dimanche 15 janvier 2017

Près de Jérusalem, à un chemin de sabbat (Ac 1,12)

ἐγγὺς Ἰερουσαλὴμ σαββάτου ἔχον ὁδόν
engus Ierousalèm sabbatou echon hodon

Chers amis, 
Vendredi, dans le ventre du navire ÉBAF, les choses se mettent en place… J’ai célébré la messe à l’École avec la communauté dominicaine. En effet, le vendredi est jour de congé chez les Frères et je ne leur célèbre pas la messe (mais ils se débrouillent avec l’une ou l’autre des nombreuses messes célébrées à Jérusalem : ils vont même parfois chez les catholiques de rite orientaux).
En fin d’après-midi, je suis allé courir sur mon circuit habituel. En passant derrière l’hôtel de police, j’entendais des cris perçants et je me demandais d’où cela pouvait bien venir… Au moment où je parvenais à la rue des Prophètes, j’ai compris. C’était des juifs ultra-orthodoxes qui étaient là (Mea Shearîm, leur quartier emblématique, est à deux pas). Ils hurlaient aux voitures qui passaient : Shabbes ! Shabbeeeeeees ! Ça veut dire shabbat en yiddish.
Ça ressemblait à ça !
Guy Delisle, Chroniques de Jérusalem p.235
Les gamins n’étaient pas en reste… Franchement, je me suis dit que certains ont des distractions pas vraiment folichonnes pour un soir de fête… Du coup, je me suis un peu dérouté pour éviter que mon footing ne cause une lapidation immédiate. C’est vrai que je ne suis pas très loin du lieu du martyre de mon saint patron, mais tout de même… Le martyre, c’est la haine de la foi, pas du footing…

Le soir, j’avais rendez-vous avec quelques amis à la pizzeria Azzahra (“la fleur” ?), qui se vante d’être « la meilleure pizza hors d’Italie ». De fait, la pizza est très bonne et la petite dose d’exagération orientale donne le label qui va bien…
Échange de nouvelles, rires. L’un des convives venait de perdre sa maman et nous en avons pas mal parlé. En revenant chez nous, nous n’arrivions pas à nous séparer.
Samedi matin, bibliothèque. Le Collège avait congé pour cause de Jour de l’an dans le calendrier julien : c’était le 1er janvier des orthodoxes. L’année dernière, j’avais réalisé que la multiplication des jours de fête et de congé dans les différentes confessions chrétiennes n’aidait pas à motiver les troupes pour travailler à l’unite. Et l’après-midi, je suis allé, conformément à mon habitude, faire un grand tour. Mes pas m’ont porté à la Reading Station de German Colony. Il n’y avait vraiment pas grand-chose d’intéressant. Aussi passionnant qu’un livre d’un capitaine de l’armée des États-Unis qui décrivait ses difficultés à se tenir à son régime sans gluten en Afghanistan... J’ai tout de même dégotté un guide pratique de la cashrout (les règles alimentaires juives). J’ai un peu feuilleté ; Dieu que c’est compliqué ! J’ai continué par la vallée des gazelles (rien vu !). Je suis rentré sur le site à 16 h 07 et le type m’a bien fait comprendre que ça fermait à 17 h 00… Il avait l’air pressé de rentrer à la maison. Ensuite, j’ai croisé une femme juive et sa tenue m’a surpris… De loin, ça évoquait la fantaisie colorée du tchador iranien et, en fait, c’était tout à fait ça. S’il n’y avait pas eu les enfants en tenue plus traditionnelle (kippa, pe’ot, tsitsit…), je n’y aurais pas cru. Après renseignements, il s’agirait d’un mouvement lancé par une rabbanit (épouse de rabbin), spécialiste en médecine alternative et mère de dix enfants (une figure assez controversée...). On croise peu de ses membres car, évidemment, sortir dans la rue vous expose à la concupiscence des hommes. Elles ne parleront jamais avec un homme, ne prennent pas le bus, le taxi seulement si le chauffeur est une femme et, à la cashrout traditionnelle, elles ajoutent la nourriture macrobiotique…
Ce dimanche, messe à la paroisse dans la matinée, un peu de repassage. À midi, nous sommes partis vers Beth Jala, une petite ville aux environs immédiats de Bethléem. Nous étions invités à manger chez la sœur de Frère Daoud ; les trois pères lazaristes qui viennent dire la messe le mardi étaient là aussi : le P. Khalil, libanais ; le P. Stanislas, slovaque (il connaît un prêtre de Notre-Dame de Vie là-bas !) et le P. Venture, un camerounais missionnaire en Russie et avec lequel j’ai étudié au Biblique. (Nous avons passé quatre ans – 2004-2008 ! – dans la même institution et, à ma grande honte, nous n’avons jamais eu l’occasion de nous adresser la parole !). Il y avait aussi les quatre enfants, le beau-frère, un frère de Daoud et sa femme. L’apéritif a été gargantuesque et je craignais la suite… Heureusement, il n’y a eu qu’un mensaf (riz, amandes et pignons, et une sauce à base de yaourt cuit), un truc déjà bien bourratif. Puis nous avons pris le café. Dans le pays, les gens n’ont pas l’habitude d’avoir un dessert (les sucreries, c’est plutôt pour le goûter ou pour une éventuelle collation).
Colonie de Har Ḥoma, vue de l'Université
Ensuite, le frère Rafael m’a déposé à l’Université de Bethléem. J’avais rendez-vous avec le Frère Daniel qui logeait au Collège l’année dernière mais est à l’Université cette année. L’université a été fondée en 1973 et est la plus ancienne de Cisjordanie. Elle est située au point culminant de la ville. Daniel m’a montré la terrasse de la maison où habitent les Frères (ce sont principalement des Américains, Australiens et Néo-Zélandais). Au nord, on voit la colonie de Har Ḥoma et le monastère de Mar Elias, situé à mi-distance entre Jérusalem et Bethléem. Derrière, on pouvait voir le sommet de la tour du YMCA, mais c’est tout ce qu’on voit de Jérusalem. Au sud-est, la basilique de la Nativité cache l’Hérodion. On a entendu plusieurs détonations provenant du camp de réfugiés d'Aïda (rien à voir avec les trompettes, plutôt les tambours...)
Puis tour de l’Université, centrée sur les bâtiments de l’École des Frères, datant de la fin du xixe siècle. À la fondation de l’Université, l’École a déménagé à proximité du séminaire des Pères de Bétharram et du Carmel de sainte Mariam Baouardi (مريم بواردي). La chapelle est dédiée à l'Enfant-Jésus et les fresques du chœur représentent les Saints Innocents. Au fronton de la chapelle, il y a une statue de l'Enfant-Jésus qui fait tout de même trois mètres de haut (beau bébé !). Évidemment, peu à peu, d’autres bâtiments ont été construits. Ils sont situés juste à côté de la Guest House des Sœurs de saint Vincent de Paul, où j’avais logé en 2014 avec les Prêtres de Notre-Dame de Vie.
Les Saints-Innocents dans la chapelle

Retour en bus sans problème (l’arrêt est à 200 mètres de l’Université et il m’a déposé entre la Porte de Jaffa et la Porte Neuve). Avant de rentrer, j'ai constaté que le sapin de Noël de la rue, qui ce matin était encore magnifique, avait été remballé. Seule, la structure métallique reste en permanence.
Repas simple avec les Frères (il faut encore digérer le mensaf de midi)...
À bientôt,
Étienne+

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