saint-Sépulcre. Évidemment,
je connais le lieu mais cela ne m’a pas empêché de découvrir des parties que j’ignorais
encore. Il faut dire que l’histoire du lieu est complexe (la vidéo montre l'évolution du site en 3 minutes): on part d’une
carrière de pierre de l’Âge du Fer (1200-600 av. J.-C.) dans laquelle
quelques veines de pierre de mauvaise qualité sont laissés, formant notamment
un mamelon. C’est ce mamelon, de quelques mètres de haut, qui deviendra le
Golgotha. À proximité, dans les gradins formés par la carrière, des tombes ont
été creusées ; l’une d’entre elles accueillera le corps du supplicié du
Vendredi Saint. Il n’est pas impossible que le lieu ait été vénéré par les
premiers chrétiens, mais on sait qu’en 135, à cet endroit même, l’empereur
Hadrien a fait construire un temple dédié à Aphrodite. Ce temple sera détruit
après le concile de Nicée (Macaire, évêque de Jérusalem, y avait supplié l’empereur
Constantin de libérer les lieux de la mort et de la résurrection du Christ). En
326, sainte Hélène entreprend des fouilles et retrouve les lieux saints et les
reliques de la Passion. Une splendide basilique est édifiée. Elle est sérieusement
endommagée lors de l’invasion des Perses en 614 et restaurée dans les années
qui suivent par l’évêque Modeste. En 1009, le calife Hakim (un déséquilibré,
comme on dit aujourd’hui) fait raser la basilique et demande qu’on s’acharne
particulièrement sur la tombe qui disparaît… L’incapacité des Orientaux à
reconquérir les lieux saints provoque la Première Croisade qui conquiert
Jérusalem ; les Croisés reconstruisent la Basilique et lui donnent sa
structure actuelle. Les différents interconfessionnels, un incendie en 1808, un
séisme en 1927, la deuxième guerre mondiale… La basilique était près de s’effondrer
puisque tout le monde la revendiquait pour soi, mais personne ne voulait être
le seul à payer, tout en empêchant les autres de l’être… Une restauration (et
des fouilles) a été menée, sauvant la Basilique. Vous voyez que l’histoire est loin d'être facile (et encore, je m’en suis tenu aux grandes lignes…)
Rendez-vous était fixé sur le toit de la Basilique, près de
la 9ème station du Chemin de Croix. Nous voyons là, des vestiges du
cloître de la Basilique construite par les Croisés, dans lequel, les Éthiopiens
ont construit leur monastère. À côté une église copte bâtie au-dessus d’une
immense citerne de la même époque que la première Basilique. Nous en
ressortons, passons dans les chapelles éthiopiennes traversées par le Chemin de
Croix. Le P. Dominique-Marie nous fait admirer la façade et c’est vrai qu’elle
est belle (un peu de guingois, certes… mais belle). En entrant, nous faisons la
partie “pèlerinage” : Golgotha, Pierre de l’onction, Tombe. Nous passons
derrière la tombe pour voir celle dite “de Joseph d’Arimathie”, qui date du 1er
siècle et qui montre que ce lieu était bien une nécropole à l’époque du Christ.
Ensuite, nous descendons dans la chapelle arménienne où je
découvre la chapelle Saint-Vartan : elle est installée dans ce qui reste
de la carrière antique, aucun doute sur l’utilisation des lieux : les
coups de ciseaux sont encore visibles.
Puis nous avons visité l’hospice russe, dans lequel sont
visibles des vestiges du forum d’Hadrien, ainsi qu’une étrange structure en
pierre manifestement hérodiennes (la manière dont elles sont taillées est très
reconnaissable) mais que l’on peine à comprendre. A l'entrée, nous avons aussi admiré le salon de Nicolas II, qui est resté dans l'état que le Tsar avait connu. Les filles du groupe ont dû se couvrir la tête et même se draper dans de grands tissus pour cacher leurs pantalons... L'église est pas folichonne : les icônes m'ont rappelé celles de Saint-Pétersbourg, toutes inspirées de l'art académique pompier de notre XIXe siècle.
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Chers amis,
Samedi, j’avais projeté d’aller me promener dans la matinée
et au moment de partir, je croise Fr. Daoud dans le couloir et il me propose de
l’accompagner avec toute une équipe dans un foyer pour personnes handicapées à
Béthanie. Adjugé vendu, je pars… Le trajet est un peu long parce qu’il faut
passer sous le mont des Oliviers (par le tunnel), traverser le check-point de
Ma’ale Adumim, descendre la route sur quelques kilomètres, frôler la colonie
israélienne de Ma’ale Adumim et remonter vers la ville arabe que l’on traverse
avant d’arriver au foyer… qui se trouve à 250 mètres du check-point… Sous le
mont des Oliviers…
Le foyer en construction |
À la fin, le directeur [tout en rondeurs = ⃝ ] nous a offert
le café et le cnafé, la spécialité du Nouvel An par ici : ça a la forme
d’un nem mais c’est fourré avec du fromage (qui ressemble à du saint-moret) et
l’extérieur est une préparation qui a la couleur et l’aspect des carottes
râpées mais c’est en en sucre. Un brin écœurant (on n’en prend pas deux).
