mardi 16 février 2016

Permets que mon père et ma mère restent (1S 22,3)

יצא־נא אבי ואמי אתכם
yēṣēˀ-nāˀ ˀābî weˀimmî ˀittekhem

Chers amis,
Depuis une semaine vous êtes entrés en carême et vous avez un peu dû jeûner de blog. Et oui, les visites familiales sont peu propices à la rédaction de billets…
Mercredi des Cendres, comme je vous l’ai dit, j’ai dû m’abstenir de bibliothèque. Le matin, j’ai célébré la messe pour les Frères avec imposition des Cendres. Du coup, j’ai un peu pris le temps de la solitude. Je suis allé prier au Saint-Sépulcre le matin ; j’avais cette habitude en 2007 et mon emploi du temps actuel ne me permet pas vraiment de le faire régulièrement. Je n’aime pas la foule qui s’y presse en journée et qui nuit au recueillement. L’après-midi, après un repas léger, j’ai fait une petite sieste puis je suis parti me balader. J’ai fait un tour immense, de près de 17 km. Je suis parti du Collège, j’ai rejoint le Pont de Cordes (aussi appelé Harpe de David), puis le terminus de la ligne de tramway, sur le Mont Herzl. Là, j’ai traversé un quartier récent peuplé de juifs orthodoxes (des yeshivoth – pluriel de yeshiva – partout !). Puis j’ai rejoint la fameuse Tour Holyland… elle a fait parler d’elle ces jours-ci puisque c’est à cause de supposés pots-de-vin touchés pour la construction de cette tour que l’ancien premier ministre israélien, Ehud Olmert, est allé en prison hier. Puis j’ai rejoint le stade Teddy Kollek, et de là, j’ai emprunté l’ancienne voie ferrée que je connaissais déjà mais pas si loin de l’ancienne gare. Je suis rentré juste pour les Vêpres.
Le soir, je suis allé accueillir mes parents à la descente du Sherout. Il faisait bien froid… Ils ont passé cinq jours ici. Au programme, quelques nouveautés.
Jeudi, visite du musée Rockefeller. Nous avons pu comparer le musée avec les scènes du film le Tombeau (2001). L’après-midi, le tramway nous a déposé à son terminus et nous avons visité le Musée du Yad Vashem. C’est le nom du mémorial construit pour honorer le souvenir des victimes de la Shoah. Le nom provient d’un verset du livre d’Isaïe : « Je leur donnerai dans ma maison et dans mes remparts un monument et un nom (Yad vaShem) meilleurs que des fils et des filles » (Is 56,5).
Le musée de la Shoah est construit dans un long couloir qui traverse l’arête rocheuse des collines de Jérusalem. Le musée est très intéressant, exhaustif et ne se complait pas dans les horreurs dont cette période a été l’occasion. Après le musée, nous avons visité la vallée des Communautés, c’est une sorte de labyrinthe creusé dans la roche et dans lequel sont inscrits les noms de villes où des communautés juives ont été persécutées à cette époque à travers l’Europe. Carpentras est mentionné. Il était un peu tard pour aller se recueillir à la salle de la mémoire. À la boutique, j’ai vu un gros livre où le seul texte écrit est le mot JEW reproduit 6 millions de fois. On touche un peu du doigt ce que cela représente…
Retour avec le tramway mais sans aller jusqu’au bout : nous avons descendu la rue de Jaffa à partir du marché de Maḥane Yehuda. Puis baguenaude dans la ville. Après le repas à la Casa Nova, où mes parents logeaient, je suis allé me coucher tôt.
En effet, le lendemain matin, il a fallu se lever vers 4h30, j’avais réservé une messe au Saint-Sépulcre dans la tombe… Je n’avais pas célébré là-bas depuis mon arrivée.
Dans la matinée, nous avons visité le tunnel du Mur occidental. Pour y accéder, nous avons pris le temps de passer le long des remparts et d’aller voir la Dormition et le Cénacle. Pour la visite du tunnel du Mur, on remonte le Mur occidental vers le nord. J’avais visité en 2007, sous la direction de Dan Bahat, l’archéologue qui a dirigé les fouilles. On traverse un peu toutes les époques de l’histoire de Jérusalem (hasmonéenne, croisée, hérodienne, islamique, croisée)… Malheureusement, il n’y avait pas de visite en français au cours du séjour de mes parents, j’ai donc réservé une visite en anglais et nous avons eu du mal à suivre le débit de mitrailleuse de la guide, doublé d’un accent américain à couper au couteau. Difficile à suivre. Et on avait envie de se cotiser pour lui offrir une jupe neuve : la sienne était déchirée sur une bonne vingtaine de centimètres. En plus, je pense que nous n’étions pas les seuls à ne pas tout comprendre car lorsqu’elle posait des questions, les gens restaient amorphes… Elle devait s’attendre à un public américain, toujours prompt à s’enthousiasmer, comme lors de notre visite au petit musée sur la Jérusalem à l’époque du premier temple.
