dimanche 15 novembre 2015

Ne redoute ni terreur soudaine ni attaque qui vienne des méchants (Pr 3,25)

’al-tîra’ mippaad pitom ûmsho’at resha’îm kî tavo‘
אל תירא מפחד פתאם ומשאת רשעים כי תבא

Chers amis,
Évidemment, l’actualité récente survient pour bousculer mon récit… Hier matin, quand j’ai allumé mon ordinateur, je n’en croyais pas mes yeux et mes oreilles…
Enfin, le beau temps est revenu… Depuis 10 jours, on ne savait jamais s’il fallait sortir avec son parapluie… Vous sortez à 7 h 30 il fait beau mais à la pause de 10 h, il pleut à verse ; à 11 h 15, vous regardez à travers la fenêtre et le soleil brille. Et à la fin de la matinée à midi, il pleuviote. Aujourd’hui, franc et beau soleil sur Jérusalem. Une petite inquiétude tout de même, pour la “météo” politique, il y a eu deux attaques au couteau mardi à Jérusalem.
Jeudi matin, le Père Émile Puech nous a parlé de l’écriture en Samarie-Galilée depuis le Bronze Moyen (2 050-1 550 av. J.-C.) jusqu’à l’époque romaine (70-330 ap. J.-C.)… Émile Puech est natif d’Estaing (Aveyron) et prêtre du diocèse de Rodez, il connaît donc certains des prêtres aveyronnais de Notre-Dame de Vie. Il nous a montré des tas de tessons, d’ostraca, d’inscription… Ce qui m’a soufflé, c’est qu’il lit toutes ces écritures (phénicien, cunéiforme, araméen, samarien, samaritain) comme vous et moi le journal du matin. Il nous a montré la stèle de Tel Dan, trouvée en 1993 près des sources du Jourdain. Datée du viiie siècle avant notre ère, elle évoque la maison de David. C’est pratiquement le seul témoignage extra-biblique qui atteste de l’existence de David. Il reste deux ou trois fragments avec une écriture hébraïque ancienne, mais le P. Puech la reconstitue en intégralité avec toute une histoire inspirée de la Bible. Ce qui est drôle aussi, c’est que sa chronologie est beaucoup plus traditionnelle que celle qui nous a été présentée lundi…
Ensuite, le P. Nodet (fils du Dr. Nodet) a présenté quelques éléments sur le monothéisme des Samaritains, au moins ce qu’on peut en dire avec la Bible, Flavius Josèphe, etc…
Cette après-midi, on nous présente de manière approfondie les données archéologiques sur la ville de Samarie, connue aussi sous le nom de Sébaste. Le professeur est un archéologue palestinien et à un moment, il voulait nous montrer la stèle de Mesha. Et il a montré toute une série d’images mais les commentaires étaient en arabe, ce qui ne nous facilitait pas la compréhension mais pour lui, tout allait bien, c’était même plus pratique que le français.
On est sortis de la salle de cours à 18h15… Trop tard pour aller courir… Je suis allé me balader rue de Jaffa, jusqu’au marché de Maḥane Yehuda. J’étais souvent passé devant mais cette fois-là, je suis entré. C’est le souk juif, ça crie, ça marchande, on se bouscule. Ça sent les épices.

