רוח גדולה מערב המדבר
ruăḥ gedôlah me’eḇer hammidbar
ruăḥ gedôlah me’eḇer hammidbar
Chers amis,
Samedi soir, j’ai complètement oublié d’aller aux Vigiles au
Saint-Sépulcre… Du coup, j’ai bien dormi cette nuit-là… Dimanche, je suis parti
avec la famille d’Henri à la messe à Abu Gosh. La liturgie était comme d’habitude,
belle et paisible. J’ai eu la joie de voir les familles avec lesquelles j’étais
allé me balader le dimanche précédent ; joie de voir tout le monde « sain
et gaillardet » comme dit mon papa.
Le P. Jean-Christophe a fait une très belle homélie à partir
de l’évangile de la femme adultère : rapport de Jésus à la loi, risques qu’il
prend, miséricorde qu’il propose même si on ne nous dit pas que le « ne
pèche plus » fut facile à vivre pour la femme.
Repas rue Naḥshôn : Ah, le filet mignon de Beit Jala !
Chaque fois que j’en mange cette année, je pense au repas de la fête votive de
Saint-Didier… Je ne peux pas oublier mes paroissiens.
Puis j’embarque avec Christophe pour aller récupérer Cyrille
et ses garçons : nous allons à Ramallah regarder le match France-Écosse au
Mövenpick. Tant pis, la France a perdu…
Retour à Jérusalem : Ramallah n’est pas loin de
Jérusalem, mais c’est toute une expédition, d’autant que des travaux sont en
cours entre le check-point de Jîb et le centre-ville de Ramallah. C’est “Beyrouth” !
À l’aller, nous avons vu un chien se faire bousculer par une voiture : la
collision a arraché le pare-chocs du véhicule et le chien a glissé sur la route
en jappant « kaï, kaï, kaï ! »
Lundi, journée “Patmos”… En sortant le matin, j’ai faille
rouler par terre tellement le vent était fort. La semaine dernière, les
températures étaient si douces et ces jours-ci, on se calfeutre. J’ai lu un
article du P. Dupont sur les Béatitudes dans la littérature égyptienne :
inscriptions funéraires, papyrus,…
Quelques courses en fin d’après-midi… Le soir, célébration
pénitentielle dans l’ermitage de Gethsémani pour les volontaires de la Custodie
italiens et français. Quelques « passagers clandestins » s’étaient
joints et on a passé une belle soirée pleine de miséricorde, dans le jardin
derrière la basilique des nations.
Mardi, grande journée d’exploration avec l’École. Au
programme, nous devions avoir un mardi normal à Jérusalem mais il y a eu un
changement de programme qui nous a fait aller découvrir Jéricho et ses environs.
J’ai découvert plein de choses !
Tout d’abord, nous avons rejoint le débouché du Wadi Qelt :
l’autre dimanche nous y avions laissé la voiture. À cet endroit, il y a le
palais d’Hérode… enfin quand je dis palais, il faudrait le dire au pluriel…
Hérode y a fait édifier successivement trois palais… Alors qu’il y en avait un
construit par les Hasmonéens avant (avec deux ou trois étapes de construction).
Le premier palais, assez modeste, n’a pas été vraiment fouillé. Il fut
construit à proximité du palais hasmonéen alors qu’Hérode tentait de se faire
une place au chaud. Une fois devenu roi, Hérode a remodelé le palais hasmonéen.
On y voit deux grandes piscines.
Dans l’une d’entre elles, Hérode a commis (ou fait
commettre) un de ses premiers assassinats, en l’an 36 av. J.-C. Il venait
de conquérir le pouvoir que lui avait accordé le Sénat romain quatre ans plus
tôt. N’étant pas de famille sacerdotale, Hérode ne pouvait – et ce fut sa
grande frustration – être fait grand prêtre. Pour compenser en partie ce défaut
et légitimer, autant que faire se pouvait, son pouvoir, il avait épousé
Mariamme, une princesse hasmonéenne, petite-fille d’Hyrcan II et d’Aristobule
(II), les deux frères ennemis (ceux qui se mangeaient mutuellement les
oreilles)… Bien qu’adulée par Hérode, Mariamme n’éprouvait que mépris à son
égard : la princesse regardait de haut le parvenu.
