Hinneh
David bemidvar ‘Ein Gédî
הנה דוד במדבר עין גדי
הנה דוד במדבר עין גדי
Chers amis,
Quelle belle journée que celle de ce
mardi ! Nous avions notre excursion mensuelle. En fait, la veille, j’ai
passé la journée à la bibliothèque, toujours sur mes problèmes de syriaque et
un peu pour préparer la journée du lendemain.
Après la messe matinale avec les Frères,
j’avais rendez-vous à 7h00 à l’École. Je retrouve le groupe, nous montons dans
le bus qui nous accompagnera toute la journée. Il a fallu déjà sortir de
Jérusalem (bon courage !) puis patienter pour passer à Beth Shémesh (à
cause des travaux qui occasionnent de bouchons = bon courage !) et enfin
poireauter pour franchir le carrefour de Beer Shéva (bon courage !) Finalement,
au lieu d’arriver à Tel Arad, notre première destination, aux environs de 9
heures, comme prévu, nous avons débarqué vers les 10 heures moins 20…
Tel Arad se situe au nord du désert du
Néguev (le grand désert du sud d’Israël). Les précipitations y sont légèrement
inférieures à 250 mm par an et il n’y a pas vraiment de sources dans les environs.
Le sol est fait de lœss, une roche imperméable qui permet le ravinement. L’avantage
de Tel Arad, c’est qu’il y a deux sites en un ! puisque on distingue deux
périodes d’occupation du site. Tout d’abord une immense (52 ha) cité de l’âge
du Bronze ancien (3ème millénaire avant J.-C.), entourée d’une
épaisse muraille. Les habitations sont construites sur le même plan : une
cour enclose d’un mur sur laquelle donnent une maison à une pièce et différents
éléments (enclos, stockage, cuisine…). Dans un coin, les archéologues ont
dégagé des structures identifiés à des palais et à des temples jumeaux. Enfin,
un grand puits témoigne du système rudimentaire de stockage de l’eau. Au départ,
un bassin collecteur qui fut dans les occupations ultérieures transformé en
puits.
Temple "israélite" de Tel Arad Cour avec autel Saint - Hékâl Saint des Saints - Debîr |
Dans le coin nord-est de la cité
cananéenne, on observe une hauteur d’une vingtaine de mètres de haut, occupée
par une forteresse carrée, qui date de l’époque du Fer II, c'est-à-dire “en
français” du xe au vie siècle av. J.-C.,
que l’on appelle ici aussi “époque israélite” puisque c’est la période du royaume
de Juda selon la chronologie classique de la région. La forteresse n’est pas
très grande (une cinquantaine de mètres de côté) mais elle recèle en son sein
un trésor archéologique… Un temple… Sa structure est à la fois semblable et
différente de celle de son contemporain de Jérusalem, tel que la Bible le
décrit (1R 6). On a bien la succession des espaces du plus ouvert au plus
fermé, du lieu des sacrifices, avec son autel, jusqu’au saint des saints, lieu
où la divinité réside. Mais les proportions sont différentes.
Dans le saint des saints, ici, pas d’arche d’alliance…
mais des pierres dressées pour représenter la présence de Dieu. Cela montre
qu’à l’époque, on avait du mal à faire en sorte que le seul lieu de culte soit
à Jérusalem et comme il y a deux pierres dans le saint des saints, on voit
aussi qu’on avait du mal à n’adorer qu’un seul dieu…
Dans un coin de la forteresse, on a aussi
retrouvé les archives d’Éliashib, le commandant de la forteresse. Sur des
ostraca, des tessons de poteries utilisés pour écrire, on peut lire sa correspondance
avec les autres commandants de places fortes de la région.
À cause du retard, nous avons visité le
site un peu rapidement… en commençant par la fin, c'est-à-dire par la
forteresse israélite puis Rosemary nous a montré la cité cananéenne. J’avais
visité le site en mars 2007 et c’était magnifique ! Le site, abreuvé par
les pluies hivernales, verdoyait sous le soleil et des milliers de fleurs
blanches le couvraient. Aujourd’hui, nous n’en étions pas là ; tout était
pelé, encore assoiffé, les premières pluies d’automne n’ont pas produit leur
effet. Mais la grisaille et le crachin de la matinée nous a accordé de superbes
couleurs et jeux de lumière, tout au long de la journée. Regardez les photos pour comparer.
Mars 2007 - Décembre 2015 |
Après la visite, nous avons rembarqué
dans le bus et sommes descendus dans la dépression de la Mer Morte. La
forteresse d’Arad culmine à 576 m et la Mer Morte à – 400 m… Imaginez la
descente.
Petit arrêt à Ein Boqeq, un complexe
d’hôtels étoilés pour clients désœuvrés et paresseux, afin de pique-niquer. Le
dessert a été agrémenté de deux gâteaux préparés par deux étudiantes en
l’honneur de l’anniversaire du P. Dominique-Marie, notre guide et professeur.
Quelques-uns en ont profité pour se baigner dans la Mer morte. Je dois avouer
que je me suis vu vieilli parce que ce genre de baignade ne me captive plus
vraiment. Se sentir huileux et se baigner dans de la soupe trop salée, je n’y
suis plus prêt…
Quelques kilomètres de route, passage
sous le site de Massada, et arrêt à Ein Gedi.
