lundi 11 avril 2016

Viens avec moi à Ptolemaïs (1Ma 12,45)

δεῦρο μετ᾽ ἐμοῦ εἰς Пτολεμαίδα
deuro met’ emou eis Ptolemaida 

Chers amis,
Un vendredi calme avec toutefois une drôle de péripétie. Comme j'habite à côté de la paroisse, un des dominicains de l'EBAF m'avait demandé d'y passer chercher le registre de baptême et les saintes huiles pour le baptême qui devait avoir lieu le lendemain à l'église de l’École. Arrivé à la paroisse, aucune trace du dossier de baptême pourtant déposé un mois avant par le dominicain... Le P. Firas, curé, râlait un peu et moi au milieu, je ne savais que dire. Finalement, il m'a confié les objets demandés. Le curé m'a dit : "On n'est pas en France, on ne fait pas n'importe quoi". Je lui ai répondu que je comprenais son souci mais qu'étant curé en France, je suis bien placé pour savoir qu'on ne faisait pas n'importe quoi non plus!" Non mais alors !
Samedi, journée bien chaude (presque 30° C) Je ne me suis pas attardé lors de ma balade...
Ce dimanche, virée à Acre. Cette antique cité du nord d'Israël vaut vraiment le détour. Avec Marie des Neiges et Michelle, deux “copines de classe”, nous avions manigancé cette sortie puisqu'aucune occasion ne s'était présentée.
Messe à 7h au Collège... Petit déjeuner dans un café devant la porte de Damas et Michelle est passée nous chercher. Pour manger, il n'y avait que des choses salées... Pas une seule douceur à se mettre sous la dent. Mais je vois que les Palestiniens mangent salé le matin (l'autre jour fr Daoud a mangé un artichaut au goûter!)
Vue de Saint-Jean d'Acre
Il faut de même deux bonnes heures de route pour rejoindre la cité croisée. Nous trouvons un stationnement gratuit ou non visité par la police locale et nous franchissons les murailles.
Première étape: la forteresse des hospitaliers. Certes, l'histoire de Saint-Jean d'Acre a été marquée par la présence des croisés entre 1102 et 1291, mais la cité est bien plus ancienne. À proximité de la ville médiévale, il y a un tell occupé dans les périodes antiques (Fin du Bronze Moyen, 1500 av.J.-C.)… Comme toujours, on a des références à Acre dans les textes égyptiens (lettres d’Amarna et récit des campagnes de Thoutmosis III). Elle est aussi mentionnée en Josué 19,30 pour évoquer le territoire des tribus d’Israël mais aussi en Juges 1,31, pour dire que les Hébreux ne sont pas parvenus à conquérir la ville.
Après la conquête d’Alexandre le Grand, la cité d’Akko est rebaptisée Ptolémaïs (la ville de Ptolémée) ; c’est sous ce nom qu’elle apparaît dans les livres des Maccabées et dans les Actes des Apôtres (Ac 21,7) où saint Paul débarque dans ce qui était déjà un port important à l’est de la Méditerranée.
La ville se développa à l’époque byzantine, fut conquise par les musulmans… et prend de l’importance lors de la première croisade.
Les croisés voyagèrent à pied en conquérant les territoires peu à peu. Jérusalem est prise en 1099 mais Acre, que les croisés avaient doublée, ne le sera qu’en 1102 après quatre années de siège. Baudouin Ier, roi de Jérusalem, en fait le port le plus important du nouveau Royaume latin de Jérusalem. Les autres croisades voyageront souvent par mer en débarquant à Acre qui servira de tête de pont pour les tentatives de reconquête.
Les ordres de chevalerie s’installent à Acre qui prend alors le nom sous lequel les Français la connaissent : Saint-Jean d’Acre. Templiers, Teutoniques, Hospitaliers… chacun a son quartier, sa commanderie…
C’est pour cela que la Citadelle d’Acre vaut la visite… Elle a été redécouverte au milieu du xxe siècle sous la forteresse ottomane construite sur les vestiges. Il faut donc, pour la visiter, descendre d’environ 6 mètres pour retrouver le niveau médiéval. Et force est de reconnaître qu’à l’époque on savait construire ! Le musée évoque avec quelques vestiges l’histoire du site et nous parcourons des salles splendides.
Le réfectoire des Hospitaliers
L’église des Hospitaliers a disparu mais on peut en voir la crypte qui servait de nécropole pour les moines-soldats. Nous arrivons ensuite dans le réfectoire aux splendides voûtes ogivales : les piliers qui les soutiennent mesurent 3 mètres de diamètre ! Dans un coin, une fleur de lys est gravée sur un chapiteau. La cour principale donne une idée de l’ampleur des fouilles. Pour la visite, nous avions un audio-guide automatique parfois un brin capricieux. Nous sortons de la citadelle par un souterrain étroit et bas qui débouche dans le bazar turc.
Comme nous sommes dimanche, la plupart des boutiques sont fermées. Dans le souk de la Vieille Ville, nous trouvons quelques denrées pour agrémenter le repas. Ce marché est ravissant : couleurs, senteurs, bruits…