Arrivés à la piscine du Strouthion, nous ne sommes pas sortis par la porte devant le couvent de la Flagellation mais nous avons rebroussé chemin pour ressortir par l’entrée. Du coup, petit tour dans le quartier musulman avec quelques beaux bâtiments mamelouks.
Dans l’après-midi, nous avons profité de la voiture louée ce matin-là pour aller admirer le désert qui avait revêtu son manteau hivernal. Les biquettes et les brebis s’en donnaient à cœur joie pour brouter ici et là. En passant, je me dis que c’est peut-être l’occasion de visiter le parc de l’auberge du Bon samaritain. Il était 3h15 et le gars nous a fait de grands signes pour nous dire que c’était fermé… J’étais un peu sceptique et j’en ai eu confirmation aujourd’hui.
Nous avons finalement admiré le monastère de Saint-Georges de Choziba. Puis nous sommes allés à Nebi Musa. Le lieu était calme et paradisiaque… En voulant entrer dans la mosquée, Papa (bien que déchaussé) s’est fait virer comme un malpropre par un jeunot mal élevé.
Descente jusqu’à la Mer morte, pour regarder Qumrân d’en bas et admirer la lumière du coucher de soleil sur les Monts de Moab. Nous avons déposé la voiture devant le consulat et avons fait un petit tour dans Yemin Moshe. Ce soir-là, repas chez Rossini. Le patron devient un copain car l’apéro grandit de semaine en semaine…
Samedi, journée à Bethléem. Visite de l’Hérodion en matinée puis pèlerinage à Bethléem. Nous avons vécu la petite procession de midi avec les Franciscains. En revanche, j’étais surpris de voir que presque rien ne signalait la Porte sainte de la Miséricorde et le Jubilé, alors que l’église Sainte-Catherine est lieu jubilaire…
Repas à la terrasse d’un restau sur la place de la Mangeoire. Le temps était en fait incomparablement plus beau que pour la visite de mes deux sœurs… Après cela, nous avons remonté la rue centrale pour aller visiter le Carmel de la (désormais) sainte Mariam Baouardy. Petit instant de prière dans la chapelle, devant ses reliques et visite du petit musée.
Retour à Jérusalem.
Dimanche matin, en attendant les parents, j’ai vu passer la procession des Franciscains guidés par les kawas qui allaient chercher le Patriarche pour le mener au Saint-Sépulcre. Le frère Stéphane, qui fermait la marche, me demande : « Qu’est-ce que tu fais là ?
– J’attends mon papa et ma maman.
– Tu viens à la messe au Saint-Sépulcre ?
– Non, on fait comme les Français, on va à Abu Gosh. »
Nephtali, Joseph, Benjamin
Avant d’aller à Abu Gosh, on est allé à Hadassa Ein Karem, le grand centre hospitalier de Jérusalem. La synagogue de l’hôpital a été décorée par douze vitraux de Marc Chagall, représentant les douze tribus d’Israël. La couleur dominante de chaque vitrail est celle de la pierre fine qui symbolisait la même tribu sur le pectoral du grand prêtre. Une petite lecture des bénédictions de Jacob (Gn 49) nous a aussi aidés à interpréter les images des vitraux. En repartant, on a hésité à passer aux toilettes et nous avons bien fait de ne pas y aller. Le Pervenche local était en train de verbaliser à quelques voitures de là. Il a fallu démarrer sans stress (attention à la boîte automatique !) pour repartir. Nous avons dû bien nous en sortir…
Arrivée en avance à Abu Gosh et célébration de la messe. La communauté était revenue d’Égypte mais les fidèles faisaient défection : seuls 10 avaient pris place dans les bancs de l’église. Tant pis ! la messe était si belle et paisible.
L’apéritif a été très accueillant et fraternel. En revanche, le repas au petit restau sur la route vers la sortie du village n’a pas été marqué par une amabilité excessive de la part du serveur. C’est le moins qu’on puisse dire…
Passage à Latrun (fermé !) puis à Emmaüs-Nicopolis (fermé !) du coup nous sommes retournés vers Jérusalem et nous nous sommes arrêtés à Ein Karem, le lieu traditionnel de la Visitation. Calme, recueillement et silence. Merci Seigneur ! Fin d’après-midi dans les quartiers arménien et juif (cardo, mosaïque, gros mur…)
Lundi matin, visite de la cité de David, comme la semaine précédente avec mes sœurs. Nous avons évité le film en 3D qui donne le vertige. Après la visite, nous avons rejoint l’École Biblique pour voir rapidement le site.
