εἰς τὰς κώμας Καισαρείας τῆς Φιλίππου
eis tas kômas Kaisareias tès Philippou
eis tas kômas Kaisareias tès Philippou
Chers amis,
Cette troisième journée de notre périple a été riche en
découvertes ; elle nous a menés jusqu’à l’extrême nord d’Israël et même
dans le territoire disputé du Golan, pour visiter quatre parcs nationaux
israéliens. Les parcs nationaux sont en fait des sites archéologiques ou
naturels mais souvent de taille relativement restreinte (rien à voir avec les Écrins
ou les Cévennes).
Le premier est Tel Ḥaçor, une importante cité au nord de la
Galilée. C’est un tel, comme Megiddo, mais sa surface est exceptionnellement
vaste : 80 hectares soit quatre fois plus grande que les plus grandes
villes analogues ! Et en plus, il y a deux espaces : la ville basse
très peu fouillée et la ville haute, qui a été l’objet de fouilles précises.
On entre dans la ville par la porte de l’âge du Fer (c’est-à-dire
le début du premier millénaire avant notre ère) qui est traditionnellement attribuée
à
Salomon, mais que les archéologues ont actuellement tendance à rajeunir d’une
bonne centaine d’années, comme sa quasi-jumelle de Megiddo. Divers ensembles
ont été dégagés et même certains ont été déplacés pour pouvoir fouiller en
dessous… Au centre du tel, trône le Palais cananéen, une énorme structure bâtie
en briques crues (pour les conserver, on a édifié un immense toit avec des
gouttières. Le palais a été détruit au xiiie
siècle avant notre ère et les archéologues des années 50 ont dit : « Ce
sont les traces de la conquête de la Terre promise par Josué et les Hébreux
puisque dans le livre de Josué, au chapitre 11, versets 10 et 11, on nous raconte
cet épisode ». C’est en réalité un peu plus compliqué que cela…
Palais cananéen de Tel Ḥaçor |
Derrière le palais, un immense puits, d'une cinquantaine de mètres de profondeur, permettait d’accéder à
la nappe phréatique sans avoir à puiser l’eau aux sources nombreuses autour de
la ville. En cas de siège, on assurait la subsistance en eau.
Puits de Tel Ḥaçor |
Puis Dan, la cité du Nord, située l’extrémité du « doigt
de la Galilée » comme on dit ici. Le tel correspond à l’une des sources du
Jourdain et tout le site est parcouru de nombreux ruisseaux qui arrosent une
végétation luxuriante. Nous avons même vu un crabe d’eau douce !
Aux temps
bibliques, pour désigner tout le peuple d’Israël, on disait souvent « de
Dan à Beer Sheva » pour dire « du nord au sud » : « Tous les Israélites sortirent donc, et, comme un seul homme, toute la
communauté se réunit, depuis Dan jusqu’à Beer Sheva et le pays de Galaad,
auprès de Yahvé à Miçpa. » (Jg 20,1). On voit en effet,
plusieurs vestiges de cette époque, notamment d’imposants remparts et une porte
beaucoup plus élaborée que celles de Megiddo ou Ḥaçor : une première porte
ouvre sur une place qui permet d’accéder à une deuxième porte à double
tenaille, qui se continue par une voie qui tourne à angle droit et monte vers
une troisième porte à tenailles… La ville devait être invincible…
Le Jourdain à Tel Dan |
Rempart israélite |
En 1993, Tel Dan a été le théâtre d’un événement
archéologique retentissant… On a retrouvé dans un mur, réemployé, le fragment d’une
stèle (deux autres plus petits ont été retrouvés deux ans plus tard). Sur la
stèle, un texte gravé contenant ces quelques lettres דוד בית, « maison de
David ». Il s’agit simplement de la seule mention, connue à ce jour, du
roi David, en dehors de la Bible. Certains historiens doutaient de son
existence ; une preuve était venue la confirmer.
De l’autre côté du tel, qui a été relativement peu fouillé,
on trouve un temple, qui si l’on en croit la Bible a été édifié par Jéroboam,
le premier roi du royaume du nord à la fin du xe
siècle av. J.-C. (cf. 1R 12,30). Le site est très
restauré/restitué… mais cela correspond en effet à la structure générale des
temples de l’époque (ou au moins de ce qu’on en sait).
Grosse déception, en revanche, pour Rosemary, notre
professeur d’histoire : la porte cananéenne (elle aussi en briques crues)
était inaccessible pour une raison inconnue. Elle adore l’âge du Bronze et pour
elle, Hérode c’est déjà post-moderne !
