ἠγέρθη, οὐκ ἔστιν ὧδε
ègerthè, ouk estin hôde
ègerthè, ouk estin hôde
Chers amis,
Drôle de
samedi saint ici… En effet, il n’est que 14 heures et nous sommes déjà entrés
dans la joie de Pâques… Pourquoi donc ?
Il se
trouve que les célébrations du Saint-Sépulcre sont régies, en ce qui concerne
les horaires, par le Statu quo. Le Statu quo, qu’es aco ?
Pour tout savoir dessus, je vous laisse aller sur le blog de mon amie Marie des
Neiges qui dans un article magistral explique « Le Statu quo, pourles Nuls ». En gros, c’est la décision du sultan, datant de 1852, qui
régit les relations entre les six principales confessions chrétiennes qui
prient et célèbrent la liturgie au Saint-Sépulcre.
En
conséquence de quoi, la vigile pascale est toujours célébrée au Saint-Sépulcre
à l’heure à laquelle elle était célébrée en 1852, soit le samedi saint au matin
(et ce, depuis le xiie
siècle). La réforme de la vigile pascale décidée par Pie XII en 1951 n’a pas eu
d’effet sur l’horaire de cette célébration. À l’intérieur de la liturgie, on
fait comme on veut mais sans changer l’horaire… En fait, avant 1951, le prêtre
célébrait la vigile pascale presque en privé et on restait en carême encore un
jour (avec jeûne et abstinence stricts). J’ai calculé qu’avec cela, la vigile
pascale du Saint-Sépulcre doit être la première célébrée dans le monde, à 7h30
du matin à Jérusalem, le soleil n’est pas encore couché sur la ligne de
changement de date… Cette anticipation a donc du sens.
La messe a
donc commencé à 7h30, avec toujours le même cérémonial d’entrée solennelle du
patriarche, de « grand lever » dans la chapelle du Saint-Sacrement.
Mais j’étais arrivé depuis une grosse demi-heure et les bonnes sœurs étaient
déjà là, assises bien en place, bien en avance… C’est fantastique. Petit moment
d’angoisse au moment d’entrer dans la sacristie, je n’avais pas de billet et le
sacristain ne retrouvait pas mon nom sur la liste fournie par le gardien de
Saint-Sauveur, le frère Stéphane… Ouf, j’y étais bien.
Nous
partons en procession vers l’entrée du Saint-Sépulcre : devant la pierre
de l’onction, un brasero chauffait (je dis brasero, parce qu’il n’y a pas d’autre
mot…), le patriarche le bénit et on charge l’encensoir. La procession repart et
les prêtres se répartissent sur les bancs. Il faut chasser les sœurs… Ma baraka
de dimanche et de jeudi ne continue pas, je me retrouve à l’avant-dernier banc
sur le côté méridional de l’édicule. Je vois bien le patriarche à la présidence
mais pour le reste… Tant pis, tout est grâce ; en revanche, Matthieu, de l’École
biblique, est verni, il se trouve placé comme moi jeudi, mais en face.
Le cierge
pascal sort allumé de la Tombe (chez les Orthodoxes, c’est encore plus
spectaculaire ; je vous en parlerai le mois prochain, pour les Pâques
juliennes). Et l’Exsultet est chanté par un diacre franciscain de
nationalité croate. Il est très beau et très bien chanté même si je trouve que
la version de Gouzes donne quelque chose en plus.
La liturgie
de la Parole se déploie sans temps mort, alternant lecture en latin avec les
langues vernaculaires (arabe, anglais, français pour Baruch, italien). Toutes
sont cantilées, ce qui permet l’audition de tous. C’est un peu la pauvreté du
Saint-Sépulcre. Cette vénérable basilique a souffert au cours des âges et n’est
vraiment plus adaptée à une célébration ample, pour une foule nombreuse qui
pourrait participer par tous ses sens et facultés. Peut-être est-ce le prix de
la foi. Nous avons de la chance : cette année, nous proclamons toutes les
lectures puisque les Pâques latines et juliennes (orientales) ne coïncident
pas. Quand c’est le cas, il faut couper…
Le
patriarche entonne le Gloria immédiatement suivi de l’orgue qui éclate
pour la première fois depuis le début de la célébration. Un accord tonitruant,
dissonant qui ne tarde pas à se résoudre dans l’harmonie et ouvre sur le chant
du reste de l’hymne pascale. Ensuite, malgré la présence des diacres, c’est le
patriarche lui-même qui proclame l’évangile de la Résurrection pour manifester
sa mission de successeur des Apôtres, témoins de la Résurrection.
Pour la
liturgie baptismale, petite déception, l’eau est bénie du côté nord de l’édicule,
c’est-à-dire qu’avec les prêtres assis autour de moi nous ne voyons ni n’entendons
rien… Jusqu’à ce que me rende compte qu’à travers une ouverture dans l’édicule,
on peut voir de l’autre côté : juste un bout de la calotte violette de Mgr
Shomali, auxiliaire du patriarche, mais c’est déjà ça.
Le
patriarche asperge la foule au chant du Vidi aquam (j’ai vu l’eau vive !)
Puis l’eucharistie
est célébrée. L’autel fait que le Patriarche tourne le dos à l’est mais fait
face à l’ouverture de la Tombe, d’où jaillit la vie du Ressuscité que nous
recevons dans l’eucharistie. Pour la communion, les prêtres peuvent communier
au Corps du Christ ressuscité en regardant l’intérieur de la Tombe vide : « Il
vit et il crut » (Jn 20,8) Je ne sais pas si les autres l’ont fait,
mais je ne me suis pas privé.
Après la
messe, je mourrais de faim… Je n’avais rien avalé depuis 19h la veille. Avec
quelques volontaires, nous arrangeons un petit dèj au Collège dans le petit
salon : viennoiseries, cake, jus de fruit, café (nus café comme ils
disent en arabe : demi café). Puis on a passé un bon moment à admirer la
vue de la terrasse malgré le temps qui est celui d’un WE de Pâques :
crachin. Hélène n’est pas encore rentrée dans la joie pascale, elle n’était pas
au Saint-Sépulcre ce matin.
Je
vérifiais l’heure au clocher de Saint-Sauveur et peu avant 13h, les autres sont
rentrés chez eux et je suis descendu pour manger… Mais c’est là que j’ai
réalisé que l’heure de Saint-Sauveur n’avait pas été changée… Il était 14
heures ! En même temps, le petit dèj avait été copieux et ne datait pas
trop. Petite sieste avant de vous écrire.
Avec les
volontaires, nous réalisons que cette vigile pascale anticipée nous fait “gagner”
un jour de Carême (39 au lieu de 40) et “gagner” un jour de temps pascal (51 au
lieu de 50). C’est tout bénef…
Mais d’un
autre côté, notre samedi saint n’aura duré que l’espace d’une nuit, bien peu de
temps en somme à passer auprès de Marie, en qui repose en ce jour toute la
foi du monde.
Étienne+
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