welahag harveh yegi’at
vasar
ולהג הרבה יגעת בשר
Chers amis,
Depuis mardi dernier, les choses ont été
calmes. Mercredi j’ai passé la journée à la bibliothèque, avec enfin l’impression
d’arriver à faire un travail un tant soit peu productif. Je travaille en ce
moment sur les passages de l’Apocalypse qui m’intéressent à partir de la
méthode/technologie de la Bible en ses traditions. C’est le projet de
recherches que l’École biblique a lancé il y a une bonne dizaine d’années. Il s’agit
de travailler le texte biblique non seulement en étudiant son contexte, son
origine, le milieu dans lequel il a été écrit, élaboré (c’était ce que
faisaient jusque-là les éditions de la Bible comme la Bible de Jérusalem ou la Traduction
Œcuménique de la Bible), mais aussi de voir comment ce texte a été lu, reçu,
interprété tout au long de l’histoire. Ces jours-ci, je me suis intéressé tout
spécialement au chapitre 22 de l’Apocalypse, que j’ai traduit. Pour la Bible en
ses traditions, on procède d’une manière très large. Habituellement, le texte
de base que l’on prend est celui de Nestlé-Aland, une édition critique (c’est-à-dire
méthodique) du texte grec du Nouveau Testament. Le texte que cette édition
présente est une sorte de compilation de tous les anciens manuscrits que l’on
connait, en essayant d’apprécier leurs fiabilités respectives. À l’époque des
manuscrits, les copistes, même les mieux formés, n’étaient pas à l’abri d’une
erreur de copie ou même d’une envie d’“amélioration” du texte qu’ils copiaient.
Le travail des éditeurs est de comparer les versions et de choisir la
“meilleure”, la plus probable, mais il faut comprendre que le texte de cette
édition n’existe, comme tel, dans aucun manuscrit.
Dans la Bible en ses traditions, on
procède tout différemment. Comme on regarde comment le texte a été reçu, on est
obligé de connaître le texte dans ses différentes versions… Enfin, pas dans
toutes ses versions, mais dans les principales : l’édition de Nestlé-Aland
(Nes), bien sûr, mais d’abord ce qu’on appelle le texte byzantin ou majoritaire
(Byz), c’est-à-dire celui qui est lu
chez les orthodoxes et qui représente plus de 80 % des manuscrits
anciens ; ou encore le Textus Receptus (TR), celui édité par Érasme au xvie siècle et qui a servi de
base aux réformateurs protestants ; mais aussi la Vulgate (V), le texte
latin établi à la fin du ive
siècle par saint Jérôme qui fait autorité dans l’Église catholique latine, et enfin le texte syriaque, aussi appelé Peshitta (S),
qui est lu dans certaines Églises orientales… Donc trois textes grecs souvent
différents, un texte latin et un en syriaque. J’ai donc dû me mettre un peu au
syriaque pour cette partie du travail… Mais ça n’est pas si facile…
En effet, le syriaque est une variante de
l’araméen que j’ai étudié lors de mes études romaines. L’araméen s’écrit comme
l’hébreu (en fait, c’est l’inverse puisque les juifs ont emprunté l’alphabet
araméen pour écrire leurs textes) mais le syriaque utilise une écriture
particulière (en fait, pas une mais au moins deux écritures particulières :
le serto et l’estrangelo).
Sur mon ordinateur, le Nouveau Testament syriaque
est écrit en estrangelo, mais il y a aussi une version en lettres hébraïques. Or, dans les dictionnaires et l’édition
critique trouvée à la bibliothèque, c’est écrit en serto… Le moins que l’on puisse dire, c’est
que la correspondance ne saute pas aux yeux. En revanche, le serto a une vraie
parenté avec l’arabe. Donc, sur l’ordinateur, je repère la forme lexicale du
mot en estrangelo, je retranscris de ma belle plume en serto que je cherche
ensuite dans le dictionnaire (en faisant attention à son principe d’ordre qui n’est
pas d’abord alphabétique mais qui suit les racines) et enfin, je peux traduire
de manière à peu près certaine le texte. (Je dois avouer que je suis un peu
aidé par le fait que l’édition critique trouvée à la bibliothèque a un texte
anglais en regard mais, il vaut mieux vérifier. Une fois les cinq versions
traduites, je les retranscris sur le site web de la Bible en ses traditions
en les arrangeant selon les versions en trois colonnes (comme sur l’exemple).
Chaque fois que j’enregistre une modification, elle est numérotée (ici 216195)
dans l’ordre chronologique… Je vois qu’il y a entre 200 et 300 modifications
par jour, faites par l’ensemble des contributeurs. La modification doit ensuite
être validée (vous voyez que celle-ci est « en attente d’approbation »).
Comme sur le syriaque, je ne suis pas un spécialiste, j’ai contacté le gars qui
s’y connaît parmi les contributeurs (il s’appelle Étienne lui aussi !)
pour demander son concours. Il peut regarder ce que j’ai fait et apporter des
corrections.
