lundi 9 janvier 2017

Le vent froid du nord souffle (Si 43,20)

ψυχρὸς ἄνεμος βορέης πνεύσει 
Psychros anemos boreès pneusei

Chers amis,
Bonne et sainte année à vous tous !
Avec cette nouvelle année, j’ai l’occasion de retourner à Jérusalem... Ce sera essentiellement un séjour d’étude même si des retrouvailles amicales sont prévues. Je passé donc trois semaines à Jérusalem pour préparer et présenter ma “leçon doctorale” à l’École Biblique : il s’agit d’un exposé d’une heure au cours duquel je devrai présenter les grandes lignes de mon projet de recherche (problématique, méthode, axes de travail) et montrer qu’il est cohérent et viable par un exemple précis. Après validation (ou pas !) de cette leçon, il me faudra passer à la rédaction de la thèse proprement dite, avant de penser la vraie soutenance ! Préparez prie-Dieu, cilices et chapelets pour le lundi 23 janvier à 16 h 00 (17 h 00, heure de Jérusalem).
La semaine qui a précédé mon départ, je ne me suis pas ennuyé. Lundi, ménage (c’était pas du luxe), marché provençal à Saint-Didier (ultra important pour le contact pastoral : bonjour, monsieur. Les affaires marchent bien ? Bonne année !... et surtout la santé. Un pot de miel, s’il vous plait). L’après-midi, je reçois quelques paroissiens (priez pour eux !).
Mardi et mercredi, après une messe matutinale aux Chênes, je me pose deux jours complets au Studium pour travailler. Une petite interruption tout de même pour quelques passes de rugby avec les séminaristes. Je suis content, mon épaule qui tire un peu ces temps-ci ne me fait pas mal. Il faut dire que j’ai joué avec la brutalité d’une dentellière.
Jeudi, matinée calme propice à la paperasse (factures de la paroisse, mise à jour d’actes de baptême, statistiques paroissiales de 2016…), messe à la maison de retraite puis groupe de réflexion et de partage. Nous avons parlé du roi David.
Vendredi matin, rangement divers (angoisse matinale : je ne retrouve plus mes clés ; je finis par les découvrir dans le placard de la bibliothèque... Improbable mais elles sont là.) Cours d’hébreu avec les étudiants que j’aurais au second semestre : la prof est tétanisée par ma présence ! Après-midi KT avec les CM2, puis re-groupe de réflexion et de partage. Les gens avaient dû se dire que, 6 janvier oblige, quelqu’un apporterait une galette ou une brioche des rois... Eh bien non! Nous n’avons eu que du salé.
Samedi, messe à Sainte-Garde avec les nouveaux professeurs, surveillants, etc. des établissements sous tutelle NDV. Je file vite après la messe car je retrouve les fiancés de la paroisse. Très bon échange sur la vie de couple (communication, projet de vie, prière) avec deux jeunes paroissiens, dont le témoignage correspond tout à fait au thème. Merci à eux !
Puis Daniel m’embarque et me dépose à la gare TGV, nous grignotons un sandwich. Je monte dans mon train qui est presque vide. Lecture dans le train. Autant la Provence était lumineuse et glaciale, autant Paris est gris, froid et humide. Je me rends chez ma sœur Blandine, près de la station Commerce. Je goutte les joies d’une grosse valise en montant au 5ème sans ascenseur ! Thé et papotage avant de reprendre avec Blandine le métro vers Olympiades. Christophe et Anne-Cécile ont quitté Jérusalem il y a six mois après trois belles années dans la Ville sainte et les voilà de retour dans la « grisâille pârisiênne ». C’est l’occasion de retrouver Henri, leur fils, ancien du Jeune Amandier, que j’avais préparé à la confirmation l’année dernière. Il a encore grandi (Quo non ascendet ?) et mûri. Bon repas et retrouvailles ; évocation de souvenirs montpelliérains et hiérosolymitains. Retour chez Blandine, installation du dodo.
