כִּצְבִי מֻדָּח
Jeudi matin, j’ai séché
l’École… Les Frères m’avaient demandé de célébrer la messe de Noël pour les
élèves du Collège des Frères de Jaffa. C’est un collège francophone homologué par l’AEFE. Bien que le recrutement soit assez international (plus de trente
nationalités sont représentées parmi les élèves), tous les élèves parlent le
français et reçoivent l’enseignement dans cette langue. La messe avait lieu
dans l’église paroissiale Saint-Antoine (de Padoue) tenue par les Franciscains.
Il y faisait un froid de brigand… Aussi suis-je resté avant la messe devant
l’église en chasuble à profiter des rayons du soleil. La messe s’est bien
passée malgré l’hétérogénéité du groupe : tous les chrétiens y
participaient avec des catholiques (latins et orientaux), des orthodoxes et des
protestants et même quelques “païens” qui suivent le cours de religion.
Le conférencier est parti
des “desert kites” une structure archéologique curieuse que l’on trouve dans
cette partie du monde. Les premiers ont été repérés entre deux guerres grâce
aux progrès de l’aviation. En effet, ces structures immenses sont presque
indiscernables au sol mais visibles depuis les airs. Ce sont des alignements de
pierres formant un muret d’une cinquantaine de centimètres de haut qui s’étend
sur des kilomètres pour former une sorte d’entonnoir ; au débouché de
l’entonnoir une sorte d’enclos plus ou moins circulaire avec des petites
cellules (appelées “logettes”). Au sol, on a du mal à imaginer la taille de ces
structures. Le plus impressionnant, c’est qu’elles sont très majoritairement
ouvertes vers l’est et forment des chaînes qui peuvent avoir près de 100 km de
long. Chaque logette est en fait une fosse de deux mètres de profondeur aux
bordures bien chemisées : soit une excavation d’environ 40 m3 ;
le volume total de pierre pour les murets d’un “kite” est évalué à 600 m3
en moyenne. Ce sont donc des structures monumentales. Le désert jordanien et
syrien est la zone du monde la plus riche en “desert kites” (cerfs-volants du
désert à cause de la forme de la structure) : on en compte plus de 3 700 (sur un total de 5 800 rencensés du Yémen au Kazakhastan, en
passant par le Sinaï et l’Arménie.) Pour la datation, c’est plutôt le
néolithique.
Vendredi matin, messe matutinale à l’Ecce Homo, à la lueur des bougies. J’ai
eu la bonne surprise de retrouver Clarisse, une jeune de Carpentras, qui à l’époque
faisait partie de KT+ : elle passe une année de volontariat au service de
la maison de l’Ecce Homo. Puis journée à la bibliothèque. Je rapatrie peu à peu
mes affaires au Collège ; ce qui me permet d’éliminer aussi des papiers
inutiles. Comme lecture en ce moment, je me délasse avec un livre sur les lettres
aux sept Églises. Très intéressant et fructueux.
kiṣḇî muddāḥ
Chers amis,
Semaine presque
ordinaire… Comme la bibliothèque ferme du 22 décembre au 2 janvier, je n’y
aurai pas accès. Il a donc fallu anticiper cet état de fait et préparer du travail
pour les jours avant mon départ. En même temps, avec Noël au milieu, le travail
ne sera sans doute pas très productif.
Depuis samedi tout de
même, ma chambre doit être la plus photographiée de Jérusalem. Quand je passe
dans la rue pour aller à l’École ou en revenir, des gens se prennent en photo
devant le sapin ; quand je passe la tête par la fenêtre, encore !
Mercredi, je n’avais pas
de cours avec Anthony. Après la rentrée de janvier, il donnera quelques
références sur la papyrologie, l’étude des textes que l’on a retrouvés inscrits
du des papyrus : lettres, documents administratifs…
Mercredi soir, après la
messe chez les Frères, je suis allé dîner avec Rémi chez Laurence et
Laurent-Pierre. Ils recevaient Marie, la nièce d’une amie, arrivée la veille à
Jérusalem après un périple à pied depuis Valence (Drôme) à travers le Diois,
l’Italie, la Grèce, (un peu) la Turquie et Chypre. Soirée sympa et pleine de
surprise. Ça donne des démangeaisons aux pieds.
