vayyilkod
david ˀet metsudat siyyôn hîˀ ˁîr david
וילכד דוד את מצדת ציון היא עיר דוד
Chers
amis
Deux journées bien remplies, hier par les études. Rien
d’autre à signaler que la lectio coram de Richard, un salésien indien.
La lectio coram est une première étape dans la rédaction d’un doctorat.
L’étudiant parle pendant ¾ d’heure sur un thème et on peut aussi poser des
questions. Hier, Richard a parlé des premiers versets du livre d’Habaquq. En
lisant attentivement, on s’aperçoit que le texte hébraïque et le texte grec ne
concordent pas complètement. Richard a proposé une hypothèse pour rendre compte
de ces différences : est-ce dû à l’inadvertance d’un copiste ou bien au
désir de “corriger” le texte ?
(Ha 1,5 selon l’hébreu) Regardez parmi les
peuples, voyez, soyez stupides et stupéfaits !
(Ha 1,5 selon le grec) Regardez, vous les
traîtres, voyez, soyez stupides et stupéfaits !
Il est allé chercher dans les textes de Qumrân, dans les
Actes des Apôtres, où ce texte est cité (Ac 13,41 selon la version
grecque !). Ce qui était intéressant, c’est qu’à partir de quelques
versets un peu ardus, il a très bien expliqué sa méthode et son point de vue et
il a pu ouvrir aussi théologiquement. Dans quelques mois, c’est moi qui devrait
m’y coller… priez pour moi.
Ce matin, 4 heures de cours, Rosemary a terminé son cours
d’histoire du Levant ancien (enfin plutôt la préhistoire puisque nous avons
couvert le néolithique avec quelques sites emblématiques de cette période dans
la zone du Croissant fertile.
La dernière heure a été consacrée à la préparation de notre
visite de l’après-midi. Nous sommes allés visiter la cité de David. Il y avait
plein de choses à voir, j’ai donc mangé rapidement avant de retrouver le reste
du groupe à l’entrée du site.
La cité de David est un site très intéressant mais difficile
à aborder : on y retrouve des vestiges qui vont de l’époque chalcolithique
(IVe millénaire avant J.C.) jusqu’à l’époque byzantine (vie siècle de notre ère). En
plus, le lieu est chargé de signification pour les juifs et cela influence parfois
leur interprétation des vestiges : on doit absolument retrouver les
vestiges de la Jérusalem davidique…
Pour couronner le tout, nous sommes dans la partie orientale
de la ville, annexée de facto par Israël mais cette annexion n’a jamais
été reconnue par l’ONU. Le droit international empêche la puissance occupante
de procéder à des fouilles ou de publier des résultats de recherche consécutifs
à des fouilles ; mais Israël ne se considère pas tenu à ces dispositions
puisqu’il considère que ce lieu fait partie du territoire de la « capitale
éternelle et indivisible » d’Israël.
Ceci étant dit, partons à la découverte du site.
Curieusement, la cité de David ne fait pas partie de la
Vieille Ville de Jérusalem ! Les vicissitudes de l’histoire ont fait que
la Vieille Ville s’est concentrée autour des lieux saints chrétiens (le
Saint-Sépulcre) et musulmans (les Mosquées) et la cité de David qui avait été
progressivement oubliée s’est trouvé exclue des murailles.
La ville de Jérusalem est très ancienne, mais pas autant que
d’autres cités de la région. La première trace qu’on en ait date du xixe siècle avant J.-C. :
dans des textes magiques égyptiens, on évoque Uru-Shalim, la “fondation du dieu
Shalim”. On connaît aussi des lettres dans lesquelles le roitelet local
Abdi-Heba qui demande de l’aide au pharaon Akhénaton (1330 av. J.-C.)
parce qu’il lui arrive toute sorte de malheur : les Apirou pillent la
région, le roi de Gézer me fait des misères… À l’époque, Jérusalem est une
petite cité bâti sur un étroit éperon rocheux entouré de collines plus hautes.
Comme dit le Psaume, « Jérusalem, des montagnes
l'entourent ; ainsi le Seigneur : il entoure son peuple maintenant et
toujours. » (Ps 124,2)
Notre parcours en rouge (à l'air libre) et jaune (souterrain). Le carré vert montre les LSS et SSS ; les zones bleues sont les lieux d'eau |
Pourquoi s’installer sur un point plus bas ? Parce que
c’est là qu’il y a de l’eau ! La source du Gihôn (le “jaillissant” = le point bleu en bas à droite du plan) y
coule de manière pérenne tout au long de l’année… Cet avantage n’est pas à
négliger.
Aux alentours de l’an 1000 av. J.-C., David s’empare,
par la ruse, de la ville et en fait sa capitale.
Les vestiges que l’on voit au sommet de l’éperon rocheux ont
été diversement interprétés. L’archéologue israélienne chargée des fouilles est
persuadée que la large stone structure (LSS) qu’elle a dégagée date de l’époque
de David et pourrait être un vestige du palais du roi biblique. Mais d’autres
archéologues à partir des mêmes relevés ne voient pas de large mur mais une
série de petits murs beaucoup plus récents…
La SSS et la maison d'Ahiel |
Un peu en contrebas de tout cela, une stepped stone
structure (SSS, structure en pierres à degrés) est appelée quartier royal.
