mercredi 18 novembre 2015

Et Jésus sortit, ainsi que ses disciples, vers les villages de Césarée de Philippe (Mc 8,27)

εἰς τὰς κώμας Καισαρείας τῆς Φιλίππου
eis tas kômas Kaisareias tès Philippou

Chers amis,
Cette troisième journée de notre périple a été riche en découvertes ; elle nous a menés jusqu’à l’extrême nord d’Israël et même dans le territoire disputé du Golan, pour visiter quatre parcs nationaux israéliens. Les parcs nationaux sont en fait des sites archéologiques ou naturels mais souvent de taille relativement restreinte (rien à voir avec les Écrins ou les Cévennes).
Le premier est Tel Ḥaçor, une importante cité au nord de la Galilée. C’est un tel, comme Megiddo, mais sa surface est exceptionnellement vaste : 80 hectares soit quatre fois plus grande que les plus grandes villes analogues ! Et en plus, il y a deux espaces : la ville basse très peu fouillée et la ville haute, qui a été l’objet de fouilles précises.
On entre dans la ville par la porte de l’âge du Fer (c’est-à-dire le début du premier millénaire avant notre ère) qui est traditionnellement attribuée à
Palais cananéen de Tel Ḥaçor
Salomon, mais que les archéologues ont actuellement tendance à rajeunir d’une bonne centaine d’années, comme sa quasi-jumelle de Megiddo. Divers ensembles ont été dégagés et même certains ont été déplacés pour pouvoir fouiller en dessous… Au centre du tel, trône le Palais cananéen, une énorme structure bâtie en briques crues (pour les conserver, on a édifié un immense toit avec des gouttières. Le palais a été détruit au xiiie siècle avant notre ère et les archéologues des années 50 ont dit : « Ce sont les traces de la conquête de la Terre promise par Josué et les Hébreux puisque dans le livre de Josué, au chapitre 11, versets 10 et 11, on nous raconte cet épisode ». C’est en réalité un peu plus compliqué que cela…
Derrière le palais, un immense puits, d'une cinquantaine de mètres de profondeur, permettait d’accéder à la nappe phréatique sans avoir à puiser l’eau aux sources nombreuses autour de la ville. En cas de siège, on assurait la subsistance en eau.
Puits de Tel Ḥaçor
Puis Dan, la cité du Nord, située l’extrémité du « doigt de la Galilée » comme on dit ici. Le tel correspond à l’une des sources du Jourdain et tout le site est parcouru de nombreux ruisseaux qui arrosent une végétation luxuriante. Nous avons même vu un crabe d’eau douce !
Le Jourdain à Tel Dan
Aux temps bibliques, pour désigner tout le peuple d’Israël, on disait souvent « de Dan à Beer Sheva » pour dire « du nord au sud » : « Tous les Israélites sortirent donc, et, comme un seul homme, toute la communauté se réunit, depuis Dan jusqu’à Beer Sheva et le pays de Galaad, auprès de Yahvé à Miçpa. » (Jg 20,1). On voit en effet, plusieurs vestiges de cette époque, notamment d’imposants remparts et une porte beaucoup plus élaborée que celles de Megiddo ou Ḥaçor : une première porte ouvre sur une place qui permet d’accéder à une deuxième porte à double tenaille, qui se continue par une voie qui tourne à angle droit et monte vers une troisième porte à tenailles… La ville devait être invincible…
Rempart israélite
En 1993, Tel Dan a été le théâtre d’un événement archéologique retentissant… On a retrouvé dans un mur, réemployé, le fragment d’une stèle (deux autres plus petits ont été retrouvés deux ans plus tard). Sur la stèle, un texte gravé contenant ces quelques lettres דוד בית, « maison de David ». Il s’agit simplement de la seule mention, connue à ce jour, du roi David, en dehors de la Bible. Certains historiens doutaient de son existence ; une preuve était venue la confirmer.
De l’autre côté du tel, qui a été relativement peu fouillé, on trouve un temple, qui si l’on en croit la Bible a été édifié par Jéroboam, le premier roi du royaume du nord à la fin du xe siècle av. J.-C. (cf. 1R 12,30). Le site est très restauré/restitué… mais cela correspond en effet à la structure générale des temples de l’époque (ou au moins de ce qu’on en sait).
