mardi 15 mai 2007

Césarée et les Mosquées

Chers tous,
Vendredi, je suis allé confesser au Saint-Sépulcre. C'est le Père Stéphane qui m'a proposé ce ministère. Je n'ai pas eu grand monde mais quelques "gros poissons". En sortant, il faisait frais par rapport aux jours précédents et le ciel était tout jaune, une ambiance irréelle.
La journée de samedi a été fantastique ! Nous sommes allés en excursion à Césarée maritime et à Tel Dor.
Césarée était à l'époque de Jésus la capitale administrative de la province de Judée. Comme toute ville romaine, il y avait un théâtre, des palais... Le théâtre a bien évidemment été restauré et est utilisé pour des festivals, il pouvait accueillir 4000 personnes. A côté sont exposés un bon nombre de chapiteaux romains, certains ont été réutilisés au cours des âges : petite meule domestique, fûts de colonne transformé en mangeoire. Dans le théâtre, on a retrouvé réemployée une pierre qui porte inscrit le nom de Ponce Pilate. Ce que l'on voit à Césarée est une copie, mais j'ai entouré en rouge PILATVS.
Près du théâtre, on a retrouvé le Palais hérodien. Le Palais a été construit par Hérode le Grand et occupé ensuite par ses descendants. Le palais est bâti sur un rocher qui pénètre dans la mer, il reste peu de choses mais ça devait être assez joli. En tout cas aujourd'hui, malgré les restaurations un peu violentes, le site garde une beauté certaine. L'Apôtre Paul a passé deux ans en captivité à Césarée et il fut présenté au roi Agrippa II (Ac 25, 23ss) ; il est possible que ce soit dans ce palais que l'entretien ait eu lieu. Un hippodrome jouxtait le palais (pratique : on assistait aux courses depuis sa chambre !). Contrairement à ce qu'on voit souvent (exemple Ben-Hur) la loge impériale se trouvait à un bout de l'hippodrome afin que le président des jeux soit aux première loges dans le tournant (c'est là que les choses devenaient violentes et intéressantes). A l'époque byzantine, l'hippodrome a été désaffecté et des maisons ont été construites sur le site. Des bains, de splendides mosaïques. Les archéologues sont déçus de n'avoir pas retrouvé la bibliothèque de Césarée. Pendant la période byzantine, Césarée était un centre intellectuel important : le grand exégète Origène y a vécu après avoir été expulsé d'Alexandrie. Eusèbe, évêque de Césarée au 4° siècle, a écrit l'Histoire Ecclésiastique, considérée comme assez fiable : c'est là qu'on a les témoignages sur les martyrs de Lyon. Mais pour l'instant on n'a rien trouvé... A l'extrémité, on visite un bâtiment administratif, peut-être un percepteur d'impôts. Sur le sol, une mosaïque cite saint Paul (Rm 13, 3) : "Veux-tu n'avoir pas à craindre l'autorité ? Fais le bien et tu recevras des éloges"

