vendredi 1 juin 2007

Fin d'année et déménagement







Cher tous,
Mon séjour à Jérusalem a pris un nouveau visage hier…
Mais avant tout, je vous raconte rapidement les quelques jours passés depuis notre retour de Jordanie. Le lundi matin, le Père Puech nous a fait grâce des deux cours d’araméen, on a donc pu faire la grasse matinée. Pour moi, ça a été providentiel puisque la “vengeance de Pharaon” m’a terrassé le soir de notre retour…
Finalement, le lundi soir, j’étais sur pieds. Le mardi, je me suis mis a réviser l’araméen biblique. Ça n’était pas évident, car nous allions devoir analyser un texte non vu en classe. L’après-midi, nous avions demandé au Père Jerry Murphy de nous montrer les tombes qui sont dans le domaine du couvent. Il y en trois qui se trouvent dans l’atrium de la Basilique. Celles-ci datent de l’époque byzantine.
Dans le jardin à l’arrière, il y a au moins deux hypogées. La première est tout contre le chevet de la basilique. On voit d’abord une grande salle carrée dans laquelle s’ouvrent une dizaine de petites salles équipées de banquettes, dans un coin un trou dans lequel on jette les ossements du défunt une fois le corps décomposé.
La seconde est creusée sur le même plan mais les parois ont plus de décorations. Comme elle a été endommagée, les dominicains y ont aménagé devant leur chapelle funéraire : cela a fichu le mouron à Benoît de voir les noms de tous ces dominicains connus : Abel, Vincent, Tournay, Boismard… Dans un coin, il y a deux tombes spéciales liées à la catastrophe de Pétra en avril 1963 (j’ai dû dire 64 dans l’article sur la Jordanie mais j’ai vérifié les dates). Parmi les corps des pèlerins français, l’un a été identifié mais jamais réclamé par une famille ; le second ni identifié, ni réclamé. Il est donc inscrit « Mme X. Y. morte à Pétra le 8 V 1963 »*.
Le deuxième hypogée est directement lié à la fameuse « Garden Tomb », la tombe du jardin que le général Gordon (dit “de Khartoum”) avait identifié en 1883 comme la tombe dans laquelle Jésus a été enseveli. Il avait reconnu dans la colline voisine la forme d’un crâne. Les Protestants, surtout évangéliques, croient fermement qu’il s’agit là du Golgotha et de la tombe de Jésus. Le général Gordon était un bon guerrier et comme tous les anglais de l’époque, il se piquait d’archéologie. Dans l’article où il parle de la “Tombe du Jardin”, il prouve aussi que le paradis terrestre se trouve aux Îles Seychelles… No comment.
La datation de nos caveaux est assez problématique. Certains dans la maison disent 7°/8° siècle avant Jésus Christ. D’autres, de – 100 à + 100… Il est vrai que la datation récente est plus confortable, car ceux qui préfèrent la seconde disent aussi qu’il est possible que cette tombe soit celle des rois de Juda. Rien de moins… Et du coup, cela pourrait exciter la convoitise de l’état, qui peut, sans contrepartie financière et sans autre raison que son bon vouloir, saisir une propriété.
Ce soir-là, c’était Shavouot, la Pentecôte des Juifs. Ils célèbrent le don de la loi à Moïse au Sinaï. Mais l’association de cette fête des moissons à la Torah semble assez récente. Toujours est-il qu’avec Nathanaël, ce soir-là, nous sommes allés au Mur des Lamentations lire le livre de Ruth, lu traditionnellement à cette fête. Ambiance calme. Je m’étais mis incognito (sans collard) et avec ma barbe, j’avais tout du juif laïc qui vient satisfaire à un rite de cohésion nationale.
Mercredi matin, photo de groupe des profs. Jeudi, c’était la saint Dominique. Je vois d’ici les liturges diplômés s’inscrivant en faux contre mes assertions… En fait, il s’agit de la fête de la translation des reliques de saint Dominique (les Franciscains ont le même type de célébration le même jour !), on la solennise à Jérusalem parce que le 8 août, l’École est presque déserte. Conformément à la tradition, c’est un franciscain qui préside la messe et un autre “tient” l’homélie. À l’issue de la messe, il y a eu un bon repas avec en entrée des nems maison fabriquées par le Père Joseph, un vietnamien du diocèse de Toulon. L’après-midi, araméen, araméen…
Vendredi, le matin, nous avons donc eu ce satané examen. Il a fallu analyser (sans dico, ni aide d’aucune sorte) Daniel 5, 17-21. L’après-midi, je suis allé me balader…
Samedi, j’ai bossé l’araméen targumique. Le soir, je suis allé à la messe de Vigiles de Pentecôte chez les Bénédictines du Mont des Oliviers. Nous avons commencé la messe avec la liturgie de la parole sur la terrasse du monastère avec une vue splendide sur la ville… La lecture d’Ézéchiel 36 prenait un relief particulier devant l’immense cimetière juif qui couvre le sud du Mont. Puis en procession, nous nous sommes rendus dans la chapelle des sœurs pour l’épître, l’évangile et la liturgie eucharistique. Le prieur des dominicains présidait. À l’issue de la messe, une petite collation fut servie dans la salle à manger des hôtes.
Dimanche, avec quelque uns de l’École, nous avons célébré la messe de Pentecôte au Cénacle. Simple et beau, on s’est régalé. L’après-midi, araméen…
Lundi matin, Terence m’a invité à la messe à la Tombe pour le papa de sœur Jacintha, mort il y a 9 ans. Vous la voyez sur la photo en sari, c'est la sœur la plus sympa que je connaisse.


