jeudi 8 mars 2007

Pourîm et autres réjouissances...

Chers tous,
Après un message assez unifié autour de notre périple dans le Néguev, voici un compte-rendu beaucoup plus décousu mais qui vous donnera un aperçu de la vie quotidienne à l'Ecole. Encore que pas si monotone que ça !
Samedi, Matteo un prêtre milanais étudiant en doctorat et un groupe d'étudiants dont je faisais partie voulaient aller dans une synagogue pour assister à la lecture du livre d'Esther à l'occasion de la vigile de la fête de Pourîm. L'histoire est racontée dans la Bible : Esther, une jeune juive, devient l'épouse du roi Assuérus (Artaxersès ou Xersès) suivant les versions. Son oncle, Mardochée, est un conseiller influent du roi. Le premier ministre Haman, furieux que Mardochée ait refusé de se prosterner devant lui pour ne pas enfreindre le commandement divin, obtient du roi un décret d'extermination de tous les Juifs de l'empire. Mardochée conjure Esther d'intervenir en faveur de son peuple. Or, le roi ignore que son épouse est juive... De plus, bien que reine, Esther ne peut en principe pas se présenter devant le roi sans y être invitée. Elle s'enferme donc chez elle pendant trois jours, revêt un sac, couvre sa tête de cendre et prie. Au bout de trois jours, elle se présente devant le roi parée de ses plus beaux atours, le roi est ému et lui promet d'accéder à tous ses désirs, jusqu'à lui donner la moitié de son royaume (à quoi cela vous fait-il penser ?). Finalement, Esther obtient l'annulation du décret d'extermination et la mort du premier ministre Haman. Le fête de Pourîm a été instituée en souvenir de cette délivrance. Le livre d'Esther est assez spécial puisque dans sa version juive, Dieu n'est jamais mentionné. Le jour de Pourîm,les gens sont costumés. C'est vraiment l'équivalent de notre carnaval mais même les adultes se déguisent pour aller au bureau : on voit partout des gens en perruque, avec des tuniques bariolées. Les filles sont habillées en Esther et les garçons en Mardochée. Mais en pratique, on a beaucoup de princesses rose bonbon et de super héros (dans la rue à Arad l'autre jour, j'ai été attaqué par Batman !).
Nous voici donc partis pour assister à la lecture du rouleau d'Esther (Megilath Esther en hébreu) dans la synagogue séfarade du quartier juif de la Vieille Ville. Mais nous avions oublié que dans les villes enceintes d'un mur, Pourîm n'est pas le 14 Adar (4 mars cette année) mais le 15 ! Ne me demandez pas pourquoi c'est ainsi et allez faire un tour en Esther 9, 17-18. Du coup, on est allé voir la fin du Sabbat au Mur des Lamentations. Danses, prières, un monde fou et des gens qui faisaient coucou à la caméra de surveillance. Évidemment à cause de Pourîm, il y avait des déguisements un peu partout.
Dimanche, je suis resté ici, j'ai eu la messe avec les Pères Dominicains. Dans l'après-midi, avec Matteo, Élisabeth, Aurélie et Kévin, nous avions rendez-vous pour aller à une autre synagogue. Mais je n'avais pas de kippah. Du coup en début d'après-midi, je suis allé en acheter une. Cruel dilemme ! Laquelle choisir? La kippah Nike® ou celle Pikachu ? Finalement, j'en ai acheté une bleu foncé et noire, sobre et passe-partout.
Sur la route, Kévin s'est aperçu qu'il était démuni lui aussi mais dans la rue Ben Yehouda, il a trouvé la boutique "Kippa Man" qui ne vend que des kippôth (une kippah, des kippôth). Là, j'ai vu celle que j'aurais voulu acheter... La kippah "Tintin et Milou" ! Kévin a pris la première venue et s'est retrouvé avec une kippah énorme, faite au crochet et blanche. Du genre de celles que portent les Juifs nationalistes fanatiques... Nous voilà arrivé dans la synagogue, Elisabeth et Aurélie montent à la tribune avec les femmes, les trois garçons pénétrons dans la grande salle. La synagogue était sympa, on voyait des gens pratiquants mais pas des fous furieux. Mais là aussi, il y avait pas mal de gens déguisés ! Un gars en JR de Dallas, un pépé avec le chapeau de Harry Potter, juste devant moi un gamin en soldat perse, un gars avec une énorme paire de lunettes oranges et un nez rouge, deux ou trois ados "gothiques". Chez les filles, il y avait quelques anges et une femme en Mardochée. C'est un peu étrange, transposé dans le contexte d'une église on aurait vraiment du mal. Cependant, la lecture était faite sérieusement par un vieux rabbin en kippah et talith (le châle de prière des Juifs). Il a cantilé tout le texte. J'ai eu un peu de mal à suivre sur ma Bible parce qu'il était très vieux et avait une toute petite voix. Mais à chaque fois (une cinquantaine d’occurrences) que le texte prononce le nom du méchant Haman, toute l'assistance fait un raffut terrible : on tape sur son pupitre, on siffle, les enfants ont des crécelles et des pistolets à pétards.
La lecture a duré une petite heure. A la fin, quelques-uns parmi les anciens ont dansé autour de l'estrade.
Lundi, cours d'araméen dans la matinée. L'après-midi, je suis allé me promener et dans le quartier juif, il y avait un bal sur une placette. Le jour de Pourîm, on est sensé boire de façon à ne plus pouvoir distinguer le nom d'Aman et celui de Mardochée. Dans un coin, j'ai vu un type, je ne sais pas s'il avait bu beaucoup d'alcool mais en tout cas, il avait bu et avait dû trouver un endroit propice. J'ai pris en photo un jeune juif pieux et sa copine devant le Mur des Lamentations. On a un peu parlé de Pourîm et il était très enthousiaste. En rentrant, je me suis un peu écarté de mes repères et je me suis retrouvé sur les toits de la Vieille Ville, au dessus du souk. Ambiance un peu irréelle : on ne voit personne mais la Ville nous entoure.
