dimanche 17 avril 2022

Et ils vécurent (Ez 37,10)

 וַיִּֽחְי֗וּ
vayyiḥyû

Chers amis,
Le Christ est ressuscité ! Ici à Jérusalem, nous l’expérimentons d’une manière toute spéciale même si nous sommes noyés au milieu de gens qui n’en sont absolument pas convaincus…
La célébration de Pâques sort de l’ordinaire : à cause du statu quo qui gouverne les relations des Églises chrétiennes à l’intérieur du Saint-Sépulcre, on célèbre la Vigile pascale le samedi saint au matin, horaire à laquelle elle était célébrée jusqu’à sa restauration par le pape Pie XII. Par conséquent, on entre dans la joie de Pâques avec une douzaine d’heures d’avance, alors que le dernier jour du Carême se lève… Liturgiquement, on fête Pâques mais chronologiquement, on n’y est pas encore. C’est pas grave, c’est tellement beau.
L’église du Saint-Sépulcre est fermée durant toute la célébration, et nous somme seuls à vivre une liturgie à ce moment-là : grand silence et recueillement. Les prêtres entrent en procession et se rendent dans l’entrée près de la pierre de l’onction pour la “liturgie de la lumière”. C’est en fait un petit brasero en argent dans lequel rougeoient quelques braises. Rien à voir avec l’hystérie du feu sacré des Orientaux.
On bénit le feu, on allume l’encensoir, mais en fait le cierge pascal sera allumé à l’intérieur de la tombe. C’est pour cela que la procession retourne vers le lieu de célébration. Les Latins célèbrent devant la Tombe : le siège du Patriarche qui préside est devant la porte du chœur des Grecs et l’autel devant l’entrée de la Tombe. J’ai eu un peu moins de chance que pour les Rameaux et la messe chrismale pour le placement, mais juste un peu moins. Je n’étais pas dans les bancs de part et d’autre du Patriarche mais au premier rang au sud de l’édicule, juste derrière l’ambon des lectures. On ne pouvait pas rêver mieux.
La célébration a duré plus de trois heures, avec toutes les lectures, mais je n’ai pas vu le temps passer ! J’ai remarqué que l’évangéliaire est extrait de la Tombe et que ce n’est pas le diacre qui le proclame mais le Patriarche lui-même conformément à la tradition hiérosolymitaine et devant la tombe. Pour une raison que j’ignore, la liturgie baptismale se fait depuis le côté septentrional de la Tombe (donc je n’y voyais rien !)… En fait, le côté septentrional correspond quand on est devant la Tombe au côté droit et cela doit donc être une allusion à Ézéchiel 47 (Je vous laisse aller chercher dans vos bibles). Et même si on ne procède pas à des baptêmes, l’eau est bénie en plongeant la base du cierge pascal dans l’eau. La photo qui suit m'a été envoyée par la rédactrice en chef de Terre Sainte Magazine qui était parmi les journalistes présents. Vu ma place, elle ne pouvait pas me manquer...

