וילך רבתה
wayyelekh rabbathah
wayyelekh rabbathah
Chers amis,
Quelle aventure que mon équipée jordanienne ! ! !
Samedi matin, lever habituel... Mon attention avait déjà été
attirée, avant le réveil, par une rumeur montant de la Porte Neuve : la
police bloquait le passage aux pèlerins orthodoxes venus participer au Feu
sacré. Dans l'après-midi, le feu sacré est sorti... Il y avait un petit comité d'accueil au Collège : Abu Eli et Abdallah, les gardiens, et frère Daoud. Abdallah est musulman mais la bonne nouvelle de la résurrection du Christ me semble le réjouir...
Après mon petit déjeuner, me voilà parti pour prendre la navette.
Heureusement que les Frères m’avaient averti : jamais je n’aurais osé m’aventurer
dans le coupe-gorge qui sert de parking à la navette... Elle part à 7h30 et
descend dans la vallée du Jourdain... Avec le soleil rageur de ces derniers
jours, le désert est devenu paillasson.
Premier point de contrôle, côté ouest. Je demande mon chemin
à une jeune fille qui m’oriente vers le guichet de gauche, où l’on me dit d’aller
en face. Il fallait payer la taxe de sortie (180 ₪ – 42 € – pour vous donner
envie de revenir...) puis contrôle du passeport, sécurité. On sort pour prendre
un bus. Je monte dedans (les gens maîtrisent la technique de l’incruste dans
une queue de bus, c’est impressionnant). Nous franchissons le Jourdain et la
frontière jordanienne. Le bus est exclusivement rempli de Palestiniens, je
discute avec mon voisin qui me montre son beau passeport palestinien, qui ne
vaut rien, en tout cas bien moins que son permis, un papier vert d’eau, aussi
solide qu’un vieux permis de conduire.
Le bus arrive au check-point jordanien, on poireaute une
vingtaine de minutes avant de sortir. Au poste de contrôle, je retrouve un père
de l’ÉBAF, qui est parti une demi-heure plus tard que moi... Là, c’est la foire
d’empoigne, les gens s’entassent devant le guichet, se bousculent,
interviennent pour poser une question. Les passeports sont entassés et contrôlés
une première fois par l’Intelligence, le RG locaux. Le problème est que le type
entasse les passeports à traiter et prend le dessus de la pile. C’est le
paradoxe de la pile d’assiettes : la dernière posée est la première
sortie... Petite mésaventure évangélique qui a mis à l’épreuve ma patience.
Pour corser le tout, ce guichet dessert tant les gens qui entrent en Jordanie
que ceux qui en sortent…
Une fois traité par les RG, le passeport passe par un judas
pour être contrôlé par la police. Ils sont trois derrière la vitre : celui
de droite, proche du judas, s’active, tamponne, regarde, tape sur son ordi
et rend les passeports à leurs détenteurs, il est assez efficace. Celui de
gauche doit être en train de préparer un doctorat sur les tampons encreurs, la
minutie de son examen démontre une soif de connaissance qui m’émerveille ;
le dernier, au milieu doit être le chef, il a deux barrettes de décoration sur
la poitrine, se tient droit, regarde dans le vide à travers la foule, un
trombone vient à point pour faire office de cure-dents. Vous vous imaginez que
malgré les efforts du premier, l’opération prend un certain temps.
Enfin libre, je finis par trouver mon chauffeur de taxi,
un gars sympa mais sa dentition me laisse songeur : comment peut-il avaler
quelque chose avec des quenottes dans cet état?
Le taxi me laisse dans un parking d’immeuble, j’ai repéré
une voiture de location estampillée ACF, la boîte dans laquelle travaillent mes
amis. Elle est garée à la place 11, j’en déduis que cela correspond à leur
appart’. Dans la cage d’escalier pas de nom sur les portes... Je me risque à
sonner, la porte s’ouvre, c’est Julie ! Ouf, je suis à bon port.
La petite Manon est toute mignonne et chevelue ! Peu
après, Arnaud le papa arrive avec sa sœur Kiki, la marraine, et son beau-frère
François.
On déjeune façon local, hummus, moutabal, tomates,
concombres, fallafels...