Ce travail de traduction n’est qu’une petite partie du
projet BEST (Bible En Ses Traditions = c’est pas moi qui le dis,
c’est les lettres !) Ensuite, il faut annoter le texte en mettant en
évidence les citations ou allusions à d’autres versets bibliques. Par exemple,
vous avez l’illustration avec le verset Ap 1,3 (j’ai rajouté la mention Écoute
de la Parole).
Puis, et c’est là le plus grand intérêt du projet, on passe
à l’annotation du texte à travers toute une grille de lectures : Texte,
Contexte et Réception. Chacune de ces rubriques est divisée en
sous-rubriques : vocabulaire, procédés littéraires, genre littéraire,
histoire et géographie, textes anciens associés, traditions chrétienne et
juive, liturgie, théologie, arts visuels, littérature, musique et même
cinéma ! On peut aussi faire des notes de synthèse dont l’objet est de
parcourir un thème à travers la Bible. Voici la note que j'ai rédigée vendredi.
Vous pouvez consulter le volume de démonstration publié
voici quelques années pour vous donner une idée de ce que cela peut donner. Le
Père Olivier-Thomas Venard a réuni autour de lui une équipe pour annoter le
texte de la Passion selon saint Matthieu. Cet exercice me semble représenter la
méthode BEST poussée à son paroxysme… Pour deux petits versets (Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance,
celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre
autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des
fils de Zébédée. Mt 27,55-56), il y a onze pages d’annotations…
Publication prévue à l’été 2016, en l’honneur des 800 ans de l’Ordre des
Prêcheurs…
En plus, jeudi matin, j’ai eu du temps en plus pour l’étude
personnelle : je devais avoir cours à 8 heures ; mon condisciple
était là (Konrad, un autrichien) mais point de professeur… 8h15, en désespoir
de cause, nous voilà à frapper chez Sœur Martine, la secrétaire ; on court
à droite, à gauche pour finalement découvrir que le prof est aux États-Unis
pour un congrès d’exégètes. Du coup, j’ai eu un peu plus de temps pour bosser à
la bibliothèque.
Ce samedi, après-midi, je suis d’abord allé au marché de
Noël du centre culturel français Chateaubriand (côté Palestinien). Il y avait
tout un tas de produits fabriqués en Palestine, sur le principe du commerce
équitable (en principe, le mot “équitable” implique une certaine réciprocité mais
ici, comme aurait dit Montherlant « C’est quand la chose manque, qu’il
faut en mettre le mot », car les prix n’étaient pas du tout équitables…). Il
y avait un de ces mondes… Je ne me suis pas attardé.
Ensuite, je suis allé me balader dans la Vieille Ville, en
passant par la Porte d’Hérode et par un dédale de ruelles que je ne connaissais
pas… Je suis passé devant la cathédrale arménienne qui est fermée pour travaux.
Le portier s’est enquis de ce que je voulais. Je lui ai demandé où avaient lieu
les offices pendant les travaux et le voilà qui m’indique, dans un anglais
typiquement arménien : « Suivez le passage voûté ; tournez à
droite ; allez au bout ; dans la cour, prenez la petite porte ;
au bout à gauche, descendez les escaliers ; encore une petite porte et
vous suivez le mur jusqu’à la porte cachée par une tenture »… Je m’engage
donc en suivant scrupuleusement les indications. Je passe devant un panneau
« Private. No entry beyond this place »… Je continue. Et j’arrive
dans les cours du quartier arménien, vastes, claires, ultra-propres (ça saute
aux yeux, pas un papier par terre, sol parfaitement balayé)… Je demande ma
route à l’un ou l’autre prêtre rencontré. Et j’arrive dans l’église des
Archanges où les Vêpres vont avoir lieu… J’y assiste donc. Qu’est-ce que c’est
beau ! Les chants sont envoûtants, parfois une mélopée par un soliste,
parfois une hymne triomphale entonnée par tout le chœur. Il y avait deux
groupes de choristes, un dans chaque bas-côté de l’église. À un moment qu’ils
chantaient vraiment fort, j’ai pensé à « C’est à bâbord, qu’on gueule, qu’on
gueule ! » mais c’était tout de même plus harmonieux. Après les
Vêpres, passage au Mur occidental, puis au Saint-Sépulcre, toujours aussi
bondé. Soirée calme, sauf qu’à un moment, le square Tsahal (sic),
sur lequel ma fenêtre donne, est devenu le théâtre d’une teuf improvisée… Un
camion avec des haut-parleurs surpuissants, des juifs religieux et
nationalistes (grosses kippas blanches au crochet, longues pehots, drapeaux
israéliens et longues cornes de boucs servant de trompes) qui sautillent sur de
la musique techno en hébreu…
Il y a évidemment deux groupes : les
messieurs d’un côté, les dames de l’autre. Comme ça, pas de contact indécent.
