lundi 11 juin 2007

Routine mais Beth She'an






Cher tous,
Là, c'est la vue de la terrasse. Quelle misère... Le cadrage permet d'éliminer les paraboles. Paraboles au balcon...
Samedi dernier, j’ai donc visité le Musée Rockfeller. Le bâtiment est assez sympa, tout à fait dans l’imaginaire d’un palais oriental vu par des occidentaux au début du 20ème siècle. Le musée rassemble une importante collection archéologique depuis la préhistoire jusqu’à l’époque mamelouke. La présentation est un brin vieillotte mais pleine de charme. La salle la plus impressionnante est consacrée aux vestiges d’un palais omeyyade de Jéricho, datant du 8ème siècle. Il fut détruit par un tremblement de terre peu de temps après sa construction. Les murs avaient reçu une riche décoration de stucs : des frises, des rosettes, des caryatides nues étonnantes pour un palais musulman. L’installation des vestiges essaye de donner une idée de ce que cela devait donner et sincèrement c’est assez évocateur. Le seul reproche que je ferais est le manque d’explications dans les deux galeries principales qui présentent pourtant des objets intéressants. Mais finalement, j’y ai passé presque trois heures. Vous pouvez cliquer sur le lien à droite pour en savoir un peu plus.
L’après-midi, j’ai lézardé. Vers 18h00, j’ai assisté à la cérémonie de fin d’année du Collège des Frères (parfois aussi appelé LaSalle High School).

Les discours étaient surtout en arabe mais il y a eu quelques chants ou morceaux de musique bien interprétés. Sur la photo, les trois Frères en soutane et rabat : Frère Albert (toujours en beige), Frère Eugène (instant rare) et Frère Rafael.

Dimanche, fête de la Sainte Trinité. Aux Laudes, les Frères ont renouvelé leurs vœux comme c’est la tradition dans leur Institut. (Ça me fait drôle quand ils parlent de « l’Institut » pour désigner leur congrégation alors que pour moi, « l’Institut », c’est NDV !). Ensuite, j’ai retrouvé Agnès et Terence pour prendre le bus vers Abu Gosh. Nous avons participé à la messe avec les moines et les moniales. L’évangile chanté avec accompagnement de kora sénégalaise me fait toujours un drôle d’effet… C’est vraiment solennel mais y’a quelque chose en plus. À l’action de grâce, les frères et sœurs ont chanté Alta Trinita Beata. Là aussi, instant d’émotion.

À la sortie, on a blagué avec quelques amis venus eux aussi à la messe et finalement, le Père Abbé nous a invité à prendre l’apéro. Ce genre de maison religieuse est toujours bien équipé, d’autant plus que les moines produisent un excellent limoncello.

Nous avons pris le pique-nique dans le jardin. Puis un bon temps d’oraison, le but de la journée étant de faire une mini-retraite. De retour à Jérusalem, j’ai assisté à une célébration œcuménique afin de prier pour la paix. Un ensemble de jeunes arabes luthériens animait musicalement. Le coadjuteur latin a fait l’homélie. Il y avait aussi l’archevêque arménien, l’évêque luthérien, un archevêque orthodoxe (celui qui nous a fait visiter le patriarcat), le pasteur luthérien, le curé de la paroisse anglicane… Un prêtre arménien a chanté un tropaire pour la paix : magnifique !
Lundi, j’ai pris le rythme de mon travail : lever 5h30, oraison, laudes à 7h00 suivies de la messe. Petit déjeuner à 8h00. Je pars ensuite à l’École Biblique (10/12 minutes à pied) où je passe la matinée jusqu’à 12h30. La bibliothèque est climatisée… Vous voyez les images de la bibliothèque. Retour chez les Frères pour le repas à 13h00. Sieste, oraison, retour à l’École jusqu’à 19h00. Vêpres à 19h30 suivies du repas. Soirée calme (nouvelles, un peu de vélo d'appart, parfois soirée à l'Ecole) et coucher tôt.
Mardi soir, repas au restaurant avec Terence, Nathanaël, Agnès et Marie-Claire pour fêter le départ d’Axel le lendemain. Il rentre en France en passant en Turquie et en Grèce : au moins la réadaptation à l’Occident sera progressive. Le repas fut bien sympa, le cadre du resto aussi mais la bouffe très moyenne.Le dessert nous réservait la pire des surprises : le cheese-cake était rance et avait un goût de poussière repoussant. Bien que je termine toujours ce que j’ai dans mon assiette, j’ai pas pu… Enfin, on s’est pas ruiné… Sur la photo, vous voyez nos mines réjouies et surtout dans nos assiettes, le cheese-cake de l’horreur !

