vendredi 22 avril 2016

Comme c’était la Préparation (Jn 19,31)

ἐπεὶ παρασκευὴ ἦν
epei paraskeuè èn

Chers amis,
Mercredi, jeudi et vendredi à la bibliothèque. Mercredi en début d’après-midi, j’ai rencontré mon directeur. Je suis reparti avec plein de pistes, de choses à faire et du cœur à l’ouvrage !
Vendredi, à l’Ecce  Homo, en sortant de la salle-à-manger, je vois un prêtre qui buvait son café sur la terrasse... Je le regarde bien... "Antoine ! Que fais-tu là ?". Il s'agissait d'Antoine V., prêtre du diocèse de Nanterre et ancien du Studium (lors de mes premières années de séminaire). Il s'apprêtait à prendre le Nesher vers l'aéroport pour rentrer chez lui.
Ce soir, c’est Pessa’h, la grande fête des Juifs. Après avoir fait la chasse au hameç comme je vous le racontai dans mon dernier post, les juifs partagent le grand repas.
Comme il n’y a plus de Temple juif à Jérusalem, le rituel de Pessah ne correspond pas à ce qui est décrit dans les textes bibliques. Au moment où le Temple a été détruit, le judaïsme a dû évoluer : c’est à ce moment-là que les synagogues ont pris de l’importance. Et surtout la liturgie juive a pris un caractère domestique très prononcé : la vie quotidienne est empreinte de rites, de prières… Et le repas de Pessa’h n’échappe pas à la règle.
D’ailleurs, ce grand repas de Pessa’h est la manière de célébrer la fête, comme nous le faisons avec la Vigile pascale. On l’appelle Seder (“Ordre” en hébreu ; beseder est une manière commune de dire “OK”, “pas de problème” en hébreu), ce qui montre qu’il y a un rituel précis.
Les convives se rassemblent autour de la table. Au milieu de la table, il y a une grande assiette avec six compartiments. Dans chaque compartiment, on a mis un des aliments du repas : des œufs durs, du céleri (appelé karpas), deux types d’herbes amères (marôr, souvent du raifort, et ăzeret, souvent de la laitue), du ărōset (mélange de noix, de pomme, d’amandes et de cannelle avec du vin) et enfin, un os de mouton. À côté un petit récipient avec de l’eau salée. Trois morceaux de pain azyme sont disposés par-dessus.
Ces éléments qui sortent de l'ordinaire sont destinés à provoquer l'interrogation des enfants ; il y a vraiment un but pédagogique pour former les plus jeunes et les faire rentrer dans ce processus de libération.
Chacun suit le rituel dans un livret où le texte est écrit en hébreu et araméen (le plus souvent c’est transcrit en alphabet latin pour permettre aux gens de lire avec fluidité).
Le maître de maison rend grâce à Dieu – le repas est ponctué de prière qui commencent par la formule hébraïque barukh ˀatta ˀAdonaï, ˀelohênû, melekh haˁolam… “Tu es béni, Seigneur, roi de l’univers…”. Une première coupe de vin est remplie pour commémorer la création et l’institution du sabbat ; après la bénédiction, le premier verre est bu, accoudé sur la gauche. Cette année, comme le Seder coïncide avec l’entrée en sabbat, cette prière de bénédiction est plus solennelle.
Après s’être lavé les mains, on trempe le céleri dans l’eau salée (l’eau salée rappelle les larmes versées par les esclaves hébreux en Égypte). Le maître de maison rompt un des pains azymes et évoque le pain de misère que mangeaient les Hébreux en Égypte.
La deuxième coupe de vin est versée… Un des enfants (normalement le plus jeune) pose les quatre questions :
Pourquoi cette nuit se distingue-t-elle ?
« Pourquoi cette nuit se distingue-t-elle de toutes les nuits ?
Toutes les autres nuits nous ne trempons guère nos aliments, même une fois et voici que cette nuit, nous les trempons deux fois !

Toutes les autres nuits, nous mangeons, soit du pain levé, soit du pain azyme et voici que cette nuit, nous ne mangeons que du pain azyme !

Toutes les autres nuits, nous mangeons toutes sortes de verdure et voici que cette nuit, nous mangeons seulement des herbes amères ! Toutes les autres nuits, nous mangeons et buvons tantôt assis et tantôt accoudés et voici que cette nuit nous sommes tous accoudés ! »
Le père répond : « C’est que nous avons été esclaves du Pharaon en Égypte et le Seigneur notre Dieu nous en a fait sortir de sa main puissante et de son bras étendu. »
Puis le récit de la Haggadah continue… On se rappelle que « cela est fait pour ce que Dieu accompli pour moi lors de ma sortie d’Égypte ». Les juifs considèrent que c’est par la célébration de ce repas que la sortie d’Égypte est rendue efficace pour eux, encore aujourd’hui.
La Haggadah rappelle l’élection d’Abraham, l’émigration de Jacob en Égypte, la servitude imposée par Pharaon, le cri des Hébreux vers le Seigneur et l’intervention de Dieu. Les plaies d’Égypte sont énumérées.
Ensuite, on rappelle les bienfaits de Dieu pendant l’Exode : la sortie d’Égypte, l’ouverture de la mer, la noyade des Égyptiens, la manne, le séjour au Sinaï, le don la Torah… À chaque fois, le maître de maison dit : « Si le Seigneur avait fait tel bienfait, sans ajouter tel autre » et la tablée répond Dayénou, « C’eût été suffisant ! »
Tous les éléments du repas sont évoqués et interprétés symboliquement : les herbes amères par exemple veulent rappeler l’amertume de la vie d’esclave, subie en Égypte.
Les Psaumes 113 et 114 sont chantés, après lesquels la deuxième coupe est bue.
Le repas (le vrai !) est enfin servi après avoir mangé les œufs. À la fin du repas, le Psaume 126 est chanté. Commence ensuite une longue prière d’action de grâce et de supplication. La troisième coupe est bue.
La quatrième est remplie et on remplit la coupe du prophète Élie qui doit précéder le Messie. Et le grand Hallel est chanté : psaumes 115, 116,117, 118, 136… ainsi que des prières d’action de grâce à l’issue desquelles la quatrième coupe est bue.
Le Seder proprement dit est fini mais la célébration se prolonge avec des chants et des récits.
Et tant pis pour les gourmands, pas de dessert au Seder !
Demain, avec l’ÉBAF, nous allons près d'Hébron, visiter un site archéologique fouillé par une équipe française.
À bientôt,
Étienne+

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