Au détour d’une allée, je tombe sur une fille, étudiante en architecture qui est parfois venue au cours d’archéologie, je salue ; elle me présente son fiancé, je dis bonjour. Je parle un peu de mon doctorat, des cours, de l’École… Il me demande si je suis diocésain, je lui réponds que je fais partie d’une communauté, implantée dans le diocèse d’Avignon, qu’elle s’appelle Notre-Dame de Vie, plus pour prévenir une éventuelle question que pour parler de quelque chose qu’il pourrait connaître. Et là, il me dit : « Ah, mais je connais, vous saluerez le Père Emmanuel ! » En fait, le gars aménage des chapelles et lieux liturgiques et il a envoyé, pas plus tard que la semaine dernière, un projet pour la chapelle du Studium à Notre-Dame de Sainte-Garde ! Il fallait se trouver dans ce souk hiérosolymitain pour trouver l’archi qui aménage la chapelle du Studium ! Non mais, il fallait le faire… Du coup, il sort son téléphone et me montre le projet qu’il a soumis au P. Emmanuel. Je n’en revenais pas.
Vendredi matin, un des profs a parlé des Samaritains dans le NT. Honnêtement, ce professeur est passionnant à écouter (pour peu qu’on soit assez proche de lui car il parle dans la barbe qu'il n'a pas) mais parfois les connexions logiques sont trop allusives et on a du mal à écouter. Pendant la séance de questions, il a sorti une cigarette de son paquet en prévision de la pause… et les questions ont duré un petit moment, la cigarette dansait dans ses doigts, on sentait un brin d'impatience. Et finalement, n'y tenant plus, il l’a allumée ! Les questions ont été vite terminées…
Dans l’après-midi, on a fait l’historique de la Palestine depuis l’époque byzantine jusqu’au mamelouks (326-1516) et la présentation des sites que nous découvrirons la semaine prochaine.
Hier matin, c’était le Dies Academicus conjoint de l’École Biblique et Archéologique Française et du Studium Biblicum Franciscanum (SBF). Après les salamalecs d’usage, le P. Olivier Artus, vice-recteur de la Catho de Paris a donné une conférence très intéressante sur le thème « Enjeux passés et actuels de l’exégèse du livre des Nombres ». Il parlait des questions liées à la rédaction du livre, à son projet théologique. Il a aussi fait preuve d’humilité en remettant en question quelques résultats de sa thèse sur ce même livre soutenue il y a 20 ans. Après quelques rafraîchissements, les franciscains ont présenté leur Liber Annuus LXIV, la livraison de leur revue annuelle. Cela a permis de lire 700 pages en moins d’une demi-heure puisque chaque contribution a fait l’objet d’une brévissime présentation. En fait, ça donnait aussi envie d’en lire certaines : lecture juive de l’annonce à Zacharie ; Christologie narrative du “voyage” de l’évangile selon saint Luc ; Épiphane et la date de fondation d’Ælia Capitolina ; Fouilles sous la porte de Jaffa…
Le volume présenté se voulait un hommage à un professeur du SBF. Distrait au début de la présentation, j’ai cru que ce brave Père Bottini était mort. À la fin de la séance, je me lève et me retourne et me retrouve nez à nez avec le “mort” qui était bien vivant et venait en fait seulement de devenir émérite. Sinon, il y a aussi eu la présentation d’un film sur le SBF qui ne valait pas ceux réalisés pour le Studium de Notre-Dame de Vie.
L’après-midi après les infos, je suis allé me balader dans la vallée de la Géhenne. En passant devant le Consulat, j’ai vu les drapeaux en berne. Dans le quartier de Yemin Moshe, j’ai retrouvé les vestiges de l’aqueduc inférieur qui menait l’eau des vasques de Salomon jusqu’au Mont du Temple. Puis près de l’église écossaise Saint Andrew, j’ai cherché des tombes qu’on avait vues en cours mais je n’ai trouvé que Bible Hill (la colline biblique…) Le nom est poétique mais, à part les colchiques, ça ressemblait à un terrain vague reconverti en dépotoir. J’ai continué vers la vallée de la Géhenne par un joli chemin qui passe sous les rochers, au-dessus des oliviers. Je suis allé jusqu’au monastère orthodoxe Saint-Onuphre (oui, ce prénom existe !). Saint Onuphre vivait en ermite et depuis tellement longtemps que ses vêtements avaient été réduits en poussière mais son abondante pilosité avait pallié cet inconvénient. Le monastère est bâti sur le lieu biblique d’Hakeldama, le champ du sang, acheté avec les 30 derniers rendus par Judas (Mt 27,8 ; Ac 1,19)
Quartier de Silwan


Le monastère domine le quartier arabe de Silwan, qui est assez chaud en ce moment. En bas, il y avait des soldats avec lesquels je ne tenais pas à négocier… Je suis remonté, le long des oliviers et je croise un vieil arabe qui me salue : « Masa el-ħer abuna, kif ḥalak » On a discuté autant que possible car je ne parle pas vraiment arabe et il ne parlait pas vraiment anglais. Il m’a montré ses olives et je l’ai félicité « Mabruk ! ya ħayyi ». Puis j’ai fait l’ascension de la pente du Mont Sion et je suis tombé sur des fouilles réalisées dernièrement. Après enquête sur Internet, il s’agirait des vestiges de la muraille sud de Jérusalem à l’époque du Second Temple et à la période byzantine.