Réveil à l’heure où Paris fait de même, une demi-heure plus tard, Marcel vient me chercher. En fait, il s’appelle Boukary (Marcel, c’est le nom de la boîte de taxis). 6h03, il me dépose et j’accomplis les formalités. En regardant autour de moi, j’imagine qu’on a dû organiser à Tel Aviv, une convention des sosies de Barbra Streisand.
Installation dans l’avion. Je suis du côté du hublot et profite de la vue (Venise) malgré mon placement au niveau de l’aile. Il faut patienter car mes deux voisines ont dû prendre l’option Stilnox et n’interrompent leur sommeil que pour prendre une tisane (peut-être du papaver somniferum ?). Je commence à regretter le demi-litre d’eau absorbé en vitesse avant les contrôles de sécurité.
Je passe le temps à prier et à bouquiner un livre attrapé au moment du départ sur l’étagère de Blandine : La romancière et l’archéologue d’Agatha Christie. La fameuse Reine du crimeavait, en effet, épousé en secondes noces un archéologue de quinze ans plus jeune qu’elle et l’a accompagné dans bons nombres de ses chantiers de fouille en Irak et en Syrie. Même habituée aux côtés les plus sombres de l’être humain, en bonne britannique, elle ne se départit jamais de sa capacité à analyser les situations, de son génie narratif et surtout de son sens de l’humour. Il y a dix ans, j’avais lu son autobiographie qui est si drôle elle aussi. Bonne lecture estivale pour se cultiver sans se prendre la tête.
Sur le coup de dix heures, un homme se lève, et s’affuble d’un talith et de phylactères. Un livre est rapidement sorti et la prière commence. Effet de groupe ? Sans doute, car un bon paquet de messieurs s’y mettent, à la suite du premier. Nulle discrétion dans cette activité, il s’agit de s’incliner sans cesse pendant une vingtaine de minutes en disant les prières prescrites à toute allure... La récitation des laudes et du milieu du jour ne donne pas lieu à de telles manifestations extérieures.
L’avion arrive avec un quart d’heure de retard. Nous survolons Apheq, visité en mai dernier.
Les formalités d’entrée dans le pays sont rapides, je récupère ma valise, j’avale un sandwich.
Sherout (sourire non contractuel)
Le sherout (taxi collectif) arrive vite, je monte mais il attend presque une heure un hypothétique dixième passager qui finit par condescendre à monter dans le véhicule. Nous montons à Jérusalem par la route 443 qui passe par Modi’in (la ville des Macchabées) et la Cisjordanie. Nous faisons même un bref arrêt au check-point d’El-Jîb que j’ai déjà franchi les quelques fois où je suis allé à Ramallah. Je découvre quelques quartiers de Jérusalem qui m’étaient encore inconnus. Les habitants sont des juifs très religieux.
La civilité ordinaire des locaux fait encore ses preuves durant le trajet : deux des passagers ont passé un bon moment à “morigéner” le chauffeur parce qu’il n’était pas passé par la bonne route pour aller à Pisgat Ze’ev. Le peu que je comprends de l’hébreu évoquait un langage fleuri dont on aurait peine à retranscrire la franchise dans nos relations franco-françaises. Quand on n’est pas d’accord avec le chauffeur, soit on subit, soit on lui pose une question bien tournée : « N’aurions-nous pas pu prendre cet itinéraire alternatif ? » ou alors on s’étonne : « Ah, vous passez par là, c’est original ! ». Dans le sherout, adieu le savoir-vivre ! « Tu fais n’importe quoi ! Qui t’as appris ton boulot ? Tu es sûr de connaître Jérusalem ? T’es payé à rien foutre ! » et les réponses du chauffeur : « C’est moi qui conduis ; tu la fermes ! Je fais ce que je veux avec mon taxi ; mêle-toi de tes affaires… ». Je dois avouer que pour les autres passagers, c’est plutôt inconfortable d’être témoins de la conversation qui se fait à très haute voix. Je pense que le chauffeur s’est vengé en les déposant en dernier. J’étais l’avant-dernier. J’ose à peine imaginer l’ambiance dans le fourgon une fois que ce qu’il restait de peur du qu’en-dira-t-on s’est évanoui en même temps que le dernier témoin muet est descendu…
