mercredi 9 décembre 2015

Tu es toute belle, mon amie ; en toi, pas de tâche. (Ct 4,7)

kullakh yaphah raˁyatî ûmûm ˀên bakh
כלך יפה רעיתי ומום אין בך

Chers amis,
Bonne fête de la Toute Sainte et sans tâche Vierge Marie.
Quelle belle journée j’ai passée, hier ! L’École biblique est très pieuse et chôme pour l’Immaculée : pas de cours et en plus la bibliothèque est fermée au public… Donc si l’École m’empêche d’étudier, il faut chercher le sens spirituel de cette journée de congé… Je me suis dit que cela pourrait être bien d’en profiter pour une journée de solitude. Et quel endroit mieux indiqué pour une journée de solitude un 8 décembre que Ein Gedi. La semaine dernière, je vous rappelais que c’est à Ein Gedi que l’on situe traditionnellement le Cantique des Cantiques. Et c’est dans le Cantique que la Bien-Aimé est dite « sans tâche »…
Après la messe matinale et le petit-déjeuner rapide, me voilà parti vers la gare centrale où je prends le bus 486 vers Ein Gedi. Départ à 8h et dépose à 9h12 très exactement. C’était ma quatrième visite à Ein Gedi mais je voulais découvrir le lieu où on ne va jamais, le deuxième wadi… Habituellement, les gens vont au wadi David, où il y a beaucoup de belles choses à voir mais au sud, il y a un second wadi, le wadi Arugot. C’est celui-là que j’ai voulu explorer.
On commence par une gorge étroite, dominée par des falaises escarpées.
Au fond de la gorge, un petit torrent, le chemin a des variantes qui font passer par son lit. Et puis, à un moment, le chemin (rouge) change de couleur et devient noir. C’est la grande bavante, 500 mètres de dénivelé à faire en une petite heure. J’ai du mal à trouver les mots pour décrire à quel point c’était beau. Et pour la solitude, j’étais servi, j’ai croisé une personne en tout et pour tout. Le chemin est assez difficile, il y a des endroits où il faut presque grimper et ça monte tout droit. Heureusement les balises sont bien visibles et rapprochées. À un moment, le chemin suit le bas d’une falaise et je me demandais vraiment comment j’allais la franchir. Au détour d’un rocher, j’ai eu l’impression de m’envoler : le panorama s’ouvrait largement sur le bas du wadi et la Mer morte… C’était vertigineux et splendide.
Tout à coup, sans presque s’en apercevoir, on franchit la falaise et on se retrouve sur le plateau, écrasé de soleil mais pas très chaud tout de même, nous sommes en hiver. Au loin, j’apercevais la chaîne centrale avec Hébron sur la croupe (Ein Gedi est très proche de la ligne de cessez-le-feu de 48, on est au sud, donc en Israël mais juste au nord, c’est “normalement” la Palestine.

J’atteins Mitspeh Ein Gedi (Vue sur Ein Gedi). C’est magnifique. Puis c’est la descente. Je regagne le Temple chalcolithique dont je vous ai parlé la semaine dernière. Je suis ensuite allé du côté du wadi David, bien connu. Seulement, si l’ÉBAF chômait aujourd’hui, les écoles d’Israël aussi, à cause de anoukkah… et le wadi David faisait penser à l’ouverture des soldes aux Galeries Lafayette… 
Pour la solitude, c’était un peu râpé… Autant vous dire que les nombreux ibex et damans vus la semaine dernière avaient quasiment disparu. Et puis les promeneurs dans le pays, pour leur arracher un shalom, faut presque les supplier et quant au « merci ! » pour les avoir laissé passer dans la montée alors qu’on descend, ne pas y compter.

