mercredi 2 décembre 2015

Voici que David est dans le désert d’Ein Gédi (1S 24,2)

Hinneh David bemidvar ‘Ein Gédî
הנה דוד במדבר עין גדי

Chers amis,
Quelle belle journée que celle de ce mardi ! Nous avions notre excursion mensuelle. En fait, la veille, j’ai passé la journée à la bibliothèque, toujours sur mes problèmes de syriaque et un peu pour préparer la journée du lendemain.
Après la messe matinale avec les Frères, j’avais rendez-vous à 7h00 à l’École. Je retrouve le groupe, nous montons dans le bus qui nous accompagnera toute la journée. Il a fallu déjà sortir de Jérusalem (bon courage !) puis patienter pour passer à Beth Shémesh (à cause des travaux qui occasionnent de bouchons = bon courage !) et enfin poireauter pour franchir le carrefour de Beer Shéva (bon courage !) Finalement, au lieu d’arriver à Tel Arad, notre première destination, aux environs de 9 heures, comme prévu, nous avons débarqué vers les 10 heures moins 20…
Tel Arad se situe au nord du désert du Néguev (le grand désert du sud d’Israël). Les précipitations y sont légèrement inférieures à 250 mm par an et il n’y a pas vraiment de sources dans les environs. Le sol est fait de lœss, une roche imperméable qui permet le ravinement. L’avantage de Tel Arad, c’est qu’il y a deux sites en un ! puisque on distingue deux périodes d’occupation du site. Tout d’abord une immense (52 ha) cité de l’âge du Bronze ancien (3ème millénaire avant J.-C.), entourée d’une épaisse muraille. Les habitations sont construites sur le même plan : une cour enclose d’un mur sur laquelle donnent une maison à une pièce et différents éléments (enclos, stockage, cuisine…). Dans un coin, les archéologues ont dégagé des structures identifiés à des palais et à des temples jumeaux. Enfin, un grand puits témoigne du système rudimentaire de stockage de l’eau. Au départ, un bassin collecteur qui fut dans les occupations ultérieures transformé en puits.
Temple "israélite" de Tel Arad
Cour avec autel
Saint - Hékâl
Saint des Saints - Debîr

Dans le coin nord-est de la cité cananéenne, on observe une hauteur d’une vingtaine de mètres de haut, occupée par une forteresse carrée, qui date de l’époque du Fer II, c'est-à-dire “en français” du xe au vie siècle av. J.-C., que l’on appelle ici aussi époque israélite puisque c’est la période du royaume de Juda selon la chronologie classique de la région. La forteresse n’est pas très grande (une cinquantaine de mètres de côté) mais elle recèle en son sein un trésor archéologique… Un temple… Sa structure est à la fois semblable et différente de celle de son contemporain de Jérusalem, tel que la Bible le décrit (1R 6). On a bien la succession des espaces du plus ouvert au plus fermé, du lieu des sacrifices, avec son autel, jusqu’au saint des saints, lieu où la divinité réside. Mais les proportions sont différentes.
Dans le saint des saints, ici, pas d’arche d’alliance… mais des pierres dressées pour représenter la présence de Dieu. Cela montre qu’à l’époque, on avait du mal à faire en sorte que le seul lieu de culte soit à Jérusalem et comme il y a deux pierres dans le saint des saints, on voit aussi qu’on avait du mal à n’adorer qu’un seul dieu…
Dans un coin de la forteresse, on a aussi retrouvé les archives d’Éliashib, le commandant de la forteresse. Sur des ostraca, des tessons de poteries utilisés pour écrire, on peut lire sa correspondance avec les autres commandants de places fortes de la région.

