samedi 19 mars 2016

Attire-moi à toi, que nous courrions (Ct 1,4)

משכני אחרך נרוצה
Mashḵenî ˀaḥărêḵa narûtsah 

Chers amis,
Belles journées de début de printemps que cette fin de semaine… Mercredi matin, le temps était plutôt menaçant… Pluie, vent, froid et même ḥamsin… Or, je devais animer la « halte spi » de ce mois. C’est un petit groupe de prière et de réflexion francophone qui se réunit mensuellement dans l’une ou l’autre communauté religieuse aux alentours de Jérusalem. L’intérêt du groupe est aussi de faire se retrouver des français qui ne fréquentent pas nécessairement les mêmes lieux chrétiens : Abu Gosh, Qehilah, Ecce Homo… Traditionnellement, la halte spi du Carême se vit dans le désert. Avec le temps qu’il faisait, c’était risqué…
Mais l’optimisme et la confiance en Dieu ont prévalu, et nous avons eu raison. En fait, Jérusalem est situé sur la croupe des monts de Judée, c’est le sommet entre Jaffa et Amman… On se trouve donc à une frontière climatique. Les nuages viennent de la mer et se répandent sur la ville ; seule une toute petite partie continue à l’est et arrose le désert. Cela suffit à apporter la splendeur de verdure que vous avez pu admirer lors de notre excursion dans le Wadi Qelt.
En raison de cette situation, les prévisions météorologiques à Jérusalem sont très imprécises et le temps changeant.

Nebi Musa, vu de Kypros (15/03/2016)
Une fois franchi le tunnel du mont des Oliviers, nous avons été rassurés… Le soleil brillait et la Jordanie s’étendait à nos pieds. Nous sommes allés à Nebi Musa, nous avons dépassé l’antique caravansérail et avons trouvé un beau promontoire. Là, j’ai fait un petit topo sur l’Exode à partir de 1Co 10,1-8.
Messe au désert
Puis, la pluie menaçant, nous avons célébré la messe. À la présence des cailloux, vous devinez que le vent soufflait fort. Puis petite marche depuis le caravansérail pour aller sur le promontoire d’où les Frères et Sœurs d’Abu Gosh avaient prié les Vêpres en décembre dernier.
Pique-nique tout simple partagé ; le vent avait assaisonné certains des plats avec du sable du désert… Puis il était temps de retourner à Jérusalem : les écoles finissent tôt ici (14h30 !) Cela m’a donné l’occasion de découvrir le Lycée Français de Jérusalem. En y allant, nous avons longé Mea Shearim, le quartier juif ultra-orthodoxe. C’est un quartier fondé à la fin du xixe siècle en dehors de la Vieille Ville mais à distance convenable du Mur occidental (« convenable » en hébreu, ça se dit casher, c’est-à-dire conforme aux prescriptions talmudiques : la distance que l’on peut parcourir à pied le jour du sabbat est de 2 000 coudées soit ± 1 kilomètre) Les familles ont sept enfants en moyenne (il n’est pas rare de voir une femme enceinte dirigeant une poussette à deux places, les deux jeunes enfants n’ayant pas le même âge). Cette surpopulation a des effets sur l’urbanisme du quartier : les maisons sont du style que l’on connaît ailleurs à Jérusalem pour des bâtiments de cette époque mais, entre-temps, les habitants ont ajouté des cloisons sur les balcons, des cabanons, ici et là, pour agrandir la surface habitable. Cela donne l’impression d’un bidonville.
En fin d’après-midi, rencontre avec le directeur et le prieur de l’ÉBAF. Puis conférence de Camille Rouxpetel, de l’École Française de Rome, sur le thème « Des Latins à la découverte de l’Orient chrétien (xiie-xive siècle) » À partir de récits de voyages en Orient par des chrétiens occidentaux, elle analyse ce qu’ils disent, ce qu’ils perçoivent des chrétiens d’Orient. C’était hyper dense – j’ai parfois eu du mal à prendre des notes cohérentes – mais très intéressant ; ce qui m’a frappé, c’est le regard finalement assez bienveillant des Latins sur les Orientaux que la conférence soulignait. Par exemple, un des témoins présentés (Burchard du Mont Sion) s’est confronté aux Orientaux présents en Terre Sainte. Il dit : « En outre, cela en effraie beaucoup que l’on dise que, dans les régions situées au-delà des mers, habitent des nestoriens, des jacobites, des maronites, des Géorgiens et d’autres encore, qui tirent leurs noms de certains hérétiques, que condamne l’Église, par suite de quoi on estime qu'eux‑mêmes sont hérétiques et suivent les erreurs de ceux d’après lesquels ils sont nommés. Pour tout dire, ce n’est pas vrai (Dieu m’en garde !), ce sont au contraire des hommes simples et qui se comportent avec dévotion », (Descriptio Terræ Sanctæ, Leipzig, 1864, p 91) En recherchant la citation que je viens de mettre, je trouve cet article qui reprend des éléments de la conférence.
Jeudi, RAS.