Grosse déception, en revanche, pour Rosemary, notre professeur d’histoire : la porte cananéenne (elle aussi en briques crues) était inaccessible pour une raison inconnue. Elle adore l’âge du Bronze et pour elle, Hérode c’est déjà post-moderne !
Troisième lieu visité (avec auparavant un pique-nique reconstituant !) : Banias, l’antique Césarée de Philippe, ville bâtie par Philippe (fils d’Hérode) en l’honneur de César Auguste (pour être bien sûr de s’attirer les faveurs de l’empereur, il lui a aussi dédié un temple). Souvent les chrétiens y passent en pèlerinage puisque c’est dans la région que Pierre a reconnu en Jésus le Christ. Mais ça n’a pas dû se passer dans l’enceinte du parc national puisqu’à l’époque, cela grouillait de
Les sanctuaires de Banias
temples païens. Là aussi, c’est une des sources du Jourdain qui jaillit d’une caverne dédiée au dieu Pan (d’où le nom Banias). Il ne reste pas grand-chose des temples d’Auguste, de Pan et de Némésis. On voit aussi les restes d’un enclos où l’on regardait danser les chèvres ; cela pourrait vous faire rire, mais c’était très sérieux puisque la danse des chèvres était interprétée par un devin ou un prêtre pour rendre des oracles. Regardez sur la reconstitution artistique, on voit les chèvres danser (comme ces chèvres étaient sacrées, on les enterrait dans une partie du temple).
Après avoir suivi le cours du Jourdain, être passé sous un pont romain et devant un moulin à blé qui a fonctionné jusqu’en 1986, nous avons atteint les vestiges du palais d’Agrippa II, arrière-petit-fils d’Hérode le Grand. Il avait fait de Césarée sa capitale en 62 de notre ère. Les vestiges nous ont impressionnés par la finesse de la stéréotomie, l’art de tailler la pierre. Les croisements de voûtes et autres motifs architecturaux donnent aux pierres des formes très élaborées. Dans un coin, on voit un bâtiment beaucoup plus récent que certains archéologues identifient comme une synagogue, d’autres comme une mosquée… À vous de voir.
Le site de Césarée de Philippe est dominé au sommet d’une montagne par la forteresse de Nemrod, le nom est biblique (cf. Gn 10,8-9) mais en fait le nom arabe, al-Subeiba, signifie « large falaise » et on comprend pourquoi le site a reçu ce nom. C’est impressionnant ! La forteresse construite au xiiie siècle par le neveu de Saladdin mesure 450 mètres de long et entre 50 et 150 mètres de large…
Forteresse de Nemrod
Nous avons commencé par la partie ouest, plus récente, mais dont les blocs de pierre dépassent l’imaginable en terme de dimensions et de soin apporté à la taille. On monte, on descend, on emprunte un passage secret, on déchiffre (si on veut) une inscription en arabe, on voit une immense citerne… Puis on monte vers le donjon, la partie la plus ancienne, d’où la vue est imprenable. Dommage que la pluie de ces derniers jours ait plongé la région dans une atmosphère embrumée. On distinguait mal le Liban qui n’est pourtant pas loin.
De Nemrod, on est ensuite remonté dans le bus et nous sommes rentrés à la maison en passant par le plateau du Golan. Traversée des villages druzes (pensez au film La fiancée syrienne d’Eran Riklis, ***) et arrêt à Ziwan Junction pour admirer le paysage du Golan et regarder la Syrie au-delà du no man’s land. En effet, depuis 1967, Israël a annexé toute la zone du plateau du Golan qui appartient, en droit international, à la Syrie. Les sites de Banias, Nemrod et Gamla sont situés dans cette zone. Et pour la défendre, il y a plus de chars dans ce coin de terre que pour toute l’armée française… Un cessez-le-feu est (normalement !) en vigueur et une zone tampon a été instituée. L’ONU est présente pour la faire respecter… Avec la guerre civile en Syrie, la situation est encore plus compliqué qu’avant.
En contrebas du point de vue, il y avait le Vulcania israélien, car le Golan est une zone volcanique (très récente : quelques dizaines de milliers d’années).
À cinq heures, nous étions à la maison. Douche, oraison, messe, repas. Au lit !
Demain, nous quittons Tibériade et sa douceur. Nous dormirons en Cisjordanie à Samarie, mais je ne sais pas si nous aurons du WiFi... Soyez patients !
Bonne nuit ! ! !
Étienne+

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