ἤλθομεν προσκυνῆσαι αὐτῷ
èlthomen proskunèsai autôi
èlthomen proskunèsai autôi
Quelle belle journée que cette célébration
de l’Épiphanie in situ…
Grâce à mes contacts bien introduits
à la Custodie, j’ai pu prendre part à cette journée. Rendez-vous était fixé à
8h30 à Notre-Dame (de l’autre côté du boulevard de la Porte Neuve) ; je
retrouve fr. Mateo, un mariste espagnol qui suit les cours de topographie. Dans
le car, une ambiance franciscaine très sympathique, ça rigole, ça blague. Le
bus est surpeuplé mais il part quand même. Le trajet a beau être court (en
distance) il nous faut presque ¾ d’heure pour arriver sur place.
En fait, le chauffeur voulait aller
se garer chez les Franciscains (parking gratuit) et éviter le terminal (parking
payant). Mais le policier de faction ne voulait rien entendre car Bethléem
était en “état de siège” toute la journée : les Latins (nous !)
célébraient l’Épiphanie, alors que les Orientaux (orthodoxes, catholiques de
rites orientaux, arméniens, coptes… bref tous les autres !) célébraient
dans l’après-midi les Premières Vêpres de la Nativité. Ce décalage par rapport
à notre célébration calendale provient de la réforme du calendrier julien
(inventé, dit-on, par ce sacré Jules César) opéré par le Pape Grégoire XIII, d’où
le nom de calendrier grégorien, qui est le nôtre encore aujourd’hui. En 1582,
on a rattrapé la dizaine de jours perdus depuis l’origine de notre ère à cause
d’un trop grand nombre d’années bissextiles (dix 29 février en trop en 16
siècles !). Depuis 1900 et jusqu’en 2100, le décalage est de 13 jours.
On monte à la basilique. Je
concélèbre à la messe dans l'église latine dédiée à sainte Catherine d’Alexandrie.
Le Custode (équivalent du Provincial des franciscains de Terre Sainte) est
mitré puisqu’il a rang d’évêque. Nous sommes honorés par la présence officielle
au premier rang des quatre consuls généraux “latins” : le Français, le
Belge, l’Italien et l’Espagnol. En fait, la France est représentée par Mme le
vice-consul. Honnêtement de ma place, j’avais une bonne vue sur les consuls et
seul l’Espagnol chantait à pleine voix l’Alléluia « irlandais ».
Les deux chorales (paroissiale et
custodiale) chantent, c'est bien et, au dire de tous, incomparablement meilleur
qu’à Noël. Je remarque toutefois que certaines choristes chantent très
discrètement (certainement des ventriloques !) Pourtant, leur mise est
rien moins que discrète... Et leur placement est idéal pour obtenir de bonnes
photos...
La messe est dite en arabe et en latin.
L’homélie donnée par le curé est un peu longue mais on y respire la
bienveillance, ça change du ton des prêches du vendredi à la mosquée où même si
on ne comprend rien, transpire la violence. En revanche, je suis estomaqué par
le débit du custode lors de la messe : il galope… Autant, je n’aime pas
trop la manière de certains jeunes prêtres qui dé-ta-chent soi-gneu-se-ment
tou-tes les syl-la-bes lors-qu’ils di-sent les pa-ro-les de la con-sé-cra-ti-on,
autant une rapidité excessive est nuisible à l’intelligibilité… La communion se
déroule dans un calme relatif, alors que c’est souvent la pagaille.
Après la messe, le fr Stéphane (Gardien
= prieur, du couvent de Jérusalem) me propose d’aller dans la Basilique
assister à l'arrivée du patriarche grec orthodoxe. En fait, on l’attendait plus
tard mais il était déjà là parce que beaucoup de gens ne sont pas venus
l'accueillir. Il semble qu'il soit un peu contesté par ses fidèles... Peu d’affluence,
il a pu avancer rapidement et entrer plus tôt qu’à l’accoutumée. Nous descendons
dans la grotte pour vénérer l'Enfant-Jésus qui est à l'autel de la mangeoire
assis sur un petit trône doré. La statue n’est plus celle déposée à Noël sur l’étoile
d’argent, mais celle d’un petit garçon assis et bien sage. Il nous bénit.
