jeudi 21 mars 2019

Dans une ville appelée Éphraïm (Jn 11,54)

εἰς Ἐφραὶμ λεγομένην πόλιν
eis Ephraim legonenèn polin

Chers amis,
Désolé du bombardement de billets sur le blog… mais l’actualité est dense en ce moment.
Dimanche alors que nous profitions agréablement de la beauté de Jaffa (c’est le sens du mot en hébreu), ça a chauffé à Tulkarem, plus au nord. Un Palestinien a attaqué un soldat israélien et l’a poignardé à mort. Le jeune soldat n’avait que 19 ans. L’assaillant a pris la fuite avec un véhicule de l’armée, a tiré des rafales sur d’autres personnes… Une des personnes blessés (un rabbin père de 12 enfants a succombé à ses blessures)… Après deux jours de chasse à l’homme, les soldats israéliens ont “logé” l’assaillant, un jeune palestinien de 18 ans et après un assaut, il a été abattu. Quelle misère que toute cette violence ! on a l’impression que c’est la seule langue qui fonctionne…
Sinon, lundi, belle journée à la bibliothèque. Le soir, je suis sorti 5 minutes en avant pour aller à Notre Dame Center (de l’autre côté de la rue qui monte à la Porte Neuve) pour assister au spectacle organisé par le centre culturel français. Il s’agissait de la pièce de théâtre Pierre et Mohamed d’Adrien Candiard (op), sur l’amitié entre le bienheureux Pierre Claverie (dominicain et évêque d’Oran) et son jeune chauffeur Mohamed. La pièce est interprétée par un seul comédien qui interprète tour à tour les deux protagonistes. Là, j’ai été bluffé par sa performance : il portait tout à la fois la simplicité joyeuse et la jeunesse de Mohamed, et la gravité de l’homme mûr. La pièce se passe le 1er août 1996, le jeune Mohamed attend l’évêque dont l’avion a du retard. Pour passer le temps, il monte sur la corniche qui domine Oran et il pense à cette amitié, aux échanges, à la situation terrible de l’Algérie à cette époque, il évoque les moines de Tibhirine. C’est ce jour-là en rentrant à l’évêché qu’ils ont été, tous les deux, assassinés.
Le grand auditorium était presque plein.
Quand la pièce a été finie, grand silence recueilli. Je voulais prendre une photo pendant le spectacle mais j’ai complètement oublié… Sur la vidéo, vous avez quelques extraits mais ce n’est pas le même comédien (la pièce est jouée depuis 2011 !)
Après le spectacle, quelques mondanités franco-hiérosolymitaines (toute la Jérusalem française était là ou presque). J’ai attrapé Mgr Balsa, évêque de Viviers, dont l’un des séminaristes, Baptiste, étudie au Studium depuis deux ans et sert le dimanche à la paroisse de Saint-Didier et Venasque. Nous avons échangé quelques nouvelles.
Le lendemain, fête de saint Joseph. En janvier, je pensais que pour cette solennité, la bibliothèque serait fermée. Quand on m’a demandé d’animer une journée de récollection pour le carême, j’ai spontanément proposé cette date. En fait, la bibliothèque n’est fermée que pour le mercredi des Cendres… Tant pis.
Nous sommes donc allés à Taybeh, qui à l’époque du Nouveau Testament se nommait Éphraïm. Après la résurrection de Lazare, Jésus y a passé quelques jours pour échapper à la police du Temple. Nous étions un petit groupe de 5, soit une seule voiture. Taybeh est située au nord est de Jérusalem, au bord de la dégringolade du Jourdain. Et ce mardi matin, après les pluies torrentielles du samedi précédent, c’était LE jour pour y aller. Pas un nuage dans le ciel, douceur de l’air, le désert était verdoyant, quelle beauté. Et puis Taybeh est le seul village entièrement chrétien de Cisjordanie ; les tensions sont donc apaisées.
Quelques unes des bières brassées à Taybeh... Avis aux amateurs !
La récollection a commencé par… la visite de la brasserie Taybeh. Depuis 1994, la famille Khoury, grecque orthodoxe, brasse de la bière à Taybeh. Le malt vient de France et de Belgique ; le houblon de Bavière ; le mode de fabrication de la bière correspond aux normes allemandes. Et depuis 25 ans, 7 bières différentes ont été élaborées avec même quelques “séries limitées”. La visite a été rapide mais très intéressante. Depuis la famille Khoury a aussi développé une cave vinicole, un moulin à huile (donc aussi du savon !) mais aussi du miel et des produits traditionnels (maftoul, za’atar, sumac…) J’ai acheté des savons.
Ensuite, direction le couvent des sœurs de la Sainte-Croix de Jérusalem. C’est une congrégation éducatrice fondée par le jésuite Jacques Sevin après la guerre.
Elles tiennent l’école latine de Taybeh, ainsi qu’un accueil de pèlerins.
La maison des paraboles, "dans son jus".
Tout d’abord la sœur Claudine nous a présenté la maison des paraboles. Il s’agit d’une vieille maison du village, encore habitée il y a 45 ans par une vieille dame. À sa mort, le curé l’a rachetée à sa famille et y a installé des objets de la vie quotidienne. Rien ne date de l’époque de Jésus et pourtant, tout la suggère… la salle commune, le boisseau, la lampe, la charrue, le toit que l’on découvre… C’est passionnant !
Puis messe à la chapelle de Charles de Foucauld qui a passé quelques jours de retraite du 14 au 21 mars 1898 à Taybeh (nous étions donc à cet endroit à la date anniversaire de la présence du bienheureux dans le village). Le lieu où il a habité et prié a été aménagé en chapelle et j’y ai célébré la messe. Après un petit temps de silence, j’ai fait un topo sur la vie chrétienne telle que la présente la Préface n° 1 du carême.
Maqloubeh (c'est moi qui ai démoulé)
Il était temps de manger avec les sœurs et un couple de volontaires venus de France pour trois semaines de service. La cuisinière avait préparé un maqloubeh extraordinaire… Jamais je n’en ai mangé un si bon. Fondant, subtil, goûteux. Le repas a été un moment d’échange, de rires, de partage spirituel très fort. Vaisselle, adieux aux sœurs.
Passage rapide aux ruines de l’église byzantine, que j’avais visitée avec l’École biblique en novembre 2015. Cette fois-ci, pas de flaque de sang de mouton à l’entrée. Ouf ! La vue aux alentours était magnifique : on distinguait tous les détails de la Jordanie, habituellement noyée dans la brume de chaleur, les ondulations du désert de Judée parées d'un vert vif. Quelle splendeur ! 
Vue sur la Jordanie depuis les ruines de l'église byzantine
Retour – à contrecœur – vers Jérusalem, le cœur et l’esprit tout rempli de joie de cette belle journée. Avant le dîner, j'ai parlé un bon moment avec le Frère Fadi, de la situation de l'Eglise en France, de celle des Frères dans le district du Moyen-Orient, de la vocation...
Ce mercredi, journée d’étude. Avec tout de même, deux heures sur l’urbanisme de Jérusalem… Cette fois-ci, le P. Dominique-Marie nous a fait part de ses hypothèses concernant le théâtre construit par Hérode à Jérusalem et dont on n’a jamais retrouvé le moindre vestige… Le mystère plane encore sur le théâtre d'Hérode mais pour combien de temps encore ?
À bientôt,
Étienne+


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mmmh la Taybeh, que de bons souvenirs ! Quant au Za'atar... miam miam !
Bises
Guilhemette