Repas de midi avec les Frères.
L’après-midi, petit pélé à Gethsémani et au Dominus Flevit. À Gethsémani, on a ramassé des rameaux d’oliviers (c’est la saison de la coupe). J’ai filé ensuite à l’EBAF pour l’accueil des nouveaux étudiants du second semestre, suivi d’un apéro.
Repas à la Casa Nova, soirée… Puis je suis allé me coucher… Leur taxi partait à 5h30...
Aujourd’hui, excursion de l’École Biblique. Nous devions aller à Hyrcania, mais ce sera pour la semaine prochaine… Nous avons réédité la visite de Qumrân, mais avec le P. Jean-Baptiste Humbert. Il nous a présenté son hypothèse sur le site, hypothèse originale et qui contredit l'hypothèse traditionnelle même si elle est échafaudée à partir des documents originaux des fouilles du P. de Vaux dans les années 50. Ce qui est amusant, c'est le détachement dont fait preuve le P. Humbert à l'égard de Qumrân. Depuis près de 70 ans, les biblistes et les archéologues sont hypnotisés par ce site et les manuscrits; notre professeur nous a d'abord dit que le lieu de Qumrân est moche et qu'on devait le remercier de nous avoir épargnés le film qui est "nigaud"...
Selon J.-B. Humbert, Qumrân reste un lieu juif, essénien même, mais on
Citerne de Qumrân, partagée par un séisme
sort d’une interprétation trop monastique et on va sur une sorte de lieu de pèlerinage pour les communautés esséniennes réparties tout autour de la Mer morte.
Qumrân est relativement proche de Jérusalem et en Terre sainte, donc convenable pour vivre la Pâque et les autres fêtes juives, sans pour autant se fixer sur Jérusalem, dont le Temple était profané selon les esséniens. La difficulté que présente l'hypothèse traditionnelle est celle de la citerne centrale partagée par une faille sismique, traditionnellement associée au tremblement de terre de 31 av. J.-C. Or, si le lieu a été occupé jusqu'en 68 ou 70 ap. J.-C., elle aurait dû être réparée et elle ne l'a jamais été... Un mystère de plus. Je me plongerai dans le livre qui sera publié l’été prochain et qui dit tout…
Bâtiment d'Ein Feshḥa, autour d'une cour centrale
Puis repas à Ein Feshḥa, à peu de distance de Qumrân. Le site est d’ailleurs lié à Qumrân. Quand l’eau manquait à Qumrân, on pouvait descendre à Ein Feshḥa pour y faire ses ablutions rituelles à la source qui coulait abondamment. Enfin, je me disais que l’été, quand on remontait à Qumrân après ces ablutions à Ein Feshḥa, on était peut-être pur mais on devait avoir fait une bonne suée…
Le site est une sorte de ferme (tannerie de peaux, indigoterie ?) Ce qui est sûr, c'est que la structure du bâtiment est semblable à celle du carré central de ceux de Qumrân... Le lien est bien attesté.
Nous avons terminé par l’auberge du Bon samaritain qui est ouverte jusqu’à 16h… L’autre jour ça n’était donc pas fermé… Sale type ! Enfin quand nous sommes arrivés, il n'y avait personne dans la guérite et on leur a fichu une pagaille monstre pour récupérer les cartes d'accès aux sites... Tant pis pour eux.
Dans un bâtiment ottoman, on a installé des mosaïques trouvées dans les Territoires palestiniens. Le lieu est géré par l’armée mais fait partie des parcs nationaux. À l’époque byzantine, c’était le lieu qui était vénéré comme l’auberge du Bon samaritain entre Jérusalem et Jéricho. En lisant le livret du site, nous avons ri car la parabole de Jésus est citée in extenso (Lc 10,25-37) mais il y a un petit commentaire qui affirme que Jésus ne peut pas avoir donné en exemple un samaritain alors qu’ils étaient si méchants et incapables de bonnes actions ! J’en suis resté comme deux ronds de flans…
Finalement à trois heures j’étais à la maison. Sieste, tri des photos et rédaction du message.
À bientôt,
Étienne+

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quel beau voyage les parents ont fait, et quel guide ! J'ai hâte de voir les photos... bisous Étienne
guilhemette