We’atta Beth-Lehem ’Ephrata, tsa‘îr lihyôth be’alphê yehûda
וְאַתָּה בֵּית־לֶחֶם אֶפְרָתָה צָעִיר לִהְיוֹת בְּאַלְפֵי יְהוּדָה
Chers amis,
Vous
le voyez la situation ne s’apaise pas du tout même si on ressent le contraire, ici à Jérusalem.
Dimanche,
à midi, j’ai célébré la messe pour la communauté des Frères des Écoles
chrétiennes. Ils reçoivent en ce moment la visite du Frère visiteur, le Fr.
Fadi. Il est libanais et visite les communautés de la Province du Proche-Orient
(Turquie, Liban, Terre Sainte, Jordanie, Égypte, Sud-Soudan). Tous ceux de
Jaffa, de Bethléem, de Jérusalem et le Fr. Albert d’Amman étaient là. Après la
messe un excellent repas a été servi, préparé par Suzanne, la cuisinière des
Frères. Les conversations étaient surtout tenues en anglais puisque les
Bethléémites sont majoritairement anglophones (USA, Australie). Du coup,
l’après-midi n’a pas été consacrée aux visites mais à la digestion.
Hier,
journée studieuse à fond de cale au milieu des livres. Ma table de travail est
partagée en quatre compartiments isolés (un peu comme dans un bureau en open
space) ; ma voisine n’est pas pénible (je ne connais même pas son
visage). En revanche, le couple d’en face, est relativement bruyant : ils
arrivent en même temps, repartent en même temps et je les entends arriver dans l'escalier. Pour pallier le bruit, les
bouchons d’oreille sont très efficaces.
Mardi,
première excursion dans le pays… Nous sommes allés autour de Bethléem. Le
départ était plus que matinal à 7 h 30. La sortie de Jérusalem s’est
faite assez facilement. On a tournicoté un moment pour entrer en territoire
palestinien. Au départ, nous avons vu les vasques de Salomon. Il s’agit d’un
ensemble de 3 immenses bassins, destinés à récolter l’eau qui était ensuite
conduite par deux aqueducs jusqu’au Temple de Jérusalem. Malgré leur nom, les
vasques ont 800 ans de moins que le sage roi Salomon, et sont en fait l’œuvre
des Hasmonéens (la dynastie juive, issue de Judas Maccabée, qui a régné de 164
à 37 av. J.-C.). L’aqueduc mesure 21 kilomètres et son point de départ n’est
situé qu’à 30 mètres au-dessus du point d’arrivée… Hérode a ajouté un second
aqueduc. Mais nous n’avons fait que passer.
Nous
avons rejoint la Basilique de la Nativité à Bethléem que le Fr. Stéphane,
ancien gardien du couvent des Franciscains de Bethléem nous a fait découvrir,
littéralement de la cave au grenier.
Il a d’abord présenté l’histoire du bâtiment : Constantin fit construire une première basilique, détruite par les Samaritains, en révolte contre les Byzantins. L’empereur Justinien (empereur de 527 à 565) la fait reconstruire et le bâtiment n’a plus jamais subi de changements de structure. Les Perses l’ont épargné en 614, car ils s’étaient reconnus dans la représentation des rois mages, venus d’Orient et habillés à la mode perse. Les musulmans aussi puisqu’ils considèrent Jésus comme un prophète. Les croisés ont rajouté quelques voûtes et un cloître au xiie siècle.