Cascade de David |
Dans cette dépression de la Mer Morte, où
tout est tué par la chaleur, la sécheresse et le sel, jaillissent des sources,
qui portent la vie au cœur de la solitude désolée. Le lieu est cité dans la
Bible, car David y a trouvé refuge lorsque la fureur du roi Saül le poursuivait
(1S 24). Dans la grotte où il s’était caché, Saül était allé “là où le roi
va seul” et le jeune David a renoncé à tirer parti de cette situation
embarrassante pour le tuer… Il n’a pas porté la main sur l’Oint du Seigneur
(cf. 1S 24,11). On dit aussi que c’est à Ein Gedi que le roi Salomon
a composé le Cantique des Cantiques et, dans ce livre, la Bien-Aimée n’hésite
pas à comparer son Bien-Aimé à « une grappe de cypre dans les vignes d’En
Gedi » (Ct 1,14). En haut du Wadi David, on montre la grotte du
Bien-Aimé (DVD), qui est, hébraïquement parlant, un homonyme de David (DVD).
Dans la TOB, on a traduit le nom du lieu
par “Font-au-Biquet”, c’est mignon et correspond à peu près au sens du mot :
« Ein », c’est la source ; « Gedi », c’est le
chevreau. De fait, en plus du site archéologique, Ein Gedi est surtout une
magnifique réserve naturelle : jujubier spinachristi (devinez à quoi il a
servi…), acacia, pommier de Sodome… Et comme animaux on voit surtout les ibex
et les damans dont on parle dans le psaume : « aux chamois,
les hautes montagnes ; aux marmottes, l'abri des rochers » (Ps 103,18). Comme vous
l’avez remarqué, chamois et marmottes sont une traduction pour nous, pauvres
français qui avons besoin de repères, mais il faudrait dire « aux ibex,
les hautes montagnes ; aux damans, l’abri des rochers ». En plus le
daman (ou hyrax) n’est pas un rongeur comme la marmotte mais un périssodactyle,
apparenté au… rhinocéros ! La nuit, on peut observer des loups, des
renards et des hyènes. L’ibex est un petit bouquetin très agile. Ceux que l’on
voit à Ein Gedi ne sont pas farouches, habitués qu’ils sont à voir déambuler
ces drôles de bipèdes affublés de tenues bariolées.
Traquet à queue noire - Ibex mâle |
Le bus nous a laissé et nous avons fait
une belle grimpette (qui m’a semblé plus courte que dans mes souvenirs !)
pour atteindre le temple chalcolithique. Non, le chalcolithique, ce n’est pas
une religion… c’est une période de la préhistoire et même la dernière d’entre
elles. Peu avant l’arrivée au temple, nous nous sommes arrêtés à la source
principale du site qui porte le même nom.
Près d’elle, un gros rocher avec de
petits trous ronds, que les archéologues ont interprétés comme des meules
rudimentaires où l’on broyait le grain pour faire des pains offerts à la
divinité du temple. Le temple est assez petit : on voit quelques murets
retapés qui forment un enclos avec deux bâtiments rectangulaires. Les objets
retrouvés (ossements d’animaux, céramiques…) ont permis d’interpréter le site
comme un lieu de culte. À quelques kilomètres au sud du Temple, on a retrouvé
un trésor de 429 objets en cuivre et on pense qu’ils peuvent provenir de ce
temple. Le panorama sur la Mer Morte et la Jordanie offrait un délice pour les
yeux. La pluie du matin avait éclairci l’atmosphère et on voyait les monts de
Moab dans lesquels la lumière du soleil jouait. Quelle splendeur ! J’ai
pris plein de photos mais ça ne rend pas du tout.
Temple chalcolithique |
Descente du temple par l’autre côté, dans
le Wadi David. Nous avons vu la belle cascade et une troupe d’ibex.
La journée s’est achevée par la
découverte d’une synagogue de l’époque byzantine.
On sait par Eusèbe de Césarée (mort en 340) qu’Ein Gedi était à l’époque un très gros village juif. Ce n’était donc pas surprenant de découvrir une synagogue. Comme à l’accoutumée, le sol est orné de mosaïques, mais ici, pas de motifs humains mais des paons tenant dans le bec des grappes de raisins et des motifs géométriques. Ou encore trois petites ménorahs (chandelier à sept branches) très délicates. Comme je connaissais le lieu, j’avais proposé au P. Dominique-Marie de faire la présentation. Dans le bas-côté ouest, une inscription araméenne voue à la malédiction ceux qui divulguent les secrets de la ville aux païens… Quel est le secret de la ville ? C’est encore aujourd’hui un secret. Si vous avez une idée…
Après cela, il était déjà 16 heures, le
parc fermait et nous avons regagné Jérusalem. Un petit arrêt toutefois pour
photographier le paysage. Avouez qu'il y avait de quoi s'en mettre plein les yeux ! Arrivée à Jérusalem vers 17 h 15. Douche,
oraison, vêpres, repas avec les Frères. En ce moment, le Fr. Albert d’Amman est
là pour faire renouveler son permis de résidence en Israël… Et dire qu’il est
né ici à Jérusalem…
La Jordanie vue depuis Ein Gedi |
À bientôt,
Étienne+
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