jeudi 7 avril 2016

Ils s’enfuirent au pays d’Ararat (Is 37,38)

והמה נמלטו ארץ אררט
wehemmah nimleṭû ˀereç ˀăraraṭ

Chers amis,
La journée de lundi s’est déroulée sans heurt.
Mardi matin, deux heures de cours pour nous initier à la période hellénistique. Cette période historique commence avec les conquêtes d’Alexandre le Grand qui provoquèrent la diffusion de la culture grecque dans le monde antique. La langue grecque devint ainsi la langue de communication de l’époque : certains Juifs se sont mis à parler cette langue et ont dû, pour des raisons diverses, traduire en grec leurs textes sacrés. On appelle cette traduction la Septante, puisque la tradition affirme que soixante-dix (ou douze) sages hébreux ont chacun traduit séparément le texte hébraïque d’une manière rigoureusement identique…
Cette traduction de la Bible a été très diffusée dans le monde antique et adoptée par les chrétiens : souvent le Nouveau Testament et les Pères de l’Église citent l’Ancien dans cette version.
Dans l’après-midi, nous avons visité le quartier arménien de la Vieille Ville. Ce quartier couvre 13 hectares à l’intérieur de l’enceinte (soit 1/6 de la superficie totale de la Vieille Ville). La particularité de ce quartier est d’être en fait un immense monastère entourant la cathédrale arménienne dédiée à saint Jacques. Notre guide pour l’occasion s’appelle Georges (c’est fou le nombre de Georges dans ce pays !) et habite dans le quartier.
Cathédrale arménienne Saint-Jacques
Nous avons commencé par la cathédrale proprement dite : certaines parties remontent à l’époque byzantine mais la majeure partie de l’édifice date du Moyen Âge. On distingue très bien cela dans le tympan sud de l’église (voussure à coussins et colonnes coudées).
La décoration est très chargée : les pèlerins arméniens offraient souvent des objets pour l’église : lampes à huiles (plus de 350 dans l’église) et autres objets. Georges a souligné une série de trois lampes en filigrane d’argent offerte par la communauté arménienne de Trébizonde, anéantie par le
Lampe en filigrane de Trébizonde
génocide arménien de 1915. Au cours de la visite, Georges a souvent évoqué cet événement qui marque la mémoire des Arméniens ; la plupart des Arméniens de Jérusalem descendent de rescapés du génocide.
Autre élément marquant de la cathédrale : les portes dérobées. Il y en a plusieurs presque invisibles qui permettaient aux prêtres et aux fidèles de s’échapper de l’église en cas de descente des Ottomans.
Tympan sud, aux caractéristiques croisées
Dans la chapelle d’Etchmiadzine qui jouxte la cathédrale au sud, les murs sont couverts de faïences. La plupart du temps, il s’agit de motifs géométriques ou floraux ; parfois, ce sont de petites scènes évangéliques un peu naïves. Sur toutes celles qui représentent des épisodes de la Passion, les soldats romains sont en armure des janissaires turcs… Pour les Arméniens, depuis des siècles, le persécuteur, c’est le Turc. Ils ont donc donné leur visage aux romains !
La chapelle d’Etchmiadzine est en fait le narthex sud de la cathédrale réaménagé en chapelle au xviie siècle. L’entrée principale était de ce côté pour pouvoir faire face au Saint-Sépulcre au moment d’entrer dans la cathédrale.
Nous avons ensuite vu la Bibliothèque arménienne : 120 000 volumes, la plupart en langue arménienne. La particularité de cette bibliothèque, c’est qu’on n’y rencontre pas de rats, mais des chats de bibliothèque !
Histoire des Arméniens, 1709
Une colonie de
siamois a investi les lieux et louvoie entre les tables, passe sur les photocopieuses, monte à l’étage et se cache derrière les étagères… Ils sont très affectueux et pas farouches pour deux sous ! Sinon, la bibliothèque recèle quelques trésors : 4 000 livres anciens imprimés entre 1512 (date de l’impression du premier livre en arménien, une Bible faite à Venise) et 1800. Des journaux… Cette bibliothèque se veut la mémoire de l’Arménie.


Plus loin, nous voyons les vestiges de la maison d’Anne, beau-père de Caïphe, le grand prêtre qui a jugé Jésus. Georges nous montre un olivier, vieux de 800 ans, auquel Jésus a été attaché pour être flagellé. (Cherchez l’erreur !)[1] Il y aussi la pierre qui a crié lorsque les Pharisiens ont demandé à Jésus de faire taire ses disciples le dimanche des Rameaux (cf. Jn 19,14) !
Nous avons continué avec le réfectoire qui est situé au-dessus du premier passage voûté dans la Rue du Quartier arménien. Là aussi, une trappe invisible permettait une fuite rapide et sûre. Enfin, les toits nous ont dévoilé leurs secrets : les hosh du quartier arménien.
Un hosh, qu’est-ce que c’est ? Une structure architecturale traditionnelle, caractérisée par une cour commune entourée d’habitations. Ces structures sont bien adaptées au climat chaud.
Hosh arménien
On y accède par la rue, à travers une porte souvent laissée ouverte. L’étymologie traditionnelle du hosh le rapproche du verbe arabe “yahosh”, “étreindre amicalement”. Espace mi public et mi privé, il faut savoir qu’on ne pénètre pas dans un hosh sans y être invité !
Autrefois habité par les membres d’une seule famille, le hosh est aujourd’hui la réponse à la crise immobilière et à la surpopulation de la Vieille Ville. À l’heure de l’individualisme et du repli sur soi, le hosh représente un espace de sociabilité et de partage pour des habitants d’origines diverses.
Plus qu’une typologie architecturale, c’est un mode de vie, un témoin discret de l’évolution urbaine et sociale de Jérusalem.
[Suivez le lien sur le hosh pour découvrir l'article complet, que j'ai pillé]

Nous voyons aussi des parties des églises (frontons, linteaux…) visibles seulement de là-haut. Sur le plan archéologique, cette visite n’était pas fondamentale, mais elle nous a permis de découvrir le quartier le plus replié sur soi de la Vieille Ville : merci à Georges de nous avoir ouvert la porte.
Faïence arménienne de la résurrection
Finalement, après la visite, avec quelques amis, nous sommes allés devant la Porte de Jaffa déguster un jus de fruit (grenade, pamplemousse ou orange !) agrémentés de petits gâteaux au sésame très bons. Ceux qui étaient dans le Néguev la semaine dernière nous ont racontés leur périple. Cela devait être passionnant !
Mercredi matin, cours sur la chronologie hérodienne. Nous sommes sortis du règne d’Hérode le Grand et avons évoqué le destin de ses fils, ainsi que les divers gouvernorats des préfets romains, dont le fameux Ponce Pilate.

Après-midi calme à la bibliothèque.

Aujourd’hui, la messe a été festive ce matin : c’est la fête de saint Jean-Baptiste de La Salle, fondateur des Frères des Écoles chrétiennes.

« La principale occupation de l’âme dans l’oraison qui est véritablement intérieure est de se remplir de Dieu et de s’unir intérieurement à lui, ce qui est pour elle une espèce d’apprentissage et un avant-goût par une vive foi de ce qu’elle doit faire réellement pendant toute l’éternité » (Explication de la méthode d’oraison, préface).

À bientôt,
Étienne+



[1] Tout le monde sait que c’est à une colonne que Jésus a été attaché pour être flagellé. ;-P

Aucun commentaire: