mardi 13 octobre 2015

Pour elle, une vision de paix et il n’y a pas de paix (Jr 13,16)



Lah ḥazôn shalom we’ên shalom

לָהּ חֲזוֹן שָׁלֹם וְאֵין שָׁלֹם
Chers tous,
Dimanche, je vous ai laissé avant de partir pour la messe. Je devais poster une lettre et j’ai donc fait un détour par la porte de jaffa, où il y a un bureau de poste. Du coup, pour aller + vite chez les Dominicains, je suis passé par le souk. Peu avant d’arriver au croisement de la rue David et de la rue Muristan, j’entends des éclats de voix... Petit moment d’angoisse vite dissipée, il ne s’agissait que de deux types qui se disputaient. La police israélienne qui quadrille la Vieille Ville a vite fait de les calmer. De toute façon je bifurquais vers le Muristan. En passant je croise Suleiman, un des portiers des Frères, on se salue Saba el-er! saba en-nur. Kif halak? Mabsut, el-amdi-lla! Le reste de la conversation se fait en anglais arafatien.
Je remonte la rue Khan ez-Zeit vers la Porte de Damas, là aussi angoisse car c’est un des points chauds de ces derniers jours, en plus je suis parti avec mon aube sous le bras mais rien de plus. (Pas de passeport, par exemple...) C’est calme, je ne m’attarde pas... Messe à Saint-Étienne, avec les Dominicains. On ne peut pas dire que la messe traîne en longueur, 44 minutes top chrono! Je connais des paroissiens qui seraient contents. À la sortie, je retrouve avec surprise Zizou, qui vient à la messe à Venasque au mois d’août, de passage avec une équipe du secours catholique ! L’après-midi se décide avec les Ayzac. Je mange chez eux et à 14 h 30 départ pour le Consulat général de France. C’est la représentation diplomatique française à Jérusalem qui assure les fonctions consulaires pour cette partie d’Israël mais aussi quasi ambassade pour l’Autorité palestinienne, quasi état... De là, avec tout un groupe, nous partons en convoi de véhicules blindés vers Beit Jala. La petite équipe de rugby montée par un des agents du Consulat devait rencontrer les Lions… de Beit Jala! La seule équipe de rugby de Cisjordanie...
Dans le feu de l'action

La rencontre a eu lieu sur le terrain de foot du séminaire patriarcal latin. Comme vous le voyez, le terrain domine toute l’agglomération de Bethléem. Comme ça chauffait près de l’ancien hôtel Intercontinental, coincé entre deux camps de réfugiés, on voyait au loin le panache de fumée et on a entendu une explosion. Un des rugbymen palestiniens a dit quelque chose en arabe que j’ai compris comme "Vive la Palestine !"
La partie avec en fond le panache de fumée...
Le match a été animé mais s’est soldé par une défaite française, qui fut de mauvais augure pour la suite...
A l’issue du match, on est monté dans les voitures pour se rendre à Bethléem, au restaurant Nirvana (!). En chemin, un des Palestiniens nous dit que le patron est musulman et qu’ils ne servent que du thé à la menthe, pas de bière… Vous auriez vu la tête des Français ! Ce n’était qu’une petit blague et le patron était chrétien, comme il faut (en tout cas, son chapelet autour du cou était énorme). En arrivant, l’air était un peu chargé, ça picotait le nez… Il faut dire que l’Intercontinental n’était qu’à 250 m, heureusement les affrontements étaient terminés.
Au restaurant, le patron avait installé un projecteur et, profitant d’une connexion WiFi, nous avons pu regarder ensemble le match France-Irlande et partagé le repas du soir. Ce fut bien sympa. Retour à Jérusalem peu avant 22 heures.
Hier, lundi, matinée studieuse à la bibliothèque. Je fignole mon exposé. L’après-midi, expédition à Talpiot au sud de Jérusalem. Je suis allé chercher une carte SIM car au bout de trois semaines, je n’avais toujours pas reçu celle commandée avant mon départ. Au moment de quitter le Collège, cela frisait l’émeute dans la cour : imaginez 300 élèves, plus les parents bloqués dans le Collège puisque la police bloquait la Porte neuve. Une attaque venait d’avoir lieu en contrebas. Je suis passé par l’autre côté pour retrouver mon bus, en contrebas de la porte de Jaffa.
J’attends le 234… Qui finit par arriver, sous la forme d’un petit bus d’une quinzaine de places, brinquebalant et pétaradant. Je suis miraculeusement descendu au bon arrêt (merci les anges gardiens !) Je cherche le bureau de la compagnie de téléphone, spécialisée dans les communications France-Israël. Je trouve le bureau, dans une sorte de zone industrielle, poussiéreuse et sale. À l’intérieur, un open space nickel avec des gens au bureau (tous les hommes étaient en chemise blanche et kippa !
En cinq minutes, la manip est faite et je rentre vers le centre-ville. Le vieux bus s’est alors transformé en splendide pullman climatisé. Devant la Porte neuve, les flics bloquent et je demande si je peux descendre, mais le chauffeur ne veut pas ; il me dépose en bas à 100 mètres de la Porte de Damas, the place not to be en ce moment à Jérusalem. Je détale vers la Porte neuve.
Le téléphone marche. Je suis désormais joignable depuis la France (au prix tarif local) et je peux appeler en France en illimité !
Ce matin, cours d’histoire et introduction à la visite de l’après-midi… Rien de bien dangereux puisque nous avons visité le domaine Saint-Étienne, le site de l’École biblique. Si vous cliquez sur le lien au-dessus, vous pourrez lire en ligne le livre écrit par le P. Lagrange sur ce lieu : schémas,
Le site est traditionnellement celui du martyre de saint Étienne, vous voyez à quel point je suis intéressé. Là, au 5ème siècle, l’impératrice Eudocie a fait bâtir une splendide basilique dans laquelle elle a fait transférer les reliques du protomartyr. Cette basilique a été détruite par les Perses en 614 ; les croisés y ont bâti une petite église, détruite un siècle plus tard pour empêcher les Sarrasins de s’en servir. On y installe une hôtellerie pour les pèlerins qui à l’époque mamelouke n’avaient pas le droit de résider dans la ville…
Le couvent des Dominicains, vu du jardin

