lundi 14 octobre 2019

Adore Dieu ! (Ap 19,10 ; 22,9)

ܠܐܠܗܐ ܣܓܘܕ
lălāhā səgūḏ

L’autre jour, lors de la messe à la maison d’Abraham, j’ai – je dois le confesser… – eu quelques distractions en regardant la fresque qui orne le mur du chœur. Elle est riche, pleine de symboles et d’inscriptions. À la fin de la messe, je l’ai prise en photo pour en faire ensuite une description.

Tout autour

Une phrase encadre la fresque :
Dignus est agnus qui occisus est accipere virtutem et divinitatem et sapientiam et fortitudinem et honorem et gloriam et benedictionem.
« Il est digne l’Agneau immolé de recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange ! » (Ap 5,12)

Au centre de la fresque

Le Christ glorieux, couronné d’or et crucifié porte une sorte d’étole qui lui barre le torse, serre sa taille et tombe sur le côté gauche. Y sont gravés les mots latins : Rex regum D(omi)nus dominantium. C’est la version latine du nom du Christ dans l’Apocalypse 17,14 et 19,16 : « Roi des rois et Seigneur des seigneur ».
Au pied de la croix, deux cerfs boivent à la source qui jaillit, pour illustrer la phrase du Psaume 41 (42),1 : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu ».
Aux bras de la croix sont suspendues les lettres grecques Α (alpha) et Ω (ôméga) (cf. Ap 1,8 ; 21,6 ; 22,13) ; première et dernière lettres de l’alphabet grec, elles symbolisent le Christ, commencement et fin de toute chose.
Au-dessus de la croix la colombe du Saint-Esprit comme le décrit l’évangile du baptême du Seigneur.
Autour du Christ, les quatre vivant de l’Apocalypse 4,6-9. Chacun tient un cartouche : deux portent une inscription en latin, deux en syriaque. Elles sont la traduction les unes des autres.
ܐܡܝܢ         אמן            Amen
ܗܠܠܘܝܐ      הללויא         Alléluia
La croix et les quatre vivants sont insérés dans une mandorle (une grande auréole en forme d’amande, mandorla en latin), signe de la gloire de Dieu.
Tout au sommet, une main auréolée et dans un geste de bénédiction est entourée de la phrase latine : hic est Filius meus dilectus. C’est une citation de Mt 3,17 : « Celui-ci est mon fils bien aimé », prononcé par la voix du Père au moment du baptême du Seigneur. La phrase revient en Mt 17,5 et 2P 1,17 qui racontent l’épisode de la Transfiguration.

De part et d’autre de la croix

À la droit du Christ, on voit la Mère de Dieu resplendissante de soleil, la lune sous les pieds et sur la tête, une couronne-auréole de douze étoiles. Elle se tourne vers son Fils. Son attitude peut rappeler celle de Notre-Dame de Guadalupe au Mexique. Elle est, de toute façon, inspirée par la vision de la Femme d’Apocalypse 12,1.
À gauche du Christ, un ange thuriféraire se tourne vers le Christ. Il tient dans sa main gauche une navette contenant de l’encens, et dans sa main droite un encensoir fumant pour adorer le Christ.

Au registre inférieur

Une frise de six personnages liés à la maison d’Abraham qui a été fondée dans un ancien monastère bénédictin, propriété de l’Église syriaque catholique de Jérusalem.

À gauche,

Les trois personnages portent un livre avec une inscription en syriaque (langue sémitique du Proche-Orient, appartenant au groupe des langues araméennes, elle est toujours parlée dans certaines Églises orientales). Ils sont tous liés à l’Église syriaque. De gauche à droite :

Saint Éphrem le Syrien

EPHREM AC. : Encore appelé Éphrem de Nisibe (306-373), diacre syrien et théologien. La beauté de ses hymnes (plus de 400 !) l’a fait surnommer la “harpe du saint Esprit”. Proclamé Docteur de l’Église en 1920.
ܡܘܡܐ ܒܟ         מומא בך                 De défaut en toi
ܡܪܝ ܠܐ ܐܚܬ       מרי לא אחת             !Seigneur, pas même un
ܘܠܐ ܒܘܬܡܬܐ     ולא בותמתא              Et pas de tâche
ܒܐܡܟ             באמך                      !en ta mère
Cf. Carmina Nisibena XXVII, 8. Ce témoignage d’Éphrem le syrien est, selon certains théologiens, la plus ancienne expression du privilège de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, ou en tout cas la préservation du péché dont la Vierge Marie a joui.
Aux pieds de S. Éphrem, un encensoir fumant.