Beauté cachée d'Acre
Et puis, on sent une ville paisible ; la guerre a souvent détruit Acre mais les tensions que nous connaissons parfois à Jérusalem semblent s’être envolées. Quel soulagement.
En même temps, Acre n'est pas une ville ripolinée pour les touristes : c'est crasseux, les fils électriques pendent de partout... mais c'est d'un charme fou. Au détour d'une ruelle, il y a toujours une belle fenêtre, un chapiteau, une voûte... On voit souvent des fenêtres comme celle ci-contre mais le plus souvent on y voit trois arcades . Il faut prendre le temps de flâner en levant le nez.
Nous échouons littéralement sur la jetée du port et nous partageons le repas. C’est dimanche et on sent que les gens sont sortis (la Vieille Ville est principalement habitée par des Palestiniens, chrétiens et musulmans) et profitent de la belle journée. Pas mal de speed-boats tournoient dans la baie en secouant et aspergeant cacous et cagoles locaux. Une question naît dans nos esprits : « Pourquoi les filles hurlent-elles dans ce genre de situation ? Ça ne change rien ! »
Khan el-Umdan
Notre après-midi est déjà bien entamée et nous partons à la découverte d’autres lieux de la Vieille Ville. À travers une grille cadenassée, nous admirons le Khan al-Umdan, le plus beau des caravansérails akkonitains (oui, c’est le gentilé de Saint-Jean d’Acre). Construit à la fin du xviiie siècle par le maître d’Acre de l’époque, Ahmed Pacha el-Jazzar (c’est-à-dire “le boucher”, ce qui laisse imaginer combien sa société devait être prisée...) Il a été racheté il y a quelques années et un projet d’hôtel de grand luxe est prévu mais la population locale voit cela d’un très mauvais œil. Les travaux n’ont pas commencé. Umdan en arabe, ce sont les colonnes de granite qui entourent la cour de ce Khan. À côté, le Khan es-Shuna (le caravansérail des grains) qui est une simple cour de ferme (basse-cour, écurie…) mais les vestiges datent des croisés.
Le tunnel des Templiers
Puis nous empruntons le mystérieux tunnel des Templiers. Il reliait le port (à l’est) à la citadelle des Templiers (à l’ouest, sur le front de mer) aujourd’hui disparue. On pense que le tunnel servait à faire passer les marchandises directement dans la forteresse (en économisant au passage les taxes portuaires ?) et qu’en 1291, lors du siège d’Acre, une partie importante des assiégés est passé par là pour embarquer dans des navires en partance pour l’Europe. À cette date, Acre tombe aux mains des musulmans et c’est la fin de la présence croisée en Terre Sainte…
Nous tournicotons dans les ruelles de la Ville : le plan le plus précis serait de toute façon incapable de rendre compte de cet entrelacs de ruelles, passages couverts, magasins… Nous voyons le Khan el-Franj (Caravanserail des Francs, c’est-à-dire des Européens) où est installé aujourd’hui le collège Terra Santa tenus par les Franciscains qui animent aussi la paroisse latin d’Acre. À l’époque, c’était le quartier général des marchands européens, proche du port. Passage au Khan ash-Shawarda (= des marchands) et nous allons ensuite visiter le Musée ethnographique. Il est bâti dans les fortifications sur lesquelles le général Bonaparte s’est cassé les dents en 1799. Il faut dire que les hommes d’el-Jazzar étaient soutenus par une garnison de perfides anglais…
Le musée ethnographique regroupe des objets de la vie quotidienne dans la région à la fin du xixe et au début du xxe siècle, un dans le genre de nos écomusées : mobiliers, vaisselle en émail, ateliers de vannier, d’étameur, dinanderie… Le mobilier est souvent en marqueterie de noisetier, nacre et os de chameaux. C’est joli mais souvent un brin chargé…
Mosquée el-Jazzar
Nous avons continué par la visite de la mosquée el-Jazzar. Comme son nom l’indique, c’est le « Boucher d’Acre » qui l’a fait construire. Cela n’empêche pas qu’elle soit splendide et que le gars de l’accueil super sympa. La mosquée est entourée d’une galerie à colonnes, et un jardin agrémente la cour. Dans un coin, la tombe du Boucher et de son fils.
Encore une flânerie dans les ruelles. Photo sur la muraille face à la mer. Jus de fruit frais (le prix était glaçant !).
Et il était temps de rentrer à la maison. Bonne discussion pour refaire le monde dans la voiture : l’Église, la foi, la prière…
Arrivé au Collège, j’ai avalé un reste de purée, un œuf dur, un peu de yaourt et une banane et dodo…
Lundi, bibliothèque...
À bientôt,
Étienne+


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