À huit heures, le fameux examen d’araméen targumique. On a dû analyser le Targum Neofiti de Genèse 22, 14-16. Le verset 14 n’a absolument rien a voir avec le verset biblique et est carrément plus long. C’est l’intérêt du Targum mais c’est pénible parce qu’on ne peut pas se servir de ce qu’on connaît du texte hébreu…
Le soir, nous avons regardé The Queen. Agnès s’était procuré le DVD. Comme nous sommes loin de l’Occident, le DVD était bien évidemment piraté et donc en anglais sous-titré arabe. Mais on ne s’en est pas mal sorti. Le film raconte la semaine entre la mort et les obsèques de Diana du point de vue de la reine. L’actrice qui interprète la reine est époustouflante de vérité (elle a pas volé son oscar). Elle dresse un portrait assez nuancé du personnage alors que la situation n’est pas facile. Les autres acteurs sont pas mal sauf Queen Mum, qui fait un peu mémé poivrote. Le film a en plus le mérite de ne pas excéder 1h30, donc on est vite couché.





Mardi, après la messe de midi, photo de fin d’année avec tous les étudiants devant la basilique. Ensuite, on a eu le barbecue dans le jardin. Ce fut très sympa. Sur la photo, vous voyez Fadi (le factotum), Ala (la cuisinière), Joseph (le cuisinier) et Faez (de la réception). Ils boivent la fameuse bière palestinienne de Taybeh. Le barbecue était sympa.
Puis, dernier cours de l’année avec la visite des Cavernes de Salomon. Le lieu a été retrouvé par hasard en 1854 sous les murailles de la Vieille Ville. Il s’agit d’une immense carrière souterraine qui pourrait en effet remonter à l’époque de Salomon. À une époque, les francs-maçons s’y réunissait pour se rappeler de Salomon, leur mythique fondateur… Le réseau de carrières est assez important et s’enfonce sur plus de 200 mètres sous le quartier musulman de la Vieille Ville.
Le soir, nous avons regardé Hôtel Rwanda. Le film traite du génocide de 1994 et est basé sur une histoire vraie. C’est assez impressionnant même si la violence est plus suggérée que montrée. Le héros est un hutu, époux d’une tutsi, qui était directeur d’un hôtel de luxe et qui a hébergé des tutsi et des hutu pourchassés par les génocidaires. Il a finalement dû quitter le pays puisque la version officielle du régime actuel est que seuls les hutu et tous les hutu ont perpétré des massacres. Après le film, on a parlé un bon moment avec Vincent, un jeune prêtre rwandais, qui a vécu ces événements dramatiques. Il a pas mal expliqué la situation, de manière calme et nuancée… Ça permettait aussi de supporter le film.
Mercredi soir, barbecue chez les Frères des Écoles chrétiennes, avec Guillaume, Benoît, Agnès, Jacintha et quelques autres. Nous étions sur la fameuse terrasse qui domine la Vieille Ville. Ce fut très sympa.
Hier, jeudi, déménagement. Me voilà donc installé chez les Frères des Écoles chrétiennes. À Jérusalem, on dit les Frères, ça suffit pour que les gens comprennent, même en hébreu et en arabe on dit phrèr ou frir, les gens savent de quoi on parle. Ils tiennent “La Salle High School” qui est assez réputé. Les élèves sont pour musulmans pour les deux tiers mais l’éducation lasallienne est un gage d’excellence. Les Frères de Jérusalem sont trois. Le frère Rafael est espagnol et le responsable de la communauté. Frère Eugène est slovène, naturalisé français. Le troisième est Frère Albert, palestinien et sujet de Sa Gracieuse Majesté puisque son père travaillait dans l’administration anglaise pendant le mandat britannique. Ce passeport anglais est une bénédiction pour lui, il peut circuler à sa guise. Les Frères ne sont plus tout jeunes, mais encore dynamiques. Entre eux, ils se donnent du « cher Frère », ça doit aider dans les rapports humains.
Le collège des Frères se situe à l’angle nord-ouest de la Vieille Ville, derrière le patriarcat latin et le fameux Hôtel Gloria. C’est la plus haute maison de la Vieille Ville. Ma chambre se situe au dernier étage à côté de celles des Frères. Comme je suis à l’angle, j’ai deux fenêtres et la vue va de la Mairie de Jérusalem à la Maison d’Abraham, en passant par le Mont des Oliviers, le Dôme du Rocher et le Saint-Sépulcre. L’ambiance du quartier est bien différente de celle de Nablus Road, moins française et plus palestinienne chrétienne.
Le soir, je suis allé célébrer la messe et prendre le repas chez les Petites Sœurs de Jésus de la VI° Station. La messe fut simple et joyeuse : c’était la Visitation puis le repas bien amusant et fraternel. Quatre sœurs : deux françaises, une suissesse et une autrichienne. Le quartier était animé, on entendait de la musique et des salves de feux d’artifices fusaient toutes les cinq minutes. On suppose qu’il y avait un mariage chez les derviches…
Ce matin, je voulais aller visiter le Musée Rockfeller mais il est fermé le vendredi… Cet après midi, shopping dans le souk.
Je passerai donc le mois de juin chez les Frères en profitant de la proximité avec l'École biblique pour travailler personnellement au calme.
À bientôt,
Étienne+

* en 2024, je lis dans La Croix l'article racontant l'histoire d'un secret de famille autour d'une de ces deux femmes (cliquer sur le lien pour voir l'article).

1 commentaire:

MC a dit…

Merci Etienne de nous faire partager ton quotidien, cependant je me demande s'il n'est pas temps d'ouvrir une souscription pour ta libération. La photo qui est en exergue de ton blog incite aux dons. Après Sauvez Willy, voici Sortez Etienne de sa cage !!!
Vous pouvez apporter vos dons chez les frères puisque c'est maintenant là sa nouvelle adresse...à vot'bon coeur !!!