Aujourd’hui,
la basilique est utilisée à la fois par les Grecs orthodoxes, les Latins
(franciscains) et les Arméniens orthodoxes. Le Fr. Stéphane a mis en valeur
l’œcuménisme que dégage la Basilique (dimension qui n’apparaît pas au premier
coup d’œil…) et de fait, nous avons pu voir que les relations avec les uns et
les autres sont bonnes. Le Fr. Stéphane saluait tous les prêtres arméniens et
grecs, les policiers… Après avoir vu la façade et quelques endroits autour de
la basilique, nous sommes allés à la Grotte. Il a fallu attendre la fin du
ménage, réalisé conjointement par les Grecs et les Franciscains ! Le
policier a insisté pour nous faire entrer par la sortie dans la grotte (nous
évitant ainsi une bonne heure de queue…). La grotte manque un peu de charme… En
effet, Justinien l’a complètement fait disparaître au profit d’une sorte de
crypte aux murs parallèles. Du coup, on perd le caractère évocateur du lieu.
Nous avons continué par les grottes situées au nord, sous l’église paroissiale
des Franciscains : ces grottes appartiennent au même réseau que la grotte
de la Nativité. On voit même ce qui semble être l’entrée naturelle de la grotte
de la Nativité, entrée ornée d’un arc que certains associent au Temple bâti par
l’empereur Hadrien sur ce lieu, dont saint Jérôme parle dans une lettre à saint
Paulin de Nole.
À
l’heure actuelle, l’intérieur de la Basilique subit une énorme campagne de
restauration. Quand on entre dedans, par la porte de l’humilité (1,30m de
haut), on est déçu car les colonnes sont recouvertes de planches de bois pour
les protéger et un échafaudage recouvre toute la superficie de la Basilique, empêchant de voir la charpente.
Mais le Fr. Stéphane nous a fait monter sur le toit du cloître et, comme nous
étions peu nombreux, et grâce à la gentillesse de M. Piacenti, le restaurateur italien, nous avons pu accéder au plancher des restaurateurs des
mosaïques des murs de la Basilique… Elles sont splendides ! Très abimées,
mais splendides. Nous avons pu voir que les tesselles ne sont pas disposées à
plat, mais inclinées vers l’avant pour que d’en bas l’effet coloré et brillant
soit plus saisissant. Regardez la
photo !
En
revenant, j’ai franchi deux marches d’un coup et j’ai entendu un grand crac !
Mon pantalon venait de rendre l’âme (en tout cas l’entre-jambe…)
Après
la visite, nous avons pu aussi honorer la dimension de pèlerinage de notre
visite en faisant la procession avec les Franciscains : on passe de lieu
en lieu en chantant et en priant. Les oraisons sont celles des différents
mystères liés à Noël mais on ajoute toujours une mention pour dire que c’était ici, dans ce lieu, dans cette crèche…
Nous
avons donc passé plus de trois heures dans cette basilique, en ayant découvert (presque)
tous les recoins du lieu. Si vous êtes tristes de ne pas avoir fait la visite avec moi, patientez jusqu'en décembre, le Figaro prépare un hors-série spécial Bethléem.
Nous
sommes allés manger au champ des bergers. La réalité était moins moche que dans
mon souvenir… Il y a une grotte assez évocatrice et des vestiges d’un monastère
byzantin (entre le ive
et le viie siècle, il y
avait plus de 400 monastères dans le désert de Judée ! Alors maintenant, dès qu'on creuse dans un site, on est à peu près sûr de trouver du byzantin) C’était aussi l’occasion
d’évoquer la situation géo-politique du pays. En effet, le champ des bergers
fait face au quartier israélien d’Har-Ḥomah. Ce quartier pose un problème : en effet, il est construit au-delà de la ligne verte de cessez-le-feu de 1948, et
donc en territoire palestinien. Comme Israël considère qu’il s’agit d’un
quartier de Jérusalem, ils estiment être dans leur droit pour construire une “implantation”
à cet endroit… Côté palestinien, on appelle ce quartier une “colonie”. C’est un
immense complexe d’immeubles très serrés, qui couvrent toute la colline.
Environ 400 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie.
Puis
nous nous sommes dirigés vers l’Hérodion. Comme son nom l’indique, c’est une
construction du roi Hérode le Grand. Toutes les autres constructions d’Hérode
ne sont que des embellissements (Massada, Machéronte, le Temple de Jérusalem).