Vendredi, à l'occasion de la fête de saint Cyrille de Jérusalem  je ne pense pas que ça soit intentionnel, mais c'est amusant toute la Ville sainte a vibré à l’occasion du Marathon de Jérusalem. Organisé depuis 6 ans par la municipalité, il permet à Jérusalem de prendre place parmi les grandes cités ouvertes sur le monde par une manifestation sportive d’envergure internationale et, aussi, de faire parler de la ville sur des questions sportives plutôt que sécuritaires.
Plus de 25 000 coureurs participent mais seuls 2 000 font le marathon proprement dit (la plupart des coureurs font le 10 km). Pour voir passer les coureurs, il m’a suffi de monter sur la terrasse : le flot des sportifs descendait la rue de Jaffa et tournait à droite vers Mamila puis revenait vers la Porte de Jaffa pour passer dans la Vieille Ville (entre la Porte de Jaffa et la Porte de Sion). Sous la Porte de Jaffa, une installation de haut-parleurs diffusait de la musique techno pour soutenir le rythme de la course. Un type hurlait dans le micro « בוקר טוב לכולם (bôqer tôv lekûlam = bonjour à tous !) » Regardez la carte des trois parcours et essayez de vous repérer si vous connaissez Jérusalem.

Dès 7 heures du matin, ça courait… Ils voulaient courir « à la fraîche », ils ont été servis… Vent, bruine intermittente. Vers 8h, j’ai dû changer mes habitudes pour aller à l’École : le marathon m’empêchait de traverser les voies du tramway. Là, il y avait beaucoup moins de coureurs… Sur internet, un peu plus tard, j’ai vu en direct un peu de la course. Le premier a terminé en 2h16’33’’… Évidemment, c’était un kenyan !
Ceci dit, la Ville était bloquée pour l’occasion : écoles fermées, tram au dépôt, tout comme la plupart des bus… Seuls les piétons et les coureurs étaient autorisés !
Aujourd’hui, fête de saint Joseph. Je suis allé faire mes dévotions à Bethléem. Notamment à la grotte du lait : j’avais le souvenir d’un lieu un peu kitsch et finalement, c’est très bien pour la prière. J’ai aussi acheté un stock de croix en bois d’olivier chez un marchand : elles serviront pour le pèlerinage à Lourdes des 6° du 11 au 15 avril…
Dans le souk, au milieu de la cohue, j’aperçois une silhouette familière… C’est le P. Henri qui est de passage à Jérusalem ; c’est lui qui doit faire le « mulet » pour rapporter les croix en terre provençale. Du coup, il les récupère.
Retour à Jérusalem. L’après-midi, je suis allé me balader. En fait, j’ai fait un passage à la boutique du Musée d’Israël pour acheter le catalogue des galeries archéologiques. Sinon, j’ai un peu regardé la boutique, qui m’a surpris… Penseriez-vous acheter un saladier, un dérouleur à papier-toilette ou un pense-bête en forme de télévision au musée du Louvre ? Au Musée d’Israël, vous pouvez le faire… (à condition d’y mettre le prix).
Sur le chemin du retour, dans les terrains proches du Monastère de la Croix, je vois des jeunes qui font du froissartage (constructions en bois), j'en déduis que ce sont des scouts israéliens... Mais je trouve leur tenue très débraillée, c'est le moins qu'on puisse dire... En arrivant au Collège, je vois les scouts palestiniens qui se préparent pour les Rameaux : ça a une autre gueule ! Foulards impeccables, calots crânement visé sur la tête, chemises repassées et propres.
En fin d’après-midi, j’ai rencontré Henri pour la préparation à la confirmation. Il a commencé à écrire sa lettre de demande et nous avons réfléchi au sens du rite de l’onction avec le saint-chrême. J’ai commencé avec l’évangile de l’onction à Béthanie (Jn 12,1-11) qui se déroule justement la veille des Rameaux !
Demain, ce sont donc les Rameaux… Je participe à la messe au Saint-Sépulcre à 6h30 (grasse matinée garantie…)
Bonne et sainte fête ! Que Dieu vous bénisse !
Maintenant, c'est le marathon liturgique qui commence !
À bientôt,
Étienne+

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