ולא יאכל חמץ
weloˀ yeˀaḵel hameç
weloˀ yeˀaḵel hameç
Chers amis,
Depuis la visite des synagogues hier, j’ai passé la
journée à la bibliothèque. J’ai mis mes idées en place. Ça m’a épuisé mais je
suis content. J’ai aussi mis en ordre la bibliographie.
Cette semaine, la fête juive de Pessa’ḥ va commencer. Comme je vous l’ai expliqué le mois
dernier, cette année est embolismique (année de 13 mois) et donc les Pâques
latines ont eu un mois d’avance sur la Pâque juive… À proprement parler, Pessa’ḥ est la conjonction de deux fêtes : la Pâque et la
fête des Azymes (Lv 23,5-6). La Pâque est célébrée à la pleine lune du
mois de nisan, soit le 14. On sacrifie l’agneau pascal au crépuscule de ce
jour. À partir du 15 nisan, on célèbre la fête des Azymes (maççôṯ). Auparavant, on a fait disparaître
tout le pain levé (ḥameç)
de la maison.
Originellement, la fête des azymes (maççôṯ) marquait le début de la moisson de l’orge. On tenait
à marquer la coupure d’une année nouvelle (dans l’ancien calendrier hébraïque,
nisan est le premier mois de l’année, cf. Ex 12,2.18). On éliminait le
vieux levain provenant de la fermentation de la pâte faite avec la farine de l’année
précédente, et on repartait à neuf avec une nouvelle pâte non fermentée en
attendant d’en avoir tiré un levain nouveau. Pendant sept jours, on mange du
pain fait avec le nouveau grain moissonnés, sans levain, sans rien qui vienne
de l’ancienne récolte, c’est un rite de renouveau. Dans le récit d’Ex 12,
on expose les deux rites (agneau/maççôṯ) successivement. Les deux fêtes se produisant à la
même période, elles ont été unifiées en une seule célébration.
Aujourd’hui, dans le judaïsme, Pessa’ḥ est l’occasion d’un énorme nettoyage de printemps : car
ce n’est pas seulement la consommation qui est interdite, c’est la
possession ! Il faut donc se débarrasser de tout ce qui contient (ou est
susceptible de contenir) du levain (ḥameç).
À priori, tout produit fait à partir de farine des cinq céréales : blé,
orge, épeautre, seigle, avoine. On ne peut pas commencer le nettoyage plus de
30 jours avant la fête (en gros, avant Pourîm).
On essaye de tout consommer avant la fête. S’il en reste, on
jette. L’interdit implique de nettoyer à fond la maison, la cuisine en premier
lieu bien sûr mais on passe chaque pièce, sans oublier la voiture et le lieu de
travail… Une fois le nettoyage achevé, on jette le sac de l’aspirateur même s’il
n’est pas plein !
Les animaux domestiques sont aussi soumis à cette
obligation : ils mangent maççah et pas ḥameç !
Les boissons à base de céréales sont considérées comme ḥameç ! Bière, whisky,
sauce soja…
Pour simplifier les choses pour les maîtresses de maison,
les aliments reconnus comme casher pour Pessa’ḥ, c’est-à-dire exempt de ḥameç,
sont estampillés sur l’emballage après inspection du produit et des lieux de
production par un rabbin dûment habilité.
Dans le motif en forme de chapeau, on a le nom du rabbin
qui garantit la cashrout : il s’appelle Obadiah Yoseph.
Tout en bas, on voit écrit : casher pour la Pâque (כשר לפסח) et on précise qu’il n’y a que des légumineuses à consommer
dans ce ḥummus.
Ce genre d’étiquette ou d’estampille se trouve sur beaucoup
d’emballages.
Si on est “péchu”, on change la vaisselle, qui a pu être
en contact avec du levain (Israël est le royaume de la vaisselle en plastique
jetable ! C’est aussi pratique pour ne pas mélanger viandes et laitages).
La veille du 14 nisan, la maison est inspectée à la
lumière d’une bougie qui permet de trouver le ḥameç
dans les recoins. Cette inspection est plus symbolique que réelle mais on a l’habitude
de dissimuler un certain nombre de parcelle de ḥameç (soigneusement enveloppés
dans du papier pour éviter les miettes !) afin que les enfants s’amusent à
les trouver (mais contrairement aux œufs de Pâques, on ne les mange
pas !).
Le lendemain, le ḥameç
découvert est brûlé ou mis dans les égouts. On s’en débarrasse. Et on récite
quand même une prière pour se disculper de toute miette omise : « Que
tout ḥameç, levain ou matière
levée, qui se trouve en ma possession, que je n’ai pas vu ou que je n’ai pas
détruit, dont je n’ai pas connaissance, soit considéré comme inexistant et sans
valeur, comme la poussière de la terre. »
Enfin, on peut rentrer dans la fête. Les Samaritains
vivront cela mercredi soir. Les juifs entrent dans Pessa’ḥ vendredi soir.