À la fin de la célébration, pas de procession (ouf !)
L’après-midi, bonne sieste, un peu de lecture, balade dans la Vieille Ville. Le soir, je m’étais dit que je pourrais aller à la Vigile pascale de l’École mais j’étais tellement crevé (mal dormi la nuit précédente) que j’y ai renoncé. Quand j’ai baissé mes volets vers 21h05, j’ai vu au loin la façade de l’École illuminée par le feu pascal… J’ai bien dormi.
Ce matin, je pensais aller fêter Pâques à Abu Gosh mais au moment de partir, les Frères m’ont demandé : « Tu seras là au déjeuner ? ». En fait, c’était le 90ème anniversaire du Frère Jean Manuel. Né à Beersheva, grandi à Jérusalem dans le quartier de Musrara, il est rentré à 20 ans chez les Frères, il a fondé le Collège à Beit Hanina, au nord de Jérusalem et fut la cheville ouvrière de l’université de Bethléem. Malgré cela, c’est un homme d’une grande douceur, d’une grande humilité. Il fallait que j’y sois ! J’ai donc renoncé à mes projets et ai décidé d’aller à l’Ecce Homo pour célébrer la messe de Pâques sur la terrasse.
Au moment d’arriver, j’entends dans les hauts parleurs de la mosquée alAqsa de grands cris ! La voix du type était un brin excitée… Allons bon. Que se passe-t-il encore ? Après les violences de l’avant-veille.
Sur la terrasse de l’Ecce Homo, on a une belle vue sur l’esplanade des mosquées. Ça avait l’air calme, mais en fait, pendant toute la messe, on a entendu des détonations, des cris (allahu akbar !). Si j’ai bien compris les forces israéliennes ont bloqué pendant trois heures des gens dans les mosquées pour permettre à des colons juifs de faire le tour de l’esplanade.
Après la messe, une petite collation était servie. Cela a permis de faire connaissance avec les gens : je suis tombé sur un ancien de Saint-Joseph de Carpentras ! Pendant tout ce temps, on entendait des cris dans la rue en dessous et même à un moment un coup de feu. Un soldat israélien qui se tenait devant la porte latérale de l’Ecce Homo a tiré un flashball sur un jeune plus haut dans la rue ha-Nezirot (rue des Moniales). Je pense que c’était plutôt un tir pour faire peur, mais deux étages au-dessus, on était moyen rassurés.
Je suis remonté au Collège, en passant à la 6ème station, j’ai souhaité المَسيح قام!  حَقّاً قام aux Petites Sœurs de Jésus et nous avons échangé quelques nouvelles.

Apéro chez les Frères (heureusement je suis arrivé en retard et ne me suis pas empiffré de biscuits) et déjeuner. Je me suis retrouvé à côté d’un jeune (futur) énarque en stage à l’ambassade de France à Tel Aviv, qui connaît un des séminaristes du Studium, il est venu avec le Frère Patxo de Jaffa chez qui il loge… Le repas fut très sympa et fraternel. Suzi la cuisinière était venue (elle ne vient pas normalement le dimanche et en plus, elle ratait le dimanche des Rameaux des orthodoxes) et a préparé un gigot excellent. Je ne suis pas un inconditionnel du gigot d'agneau à Pâques, mais celui-là était extraordinaire. Pendant que nous dégustions le gâteau (un de ces monstres de crème et de sucre qu’on mange par ici), le Frère Alejandro de Bethléem a passé un petit film avec des souhaits de provenance diverses et quelques photos de la vie du Frère Jean Manuel (son enfance, sa famille, sa “carrière” de frère). Très touchant. Sur la photo, vous voyez le gâteau et le Frère Jean qui lit la lettre envoyée par le Frère Supérieur depuis Rome !
Il a fallu aller faire la sieste ensuite…
Puis je suis allé me balader rue de Jaffa. L'ambiance était très inhabituelle : beaucoup de musiciens dans les rues (clarinettes klezmer, saxo, différents styles), beaucoup de monde aussi. Comme c'est la fête de la Pâque (Pesaḥ), les gens sont en vacances et en profitent. J’ai acheté quelques amandes et j’ai déniché un jeu éducatif en hébreu qui pourrait m’être utile dans l’enseignement de cette langue au Studium. J'ai raté une occasion de photo en voyant une famille de haredîm jouer avec l'énorme radio qui est devant la mairie, c'est une œuvre d'art en forme de transistor bleu pétrole, lorsqu'on tourne les boutons les stations passent de l'une à l'autre comme dans les postes de radio de notre enfance. C'était amusant de les voir jouer avec cet objet susceptible de diffuser une musique inconvenante !
Retour au Collège, oraison… Dîner frugal, vous vous en doutez…
À bientôt,
Étienne+

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