Dans la nuit de mercredi à jeudi, je suis allé au Saint-Sépulcre pour assister aux Vigiles du Saint Sacrement. Peu de monde mais une belle liturgie. J’ai regretté de ne pas pouvoir participer à l’eucharistie du matin puisque j’étais engagé envers les Frères. Les photos sont celles de la Custodie et correspondent à la procession des premières Vêpres et à la messe du matin mais ça évoque assez bien l'ambiance de ces célébrations nocturnes au Saint-Sépulcre.
Samedi 9, j’ai eu de la chance. J’ai pu participer avec le groupe des diplomates du Père Sigrist à l’excursion à Beth She’an. Rendez-vous était pris à 9h00 à l’École Biblique, ce qui est une heure chrétienne… Ce groupe de diplomates se rencontre tous les samedis pour des excursions à travers le pays. C’est assez cosmopolite et informel en même temps. Comme souvent les missions diplomatiques sont courtes (trois ans), les gens se dépêchent d’arpenter le pays dans lequel ils sont. Le groupe du Père Sigrist a commencé il y a 17 ans et le succès n’a pas discontinué. Dans la mesure des places disponibles dans les voitures, des étudiants peuvent se joindre. J’avais regretté de ne pas être présent au premier semestre pour prendre part à l’excursion des étudiants, j’ai donc sauté sur l’occasion. Je me suis donc retrouvé dans la voiture (un 4x4 sympa) appartenant à un couple franco (elle) –néo-zélandais (lui) qui bossent à la Banque Mondiale. On a donc pas mal parlé, il y avait aussi un jeune américain méthodiste qui enseigne les Sciences des religions dans une Université texane. On a pas mal parlé, notamment de l’enseignement religieux à l’école, comparant les systèmes américains et français.
Nous avons commencé par prendre la Route Allôn. C’est un embranchement vers le nord sur la route Jérusalem-Jéricho près de la fameuse “auberge du Bon Samaritain”. La route a été dessinée par les Israéliens peu de temps après la prise des Territoires, en 1967. Elle serpente à travers les collines en dominant la vallée du Jourdain. Évidemment cela promet de splendides paysages et nous n’avons pas été déçus : vallées, lumière, gazelles bondissantes (moi, j’ai pas bondi assez vite sur mon appareil photo). En plus, on écoutait un CD de Sœur Marie Keyrouz.
À l’entrée de la route, un colon israélien en gilet pare-balle et kalachnikov… Il faut dire que la route dessert un grand nombre des colonies que les Israéliens ont installées dans les Territoires occupés. On les reconnaît de loin : ensembles proprets, agglutination de maisons aux toits de tuiles rouges toutes semblables et surtout la clôture de barbelés…
On s’est arrêtés à Ain Fawwar. C’est une source dans le fameux Wadi Qelt, sa particularité est d’être alimentée par un siphon. À l’époque, elle alimentait le palais d’Hérode le Grand à Jéricho et maintenant le monastère St-Georges de Kosiba.