Saint Ignace d’Antioche

IGNATIUS ANT. : Né vers 35 en Syrie, mort en 107 ou 113 à Rome. Il fut le troisième évêque d’Antioche de Syrie. En route vers Rome où il allait être mis à mort, il a laissé une série de lettres aux Églises d’Asie qui sont un des premiers témoignages d’une théologie eucharistique. Il est revêtu du pallium, signe de la communion de l’archevêque avec le pape.
ܚܕܡܘ ܐܠܗܐ      חד  הו  אלהא          Il est seul Dieu
ܝܫܘܥ ܡܫܝܚܐ      ישוע  משיחא           Jésus Christ 
ܕܒܚܘܒܗ           דבחובה                 dans l’amour de qui 
ܚܝܐ ܐܢܐ          חיא  אנא                je vis
Actes du martyre d’Ignace d’Antioche, ce texte datant du début du Moyen Âge est souvent considéré comme peu fiable par les historiens. Il en existe deux recensions qui ont ensuite été traduites en grec et/ou en latin.
καὶ εἷς Χριστὸς Ἰησοῦς, ὁ Υἱὸς τοῦ Θεοῦ ὁ μονογενής οὗ τῆς βασιλείας ὀναιμεν
Et unus Christus Jesus, Filius Dei unigenitus, cujus regno utinam fruar!
Martyrium Ignatii (recension syriaque), PG V, col. 981-982.

Et unus unigenitus Jesus Christus Filius ejus, cujus amicitiam acquisivi
Martyrium Ignatii (recension latine), PG V, col. 989.

Saint Jean, l’évangéliste.

JOANNES EV. : Un des douze apôtres de Jésus, “Celui que Jésus aimait”, on lui attribue l’écriture de l’Évangile selon saint Jean, de trois lettres et de l’Apocalypse.

ܠܐܠܗܐ ܣܓܘܕ  לאלהא סגוד  !Adore Dieu

Citation dApocalypse 19,10 et 22,9 : un ange invite saint Jean à l’adoration.


À droite,

Trois moines d’Occident portant un livre avec une inscription en latin. Ils sont tous liés à la règle de saint Benoît. De gauche à droite :

Saint Benoît

BENEDICTUS AB. : Benoît de Nursie (480-547), fondateur de l’ordre bénédictin, auteur de la fameuse Règle qui porte son nom, il est appelé Père des moines d’Occident.
Domino Christo vero Regi militaturus
« Pour servir le Seigneur Christ, roi véritable », citation de Règle, Prologue 3, avec l’idée de service à la manière d’un soldat.

Saint Anselme

ANSELMUS DOC. : Appelé Anselme d’Aoste, ou Anselme du Bec, ou Anselme de Cantorbéry. Né à Aoste (Italie du Nord) en 1033 et mort à Cantorbéry (Angleterre) en 1109. Moine à l’abbaye bénédictine du Bec-Hellouin (Eure, Normandie), il devient archevêque de Cantorbéry en 1093, d’où le pallium archiépiscopal qu’il porte. C’est l’un des grands théologiens et philosophes médiévaux. Proclamé docteur de l’Église en 1720.
Credo ut intelligam
« Je crois afin de comprendre », citation du chapitre 1 de son œuvre Proslogion. La phrase complète est Neque enim quaero intelligere, ut credam ; sed credo, ut intelligam. (Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, mais je crois afin de comprendre.)

Saint Bernard

BERNARDUS AB. : Bernard de Clairvaux, né à Fontaine-lès-Dijon (Côte-d’Or) en 1090 et mort à Clairvaux (Aube) en 1153. Entré en 1112 à l’abbaye de Cîteaux, il va donner à cet ordre fondé en 1098, un dynamisme et un rayonnement exceptionnel. Proclamé docteur de l’Église en 1830.
Nomen eius gloriam indicat majestatis
« Son nom indique la gloire de sa majesté », Sermons “in Circumcisione Domini”, I, 2 (PL 183, col. 133).
Aux pieds de S. Bernard, le chiffre du peintre (dont jignore le nom) et la date (1936) à laquelle la fresque a été réalisée.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cette fresque est tellement riche en symboles qu'elle excuse, voire provoque, la distraction.
Surtout lorsqu'on connaît le sujet de ta thèse !
Malou.