Hérode avait nommé grand-prêtre son beau-frère Aristobule
(III). Il espérait ainsi contrôler le Temple. C’était sans compter qu’Aristobule
était jeune (17 ans seulement), beau et surtout immensément populaire… Hérode
ne supporte pas cela, d’autant qu’Aristobule pourrait être un rival sérieux
puisqu’il est de sang royal. Laissons Flavius Josèphe parler… (Antiquités
Judaïques, XV, 53-53).
Piscine du palais de Jéricho, Aristobule y fut noyé |
« Hérode
se rendit à Jéricho pour assister à un banquet que leur offrit Alexandra ;
là il témoigna à Aristobule
la plus grande amitié, le poussa à boire sans réserve, prêt à partager ses
jeux, retrouvant sa jeunesse
pour plaisanter avec lui. Comme l'endroit était excessivement chaud, les
convives sortirent tous ensemble en flânant et vinrent chercher au bord des
piscines – il y en avait de fort
grandes autour de la cour –
un peu de
fraîcheur contre les ardeurs du soleil de midi. Tout d'abord ils regardèrent
nager leurs familiers et leurs amis ; puis le jeune homme se joignit aux
baigneurs, excité par Hérode ; alors certains des amis du roi, auxquels il
avait donné ses instructions, à la faveur de l'obscurité croissante, pesant
sans cesse sur le nageur et le faisant plonger comme par manière de jeu, le
maintinrent sous l'eau jusqu'à
ce qu'il fût asphyxié. Ainsi périt Aristobule, à peine âgé de dix-huit
ans, il était depuis un an grand-prêtre, et Ananel recueillit de nouveau la
charge après lui. »
Hérode pleure à chaudes larmes (de crocodile) la perte de
son beau-frère. Plus rien n’entrave son pouvoir.
Église copte Saint-Zachée et Saint-André |
Après cela, nous avons retrouvé le bus qui nous a emmené à l’église
copte Saint-Zachée et Saint-André, lieu traditionnel de la tombe de Zachée. L’église
est toute petite mais joliment décorée. Des mosaïques recouvrent le sol et
trois trappes laissent voir les tombes : celle de Zachée, celles des « frères
prophètes qui résident à Jéricho » (2R 2,4) et celle du diacre André
et de sa famille…
De là, quelques minutes de bus pour nous rendre au théâtre
hérodien de Jéricho. C’était un petit théâtre privé (seulement 3 000 places)
situé dans le prolongement d’un hippodrome. Donc Hérode pouvait recevoir ses
amis, pour des courses ou des pièces de théâtre…
Encore un peu de bus et nous voici au Tell es-Sultan, LE
site archéologique de Jéricho. Nous avons commencé par un petit film, mais l’effet
“salle obscure” a joué… Je me suis réveillé pendant le Néolithique
pré-céramique A, mais j’ai aussitôt replongé.
Jéricho, située à près de 400 mètres en-dessous du niveau de
la mer, connaît des températures extrêmement chaudes l’été (l’hiver, c’est une
villégiature très agréable) et, dans ce désert, jaillit une source, abondante
(4 000 litres/minute) et pérenne. Autant vous dire que les hommes ne se
sont pas fait prier pour s’installer à côté. Cette occupation, presque
ininterrompue, a provoqué la naissance d’un tell, colline artificielle créée
par l’amoncellement des vestiges humains… Au xxe
siècle, d’importantes fouilles ont eu lieu, notamment par Miss Kathleen Kenyon,
qui creuse la tranchée I et découvre une tour datée de 8 000 ans av. J.-C.
Oui, vous lisez bien, cette tour a 10 000 ans, 100 siècles, 10 millénaires…
À cause de cela, on dit souvent que Jéricho est « la plus vieille ville du
monde ». Pour les fouilles des tells, en Orient, on pratique souvent la
technique de la tranchée. On creuse le tell en taillant à travers la masse et
en relevant précisément toutes les couches superposées ; il faut
documenter avec soin les objets que l’on trouve (céramiques, pièces de monnaies…)
dans chaque couche afin de dater les couches les unes par rapport aux autres.
Tour de Jéricho |
Comme cela on peut connaître l’histoire du site. Maintenant,
la tour qui fait 8 mètres de haut se trouve au fond de la tranchée I qui fait
une bonne quinzaine de mètres de profondeur… Il faut donc se pencher pour voir
la grande tour.