Troisième lieu visité (avec auparavant un pique-nique
reconstituant !) : Banias, l’antique Césarée de Philippe, ville bâtie
par Philippe (fils d’Hérode) en l’honneur de César Auguste (pour être bien sûr
de s’attirer les faveurs de l’empereur, il lui a aussi dédié un temple).
Souvent les chrétiens y passent en pèlerinage puisque c’est dans la région que
Pierre a reconnu en Jésus le Christ. Mais ça n’a pas dû se passer dans l’enceinte
du parc national puisqu’à l’époque, cela grouillait de
temples païens. Là
aussi, c’est une des sources du Jourdain qui jaillit d’une caverne dédiée au
dieu Pan (d’où le nom Banias). Il ne reste pas grand-chose des temples d’Auguste,
de Pan et de Némésis. On voit aussi les restes d’un enclos où l’on regardait
danser les chèvres ; cela pourrait vous faire rire, mais c’était très
sérieux puisque la danse des chèvres était interprétée par un devin ou un
prêtre pour rendre des oracles. Regardez sur la reconstitution artistique, on voit
les chèvres danser (comme ces chèvres étaient sacrées, on les enterrait dans
une partie du temple).
Les sanctuaires de Banias |
Après avoir suivi le cours du Jourdain, être passé sous un
pont romain et devant un moulin à blé qui a fonctionné jusqu’en 1986, nous
avons atteint les vestiges du palais d’Agrippa II, arrière-petit-fils d’Hérode
le Grand. Il avait fait de Césarée sa capitale en 62 de notre ère. Les vestiges
nous ont impressionnés par la finesse de la stéréotomie, l’art de tailler la
pierre. Les croisements de voûtes et autres motifs architecturaux donnent aux
pierres des formes très élaborées. Dans un coin, on voit un bâtiment beaucoup
plus récent que certains archéologues identifient comme une synagogue, d’autres
comme une mosquée… À vous de voir.
Le site de Césarée de Philippe est dominé au sommet d’une
montagne par la forteresse de Nemrod, le nom est biblique (cf. Gn 10,8-9)
mais en fait le nom arabe, al-Subeiba, signifie « large falaise »
et on comprend pourquoi le site a reçu ce nom. C’est impressionnant ! La
forteresse construite au xiiie
siècle par le neveu de Saladdin mesure 450 mètres de long et entre 50 et 150
mètres de large…
Nous avons commencé par la partie ouest, plus récente, mais
dont les blocs de pierre dépassent l’imaginable en terme de dimensions et de
soin apporté à la taille. On monte, on descend, on emprunte un passage secret,
on déchiffre (si on veut) une inscription en arabe, on voit une immense citerne…
Puis on monte vers le donjon, la partie la plus ancienne, d’où la vue est
imprenable. Dommage que la pluie de ces derniers jours ait plongé la région
dans une atmosphère embrumée. On distinguait mal le Liban qui n’est pourtant
pas loin.
Forteresse de Nemrod |
De Nemrod, on est ensuite remonté dans le bus et nous sommes
rentrés à la maison en passant par le plateau du Golan. Traversée des villages
druzes (pensez au film La fiancée
syrienne d’Eran Riklis, ***) et arrêt à Ziwan Junction pour admirer le
paysage du Golan et regarder la Syrie au-delà du no man’s land. En effet,
depuis 1967, Israël a annexé toute la zone du plateau du Golan qui appartient,
en droit international, à la Syrie. Les sites de Banias, Nemrod et Gamla sont
situés dans cette zone. Et pour la défendre, il y a plus de chars dans ce coin
de terre que pour toute l’armée française… Un cessez-le-feu est (normalement !)
en vigueur et une zone tampon a été instituée. L’ONU est présente pour la faire
respecter… Avec la guerre civile en Syrie, la situation est encore plus
compliqué qu’avant.
En contrebas du point de vue, il y avait le Vulcania israélien, car le Golan est une
zone volcanique (très récente : quelques dizaines de milliers d’années).
À cinq heures, nous étions à la maison. Douche, oraison,
messe, repas. Au lit !
Demain, nous quittons Tibériade et sa douceur. Nous dormirons en Cisjordanie à Samarie, mais je ne sais pas si nous aurons du WiFi... Soyez patients !
Demain, nous quittons Tibériade et sa douceur. Nous dormirons en Cisjordanie à Samarie, mais je ne sais pas si nous aurons du WiFi... Soyez patients !
Bonne nuit ! ! !
Étienne+
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