À cause du retard, nous avons visité le site un peu rapidement… en commençant par la fin, c'est-à-dire par la forteresse israélite puis Rosemary nous a montré la cité cananéenne. J’avais visité le site en mars 2007 et c’était magnifique ! Le site, abreuvé par les pluies hivernales, verdoyait sous le soleil et des milliers de fleurs blanches le couvraient. Aujourd’hui, nous n’en étions pas là ; tout était pelé, encore assoiffé, les premières pluies d’automne n’ont pas produit leur effet. Mais la grisaille et le crachin de la matinée nous a accordé de superbes couleurs et jeux de lumière, tout au long de la journée. Regardez les photos pour comparer.
        Mars 2007     -     Décembre 2015
Après la visite, nous avons rembarqué dans le bus et sommes descendus dans la dépression de la Mer Morte. La forteresse d’Arad culmine à 576 m et la Mer Morte à – 400 m… Imaginez la descente.
Petit arrêt à Ein Boqeq, un complexe d’hôtels étoilés pour clients désœuvrés et paresseux, afin de pique-niquer. Le dessert a été agrémenté de deux gâteaux préparés par deux étudiantes en l’honneur de l’anniversaire du P. Dominique-Marie, notre guide et professeur. Quelques-uns en ont profité pour se baigner dans la Mer morte. Je dois avouer que je me suis vu vieilli parce que ce genre de baignade ne me captive plus vraiment. Se sentir huileux et se baigner dans de la soupe trop salée, je n’y suis plus prêt…
Quelques kilomètres de route, passage sous le site de Massada, et arrêt à Ein Gedi.
Cascade de David
Dans cette dépression de la Mer Morte, où tout est tué par la chaleur, la sécheresse et le sel, jaillissent des sources, qui portent la vie au cœur de la solitude désolée. Le lieu est cité dans la Bible, car David y a trouvé refuge lorsque la fureur du roi Saül le poursuivait (1S 24). Dans la grotte où il s’était caché, Saül était allé “là où le roi va seul” et le jeune David a renoncé à tirer parti de cette situation embarrassante pour le tuer… Il n’a pas porté la main sur l’Oint du Seigneur (cf. 1S 24,11). On dit aussi que c’est à Ein Gedi que le roi Salomon a composé le Cantique des Cantiques et, dans ce livre, la Bien-Aimée n’hésite pas à comparer son Bien-Aimé à « une grappe de cypre dans les vignes d’En Gedi » (Ct 1,14). En haut du Wadi David, on montre la grotte du Bien-Aimé (DVD), qui est, hébraïquement parlant, un homonyme de David (DVD).
Dans la TOB, on a traduit le nom du lieu par “Font-au-Biquet”, c’est mignon et correspond à peu près au sens du mot : « Ein », c’est la source ; « Gedi », c’est le chevreau. De fait, en plus du site archéologique, Ein Gedi est surtout une magnifique réserve naturelle : jujubier spinachristi (devinez à quoi il a servi…), acacia, pommier de Sodome… Et comme animaux on voit surtout les ibex et les damans dont on parle dans le psaume : « aux chamois, les hautes montagnes ; aux marmottes, l'abri des rochers » (Ps 103,18). Comme vous l’avez remarqué, chamois et marmottes sont une traduction pour nous, pauvres français qui avons besoin de repères, mais il faudrait dire « aux ibex, les hautes montagnes ; aux damans, l’abri des rochers ». En plus le daman (ou hyrax) n’est pas un rongeur comme la marmotte mais un périssodactyle, apparenté au… rhinocéros ! La nuit, on peut observer des loups, des renards et des hyènes. L’ibex est un petit bouquetin très agile. Ceux que l’on voit à Ein Gedi ne sont pas farouches, habitués qu’ils sont à voir déambuler ces drôles de bipèdes affublés de tenues bariolées.
Traquet à queue noire - Ibex mâle                    
Le bus nous a laissé et nous avons fait une belle grimpette (qui m’a semblé plus courte que dans mes souvenirs !) pour atteindre le temple chalcolithique. Non, le chalcolithique, ce n’est pas une religion… c’est une période de la préhistoire et même la dernière d’entre elles. Peu avant l’arrivée au temple, nous nous sommes arrêtés à la source principale du site qui porte le même nom.
Temple chalcolithique
Près d’elle, un gros rocher avec de petits trous ronds, que les archéologues ont interprétés comme des meules rudimentaires où l’on broyait le grain pour faire des pains offerts à la divinité du temple. Le temple est assez petit : on voit quelques murets retapés qui forment un enclos avec deux bâtiments rectangulaires. Les objets retrouvés (ossements d’animaux, céramiques…) ont permis d’interpréter le site comme un lieu de culte. À quelques kilomètres au sud du Temple, on a retrouvé un trésor de 429 objets en cuivre et on pense qu’ils peuvent provenir de ce temple. Le panorama sur la Mer Morte et la Jordanie offrait un délice pour les yeux. La pluie du matin avait éclairci l’atmosphère et on voyait les monts de Moab dans lesquels la lumière du soleil jouait. Quelle splendeur ! J’ai pris plein de photos mais ça ne rend pas du tout.
Descente du temple par l’autre côté, dans le Wadi David. Nous avons vu la belle cascade et une troupe d’ibex.
La journée s’est achevée par la découverte d’une synagogue de l’époque byzantine.
On sait par Eusèbe de Césarée (mort en 340) qu’Ein Gedi était à l’époque un très gros village juif. Ce n’était donc pas surprenant de découvrir une synagogue. Comme à l’accoutumée, le sol est orné de mosaïques, mais ici, pas de motifs humains mais des paons tenant dans le bec des grappes de raisins et des motifs géométriques. Ou encore trois petites ménorahs (chandelier à sept branches) très délicates. Comme je connaissais le lieu, j’avais proposé au P. Dominique-Marie de faire la présentation. Dans le bas-côté ouest, une inscription araméenne voue à la malédiction ceux qui divulguent les secrets de la ville aux païens… Quel est le secret de la ville ? C’est encore aujourd’hui un secret. Si vous avez une idée…
La Jordanie vue depuis Ein Gedi
 Après cela, il était déjà 16 heures, le parc fermait et nous avons regagné Jérusalem. Un petit arrêt toutefois pour photographier le paysage. Avouez qu'il y avait de quoi s'en mettre plein les yeux ! Arrivée à Jérusalem vers 17 h 15. Douche, oraison, vêpres, repas avec les Frères. En ce moment, le Fr. Albert d’Amman est là pour faire renouveler son permis de résidence en Israël… Et dire qu’il est né ici à Jérusalem…
À bientôt,
Étienne+

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