vendredi 1 janvier 2016

Comme la Tour de David est ton cou (Ct 4,4)

כםגדל דוד צוארך
kemigdal Davîd tsavva’rek 

Chers amis,
Rien de particulier à signaler. Mardi et mercredi, j’ai travaillé avec l’ardeur d’un condamné à mort… J’ai quand même un peu travaillé. Les après-midi, je suis allé me balader. Mardi, la "tribu" du frère Daoud est passé fêter Noël : les neveux sont aussi efficaces qu'une nuée de criquets pèlerins pour écluser le stock de chocolats offerts aux Frères à l'occasion des fêtes...
Mercredi, avec Pierre, nous sommes allés à Maria Bambina, la guest house de la Custodie de Terre Sainte. Marie des Neiges, la volontaire qui la tient, nous avait invités pour le café. Nous sommes d'abord montés sur la terrasse d'où l'on jouit d'une vue directe sur le Saint-Sépulcre. Au moment d'aller prendre le café, nous avons eu la surprise de retrouver Kévin, un séminariste du Studium de NDV qui passe une année entre Jérusalem et Bethléem. Il avait l'air d'aller bien. 
Piliers "hérodiens" et porte croisée au fond
Hier, c’était la dernière journée de Pierre ici. Après le petit-déjeuner, le fr. Rafael nous a montré les sous-sol du Collège, bâti sur des vestiges hérodiens et croisés. Les éternelles questions de deuxième et troisième murs sont encore convoquées pour identifier les restes... Si l'on identifie le troisième mur avec l'actuel mur nord de la Vieille Ville, nous sommes à la tour Pséphinos ; sinon nous ne sommes qu'à mi-chemin (mais j'ai déjà parlé de cela fin octobre). Sinon, c'est tout de même impressionnant, la facture des pierres donne quelque chose d'antique. A l'époque croisée, c'était la Tour de Tancrède et on y vénérait la prison de saint Pierre (Ac 12).
Cour de la citadelle
La bibliothèque étant fermée, j’ai profité du temps ainsi libéré pour aller visiter la Citadelle de Jérusalem. Ce lieu abrite le musée de l’histoire et est situé tout contre la porte de Jaffa dans la Vieille Ville. Le but du bâtiment était au départ de renforcer une partie vulnérable des fortifications, où la pente naturelle était trop faible pour offrir une défense naturelle. Ce sont les Hasmonéens qui ont, au iie siècle avant J.-C., entrepris de bâtir cette citadelle. Si l’on connait l’histoire tourmentée de la région et de la ville, on comprend sans peine que cette citadelle a connu sièges, destructions et reconstructions. La première reconstruction est, sans surprise, celle d’Hérode le Grand qui a bâti trois tours auxquelles il a donné le nom de Phasaël (un de ses frères suicidé en captivité), Mariamne (une de ses femmes, princesse hasmonéenne, qu’il fit exécuter par jalousie) et Hippicus (un de ses amis). Aujourd’hui, seule Phasaël est encore
Tour Phasaël (base hérodienne)
debout. On distingue les fondations d’Hippicus ou de Mariamne dans la cour de la citadelle où d’importantes fouilles archéologiques ont mis à jour les vestiges des différentes époques. Les trois tours ont survécu à la première révolte juive en 70 ap. J.-C. puisque les Romains voulaient laisser un témoignage des murailles (pour montrer leur mérite d’avoir pu se rendre maîtres de la ville…). À l’époque byzantine, la forteresse avait été reconstruite et les pèlerins de l’époque se sont dit qu’il s’agissait de la citadelle construite à Jérusalem par le roi David (selon le principe du “on ne prêtre qu’aux riches”) ignorant que ce lieu était loin de la zone occupée par la ville à l’époque de David… D’où le nom encore aujourd’hui donné à la citadelle : la Tour de David, même si le roi David n’y a jamais mis les pieds…
À l’époque des croisés, la citadelle devint le palais des souverains du Royaume latin de Jérusalem. Détruit à nouveau à la chute du Royaume, les Mamelouks et les Ottomans ont donné au site son visage actuel en y installant une mosquée, quelques tours, et en intégrant l’ensemble dans les murailles actuelles de la Vieille Ville.