Ici, c’est Hérode qui a tout fait construire, à un endroit où en 40 av. J.-C.,
alors qu’il pensait se suicider pour échapper à ses poursuivants, ses amis l’en
avaient dissuadé. Finalement, un concours de circonstances lui avait permis d'échapper à ses poursuivants. Sur une petite colline
préexistante, Hérode a construit un gros palais-forteresse rond avec quatre
tours rondes, la tour orientale étant plus haute que les autres. Puis cette
forteresse a été partiellement enterrée sous un remblai de terre qui donne à la
colline une forme régulière de cône tronqué, de « sein de femme »
selon Flavius Josèphe (Guerre des Juifs, I, 21). De là-haut, on voit
Bethléem, le Mont des Oliviers et le désert de Judée, vers la Mer Morte et les
Monts de Moab en Jordanie. Enfin, ça c’est quand la vue est dégagée. Comme il
avait plu trois gouttes la veille, nous étions dans la brume de chaleur et nous
ne voyions pas grand-chose… Mais sur ce petit film, on voit très bien l'ensemble.
Au
pied de la forteresse, une immense piscine (au sens moderne du terme), un cirque
pour des courses de chevaux et un ensemble palatial aux pierres
caractéristiques de l’architecture hérodienne (comme sur l’image de fond du
blog).
Nous
avons commencé la visite par la forteresse supérieure. On devine la
magnificence de l’architecture. Comme la forteresse a été prise par les Juifs
rebelles lors de la Grande Révolte de 66-70 et ensuite lors de la Révolte de
Bar Kokhba en 135, ils installèrent une synagogue dans une des
salles du palais. À l’entrée, un petit miqveh, bain rituel pour se purifier. Évidemment,
chez Hérode, il y avait de quoi se baigner mais à la romaine. On trouve donc de
petits termes, avec caldarium, tepidarium et frigidarium.
Nous sommes redescendus à travers des tunnels creusés dans le cône pour ménager
des citernes mais aussi par les révoltés pour se cacher. À mi-hauteur, les
tunnels débouchent sur un petit théâtre privé de 400 places, où Hérode se
faisait jouer des pièces. Il a même reçu les fils d’Auguste. À côté du théâtre,
les archéologues ont dégagé l’impressionnant escalier de 200 marches qui
montait à la forteresse. Flavius Josèphe affirme qu’il était couvert de marbre.
À côté,
en 2007, les archéologues ont découverts des vestiges d’un tombeau monumental
qu’ils ont attribué à Hérode (puisque Flavius Josèphe affirme qu’Hérode, mort à
Jéricho, a été enterré à l’Hérodion ; Guerre des Juifs I, 33).
Cette attribution est loin de faire l’unanimité. Vous pouvez aller sur le site des fouilles de l'Hérodion pour avoir des photos fabuleuses.
Il
était déjà grand temps de rentrer à Jérusalem. Sur la route, une dernière halte
aux vestiges de l’église de la Kathisma, une église byzantine octogonale située
à mi-chemin entre Jérusalem et Bethléem. On y commémorait, suivant l’époque,
divers épisodes apocryphes liés à Noël : le lieu où Marie s’est reposée (κάθισμα
= le fait de s’asseoir, en grec) sur la route de Bethléem ; le lieu où
Marie a bu sur la route vers l’Égypte (au mépris de la plus élémentaire
géographie).
Ensuite,
nous sommes rentrés à la maison mais il nous a fallu plus d’une heure pour
couvrir les 5 km qui nous séparaient de Jérusalem. Les Parisiens n’ont rien à
envier aux Hiérosolymitains !
Le
soir, je me suis vite couché…
À bientôt,
Que
Dieu vous bénisse.
1 commentaire:
merci Etienne pour ces nouvelles et ces visites guidées qui nous font voyager avec vous.
A bientôt
Ghislaine
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