Celle appelée en hébreu Bethzatha…(Jn 5,2)

ἡ ἐπιλεγομένη Ἑβραϊστὶ Βηθζαθὰ

hè épilégoménè Hébraïsti Bèthzatha

Chers amis,

Lundi, journée studieuse à la bibliothèque : j’ai passé mon temps à annoter le chapitre 16 de l’Apocalypse. Le soir, avec les Frères, nous avons regardé un film iranien Les enfants du ciel. C’est une sorte de conte dans lequel un petit garçon de 9 ans vivant dans un quartier pauvre de Téhéran se démène pour retrouver les chaussures de sa petite sœur qu’il a perdu en allant faire ses courses. C’était joliment filmé et interprété et pas trop long… Coucher à la bonne heure, d’autant que j’ai pu me lever une demi-heure plus tard ce matin ! 5h30 ! Vive la grasse mat’ !

Ce matin, après la messe, j’ai fait les annotations liturgiques de l’Apocalypse ; c’est un peu un travail d’abattage mais ça peut se faire rapidement quand on n’a pas beaucoup de temps à disposition.

Deux heures de cours dans la matinée : histoire du Proche-Orient ancien avec le P. Łukasz Popko, un jeune dominicain que j’avais croisé à Rome après mon retour de Jérusalem. Puis préparation de la sortie de l’après-midi, qui était consacrée au quartier musulman… Et pourtant, nous avons vu trois sites chrétiens… installés justement dans ce quartier. Nous avons vu beaucoup de piscines destinées à l’époque à alimenter en eau le Temple. Compte tenu de la taille du complexe, et du nombre de sacrifices qui s’y déroulaient quotidiennement, l’eau était indispensable pour nettoyer les lieux et aussi pour permettre les purifications rituelles des personnes et des objets qui devaient pénétrer dans l’enceinte sacrée.

Rendez-vous était fixé à 13h35 à la Porte d’Hérode, appelée aussi Porte des Fleurs (j’ignore complètement la raison de ces noms !), qui se situe à l’endroit où les Croisés ont pu pénétrer dans la Ville le 15 juillet 1099. De là, le Père Dominique-Marie nous a emmenés dans un dédale de petites rues piétonnes, dans lequel les pèlerins ne s’aventurent pas… Nous avons fini par arriver près de l’église Sainte-Anne. Avant l’ouverture du site, nous avons pris le temps de regarder le parking qui recouvre l’antique piscine d’Israël. Cette piscine était creusée contre le mur nord de l’enceinte du Temple. Aujourd’hui, on voit le mur de l’esplanade des mosquées. Il y a des accès à l’esplanade mais ils sont réservés aux musulmans (si on a un doute, on vous demande la shahâda ou al-Fatiḥa pour s’assurer de votre orthodoxie).

Basilique Sainte-Anne

À 14h, nous sommes entrés en terre de France puisque le domaine de Sainte-Anne appartient à la France depuis 1856 lorsque le sultan Abd al-Majid la lui a donnée en remerciement du soutien français à la Turquie lors de la guerre de Crimée. L’église est d’une sobriété toute romane qui change de tout ce qu’on voit ailleurs… À côté, les vestiges de la piscine probatique (c’est-à-dire des brebis), celle dont parle l’évangile selon saint Jean au chapitre 5. La piscine était immense selon les descriptions antiques (de Flavius Josèphe, bien entendu !) Et ce qu’on en voit n’est qu’une petite partie : le reste est encore caché sous les gravats et les bâtiments alentour… Profitant d’une petite vallée, on s’est contenté de creuser un peu le rocher et d’édifier deux digues qui retenaient l’eau. Après la destruction du Temple, il y a eu un sanctuaire païen dédié à Esculape puis une grande basilique byzantine construite sur la digue centrale (la piscine nord était sans doute déjà comblée). Mais dans le bassin sud, on voit encore un des piliers de soutènement de l’église. Après la destruction de l’église, vraisemblablement par les Perses, le lieu ne fut reconstruit que sous les croisades : la basilique romane encore debout et un petit moustier sur les ruines de l’église byzantine.

La digue centrale, le pilier byzantin ; au fond, le rocher naturel

Un peu plus loin sur la rue, nous arrivons au Couvent de la Flagellation, lieu de la ii^e station du Chemin de Croix (des franciscains). Là, les Franciscains animent leur Studium d’études bibliques et un musée archéologique où sont exposés des objets découverts lors des diverses fouilles conduites par les Franciscains en Terre Sainte : le Saint-Sépulcre, le Dominus Flevit, Gethsémani, Capharnaüm, Nazareth, le Mont Thabor, l’Hérodion, Machéronte… Le tout est noyé dans la poussière puisque le musée subit des travaux de réaménagement pour offrir aux pèlerins une muséographie moderne.

Puis dans une partie fermée, nous avons vu un dallage antique qui appartient au même ensemble que le Lithostrotos de l’Ecce Homo. Nous avons pu aller dessous pour admirer un escalier antique… dont nous reparlerons.

Arc de l'Ecce Homo

Puis nous avons continué vers le Couvent de l’Ecce Homo, que je connais désormais assez bien. Il est construit au-dessus d’un arc triomphal antique que la tradition chrétienne a vénéré comme le lieu où Pilate a présenté Jésus à la foule avec ces mots : ἰδοὺ ὁ ἄνθρωπος, Ecce Homo, voici l’homme (Jn 19,5). Comme je vous l’ai dit, il est peu vraisemblable, selon les historiens actuels, que Jésus ait été jugé à cet endroit. De plus, on date habituellement l’arc de l’Ecce Homo de l’époque d’Hadrien, soit 135 ap. J.-C. mais certains historiens affirment que l’arc est trop petit pour être un arc triomphal, et qu’il est mal placé à proximité d’une escarpe rocheuse et qu’il s’agirait en fait d’une porte de la ville antique plus ancienne qu’Ælia Capitolina, la Jérusalem d’Hadrien.

Nous avons d’abord vu la citerne double du Strouthion, qui était auparavant une piscine (un bassin à l’air libre. Les escaliers vus sous le dallage au couvent de la Flagellation étaient en fait les escaliers de la piscine. Le mot Strouthion signifie Moineau.

La citerne (ancienne piscine) du Strouthion

Au-dessus de la piscine, un dallage (en grec Lithostrôtos, en hébreu Gabbatha) que la tradition chrétienne a identifié à celui de Jn 19,13. Sur ce dallage, des plateaux de jeu ont été gravés et notamment un que l'on appelait "Jeu du roi" et qui consistait à humilier un esclave en se moquant de lui, en feignant de l'honorer comme un roi. Puis nous avons continué en regardant la basilique ; dans le chœur, il y a une petite arche voisine de la grande, visible depuis la rue.

Enfin, une petite ascension sur la terrasse pour regarder la vue. Mais depuis hier, le froid et le vent sont revenus… Cela change des températures estivales rencontrées à Jéricho, avant-hier.

À bientôt,

Étienne+