La visite commence par l’ascension de Phasaël pour admirer le panorama. Je ne me suis pas attardé car la bise soufflait et ça caillait… Ensuite, on fait le tour de la citadelle de salle en salle pour découvrir les différentes périodes de l’histoire de la ville. Si vous avez une bonne connexion internet, vous pouvez faire la visite virtuelle (coupez le son si vous ne voulez pas écouter l’audio-guide hébreu…) de toute l’expo. Régulièrement des maquettes montrent le visage de la ville au cours du temps, c’est vraiment bien fait. Et puis c’est fait intelligemment, puisque la première période islamique (viie-xie siècles) est évoquée dans la mosquée installée dans le coin sud-ouest. On finit la visite par une ancienne citerne dans laquelle une maquette de Jérusalem en 1870 est exposée. Elle fut faite par un relieur hongrois qui a vécu quelques mois à Jérusalem, dans l’imprimerie des Franciscains. Montrée à l’exposition universelle de Vienne (1873), dans le pavillon ottoman, elle fut finalement achetée par une institution genevoise et disparut dans les greniers jusqu’en 1984… Date à laquelle elle fut prêtée de manière permanente au musée. Les détails sont très intéressants ; on voit qu’à l’époque la ville ne sort pas tellement de ses murailles ottomanes (quelques églises et quartiers ici et là…) À l’intérieur de la Vieille Ville, le Muristan n’existe pas encore, pas plus que le Collège des Frères fondé en 1876… La porte Neuve n'existe pas encore (elle ne sera percée qu'en 1889 !) Le quartier juif est représenté tel qu’avant 1948. À l’extrémité nord de la maquette, on distingue le Golgotha de Gordon et la Garden Tomb et à côté un petit bâtiment à arcades, c’est l’abattoir ottoman dans lequel les Dominicains installeront ce qui deviendra le couvent Saint-Étienne en 1880 et finalement l’ÉBAF…
Jérusalem en 1873, maquette par Illés István (vue depuis le Mont des Oliviers)
De plus, la maquette montre que la ville, encore petite à l'époque, était bien vivante... Ce que certains ont parfois tendance à "omettre" pour nous imposer leur lecture du sens de l'histoire...
Bref, la visite est passionnante. On ne voit pas vraiment de pièces archéologiques (ce ne sont que des reproductions ou des évocations) mais cela permet de se mettre en tête les étapes de l’histoire de la Ville trois fois sainte. Et en plus, la présentation est quasiment exempte de parti-pris idéologique (ce qui est souvent le cas ailleurs.)
Dans l’après-midi, grosse promenade de deux heures avec Pierre : consulat de France, ancienne Gare, promenade de la voie ferrée, musée d’Art Islamique, route de Gaza, rue Agron (petit café bu dans la galerie marchande de Mamillah). Le soir, messe d’action de grâce avec les Frères puis bon petit repas. Nous avons dit au revoir à Pierre qui repartait tôt le matin pour la France (j’espère qu’il n’a pas été dérangé par la neige à Istanbul où il devait faire escale). On a attendu minuit en regardant Patrick Sébastien (! Eh oui, tout arrive) : il y avait un numéro de dressage de perroquets assez fantastique. À minuit, selon la tradition espagnole, nous avons mangé douze grains de raisin.
Aujourd’hui, grasse matinée (7h30 !) et matinée calme à travailloter (de toute façon, la pluie, le vent et la grêle qui se succèdent depuis hier soir vous invitent à rester à l’intérieur…) À 11h30, je suis parti sous la grêle vers la basilique de l’Ecce Homo, où j’ai célébré la messe, comme tous les vendredis, avec les Sœurs de Sion et la communauté du Chemin Neuf.
Retour au Collège où j’ai mangé avec les Frères tous les frères de la région : Jérusalem, Bethléem, Jaffa. Ainsi que Frère Mateo, un mariste espagnol bénévole de la Custodie, qui suit le cours de topographie de l’ÉBAF. Repas simple et sympa, avec les fraises qui abondent en cette saison dans le pays. Sieste post-prandiale. Et ce billet.
Bonne et sainte année 2016, dans la grâce de la miséricorde.
À bientôt,
Étienne+

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