כְּגַן
רָוֶה
kəḡan rāweh
Chers amis,
Quelle belle journée que ce dimanche !
Vendredi, rien de particulier, une journée
somme toute ordinaire. Sauf qu’à peine rentré en Terre Sainte, le Frère Rafael
est reparti en Jordanie : il doit faire refaire son permis de conduire. En
retournant à la bibliothèque, vers 14 h, j’ai enfin aperçu Anthony, mon
directeur qui venait de rentrer. Samedi matin, j’ai travaillé et en sortant, j’ai
vu le directeur de l’ÉBAF…
L’après-midi, avec Baptiste et Rémi, nous
sommes allés aux Vêpres chez les Arméniens. Un archevêque présidait et les
séminaristes chantaient. Ce que j’aime dans les chants arméniens, c’est que ça
avance, ça n’a pas peur de donner de la voix, ça ne minaude pas… Finalement,
les vêpres ont duré une petite heure et nous avons un peu marché vers
Saint-Pierre en Gallicante, le Cénacle, la tombe de David et la Dormition.
Rien de spécial.
Ce dimanche, messe matinale à Saint-Sauveur
puis j’ai rejoint des amis au monastère de l’Emmanuel. Baptiste y était aussi
pour assister à la messe melkite. Après la messe, nous sommes partis pour une
belle balade. Il y avait Loïc et Sophie, couple de volontaires connus à Abu
Gosh, Guillaume, le frère de Sophie, Baptiste en moi. Nous avons laissé la
voiture à al-Makhrour, près de la sortie du deuxième tunnel, près du
check-point de Beth Jala (pour ceux qui connaissent). De là nous avons suivi un
sentier qui descendait dans le fond du vallon et suivait ensuite le wadi Al-Makhrour (naḥal Helets en hébreu) au milieu des rochers, des oliviers. Quelle beauté ! Les pentes du vallon
sont aménagées de murs en pierre sèche sur toute la hauteur. Cela évoque un peu
nos collines provençales. À un moment, je vois quelque chose bouger sur notre
gauche. J’ai d’abord pensé à une perdrix et en fait, il s’agissait d’un renard.
Son pelage était gris et en cherchant sur Internet, je me demande s’il ne s’agit
pas d’un renard de Blanford (Vulpes cana), appelé aussi renard afghan.
Bon, en même temps, on estime la population mondiale de ce renard à un millier…
Mais la photo correspond assez bien à ce que j’ai vu. Le pelage n’était pas
roux.
Après une petite heure et demie de marche nous
sommes arrivés à notre destination : Battir. C’est un village palestinien,
situé sur la ligne verte de cessez-le-feu de 1949. Il est bâti en haut d’un
petit cirque, irrigué de plusieurs sources. Des murs en pierre sèche très
anciens ont permis de ménager des jardins potagers depuis 2 000 ans. Et l’eau
ne manque pas ! Il n’a pas plus depuis quatre mois et demi et les petits
canaux fonctionnaient, amenant l’eau dans les différentes parcelles. La
végétation est luxuriante (les aubergines rendraient jaloux mon jardinier de père !).
Avant d’entrer dans le village, nous sommes descendus tout en bas dans le fond.
Le wadi Al-Makhrour se “jette” dans le naḥal Rephaʼim (wadi el-Werd en arabe). Dans cette vallée, serpente
(littéralement !) la voie de chemin de fer construite en 1892 par les
Ottomans entre Jaffa et Jérusalem. Elle est toujours en service.
Le village situé sur la ligne de cessez-le-feu
a dû se battre pour ne pas voir ses cultures et son patrimoine ravagé par le
mur de séparation et l’UNESCO l’a classé sur la liste du Patrimoine mondial. Et
c’est vrai que c’est magnifique. Le village est peuplé de 4 000 habitants
et a été pas mal construit mais on distingue quelques maisons anciennes (XVIIe-XIXe siècles).
À proximité, il y a le site de Khirbet
el-Yahud, la ruine des Juifs, qui est en fait l’équivalent de Massada pour la
deuxième révolte juive. La première révolte juive a eu lieu de 66 à 70 de notre
ère et s’est terminé par la destruction du Temple de Jérusalem ; la
révolte s’est prolongé par le siège de Massada, bien connu. En 132, une autre
révolte a éclaté conduite par un certain Bar Kokhba (= fils de l’Étoile) et a
été maté dans le sang par l’empereur Hadrien. Les derniers insurgés ont été
réduits à néant à Battir… Entre 1967 et 1993, les Israéliens ont fouillé ce
site et en ont déduit qu’il s’agissait bien du lieu du siège
Nous avons traversé les cultures en terrasse et
nous sommes arrivés au bassin romain. Nous avons pique-niqué. Après notre
déjeuner, nous sommes rentrés à pied par le même chemin. En quittant le
village, nous avons vu quelques voitures sur lesquelles on avait dû s’acharner
pour les réduire en morceaux… Ça n’a pas rassuré Loïc, notre chauffeur !
Mais je lui ai dit que j’avais laissé saint Joseph dans la voiture et il avait
fait son travail de gardien.
Ensuite, Sophie, Loïc et Guillaume continuaient
par la basilique de la Nativité. Ils nous ont laissé à Bab el-Sqaq et Baptiste
et moi sommes rentrés à la maison. Il y a un arrêt de bus juste à côté du
Collège, le long des remparts. Sieste, douche et je suis allé faire un tour
tranquille rue de Jaffa. Je me suis “tanqué” sur le banc d’un parc pour prier.
Au dîner, le Frère Daoud m'a dit que la zone d'Al-Makhrour est une peu tendue en ce moment : des Israéliens se sont emparés d'un terrain dans le coin... Avec la délicatesse et la courtoisie habituelle.
Ce soir, je ne fais pas de vieux os.
À bientôt,
Étienne+
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