dimanche 26 novembre 2017

À cause de l’incommodité intolérable de cette odeur (2M 9,10)

Διὰ τὸ τῆς ὀσμῆς ἀφόρητον βάρος
Dia to tès osmès aphorèton baros
Chers amis,

Un drôle de dimanche… Messe à 8h30 à Saint-Sauveur, beaux chants en grégorien mais aussi les versions italiennes de Je t’exalte, ô roi mon Dieu et de Les mains ouvertes devant toi. À l’issue de la messe, le frère Stéphane m’invite à prendre le café au réfectoire, nous nous retrouvons quatre à discuter : le frère Stéphane, Marie des Neiges, David qui travaille sur un projet pour la chapelle du Saint-Sacrement au Saint-Sépulcre et moi. David a aussi réalisé l’autel, l’ambon et le tabernacle de l’oratoire du Studium à Sainte-Garde !
Du coup, il était déjà presque 11h30 ! Avec Marie des Neiges, rendez-vous fut pris une heure plus tard pour aller à Ein Karem au fameux sanctuaire de Saint-Jean-au-Désert. Tram, bus jusqu’au village puis de là, à partir d’un atlas routier de Jérusalem datant de 1996, nous voilà partis vers le moshav (communauté agricole coopérative) de Even Sapir, près duquel se trouve le sanctuaire. Au début, nous suivons la route, ce qui n’est pas vraiment amusant puis un petit sentier s’ouvre dans la colline : c’est un régal pour les yeux, les pentes de la colline sont scandées de murs en pierre sèche, parfois une ruine, des pins et des oliviers. Quel calme ! Ce serait le paradis des chasseurs, nous avons levé plusieurs compagnies de perdreaux.
Le sanctuaire commémore le refuge de saint Jean Baptiste lors du massacre des saints Innocents, ainsi que l’enfance et la jeunesse de Jean Baptiste, préparation à son ministère prophétique, que l'évangile nous dit avoir été vécu “dans les déserts” (Lc 1,80). Les bâtiments s’accrochent à la pente et sont construits autour d’une source, Aïn el-Habîs (la source de l’ermite). Le site est éloigné de tout, loin des destinations des pèlerins, encore préservé de l’urbanisation galopante de Jérusalem. Seule une route de campagne passe en contrebas et dérange lorsqu’une (rare !) voiture passe. Plus je vis ici, plus je me rends compte que je suis touché par les lieux liés à saint Jean-Baptiste : ici, ʿAin el-Maʿmoudiyeh, Machéronte, et même Sébaste-Samarie où une tradition rapporte le martyre de Jean Baptiste. Peut-être a-t-il quelque chose à me dire...
Petit temps de prière, dans la grotte, une femme russe psalmodie les "Seigneur, prends pitié" en slavon :
Господь помилуй, Господь помилуй, Господь помилуй, Господь помилуй, Господь помилуй, le plus vite possible sans respirer et sans s'arrêter. Le recueillement carmélitain est plus difficile. Puis retour, nous suivons le sentier balisé qui remonte vers l’hôpital Hadassa, l’immense CHU de Jérusalem. Là aussi, sentier sauvage, perdrix mais la pluie est arrivée, pas très violente mais ce n’est pas vraiment une surprise (je n’ai pas pris mon parapluie !)
Le moshav d'Even Sapir et le sanctuaire de Saint-Jean-au-Désert en contrebas.
Arrivé à l’hôpital, nous prenons le bus, puis le tram. Le tram nous dépose à la gare centrale car il ne va pas plus loin… Peste ! En fait, il y a une manifestation de juifs ultra-orthodoxes… ce ne sont pas les plus cool de la bande. Ils crient des slogans et marchent à toute allure (mais savent-ils marcher lentement ?!) Une fois hors du tram, une odeur nauséabonde nous frappe les narines. C’est ignoble ! Quelque chose entre le vomi et la fosse à purin. Au début j’ai cru que j’avais marché dans une crotte de chien et quand j’ai vu les gens autour se boucher le nez eux aussi, vérifier que la mauvaise odeur ne venait pas de leurs habits, j’ai compris que c’était dans l’air.En fait, la manifestation voulait s’opposer à une loi qui vient de passer en Israël obligeant les haredim (les juifs ultra-orthodoxes) à faire le service militaire, dont ils étaient exemptés depuis très longtemps. Les ultra refusent de faire l’armée car, d’abord ils ne reconnaissent pas l’État d’Israël (mais reçoivent tout de même une petite allocation pour pouvoir étudier la Torah) et surtout parce que le service militaire détourne les soldats de l’étude (Internet, cinéma, alcool, etc) et les expose à une certaine promiscuité avec des femmes ! (Horreur !) Et depuis deux mois que la Cour Suprême a pris cette décision, il y a des manifestations chaque semaine. La semaine dernière, ils ont même essayé de mettre le feu au bureau de conscription…
Du coup, la police a dispersé les manifestants au canon à eau, en utilisant de l’“eau de putois” (qui n’est pas sale mais répand cette odeur pestilentielle). Les ultras ont tout de même bloqué l'entrée de Jérusalem pendant 3 bonnes heures, ainsi que le traffic du tram et des bus... Déjà qu'en temps normal, la circulation n'est pas des plus fluides, ce fut carrément l'enfer...
Profitant de cet arrêt involontaire, nous sommes passés à Maḥane Yehuda acheter des fruits et des amandes (il était 17 heures et n’avions pas déjeuné !)
Arrivé à la maison, j’ai dû prendre une douche et faire la lessive de mes vêtements tellement l’odeur était imprégnée. Pouah !
Ce soir, soupe avec la Bande des Quatre, dans notre restaurant de soupes altermondialiste, grunge, vegan, intersectionnel et inclusif. La patate douce est toujours aussi bonne.
À bientôt,
Étienne+

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