עשה ירח למועדים
ˁaśah yareaḥ lemôˁădîm
ˁaśah yareaḥ lemôˁădîm
Chers amis,
Vous le savez, nous sommes en plein la semaine sainte…
Pourtant, ici en Terre Sainte, nous sommes assez peu nombreux à nous préparer
immédiatement à Pâques… Les chrétiens de rite oriental sont entrés en carême il
y a une semaine seulement et les Juifs vivront les célébrations de Pourîm,
aujourd’hui, demain et après-demain.
En effet, les subtilités calendaires en vigueur ici sont
multiples et je voudrais essayer de vous y sensibiliser sans pour autant vous
plonger dans la confusion.
Le plus ancien des calendriers, c’est évidemment le
calendrier hébraïque. Une année hébraïque compte douze mois lunaires : à
chaque nouvelle lune, un nouveau mois commence. Dans le calendrier hébraïque
ancien, l’année commençait dans le mois de Nisân (cf. Lv 23,5) qui
correspond en gros à notre mars-avril. L’année commençait avec le printemps.
Après l’exil, le calendrier a changé : les mois ont pris des noms
apparentés aux noms des mois babyloniens. Et le début de l’année s’est déplacé
de six mois. L’année commence donc à l’automne par le mois de Tishri. Lors de
ce mois, il y a plusieurs célébrations juives : Rosh haShanah
(littéralement, la Tête de l’Année) fêté le 1er Tishri ; Yom
Kippour (le Jour des Expiations), le 10 de ce mois et la semaine de la Fête des
Tentes (ou Tabernacles, ou Huttes, ou Cabanes…) à partir du 15. En Lv 23,24, tout cela se passe au septième mois de l’année qui est devenu plus tard le
premier.
Petite complication : une lunaison dure 29 jours, 12 h 44’ 3’’ + ⅓ de seconde, le mois
lunaire va donc durer 29 ou 30 jours et une année lunaire (12 lunaisons) compte
normalement 354 jours, soit 11 jours de moins que l’année solaire (365 jours et
XX). Ce qui fait que tous les trois ans, on a un gros mois d’avance. Or, les
fêtes juives sont originellement des fêtes liées aux récoltes (moisson du blé,
de l’orge, des récoltes d’automne…) et elles ne peuvent se célébrer si la
récolte n’est pas faite… On intercale donc régulièrement un treizième mois à la
fin de l’année pour que tout soit dans l’ordre. Aujourd’hui, il y a un cycle,
appelé Cycle de Méton, de 19 ans (19 années solaires = 235 mois lunaires à 1h27’33’’
près) et on intercale un treizième mois appelé Veadar (Adar II, Adar étant le
douzième mois) les 3ème, 6ème, 8ème, 11ème,
14ème, 17ème et 19ème années. Tout cela est
très précis mais vous vous rendez compte que cela arrive 7 fois tous les 19 ans
(plus d’une année sur trois !) Ce n’est donc pas si exceptionnel. À
l’époque antique, on était plus pragmatique et on intercalait le 13ème
mois en fonction de la maturité des moissons.
Cette année est une de ces années à 13 mois. Nous sommes
aujourd’hui (23 mars 2016) le 13 Veadar 5776 (année comptée depuis la fondation
du monde selon la Bible et le Talmud). Cela correspond à la célébration du
jeûne d’Esther, qui prépare la fête de Pourîm. La fête de Pourîm est célébrée
le lendemain, 14 Veadar (s’il n’y a pas de Veadar, Pourîm est célébrée pendant
le mois d’Adar), soit cette année, notre jeudi saint. Et pour simplifier le tout, Pourîm
est célébré à Jérusalem, non pas le 14 Veadar, mais le 15 ! Regardez le lien avec le message posté il y a 9 ans.
La fête de Pourîm commémore l’intervention salvifique de la
reine Esther qui a sauvé le peuple juif de l’extermination décidée par son
mari, le roi Artaxersès, à l’instigation du vizir jaloux, Haman. C’est une fête
assez joyeuse et, ces jours-ci on voit souvent les gens costumés dans la rue
(hier en courant, j’ai attendu au feu rouge à côté d’une lapine…). C’est une
sorte de carnaval auquel presque tout le monde participe. Dans les villes
enceintes d’un mur, la fête est célébrée le 15 Adar alors qu’à la campagne,
elle se célèbre la veille. C’est ce qui est indiqué en Es 9,17-19.
Cette année donc, nous allons vivre le Vendredi saint et en
même temps, les Juifs vont vivre leur carnaval en même temps… Surprises du
calendrier…
Cette année, les Juifs ne célèbreront la Pâque que dans un
mois, à partir du 14ème jour de Nisan (23 avril) et jusqu’au 21ème
(30 avril). En temps normal, nos célébrations pascales coïncident à quelques
jours près.