L’après-midi, après la sieste, j’ai vu que le soleil était
sorti (depuis mercredi il fait un temps pourri avec des pluies abondantes, du
vent, et du froid). J’en ai profité pour aller me balader mais mon optimisme
m’avait fait omettre le
parapluie ; grave erreur ! car au bout d’un
quart d’heure de marche, il s’est mis à pleuvoir à grosses gouttes… Cela n’a
pas entamé ma détermination et j’ai continué à marcher bon pas : monastère
de la Croix et retour par l’ancienne voie ferrée déjà empruntée (mais dans
l’autre sens) l’avant-veille avec Pierre. Je me suis arrêté à la reading
station. Il s’agit d’un ancien abribus reconverti en bibliothèque ouverte.
Les gens déposent leurs livres et peuvent en prendre (deux seules
contraintes : pas de dictionnaires, et pas de livres religieux destinés à
la geniza). Avec un peu de patience, on doit pouvoir reconstituer les œuvres
complètes de Barbara Cartland dans ce genre d’endroit. J’ai emporté un livre
qui s’appelle Comment faire son alyah en 20 leçons, témoignage d’un
médecin juif français qui a décidé à l’approche de la cinquantaine de
« monter » (alyah en hébreu) à Jérusalem et de s’y installer.
Le livre date de 1987 mais il y a des choses qui n’ont pas changé (la
« bonne humeur » des fonctionnaires, les embrouilles immobilières…)
La reading station |
Dimanche, messe à Saint-Sauveur. Cette fois-ci, je n’ai
absolument rien compris au sermon mais j’ai réussi à suivre l’évangile sur le
feuillet en arabe. Honnêtement, ce n’était pas un exploit, l’évangile d’hier,
c’était le prologue de saint Jean, ce qui m’a permis d’apprendre un nouveau mot
en arabe : الكلمة, al-Kalima, la
parole, le Verbe… Il faut vous dire que nous ne savons plus où nous en sommes,
sur le plan météorologique avec cette pluie quotidienne ; pour les
activités, l’ÉBAF a repris les siennes mais pas le Collège à cause du Noël
orthodoxe qui est jeudi prochain (7 janvier) ; et pour la liturgie, nous
n’avons pas encore fêté l’Épiphanie, puisqu’ici elle est célébrée le 6 janvier
quel que soit le jour de la semaine. Or, chez les Frères, la liturgie est en
français mais si vous cherchez dans vos bréviaires, missel et lectionnaires,
rien n’est prévu pour le deuxième dimanche après Noël puisque dans les pays
francophones, ce dimanche laisse la place à l’Épiphanie… Du coup, avec les
Frères, on bricole en regardant sur un site Internet italien (équivalent de
l’AELF).
Après la messe, repas dans un petit resto spécialisé dans le
ḥoumous (il faut prononcer le ḥ en soufflant bien avec le fond de la gorge mais
pas autant que la jota espagnole : ça fait Israélien ou touriste !) :
c’est de la purée de pois chiche à laquelle on adjoint un peu de sésame. Je
vous recommande celui aux pignons de pin… Un délice !
De ce petit coin de la Vieille Ville, je suis parti me
balader à pied. J’ai pris la direction du sud, cette fois-ci. Porte de Sion,
Cénacle, cimetière chrétien (avec la tombe de Schindler), descente dans la
vallée de la Géhenne, remontée sur la colline d’Abu Tor (ou Giv’at Ḥanania), de
là, je passe sous le monastère des Clarisses, au-dessus de la forêt de la paix.
La promenade est sympa, la vue belle et la route principale éloignée. C’est le
début du chemin pour se rendre à Bethléem à pied sans avoir à longer la route
d’Hébron (2x2 voies avec en plus une double voie centrale pour les bus).
On arrive à la promenade Haas (« Si vous souhaitez
laisser à la postérité votre nom gravé dans le marbre, et si vous avez un peu
d’argent, Israël est le pays idéal pour cette ambition. Voici comment il faut
procéder. D’abord, trouver le bureau ministériel qui s’occupe des projets non
encore réalisés. C’est le plus difficile. Après, ça va tout seul. L’État
finance pour moitié un projet si un généreux donateur finance l’autre, en
échange de son nom apposé au vu des foules supposées reconnaissantes »
Moshé Gaash, Comment faire son
alyah en 20 leçons, p. 54) De fait en Israël, les gens font inscrire
leur nom partout : sur les bancs des parcs, sur des stèles dans la rue,
sur la façade des bâtiments publics, j’en ai même vu l’autre jour sur un
audioguide ! (generously
granted by X and Y in loving memory of their son W, too soon departed,
197X-200X))… Quand j’étais enfant, mes parents me disait des choses
sur les gens dont « les noms sont écrits partout », et que pour vivre
heureux, il fallait vivre caché [avec le Christ, en Dieu, ça va de soi]… Mais
les gens ici ne doivent pas vivre tout à fait selon les mêmes principes.