Le sherout me laisse donc devant Notre-Dame et j’arrive devant le portail. Les dernières fois, j’étais toujours arrivé au milieu de la nuit ou presque, il m’avait fallu attendre un moment que le portail s’ouvre. Je me disais qu’en arrivant en milieu d’après-midi, je ne serai pas victime de cette attente. Eh bien si ! Nous étions dimanche… Pas de portier l’après-midi. Finalement, je réussis à me connecter aux lambeaux du WiFi du Collège, échange quelques messages avec Fr. Daoud qui est au Liban... En plus, le croiriez-vous, il fait un froid vif et pénétrant en ce moment. La maison est un frigo. On se croirait à Avignon, un jour de décembre par temps de mistral...
Le portail finit par s’ouvrir lorsque la voiture du manager du Collège vient se garer. Son passager a la clé de la loge du gardien… Nous appuyons sur toutes les touches du téléphone et j’arrive à contacter Fr. Luis. En fait, il m’a attendu jusqu’à 16 heures et je suis arrivé entre 16 h 05 et 16 h 10 !!! Quelle malchance. En attendant, j’ai eu tout loisir d’observer les décorations de Noël, elles sont encore plus élaborées que l’année dernière. Même dans ma chambre on se croirait dans une boîte de nuit.
Surtout avec la belle couverture peau de tigre qui orne mon lit.
Du coup, je n’ai plus le temps d’aller à la messe à l’extérieur et je célèbre seul dans la chapelle des Frères. Ici à Jérusalem, c’est le baptême du Seigneur. Pour éviter de manquer l’Épiphanie cette semaine, je l’ai donc célébrée vendredi à l’église de Saint-Didier.
Je vais manger avec Marie des Neiges chez Catherine, correspondante de Routes Bibliques à Jérusalem. Bon repas (français !) et bonne discussion. Je ne pars pas trop tard car le sommeil me gagne.
Lundi, levé à 6 heures, je célèbre les laudes avec Fr Luis. Je prie et arrive à la bibliothèque vers les 9 heures. Matinée studieuse dont le début est consacré à la restauration de mon fonds de bibliothèque : commentaires, monographies, éditions de textes que je rassemble à mon bureau. L’après-midi, je m’attelle au traitement de B2, la fameuse deuxième béatitude de l’Apocalypse citée dans de nombreuses versions de la liturgie des funérailles : « Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur,– oui, dit l’Esprit – qu’ils se reposent de leurs peines car leurs œuvres les accompagnent » (Ap 14,13).
Voici celui que j’ai chanté à Fribourg, extrait du Requiem de John Rutter (1985). [Les images sont belles comme un fond d’écran Windows, mais vous pouvez fermer les yeux et écouter…]

À bientôt,
Étienne+

6 commentaires:

Unknown a dit…

Contente de voir que tu as apprécié le bouquin d'Agatha Cristie !

Unknown a dit…

Contente de voir que tu as apprécié le bouquin d'Agatha Christie !

Unknown a dit…

Nous penserons très fort à vous le 23 janvier.
Amicalement Leïla

Anonyme a dit…

J'adore te lire Etienne ! tu as un humour décapant !
J'imagine très bien la scène dans le sherout !
Bises frérot !

Anonyme a dit…

J'adore te lire Etienne ! tu as un humour décapant !
J'imagine très bien la scène dans le sherout !
Bises frérot !
Guilhemette

Unknown a dit…

Je me suis souvenu dans le froid Beuxellois que tu avais ce blog. Je profite de mon trajet en train pour te lire.
Bon séjour.
Roch