Sur la terrasse du Collège de Jaffa |
Après la messe, nous
sommes retournés au Collège pour prendre le déjeuner. Avant, nous avons fait un
petit tour sur la terrasse pour admirer le panorama. Le Collège est situé sur
la butte ancienne de Jaffa et au nord, on voit la forêt de gratte-ciel de Tel
Aviv, à l’est, les collines de Jérusalem au loin, au sud quelques immeubles de
Bat Yam et à l’ouest, la mer (la nôtre !).
Le repas fut excellent.
Mais nous ne nous sommes pas attardés après le café car le Frère Rafael voulait
être aux obsèques d’un prêtre du Patriarcat latin à la co-cathédrale. Pendant
le retour, j’ai écrasé…
Dans l’après-midi, j’ai
un peu travaillé au Collège. En fin d’après-midi, je suis allé à l’ÉBAF pour
assister à une conférence. Le titre était particulièrement peu attrayant :
“Chasse de masse des gazelles au néolithique dans le désert du sud-est
jordanien”… Quand j’ai vu ça, j’ai pensé aux chevaliers-paysans de l’an mil au lac de Paladru (qui ont véritablement existé !) D’autres ont évoqué la
« chasse des Arkas en hiver dans le Wakhan Corridor National Park pour
nourrir les populations de l’Hindu Kush ».
Bref, ça sentait le truc
bien pointu et pas trop passionnant… Eh bien, c’était raté. C’était
passionnant !
Un “desert kite” jordanien |
Voilà pour les
généralités. J’ignorais tout des “desert kites” il y a 48 heures…
Notre conférencier a
exploré un coin perdu du désert jordanien dans lequel, il a repéré en 2013 une
série de 8 “desert kites” inconnus jusque là. Ceux-là ont la particularité d'avoir un coude à angle droit juste avant l'enclos terminal. Plus intéressant encore, il a
découvert à proximité immédiate de chacun d’entre eux une installation qui a
permis de démontrer qu’il s’agissait bien (c’était l’une des hypothèses proposées) de pièges destinés à la chasse. C’est la première fois que de telles
installations sont trouvées et fouillées : vaisselle de pierre, pierres
taillés, foyers… Et surtout des monceaux d’ossements animaux, dont 99 %
proviennent de gazelles. L’ensemble a été daté de 7 000 ans av. J.-C.
Spontanément, on est surpris de la petite taille des murets de l’entonnoir, une
trentaine de centimètres seulement. Les gazelles peuvent les sauter aisément.
Mais elles ont tendance à suivre les alignements de pierre dans leurs
déplacements ; petit à petit, elles arrivaient dans l’enclos et en voulant
en sortir si des hommes se faisaient voir, elles tombaient dans les logettes d’où
elles ne pouvaient s’extraire.
La quantité d’animaux
attrapés laisse aussi supposer que le climat était plus humide et la zone bien
moins désertique qu’aujourd’hui. En fait, ces pièges révèlent une industrie de
chasse qui laisse supposer une organisation sociale, et surtout des échanges
commerciaux à longue distance impliquant des techniques de conservation de la
viande (fumaison ?). Au néolithique, dans les régions alentours (le fameux
croissant fertile), l’homme met au point les premières techniques d’agriculture
et d’élevage, qui exigent la sédentarisation. Dans la steppe semi-désertique
qui borde le croissant fertile, une société de chasseurs, plus nomades,
s’organise et entretient des relations commerciales sur de longues distances…
Bref, on a vu un cas bien concret d’archéologie moderne où l’on travaille sur
des vestiges à peine visibles mais qui donnent des renseignements sur la
société qui vivait dans cette région à l’époque.
Messe du 13/12 à l'Ecce Homo |
Ce soir avec Rémi nous
avons regardé une émission de RMC découvertes sur « Jérusalem des Mystères »
et « Mystères de Terre Sainte ». C’était amusant d’y voir le P.
Dominique-Marie, un des archéologues de l’École biblique ou Michaël Langlois (J’ai
réalisé qu’il tournait le documentaire pendant le passage de mon frère et de ma
belle-sœur début novembre) ou encore quelques images dans le style docu-fiction
tournée dans l’atrium de l’ÉBAF… Sinon, les commentaires en voix off étaient
ineptes et la musique soûlante…
À bientôt,
Étienne+
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