mardi 24 novembre 2015

Qui s’appuie sur le Seigneur ressemble au mont Sion. (Ps 125,1)

הבטחים ביהוה כהר־ציון
habbothîm ba’donaï kehar-çiyyon

Chers amis,
Après la journée de dimanche, je suis allé me coucher sans discuter… Hier lundi, journée sans rien de spécial, à la bibliothèque… Le seul truc, c’est que pour une fois que j’avais trois amandes à grignoter, le bibliothécaire est passé pour me demander un truc… Heureusement l’objet du délit était planqué sous un vieux commentaire de l’Apocalypse. Sinon, j’ai une nouvelle voisine (l’ancienne, je ne l’ai jamais vue !), une religieuse orthodoxe qui parle français. En face, j’ai toujours les inséparables qui arrivent ensemble, partent ensemble, même si chacun a l’air de faire sa vie à sa table de travail.
Ce matin, deux heures de cours, dont une pour présenter l’excursion de mardi prochain à Ein Gedi et Tell Arad… Attendez-vous à de belles choses la semaine prochaine. L’après-midi, balade archéologique sur le Mont Sion. Ce nom est compliqué…
En fait, ce qu’on appelle Mont Sion aujourd’hui n’est pas le Mont Sion dont on parle dans la Bible… Que s’est-il passé ? Dans la Bible, le mont Sion, c’est le lieu où Jérusalem était construite c'est-à-dire le mont du Temple (Ps 74,2) ou la cité de David, au sud du mont du Temple. À l’époque byzantine, on n’était pas très précis sur la toponymie et on a appelé de ce nom la plus haute des collines de Jérusalem, qui se trouve à l’ouest de la cité de David, pensant qu'il s'agissait de la Sion biblique...
Ce lieu qui se trouve aujourd’hui hors de l’enceinte de Soliman le Magnifique (1517) était à l’intérieur des murs à l’époque de Jésus. La muraille a disparu et les Israéliens ont fait des fouilles ici et là pour préciser son tracé. Dans ce quartier, Flavius Josèphe évoque une porte desEsséniens dont on ne connait pas la localisation précise. Nous avions rendez-vous à la Porte de Sion. En attendant, nous avons admiré le panorama qui porte jusqu'à la Jordanie. Aujourd'hui, le vent d'est a soufflé et c'est un peu le Misral d'ici : il chasse les nuages mais apporte la fraîcheur.

Nous sommes d'abord rendu à l’American Institute of Holy Land Studies, qui abrite le cimetière protestant de Jérusalem. Dans ce cimetière, quelques vestiges de la muraille. Tout au bout de la parcelle, une fosse a été creusée et des vestiges ont été mis à jour… Il semblerait qu’on ait découvert cette mystérieuse Porte des Esséniens qui fascine certains biblistes. Les pierres sont manifestement hérodiennes.


Puis nous sommes allés visiter le Cénacle, lieu traditionnel de la Cène du Seigneur. Je dis “traditionnel” mais cette tradition est bien attestée. La salle que l’on voit aujourd’hui est de facture gothique (1335) et date de la période où les Franciscains ont pu revenir en Terre Sainte. Ils ont redécoré la salle au goût de l’époque, mais avec les moyens du bord, ce qui explique aussi l’aspect hétéroclite des colonnes et des chapiteaux. En 1523, ils ont été chassés par les Ottomans et la salle est devenue une mosquée, ce qui explique la présence d’un miḥrāb dans la paroi sud pour indiquer la Mecque. En 1948, au cours de la première guerre israélo-arabe, le lieu a été saisi par Israël et depuis, c’est une synagogue de Juifs ultra-orthodoxe. Et si les chrétiens peuvent y avoir accès, il n’est pas question d’y célébrer la messe (Jean-Paul II avait pu le faire en l’an 2000) et même les traditionnelles premières Vêpres de la Pentecôte célébrées par les Franciscains ont lieu sous surveillance policière… Vive la tolérance !

Donc on suit bien l’histoire à partir des Croisades… Mais avant ? Selon certains archéologues, le lieu était auparavant une synagogue mais son orientation est troublante. Elle n’est pas tournée vers le Temple, comme on s’y attendrait mais vers le nord… Enfin, pas tout à fait vers le nord, mais dans la direction précise du Golgotha et du Saint-Sépulcre. Ce qui fait penser qu’au début cette salle était une église-synagoguejudéo-chrétienne, d’autant que des graffitis retrouvés ont pu être interprétés de manière chrétienne. À l’époque byzantine, on a construit contre le Cénacle une grande église Hagia Maria Sion, dédié à la Vierge Marie. Elle passe par le cycle bien connu des destructions… Et les croisés finissent par inclure le Cénacle dans leur propre église du Mont Sion. Au rez-de-chaussée, dans l’ancienne synagogue judéo-chrétienne, les Croisés situent (sans autre fondement que 1R 2,10 avec la localisation erronée de la ville de David) le tombeau de David. À l’étage, la salle haute (cf. Ac 1,13) est le lieu du dernier repas et de la Pentecôte.
Nous sommes allés voir la synagogue du tombeau de David, on se fait tout petit pour accéder au cénotaphe de David au milieu des rabbins qui cantilent chacun à sa manière (ça doit être eux qui ont inventé le chant en langues…) Puis on est monté dans le Cénacle, pris d’assaut par les pèlerins.
Le mur oriental du Cénacle et la Dormition, derrière
En sortant, nous avons regardé le mur est de l'ensemble qui est un magnifique patchwork de pierres de diverses époques...
À proximité du Cénacle, nous avons vu l’abbaye de la Dormition, qui appartient à des bénédictins allemands (comme Tabgha). Le P. Dominique-Marie nous emmène d’autorité aux toilettes ; j’ai sincèrement pensé qu’une envie pressante imposait cette nécessité et j’étais prêt à attendre dans la boutique… La propreté allemande est peut-être digne d’une visite archéologique ? Non, en fait, l’accès aux toilettes permet de voir les vestiges de l’église byzantine de Hagia Maria Sion et de l’église croisée du mont Sion…
Enfin, nous sommes allés à Saint-Pierre-en-Gallicante, sanctuaire des Pères Assomptionnistes. C’est un des lieux possible du palais de Caïphe et du reniement de saint Pierre. Gallicante vient du latin Gallicantu, c'est-à-dire “le chant du coq”. On voit sous l’église tout un réseau compliqué de citernes, réserves, grottes, puits et miqveh. À l’extérieur un escalier bien connu daté de l’époque de Jésus. Quand on est passé, une équipe de tournage faisait un reportage. Il y avait un petit brasero et le type parlait devant l’escalier avec beaucoup de gestes…
Puis nous avons jeté un coup d’œil à la maquette de Jérusalem à l’époque byzantine qui est bien faite.
Au retour, j’ai proposé de prendre un thé en terrasse d’un resto du Muristan. Le soleil est vite tombé.
Bonne nuit !
Étienne+

1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci Etienne pour tous ces récits, toute cette histoire. Nous attendons des nouvelles.
Amitiés
Ghislaine