Temple d'Hercule |
Puis dans l’après-midi
nous voilà partis avec toute la bande vers le centre historique d’Amman,
anciennement Rabbath-Ammon (ce qui explique le titre de ce billet), puis Philadelphie, cité de la fameuse Décapole. Nous visitons la citadelle, ancienne acropole de Philadelphie : église byzantine, palais omeyyade qui a connu
le même sort que le palais d’Icham à Jéricho, mosquée. Nous profitons aussi du panorama. Amman
compte 3,2 millions d’habitants et s’étend à perte de vue sur les collines
autour de la citadelle, alors qu’il y a cent ans, ce n’était qu’un petit
village. Je passe rapidement dans le musée archéologique, plus poussiéreux que
le Rockefeller de Jérusalem. Nous terminons par le temple d’Hercule construit
sous Marc-Aurèle. Il ne reste pas grand-chose mais c’est évocateur et
romantique. Nous descendons de la citadelle pour admirer le splendide théâtre
romain construit sous Antonin le Pieux (138-161 ap. J.-C.).
Il peut accueillir
6 000 spectateurs, encore aujourd’hui. Puis il est temps de manger, nous
allons nous restaurer dans un petit boui-boui tipico. C’est un régal de
spécialités locales, il y avait un kebab avec une sauce aux aubergines à tomber
par terre. L’air était frais, la compagnie agréable, merci Seigneur.
Théâtre romain d'Amman, vu de la Citadelle |
Nous ne sommes pas rentrés trop tard pour aller assister à
la veillée pascale à la paroisse anglophone, tenue par les Jésuites. La messe a
lieu dans l’église du Collège des Frères d’Amman et dans l’obscurité du chœur,
je rencontre le frère Albert. Quelle surprise pour lui ! La communauté
anglophone est surtout composée de Philippins (beaucoup sont domestiques,
nounous...) et ils assurent l’animation liturgique : j’ai découvert un
nouvel instrument pour accompagner le chant d’église, l’harmonica !!!
Le type était à fond et ça rendait très bien et il arrivait même à faire tinter
le tambourin en jouant de l'harmonica !!! La messe ne fut pas très longue mais belle et
joyeuse, on sent une communauté pauvre mais fervente. Retour à la maison et
dodo.
Lever avec le soleil (je ne peux pas faire autrement). Après
un copieux petit déjeuner, nous partons vers le site baptismal, qui est situé
en fait à quelques kilomètres au sud du pont Allenby, que j’ai franchi la
veille. C’est une zone militaire dans laquelle on a aménagé un sanctuaire en l’honneur
du baptême du Christ, sur les lieux où ce mystère était commémoré à l’époque
byzantine. Comme nous célébrons un baptême, nous pouvons approcher en voiture (nous ne sommes pas obligés de prendre la navette) et nous nous garons devant l'église catholique en construction. C'est une énorme bâtisse en béton armé. Il y a encore du travail avant qu'elle soit achevée. De part et d'autre, quelque chose qui ressemble à une hôtellerie. Nous nous installons sous la paillote face au Jourdain, les fonts
baptismaux sont prêts, la messe commence : c’est le mystère de Pâques et
du baptême que nous revivons en tout petit comité. Pour moi, c’est une
première, je baptise par immersion ; la petite, bien disposée, chouine un peu
mais sort ragaillardie du triple bain forcé.
Notre lieu de célébration est à l’écart et nous avons donc
été tranquilles pour la prière.
Après la cérémonie, nous allons faire un tour
vers le site archéologique, nous admirons une mosaïque commémorant la visite de
Benoît XVI, en 2010. Les vestiges sont mieux présentés que dans mon souvenir. On distingue bien les quatre piliers décrits pas les pèlerins de l'Antiquité. Je pense que le mosaïste croupit en prison pour crime de
lèse-majesté, la jolie reine est franchement ratée. Nous passons au lieu de
célébration où le site jordanien et l’israélien se font face, à quatre mètres
de distance, chacun sur sa rive... C’est un peu Moscou-plage : tout un
groupe de russes se baigne, en maillot, exhibant des chairs grasses et couperosées...
Certains, plus pudiques, ont revêtu une tunique blanche pour s’immerger dans l’eau
du fleuve. Mais en sortant, il y a un effet "tee-shirt mouillé" très
réussi.
Le tout sous le regard débonnaire et rincé de deux soldats israéliens. Ça
coupe un peu le recueillement. Du côté israélien, c'est à peine plus recueilli.
Vestiges byzantins, remarquer le pilier immergé |
Moscou-plage |
Avant de quitter ces lieux, nous nous arrêtons au lieu de l’Ascension
d’Élie, juste au-dessus. Petit pélé élianique en cette année dédiée au prophète
Élie pour l’institut Notre-Dame de Vie.