Deuxième calendrier en usage en Terre Sainte : le
calendrier julien. Comme son nom l’indique, il fut institué par Jules César.
C’est un calendrier solaire : seul le soleil est pris comme référence (on
ne suit plus du tout la lune). Ce calendrier a une année de 365 jours et tous
les quatre ans, un jour supplémentaire est ajouté pour se caler sur les
événements astronomiques (équinoxes et solstices). C’est en gros le calendrier
que nous suivons encore aujourd’hui mais, il y a un mais… Jules César était
intelligent, mais il n’a pas réalisé qu’ajouter un jour tous les quatre ans
c’était trop… Tous les 400 ans environ, il y a 3 jours de trop ! Les dates
du calendrier avaient du retard sur les événements astronomiques… En 1582,
l’équinoxe de printemps (normalement entre le 20 et le 22 mars) a eu lieu le 11
mars ! Le pape Grégoire XIII a pris le taureau par les cornes et a modifié
le calendrier : les années de siècles (1700, 1800…) ne sont bissextiles
que lorsqu’elles sont divisibles par 400… (Ainsi, 1700 n’était pas bissextile
car non divisible par 400 alors que l’an 2000 le fut.). C’est le calendrier
grégorien qui est le nôtre aujourd’hui. Pour recaler les événements sur
l’astronomie, on a supprimé 10 jours dans le calendrier. Pour vous souvenir du
moment où on a changé de calendrier, souvenez-vous que Thérèse d’Avila est
morte dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 : elle est partie au ciel au
moment où on faisait le transfert d’un calendrier à l’autre… Comme ce
calendrier avait été institué par le Pape, les pays non catholiques ont mis du
temps à l’adopter (pays protestants) et les Orthodoxes l’ont carrément refusé
en invoquant les canons du concile de Nicée.
Ce refus explique le décalage qui existe, encore
aujourd’hui, dans les calendriers liturgiques occidentaux et orientaux. Au
départ, le décalage était de 10 jours, il est maintenant de 13 (1700, 1800 et
1900 ont été bissextiles chez les Orientaux, mais pas chez nous). Du coup,
aujourd’hui, les Latins célèbrent l’épiphanie le 6 janvier et les Orientaux
célèbrent Noël le 7 janvier (qui correspond au 25 décembre du calendrier
julien). Pour la même raison la "Révolution d'Octobre 1917" a éclaté le 7 novembre (selon le calendrier grégorien). Et Pâques n’est donc pas célébrée nécessairement en même temps. La
définition nicéenne de la date de Pâques est la suivante : « Pâques
est le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge
le 21 mars ou immédiatement après ». Si l’on n’a pas le même 21 mars, la
pleine lune qui servira de référence n’est pas nécessairement la même et Pâques
n’est donc pas célébré en même temps. Cette année, les Orientaux célèbreront
Pâques le 1er mai ! (L’écart de cinq semaines est maximal).
Quand je dis les Orientaux, c’est pour indiquer que cela ne concerne pas
seulement les Orthodoxes mais aussi les Catholiques de rites orientaux :
grecs catholiques melkites, coptes catholiques, arméniens catholiques… De plus,
dans le pays, les Latins suivent ce calendrier pour manifester plus visiblement
la communion dans la foi en la résurrection (sauf à Bethléem et Jérusalem). Rien
n’est simple.
Dernier calendrier en usage, le calendrier hégirien
(islamique). Il est strictement lunaire : une année fait 12 mois de 29 ou
30 jours, chaque mois commençant lorsqu’on observe la nouvelle lune (problème
en cas de temps couvert !). Et il n’y a pas de mois intercalé pour suivre
les événements solaires (équinoxes et solstices). Cela nous explique pourquoi
le ramadan n’a jamais lieu au même moment de notre année civile : chaque
année, il commence 11 jours plus tôt que la précédente. L’événement de base est
l’hégire, la fuite de Mahomet à Médine en 622. Les musulmans sont en l’an 1437,
1437 années lunaires que l’hégire a eu lieu. Comme leurs années sont plus
courtes, ils avancent plus vite et, un jour, leur millésime rattrapera le nôtre
(on a le temps, en 20 875 !)
Parfois on a des conjonctions pour le moins étranges : cette année, le 24 décembre, les musulmans commémoraient la naissance de Mahomet ; le lendemain les chrétiens de rite latin célébraient solennellement l’Incarnation du Fils de Dieu parmi les hommes, Notre Seigneur Jésus-Christ né à Bethléem de Judée. Deux naissances mais deux significations diamétralement opposées.
Parfois on a des conjonctions pour le moins étranges : cette année, le 24 décembre, les musulmans commémoraient la naissance de Mahomet ; le lendemain les chrétiens de rite latin célébraient solennellement l’Incarnation du Fils de Dieu parmi les hommes, Notre Seigneur Jésus-Christ né à Bethléem de Judée. Deux naissances mais deux significations diamétralement opposées.