Nous avons continué en passant devant un mithraeum, sanctuaire de Mithra, puis dans la citadelle croisée bâtie sur le port hérodien. L'anse actuelle du port ne donne qu'un petit idée de ce qu'elle était à l'époque d'Hérode. La jetée fait aujourd'hui 50 mètres, elle en faisait alors plus de 300 ! C'est de ce port que Paul est parti vers Rome pour y être jugé par l'empereur. C'est assez émouvant de se retrouver sur les lieux. Puis nous sommes passés sur le Forum, qui est une terrasse artificielle sur laquelle s'élevait un temple à Auguste, puis une église byzantine octogonale. Puis sortie du site par la porte des croisés.
Deux minutes de bus avant d'arriver à l'hippodrome byzantin : 230 mètres de long, presque le Circus Maximus. Le site n'a pas été fouillé mais on se rend compte du gigantisme de l'édifice quand on voit l'obélisque qui trône au milieu. Il a fallu traverser un champ de mauvaises herbes pour accéder au site.
Encore un peu plus loin, on a vu la maison aux oiseaux. Des gens qui voulaient constuire une villa ont découvert en 1955 que d'autres personnes avaient eu la même idée presque 2000 ans plus tôt... Une splendide mosaïque décorée d'oiseaux orne l'atrium : paons, pélicans, flamants roses et même, vous le voyez, un joli faisan.
Puis pique-nique sur la plage de Césarée près du fameux aqueduc. Baignade dans la mer qui était joliment agitée.
Nous avons continué notre route vers Tel Dor. Ce site se trouve à une trentaine de kilomètres au nord de Césarée. Le site serait intéressant s'il était mis en valeur avec des panneaux, des schémas, des explications... Mais le kibboutz voisin a refusé à Israël qu'un parc national soit installé là. Et en Israël, un kibboutz a tous les droits. Le site a donc été habité depuis très longtemps.
Nous avons visité le petit musée installé dans une ancienne verrerie : depuis l'antiquité jusqu'aux croisés en passant par les byzantins, on a vu plein de choses. C'est aussi à cet endroit que Napoléon après l'échec du siège de Saint-Jean-d'Acre a attendu en vain la flotte de secours, en 1799. L'activité principale du lieu était la culture de murex, joli coquillage utilisé pour produire la pourpre. Puis on est allé voir l'église byzantine : c'était un lieu de pèlerinage à l'époque. Une colonne de marbre a été retrouvée, elle contenait un fragment du Golgotha, un autre du Saint-Sépulcre et un dernier du Sinaï. Le Pèlerin de Bordeaux, qui a accompli son pèlerinage en 333, évoque son étape dans la ville. Nous attendions de jolies ruines bien lisibles et organisées, avec des mosaïques. Mais il y avait des chardons jusqu'à hauteur d'homme.
Puis, sur le rocher qui domine la mer, quelques ruines plus anciennes... Il était dommage ensuite de ne pas honorer le fait qu'une partie des fouilles du site s'est faite sous la mer... Donc nous nous sommes encore baignés. En plus la plage est considérée comme une des plus belles d'Israël. Puis retour à Jérusalem, où nous avons été accueillis par une pluie diluvienne, inhabituelle pour la saison.
Le soir, projection de Rabbi Jacob, monument de la culture franco-loubavitch. Terence le voyait pour la première fois. C'est impressionnant de se dire que ce film est sorti le 18 octobre 1973, en pleine guerre du Kippour ! Il y a même eu à l'époque le détournement d'un avion par la femme de l'attaché de presse du film qui voulait faire interdire le film !!!
Finalement, pour mes 30 ans, j'ai eu une journée fantastique !!!
Dimanche matin, visite de l'esplanade des Mosquées. L'accès au site est relativement libre mais les mosquées sont fermées... Là, nous avons pu pénétrer à l'intérieur. L'esplanade est donc celle du Temple de Jérusalem. En 638, lorsque les musulmans s'emparent de Jérusalem, le site est vide sauf peut-être une chapelle dans le coin sud-est, lieu du pinacle où Jésus a été tenté par le démon.