Colline de l'Ascension d’Élie |
Nous rejoignons le restaurant Panorama qui offre une vue à
180 degrés sur la Mer morte, la chaleur est telle que la brume bouche la vue.
Le repas est bon. Nous poussons un peu pour aller à Mukawer, le Machéronte
historique. C’est (encore une fois) une forteresse hasmonéenne transformée en
palais par Hérode le Grand. En ce lieu, affirme Flavius Josèphe, Jean-Baptiste
fut décapité : suivez
le lien pour voir le texte de l'historien qui diffère de celui des évangiles, mais
c'est toujours une histoire de mariage. Les explications sur le site sont sobres et laconiques, c’est peu
dire... Mais nous avons vu un triclinium qui fut peut-être le lieu où la
sensuelle Salomé obtint d’Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand, la tête du
Baptiste. La tribu Jonquet se rappellera le tableau dans la
salle-à-manger de la rue Dom Vaissette. En fait, les évangiles ignorent le nom de la fille d’Hérodiade ; c'est Flavius Josèphe qui nous en informe lorsqu'il dresse l'arbre généalogique d'Hérode le Grand (bon courage !)
Machéronte, vue d'avion |
Reconstitution de Machéronte par les archéologues ; le triclinium est sous le grand toit rouge |
Miracle, le feu passe au vert...
... Je reprends. Le feu a été vert juste quelques secondes.
Encore un peu de patience... Enfin nous arrivons au terminal. J’emploie à
dessein un vocabulaire aéroportuaire car c’est l’autorité des aéroports qui
administre ce poste frontière. De fait, l’organisation des lieux ressemble à
celle d’un aéroport. Nous jouons de (mal)chance : les Turcs attaquent !
Ils sont des centaines, de retour du pélé de la Mecque, ils font un crochet par
Jérusalem. Je n’aurais jamais pensé que de si gros sacs puissent exister !
En quichant bien, on doit pouvoir y planquer deux ou trois personnes... Zigzag avant de
déposer les gros bagages (les gens mettent des autocollants comme lors de l’enregistrement
des bagages à l’aéroport), queue pour montrer le passeport, re-zigzag pour
déposer les petits sacs, ainsi que ceinture et bijoux, dans un casier (les deux
Turques devant moi étaient complètement perdues) Et sur le nombre de Turcs
présent, pas un ne parlait anglais), portique électronique, le gars m’ouvre le
sac à dos et s’intéresse à son contenu. « Je suis prêtre catholique et c’est
pour la prière ». OK. Ça calme le gars…
Re-contrôle des passeports, je blague avec le gars qui,
chose rare dans le pays, a réussi à bien prononcer mon nom). Encore les
passeports, un tourniquet, rebelote... On arrive dans le grand hall pour
récupérer les grands sacs. Super, je double tous les turcs qui errent dans le
hall à la recherche de leur valise... Encore un dernier scan des bagages, je
sors... Je trouve un sherout, qui ne tarde pas à se remplir. On s’envole vers
Jérusalem. Il est bien tard, je suis claqué mais heureux.
Au check-point sous le Mont des Oliviers, le contrôle de
sécurité est plutôt cool. Le soldat entre dans le véhicule et dit en hébreu :
« Est-ce que tout le monde a un passeport ? » Chacun a brandi le
sien et voilà. J’aurais pu montrer ma carte du yacht-club de Saint-Tropez[1], ça aurait été la
même chose.
Le gars a foncé sur la route (il doublait tout le monde sur
la droite mais bon…).
Arrivée au collège, j’ai avalé trois petites choses et au
dodo.
Heureusement, cette semaine, le rythme est plus cool chez
les Frères. Ce sont les vacances de Pâques (orthodoxe) et d’Ascension (latine)
et je célèbre la messe à 7h30 au lieu de 6h. Journée calme à la bibliothèque. Le soir, je reprends mes notes du voyage en Jordanie et je publie.
Bonne fête aux Paphnuce.
Bonne fête aux Paphnuce.
À bientôt,
Étienne+
[1]
C’est juste un exemple, je ne suis pas membre du yacht-club de Saint-Tropez… J’ignore
même s’il y a un yacht-club à Saint-Tropez.
1 commentaire:
Je me souviens d'un passage similaire à la frontière jordanienne où mon bus était arrivé 5 minutes après trois bus de pélerins turcs pour la Mecque... On dû feinter et reverser des bakhchich à des chauffeurs de taxis désoeuvrés pour passer dans la file des voyageurs en taxi et non celle des voyageurs en bus !
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