Mardi matin, cours sur saint Matthieu. L'après-midi, notre excursion hebdomadaire nous a conduits vers le Mont des Oliviers. Régis Debray nous accompagné, c'est drôle de voir quelqu'un de connu qu'on n'imagine pas évoluer dans le milieu pieux et catho vivre dans nos murs, partager les repas de tous ces dominicains. Il visite pas mal les Territoires Occupés, certainement pour se faire une idée de la situation et en plus, il le fait avec l'un ou l'autre des pères qui est capable aussi de lui montrer la dimension chrétienne et pas seulement musulmane du problème. Donc notre expédition était consacrée au Mont des Oliviers et relevait plus du pèlerinage que de l'archéologie. Nous avons visité le Tombeau de Marie, c'est une église arméno-orthodoxe qui abrite un des lieux traditionnels du tombeau de Marie. Le rocher qui contient le tombeau a été creusé pour ménager une sorte de petite chapelle, ce qui était le cas du Saint-Sépulcre entre les années 330 et 1009, date à laquelle toute la basilique a été rasée par un calife fou, y compris la Sainte Tombe. A côté de l'église du Tombeau de Marie, il y a la grotte de Gethsémani, le mot est araméen et signifie Geth = pressoir et Shemanin = des huiles. Et de fait dans cette grotte, on a retrouvé un antique pressoir à huile. Toute la colline était couverte d'oliviers à l'époque de Jésus, l'huile tirée de ces oliviers servait à alimenter le Temple de Jérusalem. La colline servait aussi de camping sauvage pour les pèlerins, au moment des fêtes.
Passage rapide à la Basilique des Nations, bâtie sur le rocher du Jardin des Oliviers, où Jésus aurait prié avant son arrestation. Quelques oliviers dans le jardin attenant sont des rejetons de ceux de l'époque de Jésus. Sous la basilique, vestiges d'une église byzantine et d'une chapelle croisée.
Nous sommes montés vers le Dominus Flevit, où j'avais déjà célébré la messe quinze jours auparavant avec les pèlerins nîmois. Le lieu est un véritable gruyère avec des tombes creusées partout. Là encore, chapelle byzantine et restes d'un monastère. Les tombes sont pleines d'ossuaires, du genre de ceux qui défrayent la chronique en ce moment. Ce genre d'ossuaire est tellement courant que même les musées ne s'y intéressent pas. Depuis la chapelle du Dominus Flevit, la vue était très belle mais la lumière trop forte pour que l'on puisse prendre de bonnes photos,il faut venir le matin, quand la lumière est douce.
Encore un petit effort et nous voici au Carmel du Pater. Là aussi, vestiges byzantins d'une basilique commémorant l'enseignement de Jésus synthétisé dans le Notre Père. Dans le jardin où sont les ruines de la basilique, il y a sous le choeur une vieille grotte qui rappelle l'événement (chez Luc 11,4 cela se passe près de Jérusalem alors que chez Matthieu, le don du Notre Père est situé sur le Mont des Béatitudes, au bord du Lac de Tibériade). Tout autour, le Notre Père en 146 langues, la dernière étant l'albanais inaugurée le matin même de notre visite. Voici donc le Notre Père en langue d'Oc (j'ai coupé le haut de la plaque pour ne pas avoir marqué le nom de la langue pour les intellos parisiens). De retour à l'Ecole, Terence m'a montré le changeur.
Hier matin, je suis allé à la librairie française de Jérusalem acheter une méthode pour apprendre l'hébreu moderne. J'ai commencé aujourd'hui avec les lettres, ce sont les mêmes qu'en hébreu biblique mais la manière de les écrire est aussi différente qu'entre nos capitales d'imprimerie et notre écriture manuscrite... Mais le script est quand même plus rapide que l'hébreu carré de nos bibles.
En rentrant, j'ai visité une exposition sur le Saint Suaire, au Centre Notre-Dame de Jérusalem (ex-Centre Notre-Dame de France des Assomptionnistes, confié maintenant aux Légionnaires du Christ).
L'après-midi, je cherchais un prétexte pour ne pas travailler. Et il est arrivé sur un plateau d'argent. Le Père Jean-Baptiste Humbert m'a proposé de lui donner un coup de main à la fouille de l'Ecole Biblique. Je vous avais montré la photo la semaine passée. Le mur dégagé la semaine dernière en creusant pour la nouvelle canalisation a provoqué une tranchée de vingt mètres de long sur deux mètres de large. Au fond, un mur d'1,60 mètre de large qui court tout le long, un joli pas de porte bien dessiné, un bel enduit de plâtre (que les ouvriers ont saccagé ce matin comme des goulamas), un splendide pavage (croisé ? byzantin ?), un fût de colonne et d'autres structures pas vraiment lisibles. J'ai donc passé l'après-midi au fond du trou à creuser, soulever les seaux de gravats, trier les tessons de poteries, dégager l'appareil d'un vieux mur, brosser pour bien dégager. A la nuit tombée, vanné mais heureux, on a rangé seaux, pelles, brosses et truelles. Demain, dernière journée de fouille avant de tout recouvrir. Ce matin, j'avais quelques courbatures... J'ai travaillé à mon devoir écrit sur Marc et Matthieu, je tiens le bon bout. Peut-être demain ? En début d'après-midi, réunion pour préparer l'excursion à Qûmran samedi de la semaine prochaine. Puis réunion des étudiants pour dire ce qui ne va pas. Rien à dire !
A bientôt,
Etienne+

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