Sinon, le site de Tell es-Sultan déçoit un peu… Il évoque un
tas de poussière dans lequel les prestigieux témoins du passé s’enfonceraient,
victimes du vent, de la pluie, des pas des touristes…
Vue générale du Tell es-Sultan, depuis la terrasse de la Temptation gallery |
Nous avons pris le pique-nique dans la Temptation gallery,
la galerie marchande pour touristes de Jéricho : vieux guides, keffiehs,
étoles et chasubles, produits de la Mer morte…
Encore quelques minutes de bus, arrêt à la Temptation
gallery 2, au pied du monastère du même nom. On est à proximité d’immenses
vergers qui montrent la fertilité de la « ville des palmiers » comme
on surnomme parfois Jéricho.
Nous sommes ensuite allés au Palais d’Hisham. Là encore, un
petit film très bien fait retrace l’histoire du site et des fouilles… En début
d’après-midi, la salle obscure présentait un risque pour le groupe mais j’ai
bien résisté… Il faut dire que le film était un plaisir pour les yeux.
Hisham est un des derniers califes omeyyades (la première
dynastie islamique). Le palais a été découvert à la fin du xixe siècle et au début on
croyait qu’il s’agissait de vestiges byzantins ou croisés, jusqu’à ce que des
fouilles dans les années 30 l’attribuent à Hisham. En fait, aujourd’hui, on
pense que le palais a été construit par son neveu Walid ibn-Yazid.
Hisham est
connu pour sa piété alors que Walid menait grand train et le palais de Jéricho
correspond assez bien à ce que les chroniqueurs de l’époque disaient de lui :
il paraît qu’il prenait des bains de vin pour s’enivrer avec ses effluves
chargées d’alcool. Il avait un harem nombreux… On raconte qu’ivre, il a demandé
à sa concubine de se déguiser en imam pour mener la prière du vendredi… Tout
cela était follement décadent et Walid reste dans l’histoire comme le calife le
plus dissolu.
Rosace omeyyade |
Il n’empêche que le palais qui lui est attribué est
splendide. D’importants vestiges des stucs qui décoraient ses salles sont
exposés au Musée Rockefeller à Jérusalem. Il y a d’abord un grand palais qui a
la même structure que ceux que nous avons visités la semaine dernière à
Jérusalem, au centre Davidson. À côté du palais un grand complexe d’apparat et
de bains. Les archéologues ont dégagés de splendides mosaïques, très colorées,
aux motifs géométriques élaborés. D’une superficie de 850 m², c’est la plus
grande du Moyen Orient. Malheureusement pour nos yeux (et nos appareils photo),
une couche de sable les recouvre pour éviter de les abimer… Nous ne verrons que
la mosaïque du diwan, très connue et souvent reproduite sur les céramiques
arméniennes vendues à Jérusalem. On y reconnaît les gazelles typiques du pays.
Mosaïque du diwan : vie et mort, paix et guerre |
Toute cette splendeur n’a pas duré longtemps : un
tremblement de terre a détruit le palais en 749, alors qu’il était terminé
depuis moins de dix ans… Sic transit gloria mundi.
Puis nous avons continué, encore plus au nord, vers
Archelaion. Sur le bord de la route de la vallée du Jourdain, un œil exercé
distinguera les vestiges d’une cité antique. Marius, un des étudiants,
spécialiste d’architecture byzantine, était passionnée. Ruines d’une église
(une seule nef, qui tend à montrer son ancienneté) et un mausolée (?)…
Il fallait (déjà !) songer à revenir vers Jérusalem, nous
avons tout de même fait une halte au-dessus du monastère Saint-Georges de
Koziba, dans le fameux Wadi Qelt.
Mais nous avons surtout découvert Kypros, une
forteresse hasmonéenne à laquelle Hérode a donné le nom de sa mère. Le site n’est pas
impressionnant sur le plan archéologique : il a été à peine fouillée et l’armée
israélienne y a édifié quelques installations, aujourd’hui abandonnées… Mais la
vue coupe le souffle, on domine Jéricho, la Mer morte. Au loin, on aperçoit le
Djebel Muntar et Hyrcania visités trois semaines plus tôt. On distingue très
bien Nebi Musa et, de l’autre côté, on voit tous les sites visités dans la
journée et surtout les palais hérodiens à nos pieds. Retour au bus, et nous jetons tout de même un coup d’œil au monastère Saint-Georges. Le soleil nous gratifie d'un bel arc-en-ciel.
Jéricho vue de Kypros |
Retour à Jérusalem vers 17 heures… Et soirée calme.
À bientôt,
Étienne+
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