ὑπήκοος μέχρι θανάτου
hupèkoos méchri thanatou
hupèkoos méchri thanatou
Chers amis,
Hier soir,
après une rapide collation au Collège, je suis descendu avec fr Daoud et fr
Jose Andres à Gethsémani. L’Heure sainte devait commencer à 21 heures, mais la
Basilique était déjà pleine depuis un moment lorsque nous sommes arrivés. Je me
souviens, il y a 9 ans, être entré dans la Basilique des Nations et avoir été
suffoqué par l’atmosphère humide et lourde : impression d’entrer dans un
vestiaire après un match ou encore (les mères de famille sauront de quoi je
parle) un bus de scouts après trois semaines de camp… Là, ça pouvait encore
aller, mais l’atmosphère a dû se charger rapidement.
Les
franciscains arrivent, se disposent dans le chœur. Le custode et une douzaine d’autres
franciscains vont dans la sacristie revêtir les ornements rouges : une
chape pour le custode, une simple étole pour les autres. Ils vont symboliser le
Christ et ses apôtres…
La prière
commence dans le jardin de Gethsémani, où sont plantés des oliviers très
anciens, peut-être des rejetons de ceux connus par Jésus. Le tout est
retransmis sur des écrans géants dans et hors la basilique. Le custode entre
avec ses “apôtres”. Il dit : « Vigilate et orate ut non intreris in
tentationem » (cf. Mt 26,41 ; Mc 14,38 ;
Lc 22,40.46). Le diacre répond : « Surgite, eamus ! »
(Mt 26,46 ; Mc 14,42 ; Jn 14,31).
La
veillée proprement dite commence. Le custode vénère le rocher de la basilique,
lieu où selon la tradition, Jésus a souffert son agonie. Il répand une
multitude des pétales de roses sur le rocher, pour symboliser la sueur de sang
du Seigneur Jésus.
Des
lectures évangéliques (trois fois l’arrivée à Gethsémani, trois fois la prière
de Jésus, trois fois son arrestation...) alternent avec des chants et la
récitation de psaumes, le tout en diverses langues... Peu de place pour un vrai
silence... Dommage.
À
la fin, le custode se retire... Une partie de la foule aussi mais se précipite
d’abord dans le chœur de la basilique pour récupérer un des pétales. C’est un
peu too much...
Je
profite de la pression moindre pour m’approcher de la barrière du rocher et
prier un moment. Au début, c’est difficile à cause des “chasseurs de reliques”
puis ça se calme... Je ne tarde pas trop, la plupart des gens, surtout les
locaux partent en procession vers Saint-Pierre en Gallicante, lieu traditionnel
du palais de Caïphe et de la prison du Christ. Il y a 9 ans j’avais été un peu
surpris par l’ambiance : chants, danses, vin chaud et compagnie. Peu
compatible avec une veillée de prière.
Je
rentre en vitesse au Collège, poste mon message sur le blog (la vidéo a mis un
temps fou à charger...) Je me couche sans oublier de changer l’heure de mon
réveil.
Ce
matin, lever de bonne heure. Vers 7h25, je retrouve quelques volontaires devant
Maria Bambina. Et nous voilà sur la place du Saint-Sépulcre, déjà bien
pleine. Les choristes passent sans problème les barrières mais le vulgum
pecus que nous sommes reste derrière. La basilique est fermée et n’ouvrira
ses portes que pour laisser entrer les fidèles l’espace d’un instant. Il y a
une certaine tension : le lieu du calvaire où le patriarche va célébrer est
petit et tout le monde n’y entrera pas. Repérage des lieux : les bonnes sœurs
sont manifestement placées aux endroits les plus favorables pour entrer les
premières, juste après le cortège du patriarche. Elles démontrent aussi une
habitude de la situation qui consiste à donner l’impression de se déplacer
conformément aux indications de la police, sans pour autant céder un pouce de
terrain : la piété autorise tout. À 8h, le cortège arrive... Les portes s’ouvrent
suivant le cérémonial séculaire. Il y a 9 ans j’avais vu des barrières voler :
la leçon a été retenue, des liens en plastique les solidarisent. On peut
toujours perdre sa dignité en passant les barrières... Finalement avec le petit
groupe, nous entrons dans les derniers.
On
trouve un coin où s’asseoir. Honnêtement je pense qu’en montrant mon col j’aurais
pu passer mais j’ai préféré rester un peu au calme. Les célébrants ne tardent
pas : séminaristes, franciscains, prélats, le patriarche.
Le
début de la célébration est difficile à suivre : le patriarche n’a pas la
voix qui porte, qualité essentielle, dit Mgr Cattenoz, des évêques des débuts
de l’Église. Je me suis aperçu que ça avait commencé seulement lorsque le
refrain du psaume a été entonné.
La
Passion est chantée par les mêmes prêtres que dimanche dernier : on entend
assez bien le lecteur, ainsi que le falsetto des “autres personnages”, mais
Jésus reste inaudible… La chorale se charge des parties de la foule avec de belles
polyphonies ; enfin on comprenait bien : merci les choristes ! J’avais
heureusement emporté mon Prions en Église et j’ai suivi avec un volontaire.
Puis la Grande prière universelle que nous avons suivie avec les Kyrie et les
Amen… Mais il paraît que le diacre et le patriarche se sont emmêlés les
pinceaux.