La route a continué. Quelques check points et des paysages vertigineux.
Enfin, peu avant midi, nous avons atteint Beth She’an. Il s’agit du nom juif de la cité fondée 5000 ans av. J.-C. On trouve donc un tell de 80 mètres de haut sur lequel se superposent 18 villes, pas moins. Il faut dire que le site occupe une place privilégiée le long de l’Harod, rivière permanente, et non loin du Jourdain, c’est aussi un lieu stratégique au croisement des routes commerciales nord-sud (le long du Jourdain) et est-ouest (Haifa-Jérash) ; il était normal que l’on veuille s’assurer du contrôle du site. Le tell a été fouillé mais relativement peu. On a trouvé les traces d’un palais égyptien démontrant la puissance de cet empire au 12ème siècle av. J.-C. Les stèles et bas-reliefs sont des copies dont les originaux sont déposés au Rockfeller Museum. Dans un coin, un arbre calciné, vestiges du tournage d’un film sur Jésus dans les années 1980, me dit-on… Ma mémoire flanche, je ne sais pas duquel il s’agit. [Après enquête sur Internet, il s'agit de Jesus Christ Superstar réalisé en 1973...] Cette ville est citée dans la Bible (1R 4, 12) comme ville de l’empire salomonien, mais elle est surtout connue comme le lieu où les dépouilles du roi Saül et de ses fils, après la défaite de Gelboé contre les Philistins, ont été pendues aux remparts (1S 31). Heureuse époque si raffinée… Après Salomon, on ne sait pas grand-chose…
Au 3ème siècle av. J.-C., la ville réapparaît sous le nom de Scythopolis et appartient à la fameuse Décapole. On l’appelle aussi Nysa, ce qui atteste le culte de Dionysos en ces lieux. La ville se développe au pied du tell selon les standards gréco-romains, puis byzantins. À l’époque byzantine, l’industrie du lin est réputée. Lors de la conquête arabe, la ville commence son déclin, précipité par le tremblement de terre de 749 qui scelle le destin de Beisan, nom arabe de la ville. Au moment des Croisades, on note la présence d’une ferme fortifiée sur le tell.
La ville byzantine est splendide : théâtre, cardo à colonnades, temples, nymphées, thermes, mosaïques, marbres. Le site fouillé est petit par rapport à la taille de la ville mais laisse deviner sa richesse. On a longé l’hippodrome, dont on ne voit pas grand-chose... pour atteindre le pont romain brisé qui enjambait l’Harod.
Près de Beth She’an, nous sommes allés à Beth Alpha. Il s’agit des vestiges d’une synagogue du 6ème siècle, découverts en 1928 dans le kibboutz de Hefzi-Bah (en hébreu, ça veut dire “en elle est mon plaisir”, cf. Is 62, 4). Les fouilles ont été réalisées par l’Université Hébraïque de Jérusalem l’année suivante, c’était son premier chantier. La synagogue est de plan classique mais son sol est décoré d’une splendide mosaïque de style naïf. Le programme iconographique de la mosaïque est semblable à celui que l’on trouve à Sepphoris mais moins développé. Le style est surtout bien différent : ici on croirait des dessins d’enfants. Jugez plutôt sur ce détail qui représente la ligature d’Isaac. De gauche à droite, on voit les deux serviteurs d'Abraham avec l'âne ; le bélier accroché à l'arbre ; la petite forme ronde au dessus est censée représenter l'ange du Seigneur (l'imagination n'a jamais fait de mal à personne); Abraham avec son grand couteur (le dévoreur en hébreu !!!), Isaac qui ne s'est jamais senti aussi mal ; enfin l'autel où brûle déjà le le sacrifice. Désolé, c'est pas en couleur mais c'est tout ce qu'Internet m'a fourni. Les photos sont impossibles à faire dans le lieu : l'éclairage est trop faible, le flash blanchit tout...
Dans le musée, on a regardé un film qui évoque la mise en place de la mosaïque. Vu au second degré, c’était presque antisémite puisque tous les personnages et les situations correspondaient aux stéréotypes ; c’était d’autant plus comique que le film est fait par le service israélien des Antiquités… La communauté de Beth Alpha désire faire un sol en mosaïque dans sa synagogue et demande à un artisan de le faire mais leur investissement n'est pas à la hauteur et l'artisan leur torche un truc vite fait mal fait. Mais la mosaïque est bien conservée ou très restaurée.
On devait aller dans un troisième lieu mais personne sauf moi n’avait apporté son maillot de bain (il s’agissait de sources chaudes). Tant pis. Retour à Jérusalem, après une belle journée bien remplie. On a suivi la route du Jourdain. À un check point, on a assisté à une fouille en règle d’un palestinien.
Le soir, je suis retourné à l’École pour voir sur le grand écran un OVNI cinématoraphique de Patrice Leconte (Les Bronzés 1, 2 & 3 ; Ridicule…). Il s’agit de Dogora, un film musical sur le Cambodge : pas de scénario, pas de dialogues seulement de la musique et des images. Les images sont d’une beauté stupéfiantes et suggèrent plus qu’elles ne montrent. La musique, plutôt influencée par la tradition slave mais à laquelle participe un groupe de polyphonie corse, la musique, donc, s’y allie à merveille. Mariage improbable et heureux.

Dimanche matin, messe à Saint-Sauveur, la paroisse des franciscains dans la Vieille Ville. Les Frères y vont tala le dimanche. Frère Albert fait chanter. L’église ressemble tout à fait à une église romaine du 19ème siècle (faux baroque flambant neuf) et l’ambiance rappelle aussi celle des paroisses romaines. Tout était en arabe mais bon on s’y retrouve. Heureusement, les deux prêtres parlaient italien. C’est amusant pendant la messe d’entendre des mots que l’on comprend à cause de la proximité avec l’hébreu.
À bientôt,
Etienne+

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