La musique est assez variée, on a eu droit à « Poupée de cire, poupée de
son » en version hébraïque et techno (peut-être que les paroles ont été
adaptées et ne parlaient plus de poupée mais d’Israël ?) et aussi « O-o
prends mon âme ! » qui est en fait la mélodie de l’hymne national
israélien… C’est finalement ni bâbord, ni tribord, c’est Tsahal qui gueule le
plus fort...
Le pape doit être content de sa soirée… Enfin quand je dis
le pape, ce n’est pas François, mais Tawadros, le pape des Coptes orthodoxes,
qui est présent ces jours-ci à Jérusalem, il loge au centre Notre-Dame, pile en
face de la Porte Neuve, tout près de la teuf. Le pape Tawadros a présidé ce
samedi les obsèques de l’évêque copte de Jérusalem qui est mort cette semaine.
C’est un événement assez exceptionnel puisque ça n’était pas arrivé depuis plus
de quarante ans. Depuis 1967, les papes coptes ont interdit à leur fidèles de
se rendre en pèlerinage à Jérusalem tant que la question israélo-palestinienne
ne serait pas réglée (Notons que l’interdiction est respectée d’une manière
très orientale…)
À 21h56, tout s’est arrêté, le camion est parti, les garçons
aussi. Les filles sont restées, assises en rond à jouer à « Savez-vous
passer le tradéridéra » ou quelque chose dans le genre… C’est tout de même
plus calme…
La nuit fut bonne malgré tout.
Ce matin, calme, petite balade pour aller faire des courses au bazar de la rue de Jaffa (cirage pour les chaussures, brosse à habits...) puis messe paroissiale à Saint-Sauveur. C'est la paroisse latine de la Vieille Ville où la messe est célébrée en arabe. L'ambiance est très sympa, vraiment paroissiale, avec plein d'enfants. Le prêtre qui présidait est un immense franciscain arabe, très fraternel. J'avais mon Prions en Église, qui s'est révélé très utile pour suivre les lectures. J'étais content d'avoir réussi à attraper quelques mots de l'homélie (arba' = quatre, comme les bougies de la couronne de l'Avent ; awwal = première comme celle qui vient d'être allumée ; sugol = travail ; menshan Allah = pour Dieu). J'ai donné la communion et après la messe, le café était offert (il n'était pas fantastique mais avait la saveur de l'amitié). Le Père m'a dit de revenir quand je voulais... Je ne me ferai pas prier. C'est drôle comme on ne se déshabitue pas d'une vie paroissiale !
Le pont de cordes |
Après le repas partagé avec les frères (Un moussakha qui n'a rien à voir avec la moussaka... : du pain, du poulet [qu'est-ce qu'on en mange...], des oignons et des amandes, sur lesquels on met un peu de laban = yaourt), je suis allé me balader. J'ai remonté la rue de Jaffa jusqu'à la Gare centrale (il y a eu une attaque ce matin ; les violences ont repris ces derniers jours...) car je voulais voir de près le pont de cordes. Il a été construit près d'une entrée de Jérusalem comme un ouvrage d'art qui en jette. En fait, malgré la prouesse technique, il n'en jette pas tant que ça, car il n'y a pas vraiment de lieu d'où l'on puisse le voir dans toute son ampleur. Comme son nom l'indique, c'est un pont suspendu mais qui a la caractéristique d'être incurvé et de n'avoir qu'un poteau porteur qui se trouve être tordu pour pouvoir soutenir l'ouvrage.
Petit ajout, j'ai trouvé une image aérienne du pont, il finit par en jeter :
Je suis rentré en passant successivement par le Ministère des Affaires étrangères, la Cour suprême, la Knesset (Parlement), le musée d'Israël, le Parc Sacher, la rue Ben Yehouda et la rue de Jaffa... Beau petit tour pour se préparer à la belle journée de mardi. Nous avons notre deuxième excursion qui nous fera voir Ein Gedi (surtout le temple chalcolithique) et Tell Arad. Attendez-vous à voir de jolies choses !
Petit ajout, j'ai trouvé une image aérienne du pont, il finit par en jeter :
Je suis rentré en passant successivement par le Ministère des Affaires étrangères, la Cour suprême, la Knesset (Parlement), le musée d'Israël, le Parc Sacher, la rue Ben Yehouda et la rue de Jaffa... Beau petit tour pour se préparer à la belle journée de mardi. Nous avons notre deuxième excursion qui nous fera voir Ein Gedi (surtout le temple chalcolithique) et Tell Arad. Attendez-vous à voir de jolies choses !
A bientôt, bon et saint Avent à tous,
Étienne+
1 commentaire:
C'est amusant, ce pont m'a été présenté comme représentant la harpe du Roi David composant les psaumes. Si bine que je l'appelle le pont de la harpe, mais je me sens parfois un peu...incomprise...
En tous cas, la "balade du dimanche" est un très grand tour !
A très Bientôt, Père Etienne !
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