Puis la
vénération de la Croix a eu lieu. Évidemment, dans ce lieu, elle se fait avec
une croix dorée et ornée contenant une relique de la vraie croix. Nous qui
étions en bas et n’avons rien vu avons été un peu déçu de voir que la croix
n’est pas descendue pour être vénérée… Et impensable de monter : le
cerbère en t-shirt cradingue, jean baskets interdisait tout passage.
Puis la
procession est partie au Tombeau chercher la réserve eucharistique : Ça a
pris un certain temps, mais au moins nous avons pu voir quelque chose.
Telle je
vous la raconte, cette célébration n’est peut-être pas très engageante. Malgré
tout, c’était un vrai moment de prière. J’étais impressionné du recueillement
de ceux qui sont restés en bas et ne voyaient rien. Tout le monde était debout,
à écouter, à suivre sur son livret (quand il en avant un !) et fixait du
regard la terrasse où tout se déroulait à l’abri de nos regards. Finalement, nous
avons vécu ce que nous avions chanté la veille à propos de l’eucharistie :
Visus,
tactus, gustus, in te fállitur,
Sed
audítu solo tuto créditur
La vue, le
goût, le toucher, font ici défaut,
Mais
T'écouter seulement fonde la certitude de Foi.
Heureusement,
nous avons pu communier… Comme la croix n’était pas descendue, nous doutions
que l’eucharistie ne parvienne jusqu’à nous. Mes voisins étaient surpris :
ils sont Milanais et, dans le rite ambrosien qui a cours là-bas, tout comme
dans l’ancienne liturgie, on ne communie pas le Vendredi saint : le corps
du Christ mort et ressuscité n’est pas donné quand il est mort.
Une fois la
célébration terminée, il a fallu attendre un peu que les portes s’ouvrent…
Cette fois, ceux qui avaient tout vu depuis la chapelle du Calvaire voulaient
sortir en premiers… Bref…
Une fois
sorti de la basilique, j’ai filé au Collège, il était déjà 10h30 bien tapée.
Je suis
parti, sac au dos vers Abu Gosh. Une bonne quinzaine de kilomètres. J’avais
imprimé un chemin de croix du Père Marie-Eugène qui m’a accompagné. J’ai aussi
écouté Isaïe sur mon téléphone : « dans les Écritures, tout ce qui le
concernait » (Lc 24,27)
En
traversant la ville de Jérusalem, j’ai constaté l’ambiance diamétralement
opposée à celle que nous, chrétiens, vivions…
J’ai croisé
un Kinder Surprise® géant, une femme avec une chope de bière sur la
tête, des princesses en veux-tu en voilà, un policier israélien avec gilet
pare-balle en plastoc, une licorne gonflable, une fraise, un homme de
cro-magnon, un Blanche-Neige (oui, UN pas une)… Et, à Mevasseret Sion, j’ai
même été attaqué par Spiderman armé d'un sabre laser… Mais c’est que de la gueule : il a un vélo
avec des roulettes !
Je suis
arrivé à Abu Gosh vers 14h15, suffisamment à l’avance pour me remettre et
sécher… J’avais prévu une chemise propre et « conforme à mon état ».
La
célébration de la Passion a été très belle. L’obscurité baigne l'église (en plus, le ḥamsin souffle un peu et atténue la lumière
du soleil). Et la liturgie prend son temps, on chante la passion.
Pendant la Grande Prière universelle, au moment
de la septième, pour ceux qui ne connaissent pas
Jésus-Christ, le muezzin de la mosquée voisine s’est mis à chanter. Il ne
savait pas que nous priions pour eux. Pour la vénération de la Croix, nous
sommes sortis en procession dans le jardin de l’abbaye pour aller la chercher.
Et nous l’avons ramenée…
Chacun a
vénéré la croix, l’un après l’autre, par une première prosternation puis un
baiser à la croix, qui était posée devant l’autel. Nous n’étions pas très
nombreux…
La
communion n’a été donnée qu’à la toute fin, après la bénédiction, pour ceux qui
le désiraient.
Anne-Cécile,
la maman d’Henri, m’a ramené chez moi.
Ce soir,
procession funèbre au Saint-Sépulcre. En arrivant peu après 19h30, j’ai pris
peur : alors que ce matin le silence et le recueillement régnait dans la
basilique et à présent, on se serait cru à la gare de Lyon, un soir de départ
en vacances.
La
procession en elle-même est un rite un peu particulier. La procession part de
la chapelle du Saint-Sacrement, la croix est en tête, suivie de tout un
aréopage de franciscains en vêtements liturgiques. La procession se dirige vers
le Golgotha et là, le Christ est décloué de la croix et descendu avec beaucoup
de respect. Déposé dans un linceul, il est déposé sur la pierre de l’onction où
le corps est lavé, oint de myrrhe et d’aloès et encensé. Le corps est ensuite
enveloppé dans le linceul et déposé solennellement dans la Tombe. La porte en
est fermée… Voyez que j'étais aux premières loges...
Ensuite, on proclame l’évangile de la mise au tombeau et de la
résurrection (Pierre et Jean qui courent)… Avant le départ de la procession, le sacristain arménien qui se tenait devant la porte de la Tombe a touché la croix de la procession, a baisé sa main et s'est signé : signe concret de communion dans la prière. Quand on en parle comme cela, on
pourrait croire à quelque chose de macabre. Il n’en est rien. Tout se fait dans
un grand recueillement (après le brouhaha du début), les chants sont calmes et
pendant la procession, j’ai attendu près du Tombeau et le silence permettait la
prière.
Demain, la
résurrection se fête tôt…
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