Et cette année encore, le 5 mai, les musulmans se
rappelleront de l’ascension de leur prophète et les Latins contempleront l’Ascension
glorieuse du Fils de Dieu, le Verbe incarné, mort et ressuscité. Là aussi, un
même mot pour deux événements si dissemblables dans leur signification.
Voilà pour les quatre principaux calendriers…
Mais on peut aussi considérer le calendrier copte qui
fonctionne sous l’ère des “martyrs”, leur année d’origine est l’an 284,
accession au trône de Dioclétien, le dernier empereur persécuteur ; celui
des Arméniens pour lesquels tout commence en 552 lorsque fut consommé le
schisme monophysite et les éthiopiens qui comptent les années à partir de la
naissance de Jésus mais à partir d’un calcul différent du nôtre qui dit que
Jésus est né en l’an 8 de notre ère…
Vous vous dites peut-être que c’est compliqué mais ce mot
est celui qui ressort le plus souvent dans nos bouches d’occidentaux
cartésiens. Dans l’Antiquité, c’était encore plus subtil puisque chaque
royaume, empire, principauté avait son propre calendrier et comptait les années
à partir de l’accession au trône du roi mais de manière différente selon le
temps et les lieux. Cela donne du grain à moudre à nos amis les historiens… J’ai
eu l’occasion de m’en rendre compte avec le cours que je suis le mercredi
matin.
Calendrier Terra Santa |
Pour aujourd’hui, heureusement que les Franciscains viennent
à notre aide : la Custodie de Terre sainte publie chaque année un
calendrier Terra Santa, pour lequel seule la connaissance de l’italien
est utile (c’est toujours plus facile que l’arabe, l’hébreu, le grec, le copte,
le guèze et l’arménien).
Petite leçon avec la page d’aujourd’hui. La date apparaît à
gauche selon le calendrier grégorien (le nôtre !) [1] ; quand c’est
utile la phase de la lune est indiquée (avez-vous remarqué que c’est la pleine
lune aujourd’hui !) [2] ;
En dessous [3], on indique les saints du calendrier (Saint Turibio
de Mogrovejo, évêque de Lima, saints Victorien et Frumentius, martyrs et sainte
Rafqa, moniale maronite.)
En bleu, ce sont les serviteurs de Dieu dont la Custodie
conduit la cause de béatification : un grand nombre de franciscains sont
morts martyrs pour accomplir leur mission de gardiens des lieux saints, souvent
ils sont anonymes ou bien on sait très peu de chose à leur sujet.
En dessous [4], les éventuelles célébrations propres à la
Custodie. Ainsi, aujourd’hui, à Jérusalem, il y avait une messe solennelle à Gethsémani,
à 7h (pour les lève-tôt) au cours de laquelle a été chantée la Passion de
Notre-Seigneur Jésus-Christ ; à la même heure au Saint-Sépulcre, une messe
solennelle avec le même chant de la Passion suivie de la procession quotidienne
(bon à savoir car la procession quotidienne a lieu habituellement dans l’après-midi).
À 9h, exposition et vénération de la colonne de la Flagellation dans la
chapelle du Saint-Sacrement et à 16h, l’office des Ténèbres.
Comme cela, les fidèles sont informés et peuvent participer
aux célébrations.
Dans la colonne de droite, on donne la date dans les autres calendriers :
[5] Calendrier julien, avec les saints du jour ;
[6] Calendrier copte avec les saints du jour ;
[7] Calendrier éthiopien ;
[8] Calendrier arménien ;
[9] Calendrier musulman ;
[10] Calendrier hébraïque avec les éventuelles célébrations.
Sinon, aujourd'hui, bibliothèque et cours sur la chronologie hérodienne. Dans l'après-midi, j'ai rencontré mon directeur. En sortant de l’École, j'ai vu un tas de grosses voitures à plaques blanches (immatriculations diplomatiques). Il y avait le consul de Belgique et le consul de France. Une petite célébration pour prier pour les victimes des attentats de Bruxelles. Le patriarche émérite Mgr Michel Sabbah et quelques évêques orthodoxes. Je suis resté un petit moment.
Sinon, aujourd'hui, bibliothèque et cours sur la chronologie hérodienne. Dans l'après-midi, j'ai rencontré mon directeur. En sortant de l’École, j'ai vu un tas de grosses voitures à plaques blanches (immatriculations diplomatiques). Il y avait le consul de Belgique et le consul de France. Une petite célébration pour prier pour les victimes des attentats de Bruxelles. Le patriarche émérite Mgr Michel Sabbah et quelques évêques orthodoxes. Je suis resté un petit moment.
Sur ces considérations, bonne et sainte nuit !
Bonne célébration de la Cène du Seigneur !
Étienne+
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