En 688, on édifie les mosquées. En fait, on s'aperçoit qu'elles reprennent la structure du Saint-Sépulcre : une "basilique", un jardin, un dôme au-dessus d'un rocher creux. Le Père Jerry Murphy O'Connor de l'Ecole Biblique défend l'hypothèse selon laquelle ce seraient des architectes byzantins qui auraient édifié et décoré les monuments pour le compte des musulmans. De fait, le Dôme du Rocher a la même structure que la coupole de l'Anastasis, l'église de la maison de Pierre à Capharnaüm, l'église du Mont Garizim, l'église de Césarée, l'église de la Qadisma (sur la route entre Jérusalem et Bethléem, le lieu où Marie aurait perdu les eaux !)... Coïncidence troublante évidemment niée par le guide musulman. Il est vrai qu'on comprend difficilement comment des nomades auraient pu maîtriser les techniques de construction. Les chapiteaux des mosquées sont à l'évidence chrétiens.
Nous avons donc vu d'abord Al-Aqsa, littéralement "la lointaine", c'est-à-dire le lieu lointain où Mahomet fut transporté durant son fameux "Voyage nocturne". Mais l'identification du lieu ne date que de la fin du 10° siècle... C'est une immense basilique à sept nefs, même si les croisés en ont abattus deux de chaque côté. Car la mosquée a servi de couvent pour les "Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon", les fameux Templiers. A l'intérieur, les colonnes sont récentes puisqu'elles ont été offertes par Mussolini. Dans un coin, les restes de la chapelle templière.
Puis nous nous sommes dirigés vers le Dôme du Rocher. L'intérieur est splendide, richement décoré. Ils sont en train de restaurer. Un ouvrier redorait un panneau avec attention.
Au centre du Dôme, derrière une barrière en bois, le fameux Rocher. La tradition juive y voit le lieu où Abraham a tenté de sacrifier Isaac. Plus tard, le Temple a été édifié à cet endroit mais les spécialistes ne s'accordent pas sur le lieu effectif du sanctuaire : le rocher marque-t-il le Saint des Saints, lieu de la Shekinah, présence de Dieu au milieu de son peuple ou bien le site de l'autel des sacrifices ? Sous le rocher, un creux. Quand nous sommes descendus, le guide a engueulé le gamin qui y dormait. Ce creux est le "Puits des Âmes" (référence à quel film ?). Les musulmans croient que les âmes défuntes y gisent en l'attente du jugement.
Puis après avoir terminé la visite, nous avons essayé d'approcher la "Porte Dorée" édifiée par les Byzantins pour commémorer l'entrée de Jésus à Jérusalem, mais il y n'avait pas de porte à cet endroit à l'époque de Jésus. Cette porte est jalousement gardée par les musulmans et ils craignent que les chrétiens ne s'en saisissent alors ils les empêchent d'approcher (alors que le guide nous avait dit qu'on pouvait !)
Ensuite, nous avons longé la galerie ouest (celle qui domine le Mur des Lamentations) joliment décorée par les mamelouks. Nous avons pu rentrer dans un bâtiment où se trouve un centre de restauration de manuscrits musulmans, le responsable est un italien. Il nous a aussi montré des tombes. Le manuscrit sur la photo date du début du 13° siècle, il a 800 ans ! Ensuite, nous sommes sortis par le Suq-Al-Qattanin, le marché des cotoniers.
L'après-midi, j'ai travaillé puis je suis allé à un concert à Sainte-Anne, une chorale juive interprétait des "Hymnes pour le Temps Pascal" (Josquin des Prés, Allegri, di Lasso...) Splendide !!! C'était assez étrange d'entendre des Juifs (en kippah !) chanter Christus natus est et Ave Immaculata Castitas ! Je reconnais que pour le temps pascal, on fait mieux mais ils chantaient vraiment bien. Le Miserere d'Allegri était *** !
Et le soir, nous avons récidivé : La grande vadrouille.
Hier, araméen et travail sur le Cantique des Cantiques (je décortique les versets 8, 5-7) en comparant les interprétations littérales et allégoriques.
Voilà, je me dépêche de poster cela avant de partir demain pour la Jordanie. Cinq jours sympas : Pétra, Wadi Ram, Madaba, Jérash et Gadara...
Aujourd'hui, l'ambiance est assez chaude en ville... C'est le quarantième anniversaire de la "libération", "réunification", "prise", "annexion" de Jérusalem... Suivant votre point de vue, vous dites une des expressions. Les Juifs sont un peu partout et les flics circulent pour maintenir l'ordre.


Je vous salue,
Etienne+

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