 
Vestiges de la muraille sud
Passage rapide au Cénacle, bondé de pèlerins, à la Dormition puis retour à la maison.
Le soir, je suis allé à la paroisse hébréophone. La paroisse est dédiée aux saints Siméon et Anne, ces vieillards qui attendait la consolation d’Israël (Lc 2,25) dans le Temple et ont accueilli la lumière des nations. L’ambiance est très sympa. L’autre jour, pour la Toussaint, le P. Rafic a commencé en demandant à la douzaine d’enfants du catéchisme quelle fête on célébrait. « Ḥanoukka » a répondu l’un des enfants spontanément… Non, c’était « Kol Haqedoushîm ». Quelques particularités liturgiques à noter : au début de la messe, les bougies de l’autel sont éteintes et une femme vient les allumer en prononçant une bénédiction Baroukh ata Adonaï, élohénou mélekh ha’olam, acher… C’est la reprise du rite d’ouverture du sabbat chez les juifs, où la mère de famille allume de cette manière la bougie qui brûlera tout au long du sabbat.
Église de la communauté de langue hébraïque
À l’anamnèse, on ne dit pas tout véritablement en hébreu… Un peu d’araméen s’est glissé dans la liturgie : Gloire à toi qui était mort, gloire à toi qui est vivant, Marana’ ta (cf. 1Co 16,22). Sur le tabernacle, il y a écrit en hébreu : זאת עשו לזכרי.(Ceci faites-le en mémoire de moi).
Je suis rentré à la maison pour le repas et j’ai regardé les infos sur TV5 qui diffuse le journal de France2. Aujourd’hui, la messe à l’École Biblique est présidée par le Patriarche Fouad Twal à l’occasion des 125 ans de l’École mais sera aussi célébrée à l’intention des victimes des attentats, en présence du Consul. Une cérémonie d’hommage aura lieu dans l’après-midi au Consulat.
Sinon, voici le programme de notre voyage en Galilée-Samarie. Je pense emporter mon ordi puisque la maison de Tibériade où nous logerons a le WiFi…
Je pourrais vous tenir au courant.

Lundi 16 novembre : L’ouest de la Galilée 
Visite de Meggido, Sepphoris et Nazareth (Basilique de l’Annonciation, Tombeau du juste, Maison du 1er siècle). 
Mardi 17 novembre : Les bords du lac de Galilée 
Visite d’Hippos, de Kursi, de Gamla, de Chorazim, du Capharnaüm, de la Primauté de Pierre, de Tabga et de Magdala. 
Mercredi 18 novembre : La haute Galilée et le plateau duGolan
Visite d’Hatzor, Tel Dan, Banias, Nemrod, route à travers le Golan. 
Jeudi 19 novembre : Sud de la Galilée et entrée en Samarie
Visite de Belvoir, Beth Shean, Beth Alpha et Tell el Farah. 
Vendredi 20 novembre : Le cœur de la Samarie 
Visite de Sébaste, du Puits de Jacob, de la tombe de Joseph, de Tell Balata, du Mont Garizim et de Taybeh. 
On va pas s’ennuyer… Vous pouvez aussi me suivre sur Twitter avec le lien suivant : https://twitter.com/PEtienneJ en fonction de la connexion 4G...
À bientôt,
Étienne+

PS : Ce matin, messe présidée par le patriarche latin de Jérusalem à la basilique Saint-Étienne de Jérusalem. Le Consul général de France était présent. Léglise était pleine. La messe en lhonneur de saint Albert le Grand, à loccasion des 125 ans de lÉBAF était aussi offerte en mémoire des victimes des attentats de Paris. Cela donnait une atmosphère étrange, à la fois festive et marquée par la tristesse. Mais après tout, loraison de la fête avait son sens dans les circonstances présentes... 
Tu as voulu, Seigneur, que saint Albert mérite le nom de grand pour avoir su concilier sagesse humaine et foi divine, accorde-nous, à lécole dun tel maître, à travers nos progrès dans les sciences, de mieux Te connaître et de T'aimer davantage.

Le Consul général allume une bougie
À 15h30, rendez-vous était donné au Consulat général de France pour un hommage aux victimes. Il a fallu poireauter un moment pour rentrer (contrôle de sécurité, sac à dos interdit...)
Le consul a parlé un petit moment, de manière simple et digne. En revanche, lallocution du délégué consulaire était particulièrement déplacée compte tenue de lassistance, très orientée sur les rapports avec la Palestine. Enfin... lauditoire a fait preuve de la dignité qui convenait.
A lissue de la cérémonie, verre de l'amitié offert dans le salon du haut. Le salon est sympa et la vue sur les remparts de Jérusalem aussi. Mais en revanche, à goûter le jus dorange servi, on se dit que la France n'est plus ce quelle était et que les caisses sont vides.
Ce soir, la muraille de Jérusalem, près de la Porte de Jaffa est illuminée aux couleurs de la France. Voyez le bandeau de titre. 

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