À la fin du 19ème, profitant de l’affaiblissement de l’empire ottoman, les Dominicains rachètent le lieu, le fouillent et bâtissent leur propre église, consacrée en 1900, sur le plan exact de la basilique impériale. D’ailleurs, des mosaïques byzantines ornent certaines parties du sol. Tout autour, c’est un vrai gruyère fait de tombes byzantines ou juives, de citernes (pas moins de 13 !) Dans le jardin, ici et là, on trouve des vestiges des bâtiments anciens, notamment deux fragments d’une énorme colonne, peut-être issue d’un monument à l’empereur Hadrien.
Après un passage dans l’église, nous avons visité le musée de l’École, installé au rez-de-chaussée de l’ancien couvent (précédemment un abattoir turc). Au milieu d’un amoncellement de sculptures, poteries, croquis, se dessine l’histoire de l’École avec des fouilles aussi prestigieuse que Qumran (entre 1949 et 1956).
À gauche, 20ème s. ap. J.-C. ; à droite 20ème s. av. J.-C. !

Puis les deux hypogées (tombeaux collectifs) dont une est encore utilisée comme chapelle funéraire pour les Dominicains.
Un petit mot maintenant de la situation. Personnellement, je ne me suis jamais vraiment senti en danger. On entend trop souvent des sirènes stridentes qui signalent un moment de crise. Alors que les attaques au couteau étaient au début localisées dans la Vieille Ville, surtout le quartier musulman et la Porte de Damas ; voici que l’on parle d’attaques à Jérusalem-Ouest et même Tel Aviv. Les assaillants, souvent abattus après leur méfait, sont issus des quartiers palestiniens pauvres de Jérusalem Est. Mais on parle maintenant d’attaques faites par des Arabes israéliens. Côté juif, les gens sont tendus, et s’arment pour pouvoir se défendre, ce qui n’est jamais bon si on a la gâchette facile. Aujourd’hui, un juif a attaqué un gars qu’il soupçonnait de préméditer une attaque avant de s’apercevoir qu’il s’agissait d’un autre juif !
Aujourd’hui, il n’y a pas eu de cours au Collège. C’est un des aspects collatéraux mais graves de cette crise. Le frère Daoud, palestinien, me disait que son jeune frère a perdu une année de scolarité lors de la première Intifada en 1988.

Appelez la paix sur Jérusalem

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