Il y a en fait tout une série de vestiges assez difficilement lisibles. Mais la
“maison d’Ahiel” semble bien avoir été détruite par Nabuchodonosor et la SSS
doit donc être plus ancienne… Certains y voient un mur de soutènement du palais
de David.
Un peu en contrebas, nous voyons deux murailles presque
parallèles. Ce sont deux remparts successifs de Jérusalem, celui de l’âge du
Bronze (l’époque de Abdi-Heba) et celui de l’âge du Fer (époque des rois de
Juda).
Puis nous entrons dans le “plat de résistance”… Le système d’eau
de la cité est magnifique…
Il rappelle ceux que nous avons vus en Galilée, à
Megiddo ou Ḥaçor. La source est là, régulière mais… elle est tout en contrebas
de la ville, dans la vallée du Cédron. Il fallait donc s’assurer de conserver l’accès
à l’eau même en cas de siège. Le premier moyen utilisé (à l’âge du Bronze) est
un tunnel creusé dans le rocher et qui descend jusqu’au niveau de la source.
Puis autour de la source, on a construit un bassin et d’énormes fortifications
pour la protéger. Les blocs de pierre sont impressionnants. Puis nous avons vu
la source qui coule abondamment. Le livre des Rois (1R 1,33.38.45) y situe
le sacre de Salomon. Depuis la source, l’eau s’écoule aujourd’hui dans le
tunnel d’Ézéchias, mais les températures hivernales ne nous invitaient pas à
nous diriger par là (ce que nous avions fait en 2007 avec l’École).
La Tour de la Source (cliquer pour agrandir et voir la reconstitution au fond) |
Le tunnel cananéen |
Nous avons pris le tunnel cananéen (ou plus exactement le
canal puisqu’il est couvert de grosses dalles de pierre). Ce tunnel cananéen
est sec et débouche un peu en contrebas.
À la sortie, on voit quelques vestiges
des murailles cananéennes (âge du Bronze) et israélites (âge du Fer). Puis une
carrière où les archéologues du xixe
siècle avaient cru découvrir les tombes des rois de Juda (dans le livre des Rois,
à la mort de chacun des rois, il est écrit : « on l’enterra dans la
cité de David, son père »).
Murailles cananéenne (1er plan) et israélite (2ème plan) |
Puis nous arrivons à la piscine de Siloé (la grosse tache bleue à gauche du plan). La situation
générale était connue mais le lieu n’a été redécouvert qu’en 2004. Il s’agit de
cette piscine de Siloé où Jésus a envoyé l’aveugle-né se nettoyer les yeux de
la boue qu’il y avait déposée (Jn 9,7.11). Selon Luc, il y avait une tour
qui s’est effondrée en ensevelissant 18 personnes (Lc 13,4). Mais rien n’en
a été découvert. La piscine a disparu en 70, lors de la destruction de la ville
par les armées romaines de Titus (Flavius Josèphe, Guerre, VI, 363).
A l'époque de Jésus |
Piscine de Siloé, aujourd’hui |
Nous avons vu le petit bassin, situé à l’autre extrémité du
tunnel d’Ézéchias, où l’empereur Hadrien avait fait construire un monument ;
à côté de ce monument, l’impératrice Eudocie (celle-là même qui est à l’origine
de la Basilique Saint-Étienne de l’École Biblique) fit construire une basilique
dont il ne reste plus rien.
À l’époque de Jésus, en plus de l’alimentation en eau, la
piscine de Siloé était associée au rituel de la fête des Tentes, avec des
processions qui apportaient l’eau jusqu’au temple… Les restes d’une large rue à
degrés qui, depuis la piscine, remonte vers le temple ont été dégagés. Mais
pour remonter, nous empruntons les égouts !!! un tunnel de drainage (le long trait jaune qui traverse le haut du plan).
Au
début, nous étions rassurés car les égouts ne sont plus en service (Dieu merci !)
mais, à mi-distance, l’eau tombait à verse et franchement, elle ne sentait pas
la rose…
Le "tunnel de drainage" = les égouts ! |
Nous n’avions aucun doute sur l'endroit où nous étions !
Heureusement, j’avais prévu mon parapluie (la météo n’était pas
engageante et je ne tenais pas à me prendre la saucée de dimanche), ce qui m’a
permis de passer à travers les gouttes. Nous avons quitté le tunnel avant la
fin pour retrouver l’air libre au niveau des fouilles du parking Givati. Lors
de mon séjour de 2007, elles commençaient à peine, et maintenant quatre couches
avec des vestiges byzantins, romains et séleucides ont été dégagées.
Notre professeur nous a présenté les vestiges et a surtout parlé
des méthodes archéologiques : stratigraphies, datation, erreurs de
fouilles, documentation. Quel boulot ! Ça n’a rien à voir avec Indiana
Jones !
Petit verre sur le toit d’un café du Muristan, dans la
Vieille Ville. Soirée calme.
À bientôt,
Étienne+
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