Le repas est partagé à la Casa Nova,
la maison d’accueil des franciscains. Je vérifie la typologie des agapes
post-liturgiques franciscaines que m’a apprise mon amie Marie des Neiges,
volontaire à la Custodie : petite fête => petit en-cas ; grande
fête => grand repas. Aujourd'hui, c’était très
grand repas. Menu italien : antipasto, pasto, primo et dolce… Mais les
Italiens ne savent pas ce que c’est que la galette des Rois ! Nous avons
donc eu une sorte de forêt noire sans cerise confite… Dommage. Mais les lasagnes étaient
excellentes. Après le café (expresso !), le fr. Stéphane (qui nous avait
déjà fait visiter la Basilique en octobre avec l’ÉBAF, nous fait voir quelques
lieux du couvent franciscain (dont il a été gardien il y a quelques années). Il
nous montre surtout les parties croisées qui sont encore visibles. Ensuite,
nous allons prier dans la Basilique : le fr. Stéphane nous fait remarquer
que dans ce lieu, partagé par les Grecs, les Arméniens et les Latins, tout se
passe bien. Les Grecs célèbrent à leur autel, les Arméniens de Jérusalem et de
Bethléem s’abstiennent de fêter Noël à ce moment-là pour mettre leurs autels à
disposition des Syriaques et des Coptes. Nous fêtons l’Épiphanie, et nous
sommes témoins d’une épiphanie de l’Épiphanie : les Grecs (venus d’Europe),
les Syriaques (provenant d’Asie) et les Coptes (africains) sont venus ici
adorer l’Enfant. Chaque célébration se déroule dans le calme et le
recueillement ; à tour de rôle, chaque rite se déplace pour aller encenser
la grotte de la Nativité. C’est fascinant et cela fait mentir ce que l’on dit sur
ces lieux saints, trop souvent présentés comme des signes de division et de
scandale alors que nous sommes à ce moment, témoins de l’unité dans la foi en l’Incarnation
du Fils de Dieu parmi nous !
Mais il est l’heure des Vêpres (15h30 !)
qui sont célébrées dans l’église Sainte-Catherine : à cause d’une histoire
de chiffons, je ne peux y participer avec les prêtres et les frères
franciscains... Je n’ai pas de soutane ! Tant pis, tout est grâce !
Devant le Custode, trois franciscains revêtus de chape colorées (une blanche,
une rouge, une violette) portent l’un, une rose d’or, l’autre, un flacon de
myrrhe et le troisième une cassette d’encens. Ils incarnent les rois mages.
Les trois “rois mages” |
À l’issue des Vêpres, la procession s’ébranle :
tous les prêtres s’engouffrent dans la grotte avec le Custode : vu la
quantité d’encens versé dans l’encensoir, c’est héroïque : ils doivent
risquer l’asphyxie dans l’atmosphère confinée de la grotte… Les rois mages font
hommage de leurs présents à l’Enfant-Jésus. Je réussis à me mettre dans l’axe
de la sortie et j’entraperçois ce qui se passait à l’intérieur : mouvement
de chape, bâtons des kawas, nuées d’encens. Puis la procession sort de
la grotte.
Le Custode porte l’Enfant-Jésus et on chante le Te Deum,
suivi d’un les anges dans nos campagnes en latin, chanté en boucle. Le
Custode fait trois fois le tour du cloître précédé des prêtres et suivi du chœur
de la Custodie. J’essaie de remonter la procession pour m’approcher de l’Enfant-Jésus,
mais le chœur fait corps (et barrage !). Arrivé dans l’église, je me suis
dit qu’au lieu de courir après l’Enfant-Jésus, je pouvais attendre qu’il me
rattrape, il n’allait pas tarder. Et de fait, il est arrivé, précédé des trois
rois mages : celui qui portait le flacon de myrrhe en versait dans les
mains, ou les mouchoirs, qui se tendaient vers lui ; j’en ai eu trois
gouttes, ça sent très bon (c’est tout de même un peu envahissant !) Je
parviens à vénérer l’Enfant-Jésus (je mets dans ce baiser tous ceux qui me sont
chers). La procession est bouleversante de simplicité et de foi : les gens
embrassent l’Enfant-Jésus avec une dévotion qui m’a mis les larmes aux yeux.
Chez nous, c’est toujours plus intellectualisé.
Vénération du Bambin' Gesù |
À la fin, tout le monde retourne dans
le chœur de l’Église et le Custode bénit l’assemblée avec l’Enfant-Jésus. Deo
gratias !
Retour au bus, on poireaute un peu et
sur les 18h30, j’étais au Collège. Bonne nuit.
J’ai pris goût à ces célébrations et
je rempile pour le baptême du Seigneur.
Étienne+
PS: Vous pardonnerez la piètre qualité
des photos, dues à mon téléphone. J’avais laissé mon appareil-photo à la
maison.
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