J’ai heureusement trouvé un coin calme à la grotte de David (juste au-dessus de la cascade du même nom). C’est impressionnant, l’eau sourd de partout… alors qu’on est en plein désert. À la grotte, pas grand monde, j’ai fait trempette un moment. Un groupe d’enfants est arrivé (braillards…) ; ils se sont mis à manger alors qu’il est explicitement marqué qu’on ne doit pas apporter de nourriture dans la réserve et ne pas manger et ne pas nourrir les animaux… J’ai demandé aux adultes (il y en a toujours un avec une mitraillette, certainement un BAFA spécialisation tir à la carabine) si c’était une école : « Is it a school ? ». Et là, j’ai eu un moment de… petite jouissance… Ils me répondent en anglais : « No, this is a מוֹשָׁב, a… settlement. ». Et je réponds en français : « Ah, oui, une colonie de vacances ! ». Leur tête quand j’ai dit colonie en appuyant bien fort.
Il faut une petite explication. La situation politique compliquée en Israël/Palestine a fait qu’il y a des installations juives israélienne (illégales en terme de droit international) dans les Territoires palestiniens (ce que les Français appellent Cisjordanie, West Bank, rive ouest du Jourdain, en anglais). Le nom donné à ces “installations” dépend de la personne qui parle : si on regarde du côté israélien, on dit settlement, ça veut dire peuplement en français, c’est une manière “neutre” de dire qu’il y a une urbanisation du lieu. Mais si on voit les choses du côté palestinien, on dit colony, qui évoque une colonisation, et les Israéliens ne peuvent absolument pas appeler leurs colonies avec ce nom-là ! Mais moi, indépendamment de toute idée politique, j’ai donné l’équivalent français…
Carte de la randonnée
Je suis resté les pieds dans l’eau dans la grotte du Bien-Aimé, à relire le Cantique, jusqu’au dernier moment possible et suis redescendu. À l’entrée, j’ai pris mon pique-nique (à 15h bien sonnées) au milieu d’une horde de moutards.
J’ai rejoint mon arrêt de bus et j’ai finalement pris le taxi… Il désespérait de trouver un client pour rentrer à Jérusalem et il m’a fait la course au prix du ticket de bus (augmenté de 0,50 , c’est pas la ruine). Retour rapide, Vêpres à la Dormition (sur le Mont Sion)… Repas avec les Frères et dodo !
Bon mais ça c’était mardi… Dimanche, la journée n’a pas été mal non plus…
Après une expédition d’urgence pour aller acheter des gants en laine (spécial écran tactile) et des grosses chaussettes pour la nuit, je suis allé à la messe à Saint-Sauveur. C’était Ramzi qui présidait… C’est son prénom. Puis à 14h, rendez-vous à la Porte Neuve avec un père de famille pour aller se balader dans le désert (en ce moment, le désert, c’est génial : il y fait bon, c’est-à-dire ni trop chaud, ni trop froid = 19°C).
Juste avant les Vêpres, 15h30...
Les trois garçons (6-10 ans) ont bien gambadé. Nous n’avions pas beaucoup de temps, alors nous n’avons fait que monter pour retrouver au sommet, près de Nebi Musa, les familles et les frères et sœurs d’Abu Gosh qui ont pris l’habitude depuis quelques années d’aller célébrer les Vêpres du deuxième dimanche de l’Avent à cet endroit pour honorer saint Jean Baptiste. Pour cause de coucher de soleil, les Vêpres étaient à 15 h 30…
Le lieu dominait la basse vallée du Jourdain et la Mer Morte… Après les Vêpres, Agnès nous a montré l’hôtel tenu à l’époque par son mari sur la rive jordanienne de la Mer Morte.
Puis retour vers le caravansérail de Nebi Musa (le lieu est vénéré par les musulmans comme la tombe de Moïse (Nebi Musa = prophète Moïse), pour un petit goûter. Dès que le soleil s’est couché (16h25) on s’est mis à (presque) grelotter. Puis retour à la nuit noire (17h30…)

Hier, journée normale à la bibliothèque… En allant courir le soir, j’ai vu que le morceau de la muraille qui avait été illuminé avec le drapeau français après les attentats du 13 novembre est maintenant éclairé avec des motifs anoukkiens…
En effet, selon Flavius Josèphe, la fête est aussi « la fête des lumières » (Ant. Jud. XII, 6, 7) mais il donne à ce nom une origine symbolique : « parce que la liberté avait lui pour nous d’une manière inespérée ». D'après une légende talmudique, nous apprenons que :
« Au moment où les Grecs pénétrèrent dans le Sanctuaire, ils rendirent impures toutes les fioles d’huile du Temple. Lorsque la maison des Hasmonéens reprit le pouvoir et les vainquit, ils fouillèrent le Temple et n’y trouvèrent qu’une seule fiole d’huile, sur laquelle était apposé le sceau du grand prêtre. L’huile contenue dans cette fiole ne permettait d’allumer le chandelier qu’un seul jour, mais un miracle eut lieu et on put l’allumer pendant huit jours. L’année suivante, ils désignèrent cette période comme des jours de fête, pour louer et rendre grâce à Dieu. » (Talmud de Babylone, Shabbat 21/b).
C'est ce miracle qui est désormais célébré avec le chandelier de anoukkah : la « anoukkIah ».
C'est un chandelier à huit branches comportant huit bougies, plus une appelée shammash qui sert à allumer les autres. Le shammash a toujours une place à part sur la anoukkiah (plus haut, ou à côté…) Il n'est pas permis d'utiliser ce chandelier pour un autre usage. La lampe de anoukkah doit être allumée près d'une fenêtre pour qu'elle soit bien visible de l'extérieur, ceci afin de rendre public le miracle et de communiquer la joie de la fête aux passant
La anoukkiah est placée près d'une fenêtre ; chaque soir de la fête, on allume une bougie en plus. En allant acheter mes gants, j’ai vu que l’on trouvait des bougies « casher »…
Je sais qu’en France aussi, on a fait la Fête des Lumières ! plus dans l'esprit originel. Merci Marie…
A bientôt,
Étienne+

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