Mardi, ce fut notre traditionnelle excursion du mois. Nous
avons découvert plusieurs sites intéressants. Le rendez-vous matinal nous a
permis d’éviter certains ralentissements : nous devions aller près de Beth
Shemesh dont l’accès nord est actuellement en travaux, occasionnant d’éternels
bouchons... Nous avons donc roulé vers le sud, vers Bethléem avant de bifurquer
vers l’ouest.
Nous nous sommes brièvement arrêtés aux ruines de Ḥanôt
pour voir quelques vestiges byzantins : église, pressoir à vin... Puis nous
avons continué vers Beth Shemesh. Cette ville compte aujourd’hui plus de 100
000 habitants, c’est une véritable ville-champignon, majoritairement peuplée de
juifs ultra-orthodoxes souvent immigrés de Russie. Au bout d’un quartier en
construction, nous apercevons une butte : Tell Yarmouth.
Porte du Bronze ancien |
Dans l’une des salles d’apparat, nous avons fait les
colonnes dont il ne reste que la base.
Après deux bonnes heures passées sur le site, nous avons
continué pour atteindre Beth Jemal, où j’étais déjà la semaine dernière. Mais
nous sommes allés du côté des Salésiens qui ont des vestiges byzantins qui
rappellent la tombe de Gamaliel, Abibis son fils et Nicodème son neveu. Là
aussi l’église a servi pour le film Le Tombeau. Un des Salésiens nous a
accueillis et présenté le lieu. Nous avons vu la pierre portant l’inscription de
saint Étienne (il faut beaucoup de foi ou de compétences épigraphiques pour y
lire quelque chose). Pique-nique sur la terrasse, à l’ombre des acacias et en
admirant le panorama.
En redescendant, notre bus s’est arrêté pour que nous
puissions voir la structure circulaire interprétée par certains comme le
mausolée de saint Étienne. Sur le tiré-à-part de l’article décrivant l’inscription
de saint Étienne, on avait une belle photo bien propre, bien nette : une
fois sur place, on voit une fosse pleine de mauvaises herbes.
Les étudiants-colonnes, au fond à gauche, Beth Jemal |
Église Saint-Étienne de Beth Jemal |
Panorama depuis Beth Jemal |
Le mausolée aujourd'hui |
Le mausolée pendant les fouilles |
Trois quarts d’heure de bus pour arriver à Tel Gezer(super pratique pour faire la sieste) autre haut lieu de notre journée. Le site domine toute la plaine côtière et on comprend pourquoi les hommes s’y sont installés. En temps normal, on voit la mer (mais aujourd’hui la brume de chaleur bouchait tout). Tel Aviv, Modi’in, Latroun, Har Gillo… À Gezer, comme à Tell Yarmouth, seules quelques zones ont été méthodiquement fouillées. Nous avons commencé par la porte cananéenne, très massive. Comme elle date du Bronze Moyen, elle est plus complexe que celle vue à Yarmouth. La base est en pierre, massive et solide. Au-dessus, les élévations sont formées de briques crues (elles ont tout de même partiellement cuit lors d’incendies, ce qui leur donne des couleurs variées). À côté de cette porte cananéenne, le système d’eau semblable à ce que nous avions vu à Megiddo et Ḥaçor en novembre. Un puits qui donne accès à un tunnel d’une septantaine de mètres de profondeur pour atteindre le niveau de la nappe phréatique.
Plus loin, la porte de l’âge du Fer, dite salomonienne. Cette
porte reprend le modèle classique que l’on connaît aussi à Megiddo et Ḥaçor : une triple tenaille. Mais ici, on domine le
site et on voit très bien la structure, alors qu’à Megiddo, la moitié de la
porte a été détruite (pour voir ce qu’il y avait en dessous) et à Ḥaçor, on est dominé par les restes. En plus, les dernières
fouilles doivent remonter à peu de temps et on lit très bien les vestiges.
Porte "salomonienne" de Gezer |
Haut lieu de Gezer |
Un dernier
arrêt pour évoquer le “calendrier de Gezer”, une inscription trouvée au début
du xxe siècle par le
fouilleur mais hors de tout contexte archéologique : on a donc du mal à la
dater précisément.
Le texte est
en paléo-hébreu, une sorte de comptine pour identifier les mois de l’année et
les travaux de champs :
Deux mois de récolte (sept.-oct.)
Deux mois de plantation (nov.-déc.)
Deux mois de plantation tardive
(janv.-fév.)
Un mois de cueillette du lin (mars)
Un mois de récolte de l’orge (avril)
Un mois de moisson et de fête (mai)
Deux mois de taille de la vigne
(juin-juil.)
Un mois de fruits d’été.
Abiyahu (août)
Il était alors
temps de rentrer à la maison. Je profite du trajet retour pour rédiger sur mon
téléphone le début de cette chronique. Nous faisons un bref arrêt à Abu Gosh
pour déposer un des étudiants qui loge à l’abbaye, quelques ralentissements et
nous étions vers 17h00 à la maison.
Douche, oraison, repas, mise en place du blog et dodo.
À
bientôt,
Étienne+
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