De là, j’ai profité du panorama sur la Vieille Ville par le
sud. Une famille francophone célébrait la bar mitsva du petit… Les dames
étaient habillées comme pour monter les marches à Cannes et les mamies se
déplaçaient dans un froufrou de fourrure (li vison, la pantire, li rat
misqué…)… Mais tout ce monde-là parlait comme dans La vérité, si je mens. Fou
rire…
De là, je me suis rendu compte que je n’étais qu’à deux pas
de Talpiot Est. Disposant à ce moment-là de la 4G sur mon téléphone, ce qui
tenait du miracle (parfois sur la rue de Jaffa, ça marche pas ! Imaginez
que vous n’ayez pas la 4G sur les Champs Élysées !), j’ai fait quelques
recherches, pour retrouver le lieu du tombeau de Talpiot, devenu soudainement
fameux en 2007 (lors de mon premier séjour) lorsque James Cameron (Titanic,
Avatar) a produit un “documentaire”[1]
sur ce tombeau découvert 25 ans plus tôt. Il suggère, sans rien affirmer, que ce
tombeau pourrait être celui de Jésus qui - soyons de ces rebelles qui enfoncent des portes ouvertes - n’est évidemment pas
ressuscité et, comme chacun sait depuis l’évangile selon saint Dan Brown, marié
à Marie Madeleine. La page Wikipédia donnait les coordonnées du tombeau mais le
lieu auquel je suis arrivé ne correspondait pas à mes souvenirs du
documentaire. Le soir, j’y ai jeté un coup d’œil et me suis rendu compte que
Wikipédia ne disait pas la vérité (eh oui, ça arrive, c'est bien de s'en rendre compte) : le tombeau est de
l’autre côté de la rue… De toute façon, il n’y a rien à voir puisque des
immeubles sont construits par-dessus et qu’une plaque de béton en recouvre
l’entrée. Mais le cadre est surprenant : une résidence avec des immeubles,
une petite galerie marchande, le jardin d’enfants, la station-service au bout
de la rue. Ça pourrait ressembler à la Chamberte… Enfin, soyons honnêtes, le
quartier du Saint-Sépulcre surprend parfois les pèlerins : le souk,
l’agitation, les bâtiments les uns sur les autres.
Pour vous renseigner sur ce tombeau, allez voir ce blog qui
recense les raisons pour ne pas accorder de crédit au documentaire.
Retour sans tarder à la maison puisque le ciel devenait
noir, noir, noir…
Lundi, ben… le rythme de travail a repris. Matin et
après-midi, à la bibliothèque. La reprise des activités normales évitera à ce
blog de tourner à la chronique gastronomique orientale… Avec toutes les agapes
des fêtes de Noël, je courais le risque. Il n’y a plus de chocolats, plus de
restes du repas du 1er janvier. La vie ordinaire ! Youpi !
En rentrant à la maison, j’ai croisé Henri Vallançon qui vient passer la
semaine ici pour mettre une dernière touche à sa thèse sur le prophète Élie.
Mardi matin, cours de rattrapage sur la sotériologie
paulinienne, c’était la dernière séance. Konrad a présenté un livre dont j’ai
oublié le titre… En fait, il était convenu qu’il en étudierait un autre mais il
a potassé celui-là… Puis cours d’histoire du Levant : enfin nous entrons
dans l’âge du Fer… c’est-à-dire, l’époque où l’on peut dire quelque chose du
point de vue biblique. Dans les 25 dernières années, beaucoup de choses ont été
ébranlées, toutes ces questions sont un chantier.
Façade du Saint-Sépulcre |
Carrière de pierre, chapelle Saint-Vartan |
Vestiges (?) du temple d'Hadrien |
En dessous, une grosse muraille désaxée qui semble être un
vestige du temple d’Hadrien. Cette chaelle se trouve tout à côté de la chapelle
dite “de l’Invention de la Croix”.
Hospice russe |
Nous nous sommes enfin dirigés vers l’église du Rédempteur
que j’avais visité en octobre. La vue depuis le haut du clocher était
magnifique : enfin du soleil ! et on voyait la Jordanie et même la
forteresse hérodienne de Machéronte (où saint Jean-Baptiste est mort, si l’on
en croit Flavius Josèphe). Ensuite, nous avons vu les fouilles sous l’église.
Le petit film est très bien fait pour comprendre le lieu et sa relation avec
le site du Saint-Sépulcre.
Enfin, nous avons essayé d’aller à l’église
Saint-Jean-Baptiste, à deux pas de là, mais il était déjà cinq heures passé et
l’église était fermée… Il faudra y retourner, en plus, un des étudiants de l’ÉBAF
étudie ce bâtiment d’une manière particulière…
Demain, c’est l’Épiphanie… Pas de cours et bibliothèque
fermée… Je passe la journée à Bethléem avec les franciscains. Tout est grâce !
À bientôt,
Étienne+
1 commentaire:
bien reçu la dédicace cher elj. amitié reconnaissante pour plein de choses. ne te presses pas, mais que le travail avance!
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